Unité 3 Rareté, travail et choix
Thèmes et unités thématiques
Comment les individus font de leur mieux et comment ils arbitrent entre revenus et temps libre.
- La prise de décision sous contrainte de rareté est un problème courant, car nous disposons en général de moyens limités pour remplir nos objectifs.
- Les économistes modélisent ces situations en définissant d’abord toutes les actions possibles et en évaluant ensuite laquelle de ces actions est la meilleure, au regard des objectifs.
- Les coûts d’opportunité décrivent les compromis (ou arbitrages) inévitables en situation de rareté : privilégier un objectif implique qu’il faut renoncer en partie à la satisfaction d’autres objectifs.
- Un modèle de prise de décision sous contrainte de rareté peut être appliqué à la question du temps passé à travailler, en présence d’un arbitrage entre davantage de temps libre et davantage de revenus.
- Ce modèle contribue également à expliquer les différences d’heures travaillées entre pays et les évolutions du temps de travail au cours de l’Histoire.
Supposons que vous travaillez à New York, et que votre emploi vous rapporte 15 $ par heure, pour une semaine de travail de 40 heures : vous gagnez donc 600 $ par semaine. Une semaine compte 168 heures, de sorte qu’après 40 heures de travail, il vous reste 128 heures de temps libre, que vous pouvez répartir entre des activités non professionnelles, comme les loisirs et le sommeil.
Supposons que par chance, on vous propose un emploi bien mieux payé – six fois mieux. Votre nouveau salaire horaire est de 90 $. Supposons également que votre employeur potentiel vous laisse choisir votre nombre d’heures de travail hebdomadaires.
Continueriez-vous à travailler 40 heures par semaine ? Le cas échéant, votre salaire hebdomadaire serait six fois plus élevé qu’avant, et s’élèverait à 3 600 $. Ou jugeriez-vous que vous êtes satisfait(e) avec les biens que vous pouvez acheter avec votre salaire hebdomadaire de 600 $ ? Vous pouvez maintenant gagner cette somme en ne travaillant que 6 heures et 40 minutes par semaine (ce qui vous laisse un week-end de six jours !). Vous profiteriez alors de 26 % de temps libre supplémentaire. Une autre possibilité serait d’utiliser cette hausse de votre salaire horaire pour augmenter à la fois votre salaire hebdomadaire et votre temps libre d’un montant intermédiaire.
L’idée selon laquelle, du jour au lendemain, on verrait son salaire horaire multiplié par 6 et on pourrait choisir son temps de travail ne paraît pas très réaliste. Mais nous avons vu dans l’Unité 2 que le progrès technologique, depuis la Révolution industrielle, s’est accompagné d’une augmentation considérable des salaires. Par exemple, le salaire horaire réel moyen des travailleurs américains a été multiplié par plus de 6 au cours du 20e siècle. Par ailleurs, même si, en général, les employés ne peuvent pas dire à leur employeur le nombre d’heures qu’ils souhaiteraient travailler, à long terme, le nombre d’heures que nous passons à travailler évolue. Cela reflète en partie nos préférences en termes de nombre d’heures de travail. En tant qu’individus, nous pouvons choisir des emplois à temps partiel, même si cela peut restreindre nos options en termes de postes. Les partis politiques répondent également aux préférences des électeurs, de sorte que des changements du temps de travail sont intervenus dans différents pays, à la suite de l’introduction de lois sur le nombre maximum d’heures de travail.
Dès lors, les individus ont-ils profité du progrès économique pour consommer davantage de biens, pour bénéficier de davantage de temps libre, ou pour les deux ? La réponse est : les deux, mais dans des proportions différentes selon les pays. Alors que les salaires horaires des Américains ont été multipliés par plus de 6 au cours du 20e siècle, leur temps de travail annuel moyen a diminué d’un peu plus d’un tiers. Ainsi, à la fin du siècle, le revenu annuel des individus a été multiplié par 4, ce qui leur a permis d’acheter des biens et des services, mais leur temps libre a augmenté de façon bien moins importante, à savoir un peu moins d’un cinquième (l’augmentation du temps libre en pourcentage serait bien plus importante si l’on retirait du temps libre le temps passé à dormir, mais elle serait tout de même faible relativement à l’augmentation des revenus). Comment comparer cela au choix que vous auriez fait si votre employeur hypothétique vous avait proposé un salaire multiplié par 6 ?
La Figure 3.1 représente les évolutions du revenu et des heures travaillées depuis 1870 dans trois pays.
Comme dans l’Unité 1, le revenu est mesuré par le PIB par tête en dollars américains ($). Il ne s’agit pas de la même chose que le salaire moyen, mais cela donne une information utile pour comparer le revenu moyen entre pays et au cours du temps. À la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, le revenu moyen a approximativement triplé, et le nombre d’heures de travail a diminué significativement. Dans la suite du 20e siècle, le revenu par tête a été multiplié par 4.
Le nombre d’heures de travail a continué à diminuer aux Pays-Bas et en France (mais plus lentement), tandis qu’il s’est stabilisé aux États-Unis, où il y a eu peu de changements depuis 1960.

Nombre d’heures travaillées et revenus annuels (1870–2000)
Figure 3.1 Nombre d’heures travaillées et revenus annuels (1870–2000).
Maddison Project. 2013. 2013 edition. Michael Huberman et Chris Minns. 2007. ‘The times they are not changin’: Days and hours of work in Old and New Worlds, 1870–2000’. Explorations in Economic History 44 (4): pp. 538–567. Le PIB est mesuré en PPA en utilisant le dollar international Geary-Khamis.
Bien que de nombreux pays aient connu des tendances similaires, certaines différences persistent. La Figure 3.2 illustre les importantes disparités en termes de temps libre et de revenus entre les pays en 2013. Ici, nous avons calculé le temps libre en soustrayant le nombre moyen d’heures travaillées annuellement au nombre d’heures totales dans une année. Comme vous pouvez le voir, les pays ayant les revenus les plus élevés semblent avoir moins d’heures de travail et plus de temps libre, mais il existe des différences notables entre eux. Par exemple, les Pays-Bas et les États-Unis ont des niveaux de revenus similaires mais les travailleurs néerlandais ont bien plus de temps libre. Les États-Unis et la Turquie ont quant à eux des quantités de temps libre similaires, mais une différence importante de revenus.

Nombre d’heures de temps libre par travailleur et revenus annuels (2013)
Figure 3.2 Nombre d’heures de temps libre par travailleur et revenus annuels (2013).
OECD. Average annual hours actually worked per worker. OECD. Level of GDP per capita and productivity. Consulté en juin 2016. Les données pour la Corée du Sud portent sur l’année 2012.
Dans de nombreux pays, le niveau de vie a considérablement augmenté depuis 1870. Cependant, dans certains pays, les individus ont continué à travailler aussi longtemps mais ont consommé davantage, tandis que dans d’autres, les individus jouissent de davantage de temps libre. Pour quelle raison ? Nous allons fournir des éléments de réponse à cette question en étudiant un problème économique simple – la rareté – et la prise de décision lorsqu’il est impossible d’obtenir tout ce que l’on souhaite, comme les biens et le temps libre.
Étudiez attentivement le modèle de prise de décision que nous utilisons ! Il sera réutilisé régulièrement tout au long du cours, car il facilite la compréhension d’un grand nombre de problèmes économiques.
Question 3.1 Choisissez la ou les bonnes réponses
Vous travaillez actuellement 40 heures par semaine à un taux horaire de 20 £. Vos heures de temps libre sont définies comme le nombre d’heures par semaine qui ne sont pas passées au travail. Dans le cas présent, cela revient à 24 heures × 7 jours – 40 heures = 128 heures par semaine. Supposez maintenant que le taux horaire de votre salaire ait augmenté de 25 %. Si vous êtes satisfait(e) en gardant votre revenu total hebdomadaire constant, alors :
- Le nouveau taux de salaire est 20 £ × 1,25 = 25 £ par heure. Votre revenu hebdomadaire initial est 20 £ × 40 heures = 800 £. Aussi, votre nouveau nombre total d’heures de travail est 800 £ / 25 £ par = 32 heures. Cela représente un changement de (32 – 40) / 40 = - 20 %.
- Le nouveau taux de salaire est 20 £ × 1,25 = 25 £ par heure. Votre revenu hebdomadaire initial est 20 £ × 40 heures = 800 £. Aussi, votre nouveau nombre total d’heures de travail est 800 £ / 25 £ par heure = 32 heures.
- Le nouveau taux de salaire est 20 £ × 1,25 = 25 £ par heure. Votre revenu hebdomadaire initial est 20 £ × 40 heures = 800 £. Aussi, votre nouveau nombre total d’heures de travail est 800 £ / 25 £ par heure = 32 heures. Votre temps libre est donc maintenant de 24 heures par jour × 7 jours par semaine – 32 = 136 heures par semaine, soit une augmentation de (136 – 128) / 128 = 6,25 %.
- Le nouveau taux horaire de salaire est 20 £ × 1,25 = 25 £ par heure. Votre revenu hebdomadaire initial est 20 £ × 40 heures = 800 £. Aussi, votre nouveau nombre total d’heures de travail est 800 £ / 25 £ par heure = 32 heures. Votre temps libre est donc maintenant de 24 heures par jour × 7 jours par semaine – 32 = 136 heures par semaine, soit une augmentation de (136 – 128) / 128 = 6,25 %.
Question 3.2 Choisissez la ou les bonnes réponses
Regardez de nouveau la Figure 3.1, qui représente le nombre annuel d’heures travaillées en fonction du PIB par tête aux États-Unis, en France et aux Pays-Bas, entre 1870 et 2000.
Laquelle de ces affirmations est correcte ?
- La relation négative entre le nombre d’heures travaillées et le PIB par tête n’implique pas nécessairement que l’un cause l’autre.
- Le PIB par tête plus faible aux Pays-Bas pourrait être dû à de nombreux facteurs, dont la possibilité que les Néerlandais préfèrent un revenu inférieur mais plus de temps libre pour des raisons culturelles ou autres.
- Le PIB par tête de la France a augmenté d’environ 2 000 $ à 20 000 $ (soit 10 fois plus), tandis que les heures travaillées annuelles ont chuté de plus de 3 000 à moins de 1 500.
- Cela serait bien. Néanmoins la performance passée n’implique pas nécessairement que la tendance se poursuivra à l’avenir.
3.1 Travail et production
Dans l’Unité 2, nous avons vu que la main-d’œuvre peut être considérée comme un facteur de production permettant la production de biens et de services. La main-d’œuvre fournit du travail, comme les activités consistant à souder, à assembler et à tester quand on fabrique une voiture. Le travail est souvent difficile à mesurer : ce point prendra toute son importance dans les unités suivantes, car il est difficile pour les employeurs de déterminer la quantité de travail exacte fournie par leurs employés. Par ailleurs, nous ne pouvons pas mesurer de manière comparable l’effort requis par différentes activités (comme la préparation d’un gâteau versus la fabrication d’une voiture), de sorte que les économistes mesurent souvent le travail simplement à l’aide du nombre d’heures travaillées par les individus engagés dans le processus de production. Ils supposent que lorsque le nombre d’heures de travail augmente, la quantité de biens produits augmente également.
En tant qu’étudiant(e), vous devez choisir tous les jours le nombre d’heures que vous passez à étudier. De nombreux facteurs peuvent influencer votre choix : votre goût pour le travail, la difficulté de celui-ci, le nombre d’heures que vos amis passent à travailler, et ainsi de suite. Une partie de votre motivation pour les études vient peut-être de la croyance selon laquelle plus vous passerez de temps à étudier, plus vous obtiendrez des notes élevées. Dans cette unité, nous construisons un modèle simple de choix de nombre d’heures travaillées par un(e) étudiant(e), fondé sur l’hypothèse que la note finale sera d’autant plus élevée que le temps consacré à étudier sera élevé.
Nous supposons une relation positive entre le nombre d’heures travaillées et la note finale, mais est-elle vérifiée dans les faits ? Un groupe de psychologues de l’éducation a étudié le comportement de 84 étudiants de l’université d’État de Floride afin d’identifier les facteurs ayant affecté leurs performances.1
Au premier abord, la relation entre le nombre moyen d’heures consacrées à étudier chaque semaine et la moyenne générale (GPA) en fin de semestre semble faible, comme l’indique la Figure 3.3.
Les 84 étudiants ont été divisés en deux groupes selon le temps qu’ils passaient à travailler. La moyenne générale des étudiants travaillant beaucoup était de 3,43 – c’est-à-dire juste au-dessus de la moyenne générale de ceux qui étudiaient peu.
Temps passé à étudier, élevé (42 étudiants) | Temps passé à étudier, faible (42 étudiants) | |
---|---|---|
Moyenne générale (GPA) | 3,43 | 3,36 |
Temps passé à étudier et notes
Figure 3.3 Temps passé à étudier et notes.
Elizabeth Ashby Plant, Karl Anders Ericsson, Len Hill et Kia Asberg. 2005. ‘Why study time does not predict grade point average across college students: Implications of deliberate practice for academic performance’. Contemporary Educational Psychology 30 (1): pp. 96–116. Des calculs supplémentaires ont été menés par Ashby Plant, à l’Université de l’État de Floride, en juin 2015.
En y regardant de plus près, cette étude fournit en fait une illustration intéressante des précautions nécessaires lorsque nous faisons des hypothèses de type ceteris paribus (souvenez-vous que cela signifie « toutes choses égales par ailleurs », comme nous l’avons vu dans l’Unité 2). Au sein de chaque groupe de 42 étudiants, de nombreuses différences de taille peuvent potentiellement exister. Par exemple, les conditions dans lesquelles ils étudient devraient être examinées : étudier pendant une heure dans une pièce remplie de personnes et bruyante n’est probablement pas aussi efficace qu’étudier pendant une heure à la bibliothèque.
La Figure 3.4 indique que les étudiants ayant un mauvais environnement de travail ont plus de chances d’étudier plus longtemps. Parmi ces 42 étudiants, 31 présentent un temps passé à étudier élevé, contre 11 seulement parmi les étudiants étudiant dans un environnement plus calme. Cela vient peut-être du fait qu’ils sont distraits par ce qui les entoure, et qu’il leur faut donc plus de temps pour étudier que les étudiants qui étudient à la bibliothèque.
Temps passé à étudier, élevé | Temps passé à étudier, faible | |
---|---|---|
Bon environnement | 3,63 (11 étudiants) | 3,43 (31 étudiants) |
Mauvais environnement | 3,36 (31 étudiants) | 3,17 (11 étudiants) |
Figure 3.4 Moyenne générale (GPA) et environnements de travail, bon et mauvais.
Plant et al. ‘Why study time does not predict grade point average across college students’., ibid.
Regardez maintenant les moyennes générales sur la première ligne : si l’environnement est bon, les étudiants qui étudient plus longtemps ont de meilleures notes – et vous pouvez constater sur la ligne du bas qu’un temps de travail élevé assure également de meilleures notes à ceux qui étudient dans un mauvais environnement. Cette relation n’était pas aussi évidente quand nous ne tenions pas compte de l’environnement.
Ainsi, après avoir pris en compte l’environnement et d’autres facteurs pertinents (y compris la moyenne générale au semestre précédent et le nombre d’heures consacrées au travail salarié, ou à faire la fête), les psychologues ont estimé qu’une heure additionnelle passée à étudier chaque semaine augmentait la moyenne générale à la fin du semestre de 0,24 point en moyenne. Ainsi, si l’on considère deux étudiants similaires en tout point sauf en ce qui concerne le temps passé à étudier, nous pouvons prédire que celui qui étudiera le plus longtemps aura une moyenne générale de 0,24 point plus élevée par heure supplémentaire : le temps passé à étudier augmente le GPA de 0,24 par heure, ceteris paribus.
Exercice 3.1 Hypothèses ceteris paribus
On vous a demandé de conduire dans votre université une étude similaire à celle menée à l’université d’État de Floride.
- Hormis l’environnement de travail, quels facteurs selon vous devraient être maintenus constants dans un modèle portant sur la relation entre les heures passées à étudier et la note finale ?
- Outre les conditions pour étudier (environnement de travail), quelles autres informations voudriez-vous collecter sur les étudiants ?
Imaginons maintenant un étudiant, que nous appellerons Alexei. Il peut faire varier le nombre d’heures qu’il passe à étudier. Nous allons supposer que, comme dans l’étude menée en Floride, les heures qu’il passe à étudier au cours du semestre vont augmenter sa note finale, ceteris paribus. Cette relation entre le nombre d’heures passées à étudier et la note finale est représentée dans le tableau de la Figure 3.5. Dans ce modèle, le temps passé à étudier fait référence à la totalité du temps qu’Alexei consacre à son apprentissage, que ce soit en classe ou individuellement, quotidiennement (et non par semaine, comme c’était le cas pour les étudiants en Floride). Le tableau montre comment sa note variera avec le nombre d’heures passées à étudier, si tous les autres facteurs – comme sa vie sociale – sont maintenus constants.
- fonction de production
- Une expression graphique ou mathématique décrivant la quantité qui peut être produite pour tout montant donné ou toute combinaison donnée de facteurs de production. La fonction décrit les différentes technologies capables de produire la même chose.
Il s’agit de la fonction de production d’Alexei : cela traduit le nombre d’heures passées chaque jour à étudier (son facteur travail) en une note sur 100 (sa production). En réalité, la note finale peut aussi être affectée par des éléments imprévisibles (dans la vie de tous les jours, nous rassemblons ces événements sous le terme de « chance »). Vous pouvez considérer que la fonction de production indique le résultat qu’obtiendrait Alexei sous des conditions normales (s’il n’est ni chanceux ni malchanceux).
Si nous représentons cette relation sur un graphique, nous obtenons la courbe de la Figure 3.5. Alexei peut obtenir une note plus élevée en étudiant davantage, c’est pourquoi la courbe est croissante. Avec 15 heures de travail par jour, il obtient la note la plus élevée dont il est capable, soit 90 %. Au-delà de 15 heures de travail quotidiennes, si l’étudiant étudie davantage, cela n’a pas d’effet sur son résultat à l’examen (il serait si fatigué qu’étudier davantage ne lui serait pas bénéfique), et la courbe devient plate.
- productivité moyenne
- Quantité totale produite divisée par un facteur de production particulier, par exemple par travailleur (divisée par le nombre de travailleurs) ou par travailleur et par heure (production totale divisée par le nombre total d’heures de travail).
Nous pouvons calculer la productivité moyenne du travail d’Alexei, comme nous l’avons fait pour les fermiers à l’Unité 2. S’il travaille 4 heures par jour, il obtient la note de 50 %. La productivité moyenne — le nombre moyen de points par heure passée à étudier — est 50/4 = 12,5. Sur la Figure 3.5, il s’agit de la pente d’une corde partant de l’origine vers la courbe pour 4 heures par jour :
- productivité marginale
- La quantité additionnelle produite en utilisant une unité additionnelle d’un facteur en particulier, en gardant les autres facteurs constants.
La productivité marginale d’Alexei est l’augmentation de sa note résultant d’une heure supplémentaire consacrée à étudier. Suivez les étapes de la Figure 3.5 pour voir comment calculer la productivité marginale, et comparez-la avec la productivité moyenne.
Leibniz : Productivité moyenne et productivité marginale
À chaque point sur la fonction de production, la productivité marginale est l’augmentation de la note résultant d’une heure supplémentaire passée à étudier. La productivité marginale correspond à la pente de la fonction de production.
- rendements décroissants
- Une situation dans laquelle l’utilisation d’une unité supplémentaire d’un facteur de production résulte en une hausse de la production inférieure à celle générée par la hausse de l’unité précédente. Connu également sous le terme : rendements marginaux décroissants de la production
La fonction de production d’Alexei de la Figure 3.5 s’aplatit à mesure qu’il passe de plus en plus d’heures à étudier, de sorte que la productivité marginale d’une heure supplémentaire diminue à mesure que nous nous déplaçons le long de la courbe. La productivité marginale est décroissante. Le modèle rend compte de l’idée selon laquelle une heure supplémentaire passée à étudier compte beaucoup quand vous étudiez peu, tandis que si vous passez déjà un nombre important d’heures à étudier, travailler davantage sera moins efficace.
Leibniz : Productivité marginale décroissante
- fonction concave
- Une fonction de deux variables pour laquelle le segment joignant deux points sur la fonction (peu importe lesquels) se situe entièrement sous la courbe représentant la fonction (la fonction est convexe quand le segment se situe au-dessus de la fonction).
Sur la Figure 3.5, la production augmente avec l’augmentation du facteur travail, mais la productivité marginale baisse — la fonction devenant progressivement plus plate. Une fonction de production avec cette forme est dite concave.
Leibniz : Fonctions concaves et convexes
Si nous comparons les productivités marginales et moyennes pour n’importe quel point sur la fonction de production d’Alexei, nous trouvons que la productivité marginale est en dessous de la productivité moyenne. Par exemple, quand il travaille 4 heures, sa productivité moyenne est 50/4 = 12,5 points par heure, mais une heure additionnelle de travail augmente sa note de 50 à 57, de sorte que la productivité moyenne est de 7 points. Cela vient du fait que la productivité marginale est décroissante : chaque heure additionnelle est moins productive que la précédente. Cela implique par ailleurs que la productivité moyenne est également décroissante : chaque heure additionnelle de travail par jour diminue la productivité moyenne de l’ensemble de son temps passé à étudier.
C’est un autre exemple de la productivité moyenne décroissante du travail que nous avons vue dans l’Unité 2. Dans ce cas, la productivité moyenne du travail pour la production de nourriture (la nourriture produite par travailleur) diminue à mesure que le nombre de travailleurs cultivant une quantité fixe de terres augmente.
Enfin, notez que si Alexei étudie déjà 15 heures par jour, la productivité marginale d’une heure de travail supplémentaire serait nulle ; étudier davantage n’améliorerait pas la note. Comme vous le savez peut-être par expérience, le manque de sommeil ou de temps de détente pourrait même faire diminuer la note de l’étudiant si celui-ci travaillait plus de 15 heures par jour. Si cela était le cas, la fonction de production commencerait à devenir décroissante en s’approchant du maximum de 24 heures, et la productivité marginale d’Alexei deviendrait négative.
- tangence
- Quand deux courbes ont un point en commun mais ne croisent pas. La tangente à une courbe en un point donné est une droite qui touche la courbe à ce point mais ne la croise pas.
La variation à la marge est un concept important et courant en économie. Vous le verrez souvent représenté sous la forme d’une pente sur un diagramme. Avec une fonction de production comme celle de la Figure 3.5, la pente varie de façon continue le long de la courbe. Nous avons dit qu’en étudiant 4 heures par jour, la productivité marginale d’Alexei est de 7 points, ce qui correspond à l’augmentation de la note associée à une heure de travail supplémentaire. Puisque la pente de la courbe évolue entre 4 et 5 heures sur l’axe des abscisses, il s’agit seulement d’une approximation de la vraie productivité marginale. Plus précisément, la productivité marginale est le taux auquel la note augmente pour une heure supplémentaire consacrée à étudier. Sur la Figure 3.5, la véritable productivité marginale est la pente de la tangente à la courbe lorsque l’étudiant étudie 4 heures. Dans cette unité, nous utilisons des approximations, afin de s’assurer de travailler avec des nombres entiers, mais vous remarquerez que parfois, ces nombres ne sont pas exactement égaux aux pentes.
Exercice 3.2 Fonctions de production
- Tracer un graphique représentant une fonction de production qui, à la différence de celle d’Alexei, devient plus pentue quand le facteur de production augmente.
- Avez-vous un exemple de procédé de production qui pourrait avoir cette forme ? Pourquoi est-ce que la pente deviendrait plus forte ?
- Dans ce cas, que pouvez-vous dire des productivités marginale et moyenne ?
Productivité marginale
La productivité marginale est le taux de variation de la note pour 4 heures passées à étudier. Supposez qu’Alexei étudie déjà 4 heures par jour et décide d’étudier une minute de plus chaque jour (soit un total de 4,016667 heures). Alors, selon le graphique, sa note va augmenter très légèrement — d’environ 0,124 point. Une estimation plus précise de la productivité marginale (le taux de variation) serait :
Si nous regardions de plus petites variations de temps supplémentaire consacré à étudier (une seconde additionnelle par jour, par exemple), nous obtiendrions un nombre encore plus proche de la vraie productivité, qui correspond à la pente de la tangente à la courbe pour 4 heures passées à étudier.
Question 3.3 Choisissez la ou les bonnes réponses
La Figure 3.5 montre la fonction de production d’Alexei, dont la note finale (la production) dépend du nombre d’heures passées à étudier (le facteur de production).
Laquelle de ces affirmations est correcte ?
- Comme il n’y a pas d’heure précédente à considérer, la productivité moyenne pour la première heure est simplement l’amélioration due à une seule heure, ce qui est une approximation de la productivité marginale de passer de 0 à 1 heure (la productivité marginale précise change sur cet intervalle, ce qui est reflété par la pente décroissante de la fonction de production).
- La productivité marginale est constante au-delà de 15 heures, mais la productivité moyenne continue à diminuer. Cela tient au fait que la productivité marginale (zéro) est inférieure à la productivité moyenne, qui reste positive mais est décroissante (plus d’heures sans améliorations supplémentaires réduit la moyenne).
- Si étudier plus de 15 heures avait un effet négatif sur la note d’Alexei, alors la productivité marginale serait négative, ce qui impliquerait une courbe décroissante au-delà de 15 heures.
- La productivité moyenne pour 20 heures est 90 points / 20 heures = 4,5 points par heure. La productivité marginale, par contre, est nulle – comme indiqué par la fonction de production qui devient plate au-delà de 15 heures.
3.2 Préférences
- préférences
- Une description du bénéfice ou du coût que nous associons à chaque résultat possible.
Si la fonction de production d’Alexei est celle représentée dans la Figure 3.5, combien d’heures par jour décidera-t-il de consacrer aux études ? La décision dépend de ses préférences – c’est-à-dire de ce qui lui importe. Si Alexei ne se préoccupait que de ses notes, il étudierait 15 heures par jour. Mais, comme d’autres personnes, Alexei souhaite aussi avoir du temps libre – il aime dormir, sortir et aussi regarder la télévision. Alexei fait donc face à un arbitrage : à combien de points est-il prêt à renoncer, afin de pouvoir consacrer du temps à autre chose qu’aux études ?
Nous illustrons ses préférences dans la Figure 3.6, représentant le temps libre en abscisse et la note finale en ordonnée. Le temps libre fait référence au temps qui n’est pas passé à étudier. Chaque point du graphique représente une combinaison différente de temps libre et d’une note finale. Étant donné la fonction de production, certaines combinaisons ne sont pas réalisables, mais pour le moment, nous considérons seulement les combinaisons qu’il préférerait.
Nous pouvons supposer :
- Que pour une note donnée, il préfère une combinaison avec davantage de temps libre à une autre lui en donnant moins. Ainsi, bien que A et B dans la Figure 3.6 correspondent toutes deux à une note de 84, Alexei préfère A, car elle lui donne plus de temps libre.
- De façon similaire, si deux combinaisons lui donnent 20 heures de temps libre chacune, il préfère celle qui lui assure la meilleure note.
- Comparons toutefois les points A et D dans le tableau. Alexei préférerait-il D (note faible et beaucoup de temps libre) ou A (note élevée et moins de temps libre) ? Une manière de le découvrir serait de lui demander.
- utilité
- Un indicateur numérique de la valeur qu’un individu confère à un résultat possible, de sorte qu’un résultat avec une valeur supérieure sera toujours choisi par rapport à un résultat présentant une valorisation inférieure, lorsque les deux sont disponibles.
Supposons qu’il se déclare indifférent entre A et D, ce qui implique qu’il tirerait la même satisfaction des deux résultats. Nous disons alors que ces deux résultats lui procurent la même utilité. Et nous savons qu’il préfère A à B, donc que B lui procure une utilité moindre que A ou D.
Une manière systématique de représenter les préférences d’Alexei serait de commencer par déterminer l’ensemble des combinaisons qui lui procurent la même utilité que A et D. Nous pourrions poser une autre question à Alexei : « Imagine que tu puisses avoir la combinaison A (15 heures de temps libre, 84 points). Combien de points serais-tu prêt à sacrifier pour obtenir une heure supplémentaire de temps libre ? » Supposons qu’après mûre réflexion, sa réponse soit « 9 ». Nous saurions alors qu’il serait indifférent entre A et E (16 heures de temps libre, 75 points). Nous pourrions poser la même question pour la combinaison E, et ainsi de suite jusqu’au point D. En continuant ainsi, nous pourrions établir un tableau comme celui de la Figure 3.6. Alexei est indifférent entre A et E, entre E et F, et ainsi de suite – ce qui signifie qu’il est indifférent entre l’ensemble des combinaisons situées entre A et D.
- courbe d’indifférence
- Une courbe dont les points indiquent toutes les combinaisons de biens qui donnent un niveau d’utilité donné à l’individu.
Les combinaisons du tableau sont représentées dans la Figure 3.6, et reliées pour former une courbe décroissante, appelée courbe d’indifférence, qui relie toutes les combinaisons qui procurent la même utilité ou « satisfaction ».
En regardant les trois courbes dessinées sur la Figure 3.6, vous pouvez voir que celle passant par A donne une utilité plus élevée que celle passant par B. La courbe passant par C donne la plus faible utilité parmi les trois courbes. Pour décrire les préférences, il n’y a pas besoin de connaître l’utilité exacte de chaque option ; nous avons seulement besoin de connaître quelles combinaisons procurent une utilité supérieure ou inférieure à celle apportée par les autres.
- bien de consommation
- Un bien ou un service qui satisfait les besoins des consommateurs sur une courte période.
Les courbes que nous avons tracées reflètent nos hypothèses habituelles sur les préférences des gens entre deux biens. Dans d’autres modèles, il s’agira souvent de biens de consommation, comme la nourriture ou les vêtements, et nous appelons l’individu un consommateur. Dans notre modèle des préférences d’un étudiant, les biens sont « la note finale » et « le temps libre ». Remarquez que :
- les courbes d’indifférence sont décroissantes en raison des arbitrages : si vous êtes indifférent(e) entre deux combinaisons, celle qui comporte plus d’un certain bien comporte nécessairement moins de l’autre bien ;
- des courbes d’indifférence plus élevées correspondent à des niveaux d’utilité plus élevés : un déplacement vers le haut et la droite du graphique (par rapport à l’origine) correspond à un déplacement vers des combinaisons comportant davantage des deux biens ;
- les courbes d’indifférence sont généralement lisses : des petites variations des quantités de biens ne causent pas de grands sauts en termes d’utilité ;
- les courbes d’indifférence ne se croisent pas : pourquoi ? Voir l’Exercice 3.3 ;
- à mesure que l’on se déplace vers la droite sur une courbe d’indifférence, celle-ci devient plus plate.
- taux marginal de substitution (TMS)
- Le compromis qu’une personne est prête à faire entre deux biens. En tout point, c’est la pente de la courbe d’indifférence. Voir également : taux marginal de transformation.
Pour comprendre la dernière propriété de la liste, considérez les courbes d’indifférence d’Alexei, qui sont représentées à nouveau sur la Figure 3.7. Si le choix d’Alexei est le point A, avec 15 heures de temps libre quotidien et une note de 84, il est prêt à sacrifier 9 points pour une heure supplémentaire de temps libre, ce qui le conduit au point E (rappelez-vous qu’il est indifférent entre A et E). Nous disons alors qu’au point A, le taux marginal de substitution (TMS) entre les points et le temps libre est de 9 points ; cela correspond à la baisse de la note qui maintiendrait son niveau d’utilité constant à la suite d’une augmentation de son temps libre d’une heure.
Nous avons tracé les courbes d’indifférence de telle façon qu’elles deviennent de plus en plus plates, car il semble raisonnable de supposer que plus Alexei aura de temps libre, plus sa note sera faible, et moins il sera désireux de sacrifier d’autres points pour obtenir davantage de temps libre. Son TMS sera donc plus faible. Dans la Figure 3.7, nous avons calculé le TMS pour chaque combinaison située le long de la courbe d’indifférence. Comme vous pouvez le remarquer, à mesure que sa quantité de temps libre augmente et que sa note baisse, le TMS – le nombre de points qu’Alexei est prêt à sacrifier pour une heure de temps libre supplémentaire – diminue progressivement.
Le TMS est simplement la pente de la courbe d’indifférence, et il diminue à mesure que l’on progresse vers la droite le long de la courbe. Si vous pensez à vous déplacer d’un point vers un autre sur la Figure 3.7, vous pouvez voir que les courbes d’indifférence s’aplatissent si vous augmentez la quantité de temps libre et deviennent plus pentues si vous augmentez la note. Quand le temps libre est rare par rapport aux points, Alexei est moins enclin à sacrifier une heure pour une note plus élevée : son TMS est élevé et sa courbe d’indifférence est pentue.
Comme le montre l’analyse de la Figure 3.7, si vous déplacez vers le haut la droite verticale passant par 15 heures, les courbes d’indifférence deviennent plus pentues : le TMS augmente. Pour une quantité donnée de temps libre, Alexei est désireux de renoncer à plus de points pour une heure supplémentaire quand il a beaucoup de points par rapport à la situation où il en a peu (par exemple, s’il risquait de ne pas valider son cours). Quand vous atteignez A, où sa note est de 84, le TMS est élevé. Il a tellement de points qu’il est prêt à renoncer à 9 points pour une heure supplémentaire de temps libre.
Leibniz : Courbe d’indifférence et taux marginal de substitution
L’effet est le même quand on fixe la note et qu’on fait varier la quantité de temps libre. Si vous vous déplacez vers la droite le long de la droite horizontale pour une note de 54, le TMS devient de plus en plus faible à chaque courbe d’indifférence. Plus le temps libre devient abondant, moins Alexei sera désireux de renoncer à des points pour plus de temps.
Exercice 3.3 Pourquoi les courbes d’indifférence ne se croisent jamais ?
Dans le graphique ci-dessous, CI1 est une courbe d’indifférence qui joint toutes les combinaisons procurant le même niveau d’utilité que A. La combinaison B n’est pas sur CI1.
![]()
- La combinaison B procure-t-elle un niveau d’utilité plus élevé ou plus faible que la combinaison A ? Comment le savez-vous ?
- Faites-en une représentation graphique, et ajoutez une autre courbe d’indifférence, CI2, qui passe par B et croise CI1. Nommez C le point où ces deux courbes se croisent.
- Les combinaisons B et C sont toutes les deux sur CI2. Qu’est-ce que cela implique sur leurs niveaux d’utilité respectifs ?
- Les combinaisons C et A sont toutes les deux sur CI1. Qu’est-ce que cela implique sur leurs niveaux d’utilité respectifs ?
- D’après vos réponses aux questions (3) et (4), comparez les niveaux d’utilité des combinaisons A et B.
- Comparez maintenant vos réponses aux questions (1) et (5), et expliquez pourquoi il est impossible que les courbes d’indifférence se croisent.
Exercice 3.4 Votre taux marginal de substitution
Imaginons que l’on vous propose un emploi à la fin de vos études, avec un salaire horaire (après impôts) de 12,50 £. Votre futur employeur vous annonce également que vous travaillerez 40 heures par semaine, vous laissant 128 heures de temps libre par semaine. Vous dites à un ami : « Pour ce salaire, la durée de travail de 40 heures me convient parfaitement ! »
- Tracez un graphique représentant le temps libre en abscisse et la rémunération hebdomadaire en ordonnée, et identifiez la combinaison correspondant à l’offre que vous avez reçue (appelez-la A). Supposez que vous avez besoin d’environ 10 heures par jour pour dormir et manger, donc vous aurez peut-être besoin que l’origine de l’axe des abscisses soit à 70 heures.
- Maintenant tracez une courbe d’indifférence de telle sorte que A représente les heures que vous auriez vous-même choisies.
- Imaginez maintenant qu’on vous offre un autre poste nécessitant 45 heures de travail par semaine. Utilisez la courbe d’indifférence que vous avez tracée pour estimer le niveau de rémunération hebdomadaire qui vous laisserait indifférent(e) entre cette offre et l’offre initiale.
- Faites la même chose pour une autre offre d’emploi nécessitant une durée de travail hebdomadaire de 35 heures. Quel niveau de rémunération hebdomadaire vous laisserait indifférent(e) entre cette nouvelle offre et l’offre initiale.
- Utilisez votre graphique pour estimer votre taux marginal de substitution entre votre rémunération et votre temps libre au point A.
Question 3.4 Choisissez la ou les bonnes réponses
La Figure 3.6 montre les courbes d’indifférence d’Alexei pour son temps libre et sa note. Laquelle des propositions suivantes est correcte ?
- La courbe d’indifférence passant par C est plus basse que celle passant par B. Ainsi, Alexei préfère B à C.
- Les points A, où Alexei a la note de 84 et 15 heures de temps libre, et D, où Alexei a la note de 50 et 20 heures de temps libre, sont sur la même courbe d’indifférence.
- Au point D, Alexei a la même quantité de temps libre mais une note plus élevée.
- L’arbitrage opposé est vrai : en se déplaçant de G à D, Alexei est désireux de renoncer à 10 points pour deux heures de temps libre additionnelles. En se déplaçant de G à E, il est désireux de renoncer à 2 heures de temps libre pour 15 points supplémentaires.
Question 3.5 Choisissez la ou les bonnes réponses
Qu’est-ce que le taux marginal de substitution (TMS) ?
- Le taux marginal de substitution représente le ratio de l’arbitrage à la marge, i.e. la quantité d’un bien à laquelle le consommateur est prêt à renoncer pour une unité supplémentaire de l’autre.
- C’est la définition du taux marginal de substitution.
- Le TMS est la quantité d’un bien qui peut être substituée pour une unité de l’autre en maintenant l’utilité constante.
- La pente de la courbe d’indifférence représente le taux marginal de substitution : l’arbitrage entre deux biens qui garde l’utilité constante.
3.3 Coûts d’opportunité
- coût d’opportunité
- Lorsque le choix d’une action requiert de renoncer à l’action de second rang, il s’agit du bénéfice net de l’alternative à laquelle on renonce.
Alexei fait face à un dilemme : ses préférences indiquent qu’il souhaite que sa note et son temps libre soient aussi élevés que possible, mais étant donné sa fonction de production, il ne peut pas augmenter son temps libre sans obtenir une note plus faible à l’examen. Une autre façon d’exprimer cela est de dire que le temps libre a un coût d’opportunité : pour avoir plus de temps libre, Alexei doit renoncer à l’opportunité d’avoir une note plus élevée.
En économie, les coûts d’opportunité sont pertinents dès lors que nous étudions les choix réalisés par les individus face à différentes opportunités mutuellement exclusives. Quand nous considérons le coût de l’action A, nous incluons le fait qu’en choisissant A, il est impossible de réaliser B. Ainsi, le fait de « ne pas réaliser B » devient une partie du coût associé au choix A. On parle de coût d’opportunité car choisir A revient à renoncer à l’opportunité de réaliser B.
Imaginez que l’on demande à un comptable et à un économiste d’évaluer le coût d’aller à un concert A, donné dans une salle de spectacle et dont le billet d’entrée est à 25 $. Dans un parc voisin, un concert B est donné, qui est gratuit, mais qui a lieu en même temps.
Comptable : « Le coût du concert A correspond à ce que l’individu doit « payer de sa poche » : si vous avez payé 25 $ pour un ticket, le coût est de 25 $. »
Économiste : « Mais à quoi avez-vous dû renoncer pour aller au concert A ? Vous renoncez à 25 $, mais également au plaisir apporté par le concert gratuit dans le parc. Ainsi, le coût du concert A est le prix du ticket plus le coût d’opportunité. »
Supposez que le prix maximum que vous auriez été disposé(e) à payer pour assister au concert gratuit dans le parc (s’il n’avait pas été gratuit) aurait été 15 $. Alors votre bénéfice, si vous choisissiez la solution de second rang, serait de 15 $ d’amusement dans le parc. Cela est le coût d’opportunité lié au fait d’assister au concert A.
- coût économique
- Coût direct d’une action auquel on ajoute le coût d’opportunité.
Ainsi, le coût économique total du concert A est de 25 $ + 15 $ = 40 $. Si le plaisir que vous espérez tirer en assistant au concert A est plus grand que le coût économique, disons 50 $, alors vous renoncerez au concert B donné dans le parc et achèterez un billet pour la salle de spectacle. Au contraire, si le plaisir que vous espérez retirer du concert A est seulement de 35 $, alors le coût économique de 40 $ signifie que vous choisirez de ne pas y aller. Plus simplement, sachant que vous devez payer votre billet 25 $, vous choisirez à la place le concert B, gardant ainsi pour vous vos 25 $, que vous pourrez dépenser autrement, et profiterez d’un bénéfice équivalent à 15 $ en allant au concert gratuit dans le parc.
Pourquoi les comptables ne pensent-ils pas de cette façon ? Car cela n’est pas leur métier. Les comptables sont payés pour retracer les mouvements monétaires, pas pour fournir des règles de décision face à des alternatives, dont certaines n’ont pas de prix établis. Pour prendre des décisions raisonnables et pour prédire comment des individus raisonnables prennent leurs décisions, il faut faire plus que retracer les mouvements monétaires. Un comptable pourrait soutenir que le concert au parc n’est pas pertinent.
Comptable : « Qu’il y ait ou non un concert gratuit dans un parc n’affecte pas le coût d’aller au concert A, qui est toujours de 25 $. »
Économiste : « Mais savoir s’il y a ou pas un concert gratuit dans un parc peut affecter votre choix d’aller ou pas au concert A, car cela change les options disponibles. Si le plaisir que vous tirez de A est de 35 $ et que votre alternative de second rang est de rester à la maison avec un plaisir de 0 $, vous choisirez d’aller au concert A. Cependant, s’il y a un concert B disponible, vous préférerez aller à ce dernier plutôt qu’à A. »
- rente économique
- Le surcroît de paiement ou d’un autre bénéfice reçu par l’individu par rapport à ce qu’il aurait reçu avec son alternative de second rang (ou option de réserve). Voir également : option de réserve.
Dans l’Unité 2, nous avons vu que si une action apporte un bénéfice net supérieur à l’alternative de second rang, elle génère une rente économique, et vous choisirez de l’effectuer. En d’autres termes, vous recevez une rente économique pour une certaine action si les bénéfices qu’elle vous apporte sont plus importants que son coût économique (c’est-à-dire ce que vous devez payer de votre poche et les coûts d’opportunité).
Le tableau de la Figure 3.8 résume l’exemple du choix de concert auquel vous allez assister.
Une valeur élevée pour le choix du concert A | Une valeur faible pour le choix du concert A | |
---|---|---|
Dépense (prix du billet pour A) | 25 $ | 25 $ |
Coût d’opportunité (renoncement au plaisir de B) | 15 $ | 15 $ |
Coût économique (somme de la dépense et du coût d’opportunité) | 40 $ | 40 $ |
Plaisir tiré du concert A | 50 $ | 35 $ |
Rente économique (plaisir moins coût économique) | 10 $ | −5 $ |
Décision | A : Va au concert dans la salle. | B : Va au concert dans le parc. |
Coûts d’opportunité et rente économique : quel concert choisirez-vous ?
Figure 3.8 Coûts d’opportunité et rente économique : quel concert choisirez-vous ?
Question 3.6 Choisissez la ou les bonnes réponses
Vous êtes un chauffeur de taxi à Melbourne qui gagne 50 $ australiens pour chaque journée de travail. On vous propose un billet d’une journée pour assister à l’Open d’Australie pour un coût de 40 $ australiens. Sachant que vous êtes un(e) grand(e) fan de tennis, vous valorisez l’expérience à hauteur de 100 $ australiens. Que pouvez-vous dire avec cette information ?
- En allant à l’Open, vous renoncez à l’opportunité de gagner 50 $ australiens en conduisant votre taxi. C’est votre coût d’opportunité.
- Le coût économique est la somme du prix que vous payez plus le coût d’opportunité, ce qui revient ici à 40 + 50 = 90 $ australiens.
- La rente économique d’une action correspond à son bénéfice moins son coût économique (dépense augmentée des coûts d’opportunité). Ainsi la rente économique est 100 - 40 - 50 = 10 $ australiens.
- Le prix maximum que vous auriez payé pour le billet correspond au prix pour lequel votre rente économique est nulle, qui est ici 50 $ australiens.
Exercice 3.5 Coûts d’opportunité
Le Parlement britannique a voté une loi en 2012 donnant aux universités la possibilité d’augmenter leurs frais d’inscription. La plupart ont choisi d’augmenter les frais d’inscription annuels des étudiants, les faisant passer de 3 000 £ à 9 000 £.
Cela signifie-t-il que le coût de l’université a triplé ? (Pensez à la façon dont un comptable et un économiste répondraient à cette question.)
3.4 L’ensemble des possibles
Revenons maintenant au problème d’Alexei, qui doit arbitrer entre ses notes et son temps libre. Le temps libre a un coût d’opportunité, sous la forme d’une perte de points de sa note (de façon équivalente, il est possible de dire que les points ont un coût d’opportunité – à savoir le temps libre auquel Alexei doit renoncer pour les obtenir). Avant de décrire comment l’étudiant résout ce dilemme, nous devons définir avec précision l’ensemble de choix alternatifs auxquels il a accès.
Pour répondre à cette question, regardons à nouveau la fonction de production. Cette fois-ci nous montrerons comment la note finale dépend de la quantité de temps libre plutôt que du temps passé à étudier. Une journée compte 24 heures. Alexei doit diviser ce temps entre ses études (le temps qu’il passe à apprendre) et son temps libre (c’est-à-dire le reste de son temps). La Figure 3.9 montre la relation entre sa note finale et le nombre d’heures de temps libre par jour — soit l’image inversée de la Figure 3.5. Si Alexei travaille pendant 24 heures, cela signifie qu’il n’a pas de temps libre et que sa note finale est de 90. S’il choisit d’avoir 24 heures de temps libre par jour, il aura une note de zéro.
- frontière des possibles
- La courbe constituée de points qui indique pour une quantité donnée d’un bien, la quantité maximale possible de l’autre bien. Voir également : ensemble des possibles.
Sur la Figure 3.9, les axes représentent la note finale et le temps libre, les deux biens qui procurent une utilité à Alexei. Si l’on considère qu’il choisit de consommer une combinaison de ces deux biens, la courbe de la Figure 3.9 représente la frontière des possibles, c’est-à-dire la plus haute note atteignable pour une certaine quantité de temps libre choisie par Alexei. Suivez les étapes de la Figure 3.9 pour voir quelles combinaisons de note et de temps libre sont réalisables, et lesquelles ne le sont pas, et comment la pente de la frontière représente le coût d’opportunité du temps libre.
- ensemble des possibles
- Toutes les combinaisons des choses considérées qu’un individu pourrait choisir, étant donné les contraintes économiques, physiques ou autres auxquelles il fait face. Voir également : frontière des possibles.
N’importe quelle combinaison de temps libre et de note finale située sur ou à l’intérieur de la frontière est possible. Les combinaisons situées en dehors de la frontière des possibles sont dites « irréalisables », étant donné les capacités d’Alexei et les conditions dans lesquelles il étudie. Au contraire, même si une combinaison située à l’intérieur de la frontière est réalisable, son choix impliquerait qu’Alexei a effectivement renoncé à quelque chose à laquelle il accorde de la valeur. S’il étudiait 14 heures par jour, alors d’après le modèle, il pourrait s’assurer une note de 89. Il pourrait cependant également obtenir une note plus faible (par exemple, 70) s’il cessait simplement d’écrire avant la fin de l’examen. Il serait déraisonnable de renoncer à des points de cette manière sans raison, mais cela est possible. Une autre façon d’atteindre une combinaison à l’intérieur de la frontière serait de rester assis à ne rien faire à la bibliothèque – Alexei prendrait moins de temps libre qu’il y en a de disponible pour lui, ce qui, là non plus, n’aurait pas de sens.
En choisissant une combinaison située à l’intérieur de la frontière, Alexei renoncerait à quelque chose qui est disponible gratuitement – quelque chose qui n’a pas de coût d’opportunité. Il pourrait obtenir une meilleure note sans avoir à sacrifier de temps libre, ou avoir plus de temps libre sans que sa note finale n’en pâtisse.
La frontière des possibles est une contrainte sur les choix d’Alexei. Cela représente l’arbitrage qu’il doit faire entre la note et le temps libre. Pour n’importe quel point sur la frontière, prendre plus de temps libre a un coût d’opportunité exprimé en termes de points auxquels il renonce, ce qui correspond à la pente de la frontière.
- taux marginal de transformation (TMT)
- La quantité d’un bien qui doit être sacrifiée afin d’obtenir une unité additionnelle d’un autre bien. En tout point, il correspond à la pente de la frontière des possibles. Voir également : taux marginal de substitution.
Une autre manière d’exprimer la même idée est de dire que la frontière des possibles montre le taux marginal de transformation : le taux auquel Alexei peut transformer le temps libre en points. Regardez la pente de la frontière entre les points A et E sur la Figure 3.9.
- La pente de AE (la distance verticale divisée par la distance horizontale) est -3.
- Au point A, Alexei pourrait obtenir une unité supplémentaire de temps libre en renonçant à 3 points. Le coût d’opportunité d’une unité de temps libre est 3.
- Au point E, Alexei pourrait transformer une unité de temps en 3 points. Le taux marginal auquel il peut transformer le temps libre en points est 3.
Notez que la pente de AE est seulement une approximation de la pente de la frontière. Plus précisément, la pente à n’importe quel point est la pente de la tangente, et cela représente à la fois le TMT et le coût d’opportunité à ce point.
Notez que nous avons identifié maintenant deux arbitrages :
Leibniz : Taux marginaux de transformation et de substitution
- le taux marginal de substitution (TMS) : dans la section précédente, nous avons vu qu’il mesure l’arbitrage qu’Alexei est prêt à faire entre sa note finale et son temps libre ;
- le taux marginal de transformation (TMT) : par contraste, cela mesure l’arbitrage qu’Alexei est contraint de faire en raison de la frontière des possibles.
Comme nous allons le voir dans la section suivante, le choix d’Alexei entre sa note et son temps libre représente un équilibre entre ces deux arbitrages.
Question 3.7 Choisissez la ou les bonnes réponses
Regardez la Figure 3.5 qui montre la fonction de production d’Alexei : comment la note finale (la production) dépend du nombre d’heures passées à étudier (le facteur de production).
Le temps libre par jour s’obtient en retranchant à 24 heures les heures passées à étudier chaque jour. Considérez l’ensemble des possibles d’Alexei s’agissant des combinaisons de note finale et des heures de temps libre par jour. Que pouvons-nous conclure ?
- Les heures de temps libre par jour sont déjà connues, elles s’obtiennent en déduisant de 24 heures les heures passées à étudier chaque jour. C’est pourquoi, le nombre d’heures passées à dormir est inclus dans les heures de temps libre.
- Étant donné que la fonction de production est simplement la frontière des possibles, à l’exception du fait qu’elle admet des quantités négatives de temps libre (heures passées à étudier) pour son facteur de production, la première est simplement le reflet de la seconde déplacée horizontalement de l’autre côté de l’axe des abscisses.
- La fonction de production est horizontale après 15 heures passées à étudier chaque jour. C’est pourquoi la frontière des possibles est horizontale seulement jusqu’à 9 heures de temps libre par jour.
- Dix heures passées à étudier sont équivalentes à 14 heures de temps libre dans une journée de 24 heures, et la productivité marginale du travail (production additionnelle par heure de travail) est la même que le taux marginal de transformation (arbitrage entre production et travail en plus), de sorte que ces deux valeurs sont égales.
3.5 Prise de décision et rareté
La dernière étape de ce processus de décision consiste à trouver la combinaison de note et de temps libre qu’Alexei choisira. La Figure 3.10a combine la frontière des possibles (Figure 3.9) et les courbes d’indifférence (Figure 3.6). Souvenez-vous que les courbes d’indifférence représentent ce qu’Alexei préfère, et que leurs pentes montrent les arbitrages qu’il est désireux de faire. La frontière des possibles représente la contrainte qui pèse sur son choix et sa pente montre l’arbitrage qu’il est contraint de faire.
La Figure 3.10a montre quatre courbes d’indifférence, labellisées IC1 à IC4. IC4 représente le niveau d’utilité le plus élevé car elle est la plus éloignée de l’origine. Cependant, aucune combinaison de note et de temps libre sur IC4 n’est possible car la courbe d’indifférence dans son intégralité est en dehors de l’ensemble des possibles. Supposez qu’Alexei pense à choisir une combinaison quelque part dans l’ensemble des possibles, sur IC1. En suivant les étapes présentées dans la Figure 3.10a, vous verrez qu’il peut augmenter son utilité en se déplaçant vers des points sur des courbes d’utilité plus élevées jusqu’à ce qu’il atteigne un choix possible qui maximise son utilité.
Alexei maximise son utilité au point E, auquel sa courbe d’indifférence est tangente à la frontière des possibles. Le modèle prédit qu’Alexei va :
- choisir d’étudier 5 heures par jour et de consacrer 19 heures à d’autres activités ;
- obtenir ainsi une note de 57.
Nous pouvons voir à partir de la Figure 3.10a qu’au point E, la frontière des possibles et la plus haute courbe d’indifférence atteignable IC3 sont tangentes l’une à l’autre (elles se touchent sans se croiser). Au point E, la pente de la courbe d’indifférence est la même que la pente de la frontière des possibles. Maintenant, souvenez-vous que les pentes représentent les deux arbitrages auxquels Alexei est confronté :
- la pente de la courbe d’indifférence est le TMS : c’est l’arbitrage qu’il souhaite réaliser entre temps libre et note ;
- la pente de la frontière est le TMT : c’est l’arbitrage qu’il est contraint de réaliser entre temps libre et points, car il n’est pas possible d’aller au-delà de la frontière des possibles.
Alexei atteint la plus haute utilité possible au point E, où les deux arbitrages s’équilibrent exactement. Sa combinaison optimale de note et de temps libre se situe au point où le taux marginal de transformation est égal au taux marginal de substitution.
Leibniz : Allocation optimale de temps libre : TMT et TMS s’égalisent
La Figure 3.10b montre le TMS (pente de la courbe d’indifférence) et le TMT (pente de la frontière des possibles) aux points indiqués dans la Figure 3.10a. Aux points B and D, le nombre de points qu’Alexei est désireux d’échanger pour une heure de temps libre (TMS) est supérieur au coût d’opportunité de cette heure (TMT), de sorte qu’il préférera augmenter son temps libre. Au point A, le TMT est plus élevé que le TMS, de sorte qu’il préfère diminuer son temps libre. Et, comme attendu, au point E, le TMS et le TMT sont égaux.
B | D | E | A | |
---|---|---|---|---|
Temps libre | 13 | 15 | 19 | 22 |
Note | 84 | 78 | 57 | 33 |
TMT | 2 | 4 | 7 | 9 |
TMS | 20 | 15 | 7 | 3 |
Combien d’heures Alexei décide-t-il de passer à étudier ?
Figure 3.10b Combien d’heures Alexei décide-t-il de passer à étudier ?
- problème de choix sous contrainte
- Ce problème se pose quand nous réfléchissons à la manière de faire le meilleur choix pour nous, étant donné nos préférences et contraintes et lorsque les choses désirées sont rares. Voir également : problème d’optimisation sous contrainte.
Nous avons modélisé la décision de l’étudiant portant sur ses heures passées à étudier comme un problème de choix sous contrainte : quelqu’un qui prend une décision (Alexei) poursuit un objectif (maximisation d’utilité ici) sujet à une contrainte (sa frontière des possibles).
Dans notre exemple, le temps libre et le nombre de points à l’examen sont rares pour Alexei car :
- le temps libre et les notes sont tous les deux des biens : ils ont tous deux de la valeur aux yeux d’Alexei ;
- chacun a un coût d’opportunité : plus de l’un des biens signifie moins de l’autre.
Dans les problèmes de choix sous contrainte, la solution correspond au choix optimal de l’individu. Si nous supposons que l’objectif d’Alexei soit de maximiser son utilité, la combinaison optimale de note et de temps libre est un point sur la frontière des possibles où :
La tableau de la Figure 3.11 résume les arbitrages d’Alexei.
L'arbitrage | Localisation sur le graphique | Égal à… | |
---|---|---|---|
TMS | Taux marginal de substitution : le nombre de points qu'Alexei est prêt à échanger pour une heure de temps libre. | La pente et la courbe d'indifférence. | |
TMT, ou coût d'opportunité du temps libre | Taux marginal de transformation : le nombre de points qu'Alexei gagnerait (ou perdrait) en renonçant (ou en prenant) une heure de temps libre supplémentaire. | La pente de la frontière des possibles. | La productivité marginale du travail |
Les arbitrages d’Alexei
Figure 3.11 Les arbitrages d’Alexei.
Exercice 3.6 Explorer la rareté
Décrivez une situation dans laquelle les points de note et le temps libre d’Alexei ne seraient pas rares. Souvenez-vous que la rareté dépend à la fois de ses préférences et de la fonction de production.
Question 3.8 Choisissez la ou les bonnes réponses
La Figure 3.10a montre la frontière des possibles d’Alexei et ses courbes d’indifférence pour sa note finale et ses heures de temps libre par jour. Supposez que tous les étudiants aient la même frontière des possibles, mais que leurs courbes d’indifférence puissent différer par leur forme et leur pente selon leurs préférences.
Utilisez le graphique pour décider laquelle(lesquelles) des affirmations suivantes est(sont) correcte(s).
- Si Alexei était à un point sur la frontière des possibles où TMS > TMT, alors il souhaiterait renoncer à une quantité d’un bien supérieure à celle qui serait en fait nécessaire pour obtenir un peu de l’autre. C’est pourquoi, il choisirait de le faire jusqu’à ce qu’il atteigne un point où TMS = TMT.
- Le long de la frontière des possibles, Alexei serait sur une courbe d’indifférence plus élevée au point E par rapport à D. C’est pourquoi le point D n’est pas un choix optimal.
- Les étudiants avec des courbes d’indifférence plus plates (i.e. davantage désireux de sacrifier plus d’heures de temps libre pour le même nombre de points supplémentaires) ont un taux marginal de substitution plus faible. Aussi, ils choisiront des combinaisons à la gauche de E (comme D) où leurs courbes d’indifférence sont tangentes à la frontière des possibles.
- Les points le long de la frontière des possibles à gauche de E ont des ratios plus élevés de la note finale par heure de temps libre, mais ne sont pas optimaux. Le point optimal se trouve là où le taux marginal de substitution égalise le taux marginal de transformation.
3.6 Heures de travail et croissance économique
En 1930, John Maynard Keynes, un économiste britannique, publia un essai intitulé ‘Perspectives économiques pour nos petits-enfants’, dans lequel il affirmait que, dans le siècle à venir, le progrès technologique impliquerait en moyenne une multiplication par huit de notre situation économique.2 Ce qu’il appelait « le problème économique, la lutte pour la subsistance » serait réglé et nous n’aurions pas à travailler plus que, disons, 15 heures par semaine pour satisfaire nos besoins économiques. La question qu’il soulevait était la suivante : qu’allions-nous faire avec tout ce temps additionnel de loisirs ?
La prédiction de Keynes concernant le taux de progrès technologique dans des pays comme le Royaume-Uni et les États-Unis était à peu près juste. Les heures de travail ont en effet baissé, mais beaucoup moins qu’il ne l’avait escompté — il paraît improbable que d’ici à 2030, le temps hebdomadaire travaillé tombe à 15 heures en moyenne. Un article de Tim Harford tiré de la rubrique The Undercover Economist dans le Financial Times examine pourquoi la prédiction de Keynes était fausse.3
Comme nous l’avons vu dans l’Unité 2, des technologies nouvelles augmentent la productivité du travail. Nous avons maintenant les outils pour analyser les effets d’une augmentation de la productivité sur les conditions de vie, et notamment les revenus et le temps libre des salariés.
Jusqu’à présent, nous nous sommes intéressés au choix d’Alexei entre temps passé à étudier et temps libre. Nous appliquons maintenant notre modèle de choix sous contrainte à Angela, une fermière auto-suffisante qui choisit son nombre d’heures de travail. Nous faisons l’hypothèse qu’Angela produit des céréales qu’elle mange et ne vend à personne. Si elle produit trop peu de céréales, elle mourra de faim.
Pour quelle raison ne peut-elle pas produire le plus de céréales possible ? Tout comme l’étudiant, Angela accorde de la valeur au temps libre – elle retire à la fois de l’utilité du temps libre et de la consommation de céréales.
Son choix est cependant contraint : pour produire des céréales, il faut travailler, et chaque heure de travail d’Angela revient à renoncer à une heure de temps libre. L’heure de temps libre sacrifiée constitue le coût d’opportunité des céréales produites. Tout comme Alexei, Angela fait face à un problème de rareté : elle doit faire un choix entre consommer des céréales et consommer du temps libre.
Pour comprendre son choix et comment celui-ci est affecté par le progrès technologique, nous avons besoin de modéliser sa fonction de production et ses préférences.
La Figure 3.12 montre la fonction de production initiale avant le changement de technologie : la relation entre le nombre d’heures travaillées et la quantité de céréales produite. Notez que le graphique présente une forme concave similaire à la fonction de production d’Alexei : la productivité marginale d’une heure additionnelle de travail, indiquée par la pente, diminue quand le nombre d’heures augmente.
Une amélioration technologique, comme une semence avec un rendement supérieur, ou un meilleur équipement qui permet d’effectuer la récolte plus rapidement, va augmenter la quantité de céréales produite pour un nombre d’heures donné. L’analyse de la Figure 3.12 montre les effets sur la fonction de production.
Notez que la nouvelle fonction de production est plus pentue que la fonction initiale quel que soit le nombre d’heures. La nouvelle technologie a augmenté la productivité marginale du travail d’Angela : pour chaque point, une heure additionnelle de travail produit plus de céréales que l’ancienne technologie.
Leibniz : Modéliser le progrès technologique
La Figure 3.13 montre la frontière des possibles d’Angela, qui est une représentation symétrique de la fonction de production pour la technologie initiale (FP) et la nouvelle (FPnouvelle).
Comme précédemment, le temps libre est défini comme le temps qui n’est pas passé à produire des céréales – il inclut le temps passé à manger, à dormir, et à faire tout ce qui n’est pas considéré comme du travail, ainsi que les activités de loisirs. La frontière des possibles montre quelle quantité de céréales peut être produite et consommée pour chaque quantité possible de temps libre. Les points B, C et D représentent les mêmes combinaisons de temps libre et de céréales que sur la Figure 3.12. La pente de la frontière mesure le TMT (le taux marginal auquel le temps libre peut être transformé en céréales) ou de manière équivalente le coût d’opportunité du temps libre. Vous pouvez constater que le progrès technologique agrandit l’ensemble des possibles : il donne plus de choix de combinaisons de céréales et de temps libre.

Une amélioration de la technologie agrandit l’ensemble des possibles d’Angela
Figure 3.13 Une amélioration de la technologie agrandit l’ensemble des possibles d’Angela.
Maintenant, nous ajoutons au graphique les courbes d’indifférence d’Angela, représentant ses préférences pour le temps libre et la consommation de céréales, afin de trouver quelle combinaison dans l’ensemble des possibles est la meilleure pour elle. La Figure 3.14 montre que son choix optimal sous la technologie initiale est de travailler 8 heures par jour, ce qui lui donne 16 heures de temps libre et 55 unités de céréales. C’est le point de tangence, là où les arbitrages s’équilibrent : son taux marginal de substitution (TMS) entre les céréales et le temps libre (la pente de la courbe d’indifférence) est égal au TMT (la pente de la frontière des possibles). Nous pouvons interpréter la combinaison de temps libre et de céréales au point A comme une mesure de son niveau de vie.
Suivez les étapes de la Figure 3.14 pour voir comment son choix sera affecté par le progrès technologique.
Le changement technologique a augmenté le niveau de vie d’Angela : il lui a permis d’obtenir une utilité plus élevée. Notez que sur la Figure 3.14 elle augmente à la fois sa consommation de céréales et son temps libre.
Il est important de comprendre qu’il ne s’agit que d’un résultat possible. Si nous avions dessiné différemment les courbes d’indifférence ou la frontière, les arbitrages auxquels Angela aurait été confrontée auraient été différents. Nous pouvons dire que l’amélioration technologique permet de consommer à la fois plus de céréales et de temps libre, mais le choix d’Angela de consommer plus de chacun des biens dépend de ses préférences entre les deux biens et de sa volonté à substituer l’un par l’autre.
Pour le comprendre, rappelez-vous que le progrès technologique rend la fonction de production plus pentue : cela augmente la productivité marginale du travail d’Angela. Cela signifie que le coût d’opportunité du temps libre est plus élevé, ce qui lui donne une plus forte incitation à travailler. Par ailleurs, comme elle peut maintenant avoir plus de céréales pour chaque quantité de temps libre, elle pourrait être plus désireuse de renoncer à quelques céréales pour plus de temps libre : c’est-à-dire réduire son temps de travail.
Ces deux effets du progrès technologique jouent dans des directions opposées. Sur la Figure 3.14, le second effet domine et elle choisit le point E, avec plus de temps libre et plus de céréales. Dans la prochaine section, nous étudierons plus en détail ces deux effets opposés, en utilisant un exemple différent pour les distinguer.
Question 3.9 Choisissez la ou les bonnes réponses
Les figures montrent la fonction de production d’Alexei et son ensemble des possibles correspondant pour sa note finale et ses heures de travail ou de temps libre par jour. Elles montrent l’effet d’une amélioration de sa méthode d’apprentissage, représentée par l’inclinaison vers le haut des deux courbes.


Considérez maintenant deux nouveaux changements dans l’environnement de travail d’Alexei :
Cas A. Il se retrouve soudainement à devoir passer 4 heures par jour à aider un membre de sa famille. (Vous pouvez supposer que la productivité marginale de son travail n’est pas affectée s’agissant des heures passées à étudier.)
Cas B. Pour des raisons de santé, la productivité marginale de son travail pour toutes les heures est réduite de 10 %.
Il s’ensuit que :
- Si la productivité marginale du travail d’Alexei n’est pas affectée, la fonction de production reste la même : chaque nombre d’heures travaillées donne la même note qu’avant.
- La frontière des possibles se déplace vers la gauche et coupe l’axe des ordonnées à 20 heures : comme 4 heures par jour sont passées à prendre soin du membre de la famille, alors n’importe quel nombre d’heures de temps libre par jour correspond à moins d’heures travaillées, et donc à une note plus faible.
- Avec la réduction de la productivité marginale du travail d’Alexei, la courbe de la fonction de production s’aplatit. Cela conduit à une rotation de la courbe vers l’intérieur, qui pivote à l’origine.
- La réduction de la productivité marginale se traduit par une note plus faible pour chaque niveau d’heures travaillées (exception faite à zéro), de sorte que la frontière des possibles pivote autour de l’intersection, en faisant une rotation vers le bas.
Exercice 3.7 Votre fonction de production
- Quelle pourrait être la cause d’une amélioration technologique dans votre fonction de production et dans celle de vos amis étudiants ?
- Tracez un graphique pour illustrer comment cette amélioration affecterait votre ensemble des possibles, s’agissant des notes et des heures passées à étudier.
- Analysez ce que pourrait être le nombre d’heures que vous et vos camarades décideriez de consacrer à étudier.
3.7 Effets de revenu et de substitution sur les heures de travail et le temps libre
Imaginons que vous cherchiez un emploi juste après votre sortie de l’université. Vous vous attendez à gagner un salaire de 15 $ par heure. Les emplois diffèrent par le nombre d’heures que vous devez passer à travailler — quel serait donc votre nombre d’heures idéal ? Pris ensemble, le salaire et les heures de travail déterminent la quantité de temps libre dont vous bénéficiez et vos revenus totaux.
Comme pour Angela, nous allons réfléchir en termes de consommation et de temps libre, par jour et en moyenne. Nous supposons que vos dépenses – c’est-à-dire votre consommation moyenne de nourriture, de logement et d’autres biens et services – ne peuvent pas excéder vos revenus (donc, par exemple, vous ne pouvez pas emprunter pour augmenter votre consommation). En notant w le salaire, et si vous avez t heures de temps libre par jour, alors vous travaillez (24 – t) heures, et votre niveau maximum de consommation, c, est donné par :
- contrainte budgétaire
- Une équation qui représente l’ensemble des combinaisons de biens et de services qu’un individu pourrait obtenir en mobilisant toutes ses ressources budgétaires.
Nous appellerons cela votre contrainte budgétaire, parce qu’elle montre ce que vous pouvez vous permettre d’acheter.
Dans le tableau de la Figure 3.15 nous avons calculé votre temps libre pour des heures de travail variant entre 0 et 16 heures par jour, et votre consommation maximum, quand votre salaire est w = 15 $.
La Figure 3.15 montre les deux biens dans ce problème : les heures de temps libre (t) sur l’axe des abscisses et la consommation (c) sur l’axe des ordonnées. Quand on représente les points indiqués dans le tableau, nous obtenons une ligne droite décroissante : c’est la représentation graphique de la contrainte budgétaire. L’équation de la contrainte budgétaire est :
La pente de la contrainte budgétaire correspond au salaire : pour chaque heure additionnelle de temps libre, la consommation diminue de 15 $. L’aire sous la contrainte budgétaire est votre ensemble des possibles. Votre problème est très similaire à celui d’Angela, à ceci près que la frontière des possibles est une droite. Souvenez-vous que, pour Angela, la pente de la frontière des possibles est à la fois le TMT (le taux auquel le temps libre peut être transformé en céréales) et le coût d’opportunité d’une heure de temps libre (la quantité de céréales à laquelle il faut renoncer). Elle varie car la productivité marginale d’Angela diminue avec le nombre d’heures de travail. Dans votre cas, le taux marginal auquel vous pouvez transformer du temps libre en consommation et le coût d’opportunité du temps libre sont constants et égaux à votre salaire (en valeur absolue) il est de 15 $ pour la première heure travaillée et les suivantes.
Quel serait votre emploi idéal ? Votre choix préféré de temps libre et de consommation sera la combinaison sur la frontière des possibles qui se situe sur la courbe d’indifférence la plus élevée possible. Analysez la Figure 3.15 pour trouver le choix optimal.
Si vos courbes d’indifférence ressemblent à celles de la Figure 3.15, alors vous choisirez le point A, avec 18 heures de temps libre. À ce point, votre TMS — le taux auquel vous souhaitez échanger de la consommation pour du temps — est égal au salaire (15 $, le coût d’opportunité du temps). Vous aimeriez trouver un emploi dans lequel vous pouvez travailler 6 heures par jour et votre rémunération quotidienne est 90 $.
Tout comme l’étudiant, vous cherchez un équilibre entre deux arbitrages :
L'arbitrage | Localisation sur le graphique | |
---|---|---|
TMS | Taux marginal de substitution : le montant de consommation que vous êtes désireux(se) d'échanger contre une heure de temps libre. | La pente de la courbe d'indifference. |
TMT | Taux marginal de transformation : le montant de consommation que vous pouvez obtenir en renonçant à une heure de temps libre, qui est égal au salaire, w. | La pente de la contrainte budgétaire (la frontière des possibles) qui est égale au salaire. |
Vos deux arbitrages
Figure 3.16 Vos deux arbitrages.
Votre combinaison optimale de consommation et de temps libre est le point sur la contrainte budgétaire où :
Alors que vous étudiez cette possibilité, vous recevez un courriel. Un mystérieux bienfaiteur souhaiterait vous proposer, à vie, un revenu quotidien de 50 $ (la seule chose qu’il vous demande de faire est de fournir vos coordonnées bancaires). Vous réalisez immédiatement que cela modifiera votre choix d’emploi. La nouvelle situation est décrite dans la Figure 3.17 : pour chaque niveau de temps libre, votre revenu total (vos revenus augmentés du don mystérieux) est supérieur de 50 $ au niveau précédent. Ainsi, votre contrainte budgétaire est déplacée vers le haut de 50 $ – l’ensemble des possibles est agrandi. Votre contrainte budgétaire est maintenant :

L’effet d’un revenu additionnel sur votre choix de temps libre et de consommation
Figure 3.17 L’effet d’un revenu additionnel sur votre choix de temps libre et de consommation.
Remarquez que le revenu additionnel de 50 $ ne change pas votre coût d’opportunité du temps : chaque heure de temps libre supplémentaire réduit toujours votre consommation de 15 $ (le salaire). Votre nouvel emploi idéal est situé au point B, avec 19,5 heures de temps libre. B est le point sur la courbe CI3 où le TMS est égal à 15 $. Avec les courbes d’indifférence représentées sur le graphique, votre réponse au revenu additionnel n’est pas simplement de dépenser 50 $ de plus ; vous augmentez votre consommation de moins de 50 $, et vous prenez un peu plus de temps libre. Un individu ayant des préférences différentes pourrait ne pas choisir d’augmenter son temps libre : la Figure 3.18 présente un cas où le TMS, pour chaque valeur de temps libre, est le même à la fois sur CI2 et sur la courbe d’indifférence supérieure CI3. Cette personne choisit de garder la même quantité de temps libre que précédemment, et de dépenser les 50 $ supplémentaires.

Effet d’un revenu additionnel pour un individu dont le TMS ne change pas lorsque la consommation augmente
Figure 3.18 Effet d’un revenu additionnel pour un individu dont le TMS ne change pas lorsque la consommation augmente.
- effet de revenu
- L’effet qu’un revenu additionnel aurait s’il n’y avait pas de changement dans le prix ou le coût d’opportunité.
L’effet d’un revenu additionnel (non gagné par le travail) sur le choix de temps libre est appelé effet de revenu. Votre effet de revenu, représenté sur la Figure 3.17, est positif — un revenu supplémentaire augmente votre choix de temps libre. Pour l’individu de la Figure 3.18, l’effet revenu est nul. Nous supposons que pour la plupart des biens, l’effet revenu sera positif, ou nul, mais jamais négatif : si votre revenu augmentait, vous ne choisiriez pas d’avoir moins de quelque chose à laquelle vous accordez de la valeur.
Vous réalisez soudain qu’il ne serait probablement pas sage de donner au mystérieux étranger vos coordonnées bancaires (il s’agit peut-être d’un canular). À regret, vous revenez à votre choix initial, et trouvez un emploi nécessitant de travailler 6 heures par jour. Une année plus tard, votre chance tourne : votre employeur augmente votre salaire de 10 $ par heure, et vous laisse la possibilité de renégocier vos heures. Votre contrainte budgétaire est désormais égale à :
Dans la Figure 3.19a vous pouvez voir comment la contrainte budgétaire évolue lorsque le salaire augmente. Avec 24 heures de temps libre (et pas de travail), votre consommation serait de 0, quel que soit le salaire. Mais pour chaque heure de temps libre à laquelle vous renoncez, votre consommation augmente désormais de 25 $, au lieu de 15 $ précédemment. Donc, votre nouvelle contrainte budgétaire est une droite plus pentue passant par le point de coordonnées (24,0), avec une pente égale à 25 $. Votre ensemble des possibles est plus grand, et vous atteignez désormais votre utilité la plus élevée au point D, avec seulement 17 heures de temps libre. Vous demandez donc à votre employeur s’il est possible de travailler plus longtemps — à savoir 7 heures par jour.

Figure 3.19a Effet d’une hausse de salaire sur votre choix de temps libre et de consommation.
Comparez les résultats dans les Figures 3.17 et 3.19a. Avec une hausse des revenus non salariaux, vous choisissez de travailler un peu moins longtemps, alors que l’augmentation de votre salaire dans la Figure 3.19a vous décide à augmenter votre nombre d’heures travaillées. Pour quelle(s) raison(s) ? La réponse est qu’une hausse de votre salaire a deux effets.
- effet de substitution
- L’effet dû uniquement aux changements dans le prix ou le coût d’opportunité, pour un nouveau niveau d’utilité donné.
- Plus de revenu pour chaque heure travaillée : pour chaque niveau de temps libre, la consommation est plus importante, et votre TMS est plus élevé : vous êtes maintenant prêt(e) à sacrifier plus de consommation contre du temps libre supplémentaire. Cela correspond à l’effet de revenu que nous avons vu dans la Figure 3.17 — vous répondez à un revenu supplémentaire en vous octroyant plus de temps libre et en augmentant la consommation.
- La contrainte budgétaire est plus pentue : le coût d’opportunité du temps libre est maintenant plus élevé. En d’autres termes, le taux marginal auquel vous transformez du temps en revenu (le TMT) a augmenté. Cela signifie que vous êtes alors incité(e) à travailler plus — à diminuer votre temps libre. On parle d’effet de substitution.
Leibniz : Analyse mathématique des effets de revenu et de substitution
L’effet de substitution rend compte de l’idée selon laquelle, lorsqu’un bien devient plus onéreux relativement à un autre bien, vous décidez de substituer un peu de cet autre bien au bien devenu plus onéreux. Cela représente l’effet qu’une variation de coût d’opportunité aurait pour un niveau d’utilité donné.
Nous pouvons représenter ces deux effets sur le graphique. Avant la hausse de votre salaire, vous vous situiez au point A sur CI2. La hausse de salaire vous permet d’atteindre le point D sur CI4. La Figure 3.19b montre comment nous pouvons décomposer le passage de A à D en deux parts, qui correspondent aux deux effets.
Effets de revenu et de substitution
Une hausse de salaire :
- augmente votre revenu pour chaque niveau de temps libre, augmentant ainsi le niveau d’utilité que vous pouvez atteindre ;
- augmente le coût d’opportunité du temps libre.
Elle a donc deux effets sur votre choix de temps libre :
- l’effet de revenu (car la contrainte budgétaire se déplace vers l’extérieur) : l’effet qu’un revenu additionnel aurait s’il n’y avait pas de variation du coût d’opportunité ;
- l’effet de substitution (car la pente de la contrainte budgétaire, le TMT, augmente) : l’effet d’une variation du coût d’opportunité, étant donné le nouveau niveau d’utilité.
Vous pouvez voir sur la Figure 3.19b que pour des courbes d’indifférence de cette forme particulière, l’effet de substitution sera toujours négatif : avec une hausse du coût d’opportunité du temps libre, vous choisissez un point sur la courbe d’indifférence, où le TMS est plus élevé, soit un point avec moins de temps libre (et plus de consommation). L’effet total d’une hausse de salaire dépend de la somme des effets de revenu et de substitution. Dans la Figure 3.19b, l’effet de substitution négatif est plus important que l’effet de revenu positif, et par conséquent, la quantité de temps libre diminue.
Progrès technologique
Si vous revenez à la Section 3.6, vous verrez que la réponse d’Angela à l’augmentation de productivité était également déterminée par ces deux effets opposés : une plus forte incitation à travailler produite par l’augmentation du coût d’opportunité du temps libre, et un désir accru pour le temps libre quand son revenu augmente.
Nous avons utilisé le modèle de l’agricultrice auto-suffisante pour comprendre comment le progrès technologique peut affecter le nombre d’heures travaillées. Angela peut répondre directement à la hausse de sa productivité causée par l’introduction d’une nouvelle technologie. Les employés deviennent également plus productifs grâce à l’évolution de la technologie, et cela peut mener à une augmentation des salaires s’ils ont un pouvoir de négociation suffisant. Le modèle dans cette section suggère que, s’il se produit, le changement technologique modifiera également le temps que les employés souhaitent consacrer au travail.
L’effet de revenu provoqué par un salaire plus élevé rend les travailleurs désireux d’avoir davantage de temps libre, alors que l’effet de substitution les incite à travailler plus longtemps. Les employés préféreront moins d’heures de travail si l’effet de revenu domine l’effet de substitution.
Question 3.10 Choisissez la ou les bonnes réponses
La Figure 3.15 représente votre contrainte budgétaire quand votre salaire horaire est 15 $.
Laquelle ou lesquelles des propositions suivantes est(sont) correcte(s) ?
- Pour chaque heure additionnelle de temps libre, vous avez 15 $ en moins à dépenser en consommation, de sorte que la pente de la contrainte budgétaire est -15.
- La contrainte budgétaire est la frontière des possibles des combinaisons disponibles de temps libre et de consommation. Sa pente est constante, donc le TMT est constant.
- Une augmentation du taux de salaire rendrait la contrainte budgétaire plus pentue ; elle pivoterait au niveau de l’intersection avec l’axe des abscisses, car chaque heure de temps libre coûterait maintenant davantage en termes de consommation à laquelle vous renoncez.
- Un cadeau déplacerait la contrainte budgétaire vers l’extérieur, de manière parallèle, car le consommateur pourrait consommer plus, pour tout niveau donné de temps libre.
3.8 Est-ce un bon modèle ?
Nous avons étudié trois contextes différents dans lesquels les individus décident du temps qu’ils passent à travailler - un étudiant (Alexei), une fermière (Angela) et un salarié. Dans chaque cas, nous avons modélisé leurs préférences et leur ensemble des possibles, et le modèle nous indique que leur meilleur choix (celui qui maximise leur utilité) est le nombre d’heures de travail auquel la pente de la frontière des possibles est égale à la pente de la courbe d’indifférence.
Peut-être avez-vous pensé : ce n’est pas ainsi que les gens font !
Des milliards d’individus semblent organiser leur vie professionnelle sans connaître le TMS et le TMT (et s’ils prenaient leurs décisions de cette façon, il faudrait peut-être prendre en compte le temps passé à faire les calculs). Et même s’ils prenaient leurs décisions en s’aidant des mathématiques, la plupart d’entre nous ne peuvent pas quitter leur travail quand bon leur semble. Alors en quoi ce modèle est-il utile ?
Souvenez-vous de l’Unité 2 où nous avons vu que les modèles nous aident à « voir davantage en regardant moins de choses ». Le manque de réalisme est une caractéristique intentionnelle du modèle, et non une limite.
Tâtonner au lieu de calculer
Un modèle qui ignore notre façon de penser peut-il modéliser correctement notre façon de choisir ?
Milton Friedman, un économiste, a expliqué que lorsque les économistes utilisent des modèles de cette façon, ils ne prétendent pas que les individus effectuent réellement les calculs (comme égaliser TMS et TMT) à chaque fois qu’ils prennent une décision. Au contraire, chacun d’entre nous essaye différents choix (parfois sans même le faire intentionnellement) et nous avons tendance à adopter des habitudes ou des règles empiriques qui nous satisfont et nous conduisent à ne pas regretter nos décisions.
Dans son livre Essais d’économie positive, il comparait cela à une partie de billard :
Considérons le problème consistant à prédire les coups faits par un expert du billard. Il ne semble pas du tout déraisonnable de penser que l’on obtiendrait des prédictions excellentes en supposant que le joueur de billard réalise ses coups comme s’il connaissait les formules mathématiques compliquées lui donnant les directions optimales, et comme s’il pouvait estimer précisément les angles à vue d’œil, etc., décrire la localisation des boules, calculer instantanément les formules, et ainsi envoyer les boules dans la direction indiquée par les formules.
Notre confiance dans cette hypothèse ne repose pas sur la croyance selon laquelle les joueurs de billard, y compris les experts, peuvent accomplir le processus décrit. Elle vient plutôt de la croyance selon laquelle ils ne seraient pas, en fait, des experts du billard si, d’une façon ou d’une autre, ils n’étaient pas capables d’atteindre essentiellement les mêmes résultats.4
De façon similaire, si nous voyons un individu qui choisit régulièrement d’étudier après les cours plutôt que de sortir, ou de ne pas travailler énormément à la ferme, ou de demander à travailler plus après une augmentation de salaire, nous n’avons pas besoin de supposer que cette personne a effectué les calculs que nous avons exposés. Si cette personne regrettait par la suite son choix, elle pourrait la prochaine fois sortir un peu plus, travailler plus à la ferme, ou diminuer son nombre d’heures de travail. On peut supposer qu’elle aboutirait finalement à un temps de travail proche de celui obtenu à l’aide de nos calculs.
C’est pour cela que la théorie économique peut aider à expliquer, et parfois même à prédire ce que les individus font – bien qu’ils n’effectuent pas les calculs mathématiques que les économistes font dans leurs modèles.
L’influence de la culture et de la politique
Une seconde dimension irréaliste du modèle vient du fait que ce sont les employeurs qui choisissent généralement les heures de travail, et non les travailleurs individuels, et les employeurs imposent généralement des journées de travail plus longues que ce que souhaiteraient les employés. En conséquence, le nombre d’heures que les individus passent à travailler est régulé par la loi, de façon à ne pas dépasser un maximum qu’il soit choisi par l’employé ou l’employeur. Dans ce cas, l’État limite l’ensemble des possibles en termes d’heures et de biens.
Bien que les travailleurs individuels aient souvent peu de marges de manœuvre pour choisir leurs heures, il est néanmoins possible que les évolutions dans le temps et les différences entre pays reflètent en partie les préférences des travailleurs. Si de nombreux travailleurs individuels dans une démocratie souhaitaient réduire le nombre d’heures de travail, ils pourraient « choisir » cela indirectement en tant qu’électeurs, s’ils ne peuvent pas le faire individuellement en tant que travailleurs. Ils pourraient également, en tant que membres d’un syndicat, négocier des contrats imposant aux employeurs des taux de rémunération supérieurs en cas d’heures supplémentaires.
Cette explication met l’accent sur la culture (c’est-à-dire les variations de préférences ou les différences de préférences entre pays) et la politique (c’est-à-dire les différences de législation ou de pouvoir et d’objectifs des syndicats). Ces éléments aident certainement à expliquer les différences d’heures de travail entre pays.
Les cultures semblent être différentes. Certaines cultures d’Europe du Nord accordent une grande valeur aux vacances, tandis que la Corée du Sud est connue pour son temps de travail élevé. Les restrictions légales du temps de travail diffèrent. En Belgique et en France, la semaine de travail normale est limitée à 35-39 heures, alors que la limite est de 48 heures au Mexique, et qu’elle est encore plus élevée au Kenya.
Toutefois, même à une échelle individuelle, nous pouvons influencer le nombre d’heures que nous travaillons. Par exemple, les employeurs qui proposent des emplois comprenant le nombre d’heures de travail que la plupart des gens préfèrent peuvent recevoir davantage de candidatures que ceux qui proposent trop (ou trop peu) d’heures.
Souvenez-vous que nous jugeons également la qualité d’un modèle sur sa capacité à expliquer un phénomène que nous souhaitons comprendre. Dans la section suivante, nous allons déterminer si notre modèle du choix des heures de travail peut nous aider à comprendre pourquoi il existe de telles différences d’heures de travail entre les pays, et pourquoi, comme nous l’avons vu dans l’introduction, ces écarts ont évolué dans le temps.
Exercice 3.8 Une autre définition des sciences économiques
Lionel Robbins, un économiste, a écrit en 1932 que : « L’économie est la science qui étudie le comportement humain en tant que relation entre des fins données et des moyens rares à usages alternatifs. »5
- Donnez un exemple provenant de cette unité afin d’illustrer la façon dont les sciences économiques étudient le comportement humain en tant que relation entre « des fins données et des moyens rares à usages alternatifs ».
- Les « fins » de l’activité économique, c’est-à-dire les choses que nous désirons, sont-elles fixes ? Utilisez les exemples de cette unité (temps passé à étudier et notes, ou temps de travail et consommation) pour illustrer votre réponse.
- Le thème auquel Robbins fait référence – faire au mieux dans une situation donnée – est une partie essentielle des sciences économiques. Mais les sciences économiques sont-elles limitées à l’étude de « moyens rares à usages alternatifs » ? En répondant à cette question, comparez la définition de Robbins et celle donnée dans l’Unité 1, et remarquez que Robbins a écrit ces mots à une époque où 15 % de la main-d’œuvre britannique était au chômage.
3.9 Expliquer nos heures de travail : variation dans le temps
En 1600, un travailleur britannique passait, en moyenne, 266 jours au travail. Cette valeur a peu évolué jusqu’à la Révolution industrielle. À partir de cette époque, comme nous l’avons vu dans l’unité précédente, les salaires ont commencé à augmenter et le temps de travail également, pour se porter à 318 jours en 1870.
Pendant ce temps, aux États-Unis, le nombre d’heures de travail a augmenté pour de nombreux travailleurs qui sont passés du secteur agricole à des emplois industriels. En 1865, les États-Unis ont aboli l’esclavage et les anciens esclaves ont mis à profit leur liberté pour travailler beaucoup moins. À la fin du 19e siècle, et durant la première moitié du 20e siècle, dans de nombreux pays, le temps de travail a diminué progressivement. La Figure 3.1 au début de cette unité montrait comment les heures de travail annuelles ont diminué depuis 1870 aux Pays-Bas, aux États-Unis et en France.6
Les modèles simples que nous avons construits ne peuvent pas expliquer l’ensemble des phénomènes observés. Souvenez-vous que l’hypothèse ceteris paribus peut omettre des détails importants : des éléments que nous avons considérés comme constants dans les modèles ont pu évoluer dans la réalité.
Comme nous l’avons expliqué dans la section précédente, notre modèle a omis deux explications importantes, que nous avons appelées la culture et la politique. Notre modèle offre une autre explication : l’économie.
Observez les deux points de la Figure 3.20, qui fournissent une estimation de la quantité quotidienne moyenne de temps libre et de biens consommés par des employés américains en 1900 et en 2013. Les pentes des contraintes budgétaires passant par les points A et D sont le salaire réel (biens par heure) en 1900 et 2013. Cela nous montre les ensembles des possibles en termes de temps libre et de biens qui auraient pu rendre ces points atteignables. Puis nous considérons les courbes d’indifférence des travailleurs qui auraient pu les conduire à effectuer les choix observés. Nous ne pouvons pas mesurer directement les courbes d’indifférence : nous estimons du mieux possible ce qu’auraient été les préférences des travailleurs, compte tenu de leurs choix.
Comment notre modèle explique-t-il le passage du point A au point D ? Nous savons grâce à la Figure 3.19b que l’augmentation des salaires générerait à la fois un effet de revenu et un effet de substitution. Dans ce cas, l’effet de revenu est plus important que l’effet de substitution, de sorte que le temps libre et la quantité de biens consommés chaque jour augmentent tous les deux. La Figure 3.20 est donc simplement une application à l’Histoire du modèle illustré dans la Figure 3.19b. Suivez les étapes pour visualiser les effets de revenu et de substitution.
Comment ce raisonnement pourrait-il expliquer les autres données historiques auxquelles nous avons accès ?
Considérons d’abord la période antérieure à 1870 en Grande-Bretagne, lorsque les heures de travail et les salaires ont augmenté simultanément :
- effet de revenu : la consommation était relativement faible avant 1870 et, par conséquent, lorsque la hausse des salaires a permis aux travailleurs de consommer davantage, ils n’ont pas souhaité substituer du temps libre aux biens ;
- effet de substitution : les travailleurs étaient cependant plus productifs et mieux payés, et chaque heure de travail était donc mieux rémunérée qu’auparavant en termes de biens. Cela les a incités à travailler davantage ;
- l’effet de substitution dominait : ainsi, avant 1870, l’effet de substitution négatif (baisse du temps libre) était plus important que l’effet de revenu positif (hausse du temps libre), ce qui a augmenté les heures de travail.
Au cours du 20e siècle, nous avons assisté à une hausse des salaires et à une baisse du nombre d’heures de travail. Voici comment notre modèle rend compte de cette évolution :
- effet de revenu : à la fin du 19e siècle, le niveau de consommation des travailleurs était plus élevé et ils accordaient davantage de valeur à leur temps libre – leur taux marginal de substitution était plus élevé – donc l’effet de revenu généré par une augmentation des salaires était plus important ;
- effet de substitution : cela concordait avec la période antérieure à 1870 ;
- l’effet de revenu domine maintenant : lorsque l’effet de revenu a commencé à l’emporter sur l’effet de substitution, le temps de travail a diminué.
Nous devrions également considérer la possibilité que les préférences aient varié au cours du temps. Si vous examinez avec attention la Figure 3.1, vous pouvez voir que, dans la dernière partie du 20e siècle, les heures de travail ont augmenté aux États-Unis, alors que les rémunérations ont à peine augmenté. Les heures de travail ont également augmenté en Suède durant cette période.
L’économiste Thorsten Veblen (1857–1929) a inventé l’expression « consommation ostentatoire » dans son livre Theory of the leisure class. À cette époque, il ne faisait que décrire les usages dans la haute société. Mais avec la hausse du revenu disponible au cours du 20e siècle, le terme s’applique désormais à toute personne qui consomme de manière ostentatoire des biens et des services coûteux afin de montrer sa richesse.
Veblen, Thorstein. (1899) 2007. Theory of the leisure class. Oxford: Oxford University Press.
- consommation ostentatoire
- L’achat de biens ou services pour afficher publiquement un statut social ou économique.
Pourquoi cela ? Peut-être que l’importance accordée à la consommation par les Suédois et les Américains a augmenté pendant ces années. Dit autrement, leurs préférences ont changé, de sorte que leur TMS a diminué (ils se sont rapprochés des travailleurs coréens d’aujourd’hui). Cela a pu se produire car dans ces deux pays, la part des revenus détenue par les plus riches a fortement augmenté, et leurs habitudes de consommation toujours plus fastueuses ont conduit à une augmentation des standards de vie pour tous. En conséquence, nombreux sont les individus aux revenus modestes qui ont essayé de copier les habitudes de consommation des riches, un comportement qualifié de consommation ostentatoire. D’après cette explication, les Suédois et les Américains auraient tenté « d’imiter leurs voisins », toujours plus riches, ce qui a modifié les préférences de tout le monde.
La combinaison d’influences politiques, culturelles et économiques sur nos choix peut produire des évolutions surprenantes. Dans notre vidéo « Économiste en action », Juliet Schor, une sociologue et économiste qui a écrit sur le paradoxe selon lequel de nombreux individus fortunés dans le monde continuent à travailler davantage malgré les gains technologiques, s’interroge sur les conséquences pour notre qualité de vie et notre environnement.7
Question 3.11 Choisissez la ou les bonnes réponses
La Figure 3.20 décrit un modèle d’offre de travail et de consommation pour les États-Unis en 1900 et 2013. Le taux de salaire indique une augmentation entre les deux années.
Parmi les propositions suivantes, lesquelles sont correctes ?
- L’effet de substitution est l’effet pur du changement de la pente de la contrainte budgétaire. Le mouvement de A vers D est l’effet combiné des effets de substitution et de revenu.
- L’effet de revenu est l’effet d’un revenu plus élevé sur le choix de temps libre, qui est indiqué par le déplacement parallèle de la contrainte budgétaire vers l’extérieur et ainsi un mouvement de A vers C.
- Avec les courbes d’indifférence représentées, l’effet de revenu de l’augmentation du salaire est plus élevé que l’effet de substitution, de sorte que le temps libre total augmente et les heures de travail baissent.
- Avec des courbes d’indifférence différentes, l’effet de substitution aurait pu dominer l’effet de revenu, ce qui aurait conduit à une réduction du temps libre entre 1900 et 2013.
À quoi s’attendre dans le futur ? Les économies où les revenus sont élevés continueront à faire face à une transformation majeure : le rôle déclinant du travail au cours d’une vie. Nous commençons à travailler plus tard, et nous cessons de travailler plus jeunes, tout en vivant plus longtemps et en passant moins d’heures au travail pendant nos années d’activité. Robert Fogel, un historien de l’économie, a estimé le temps de travail total au cours de l’Histoire, incluant les temps de trajet domicile-travail, ainsi que le travail domestique. Il a réalisé des projections pour l’année 2040, définissant ce qu’il appelait le « temps discrétionnaire » comme valant 24 heures par jour, moins le temps dont nous avons tous besoin pour une sorte de maintenance biologique (sommeil, alimentation et hygiène personnelle). Fogel a défini le temps de loisirs comme étant égal au temps discrétionnaire moins le temps de travail.8

Estimations des heures de travail et de loisirs au cours d’une vie (1880, 1995, 2040)
Figure 3.21 Estimations des heures de travail et de loisirs au cours d’une vie (1880, 1995, 2040).
Robert William Fogel. 2000. The Fourth Great Awakening and the Future of Egalitarianism. Chicago: University of Chicago Press.
Il estimait qu’en 1880, au cours d’une vie, le temps de loisirs ne représentait qu’un quart des heures de travail. En 1995, d’après ses calculs, le temps consacré aux loisirs au cours d’une vie était supérieur au temps de travail. Il a également prédit qu’en 2040, le temps de loisirs au cours d’une vie serait trois fois plus important que le temps de travail. Ses estimations sont représentées dans la Figure 3.21.
Nous ne pouvons pas savoir si les prédictions de Fogel surestiment le déclin du temps de travail, comme l’ont fait celles de Keynes. Cependant, il a certainement raison de dire que l’une des grandes évolutions apportées par la révolution technologique est une réduction drastique du rôle que le travail joue dans la vie d’une personne moyenne.
Exercice 3.9 Rareté et choix
- Est-ce que nos modèles de rareté et de choix offrent une explication plausible des tendances observées dans les heures travaillées au cours du 20e siècle ?
- Quels autres facteurs, absents du modèle, pourraient être importants pour expliquer ce qui s’est produit ?
- Rappelez-vous la prédiction de Keynes selon laquelle les heures de travail chuteraient à 15 heures par semaine après 1930. Pourquoi pensez-vous que sa prédiction ne s’est pas réalisée ? Est-ce que les préférences des individus ont changé ? Le modèle se concentre sur le nombre d’heures que les travailleurs choisiraient. Pensez-vous qu’aujourd’hui de nombreux employés travaillent plus d’heures qu’ils ne le souhaiteraient ?
- Dans son essai, Keynes écrivait que les individus ont deux types de besoins ou de souhaits économiques : des besoins absolus qui ne dépendent pas de la situation de ce qui les entoure et des besoins relatifs qu’il appelait « le désir de supériorité ». La course à toujours vouloir imiter les voisins capture une idée similaire selon laquelle nos préférences pourraient être affectées par l’observation de la consommation des autres. Est-ce que le concept des biens relatifs pourrait contribuer à expliquer l’erreur de prédiction de Keynes s’agissant des heures de travail ?
3.10 Expliquer nos heures de travail : différences entre pays
La Figure 3.2 montrait que dans les pays où les revenus (mesurés par le PIB par tête) sont plus élevés, les travailleurs tendent à avoir plus de temps libre, mais également qu’il existe d’importantes différences en termes d’heures annuelles de temps libre entre des pays ayant des niveaux de revenus similaires. Pour analyser ces différences à l’aide de notre modèle, il nous faut une autre mesure du revenu qui corresponde plus précisément aux revenus du travail. Le tableau de la Figure 3.22 indique les heures de travail de cinq pays, ainsi que le revenu disponible d’un employé moyen (calculé à partir des impôts et des transferts associés à un individu célibataire sans enfant).
À partir de ces chiffres, nous avons calculé le temps libre annuel et le salaire moyen (en divisant le revenu annuel par le nombre d’heures travaillées annuellement). Enfin, le temps libre et la consommation par jour sont obtenus en divisant le temps libre et les revenus annuels par 365.
Pays | Nombre moyen d'heures travaillées par employé et par an | Revenu disponible moyen annuel (célibataire, sans enfant) | Temps libre moyen par an | Salaire (revenu disponible par heure travaillée) | Temps libre par jour | Consommation par jour |
---|---|---|---|---|---|---|
États-Unis | 1 789 | 36 737 | 6 971 | 20,54 | 19,10 | 100,65 |
Corée du Sud | 2 163 | 39 686 | 6 597 | 18,35 | 18,07 | 108,73 |
Pays-Bas | 1 383 | 40 171 | 7 377 | 29,05 | 20,21 | 110,06 |
Turquie | 1 855 | 17 118 | 6 905 | 9,23 | 18,92 | 46,90 |
Mexique | 2 226 | 11 046 | 6 534 | 4,96 | 17,90 | 30,26 |
Temps libre et consommation quotidienne pour différents pays (2013)
Figure 3.22 Temps libre et consommation quotidienne pour différents pays (2013).
OECD. Average annual hours actually worked per worker. Consulté en juin 2016. Le revenu net après impôts est exprimé en $ en appliquant un taux de change à parité de pouvoir d’achat.
La Figure 3.23 montre comment nous pourrions combiner ces données au modèle de la Section 3.7, afin de comprendre les différences entre pays. À partir des données de la Figure 3.22, nous avons représenté la consommation quotidienne et le temps libre pour un travailleur représentatif de chaque pays, ainsi que la contrainte budgétaire correspondante construite, comme précédemment, en utilisant une droite passant par le point de coordonnées (24,0), dont la pente est égale au salaire. Nous n’avons pas d’information sur les préférences des travailleurs de chaque pays, et nous ne savons pas si les combinaisons du graphique peuvent être interprétées comme des choix effectués par les travailleurs. Si nous supposons toutefois que ces combinaisons reflètent les choix des travailleurs, nous pouvons considérer que les données constituent des indications sur les préférences des travailleurs dans chaque pays.
La Figure 3.23 indique que le temps libre moyen au Mexique et en Corée du Sud est quasiment identique, bien que le salaire soit bien plus élevé en Corée du Sud qu’au Mexique. Les Coréens, les Américains et les Néerlandais ont presque autant à dépenser quotidiennement, mais les Coréens s’octroient trois heures de temps libre en moins. Est-il possible que les Coréens aient les mêmes préférences que les Américains, de sorte que si le salaire augmentait en Corée du Sud, ils feraient le même choix ? Cela semble improbable : l’effet de substitution les pousserait à consommer davantage de biens et à avoir moins de temps libre, et il est improbable que l’effet de revenu d’une hausse du salaire les pousse à consommer moins de biens. Beaucoup plus plausible est donc l’hypothèse selon laquelle les Coréens et les Américains ont (en moyenne) des préférences différentes. Suivez les étapes de la Figure 3.23 pour visualiser quelles courbes d’indifférence hypothétiques pourraient expliquer les différences entre pays. Remarquez que les courbes d’indifférence pour les États-Unis et la Corée du Sud se croisent. Cela signifie que les Coréens et les Américains doivent avoir des préférences différentes.
Le point Q dans la dernière étape de la figure est le point d’intersection des courbes d’indifférence coréenne et américaine. En ce point, la courbe d’indifférence des États-Unis est plus pentue que celle de la Corée du Sud. Cela signifie que l’Américain moyen est prêt à renoncer à plus d’unités quotidiennes de biens pour une heure de temps libre (il s’agit du TMS) que le Coréen moyen, ce qui est cohérent avec l’idée qui veut que les Coréens fournissent des efforts exceptionnellement élevés dans leur travail. Cela montre qu’il peut être important de prendre en compte les différences de préférences entre pays ou entre individus.
Exercice 3.10 Préférences et culture
Supposez que les points représentés sur la Figure 3.23 reflètent les choix de temps libre et de consommation faits par les travailleurs dans ces cinq pays conformément à notre modèle.
- Est-il possible que les gens en Turquie et aux États-Unis aient les mêmes préférences ? Le cas échéant, comment une hausse de salaire en Turquie affecte la consommation et le temps libre ? Qu’est-ce que cela implique pour les effets de revenu et de substitution ?
- Supposez que les gens en Turquie et en Corée du Sud aient les mêmes préférences. Le cas échéant, que pouvez-vous dire à propos des effets de revenu et de substitution d’une hausse des salaires ?
- Si les salaires augmentaient en Corée du Sud, vous attendriez-vous à ce que la consommation soit plus élevée ou plus faible qu’aux Pays-Bas ? Pourquoi ?
Exercice 3.11 Différences de temps de travail entre les pays et dans le temps
La figure ci-dessous illustre l’évolution des heures de travail dans de nombreux pays au cours du 20e siècle (le Royaume-Uni est dans les deux graphiques pour faciliter la comparaison) :
![]()
Michael Huberman and Chris Minns. 2007. ‘The times they are not changin’: Days and hours of work in Old and New Worlds, 1870–2000’. Explorations in Economic History 44 (4): pp. 538–567.
- Comment décririez-vous les évolutions ?
- En quoi les pays du groupe A sont-ils différents de ceux du groupe B ?
- D’après vous, comment expliquer que la diminution des heures de travail ait été plus importante dans certains pays que dans d’autres ?
- D’après vous, pourquoi, dans la plupart des pays, la diminution des heures de travail a-t-elle été plus rapide au cours de la première moitié du siècle ?
- Dans les années récentes, y a-t-il eu des pays où les heures de travail ont augmenté ? D’après vous, pourquoi ?
3.11 Conclusion
Nous avons utilisé un modèle de prise de décision en situation de rareté pour analyser les choix des heures de travail, et comprendre pourquoi les heures de travail ont baissé au cours du 20e siècle. Les préférences des individus en matière de biens et de temps libre sont décrites par des courbes d’indifférence, et leur fonction de production (ou contrainte budgétaire) détermine leur ensemble des possibles. Le choix qui maximise l’utilité est un point sur la frontière des possibles où le taux marginal de substitution (TMS) entre les biens et le temps libre est égal au taux marginal de transformation (TMT).
Une augmentation de la productivité ou des salaires altère le TMT, et augmente le coût d’opportunité du temps libre. Cela offre une incitation à travailler de plus longues heures (effet de substitution). Mais un revenu plus élevé augmente la valeur du temps libre (effet de revenu). Le changement total dans les heures travaillées dépend de la taille relative de ces effets.
Concepts introduits dans l’Unité 3
Avant de continuer, revoyez ces définitions :
3.12 Références bibliographiques
- Fogel, Robert William. 2000. The Fourth Great Awakening and the Future of Egalitarianism. Chicago: University of Chicago Press.
- Friedman, Milton. 1953. Essays in Positive Economics. Chicago: University of Chicago Press.
- Harford, Tim. 2015. ‘The rewards for working hard are too big for Keynes’s vision’. The Undercover Economist. First published by The Financial Times. Updated 3 August 2015.
- Keynes, John Maynard. 1963. ‘Economic Possibilities for our Grandchildren’. In Essays in Persuasion, New York, NY: W. W. Norton & Co.
- Plant, E. Ashby, K. Anders Ericsson, Len Hill, and Kia Asberg. 2005. ‘Why study time does not predict grade point average across college students: Implications of deliberate practice for academic performance’. Contemporary Educational Psychology 30 (1): pp. 96–116.
- Robbins, Lionel. 1984. An Essay on the Nature and Significance of Economic Science. New York: New York University Press.
- Schor, Juliet B. 1992. The Overworked American: The Unexpected Decline Of Leisure. New York, NY: Basic Books.
- Veblen, Thorstein. 2007. The Theory of the Leisure Class. Oxford: Oxford University Press.
- Whaples, Robert. 2001. ‘Hours of work in U.S. History’. EH.Net Encyclopedia.
-
Elizabeth Ashby Plant, Karl Anders Ericsson, Len Hill et Kia Asberg. 2005. ‘Why study time does not predict grade point average across college students: Implications of deliberate practice for academic performance’. Contemporary Educational Psychology 30 (1): pp. 96–116. ↩
-
John Maynard Keynes. 1963. ‘Perspectives économiques pour nos petits-enfants’. In Essays in Persuasion, New York, NY: W. W. Norton & Co. ↩
-
Tim Harford. 2015. ‘The rewards for working hard are too big for Keynes’s vision’. The Undercover Economist. Publié initialement par The Financial Times. Mis à jour le 3 août 2015. ↩
-
Milton Friedman. 1953. Essays in positive economics, 7th ed. Chicago: University of Chicago Press. ↩
-
Lionel Robbins. 1984. An essay on the nature and significance of economic science, 3rd ed. New York: New York University Press. ↩
-
Robert Whaples. 2001. ‘Hours of work in U.S. History’ EH.Net Encyclopedia. ↩
-
Juliet B Schor. 1992. The overworked American: The unexpected decline of leisure. New York, NY: Basic Books. ↩
-
Robert William Fogel. 2000. The fourth great awakening and the future of egalitarianism: The political realignment of the 1990s and the fate of egalitarianism. Chicago: University of Chicago Press. ↩