Les fondateurs de Nashville se serrent la main : iStock.com/anthonysp

Unité 5 Propriété et pouvoir : gains mutuels et conflit

Comment les institutions influencent l’équilibre des pouvoirs dans les interactions économiques et affectent l’équité et l’efficacité des allocations qui en résultent.

  • Le progrès technique, la biologie, les institutions économiques et les préférences des individus sont des déterminants importants des performances économiques.
  • Le pouvoir est défini comme la capacité à faire et à obtenir ce que l’on désire, y compris contre la volonté d’autrui.
  • Les interactions entre acteurs économiques peuvent aboutir à des gains mutuels, mais aussi à des conflits concernant la répartition de ces gains.
  • Les institutions influencent le pouvoir, ainsi que les autres avantages dont disposent les individus au cours des négociations.
  • Les critères d’efficacité et d’équité peuvent aider à évaluer les institutions économiques et les résultats des interactions économiques.

L’un de vos aïeuls pensait peut-être que le meilleur moyen de s’enrichir était de partir en expédition en mer, avec un pirate tel que Barbe-Noire ou le capitaine Kidd. Imaginez qu’il ait choisi le bateau du capitaine Bartholomew Roberts, le Royal Rover. Cet aïeul, ainsi que les autres membres de l’équipage auraient été contraints de signer la charte de conduite du navire. Ce document (appelé The Royal Rover’s Articles) stipulait, entre autres, que :1

Article I
Chaque homme a une voix dans les affaires du moment ; un droit égal aux provisions fraîches…

Article III
Interdiction de jouer aux cartes ou aux dés pour de l’argent.

Article IV
Les lumières et les bougies doivent être éteintes à 20 heures ; si un membre de l’équipage désire continuer de boire après cette heure, il doit le faire sur le pont…

Article X
Le capitaine et le quartier-maître reçoivent deux parts d’une prise (le butin d’un navire prisonnier) ; le maître, le maître d’équipage et le canonnier une part et demie ; les autres officiers une et un quart (tous les autres reçoivent une part, appelée leur « dividende »).

Article XI
Les musiciens doivent se reposer le jour du Sabbat mais n’y ont pas le droit les six autres jours et nuits, sauf permission spéciale.

Le Royal Rover et ses Articles ne faisaient pas figure d’exception. Entre la fin du 17e siècle et le début du 18e siècle, l’âge d’or de la piraterie européenne, la plupart des navires de pirates disposaient de chartes écrites qui garantissaient même, dans certains cas, plus de pouvoir aux membres d’équipage. Leurs capitaines étaient élus de manière démocratique (« le rang de capitaine étant obtenu à l’issue d’un suffrage majoritaire »). Beaucoup de capitaines furent démis de leurs fonctions, notamment pour fait de couardise lors de batailles. Les équipages élisaient également l’un des leurs comme quartier-maître qui, en temps de paix, avait le pouvoir d’annuler les ordres du capitaine.

Si votre aïeul avait servi comme vigie et été le premier à apercevoir un navire plus tard capturé, il aurait reçu en récompense la « meilleure paire de pistolets à bord, en plus de son dividende ». S’il avait été grièvement blessé lors d’une bataille, les articles lui garantissaient une compensation pour la blessure (le montant était d’ailleurs plus important pour la perte du bras droit ou de la jambe droite que du bras gauche ou de la jambe gauche). Sur un bateau pirate, votre ancêtre aurait travaillé au sein d’un équipage multiculturel, avec probablement environ un quart des membres d’origine africaine, et le reste de descendance européenne (incluant des Américains).

Les membres de l’équipage étaient de ce fait souvent très solidaires. Un observateur de l’époque déplorait d’ailleurs que les équipages de pirates soient « diaboliquement unis, et ligués ensemble ». Il n’était pas rare que les matelots capturés sur les navires marchands rejoignent bien volontiers la « communauté de voyous » de leurs ravisseurs.

Un autre commentateur mécontent remarqua : « Ces hommes que l’on surnomme… le scandale de la nature humaine, abandonnés à tout vice […] étaient d’une équité impartiale entre eux. » À en croire cette description, si ces corsaires avaient tenu le rôle du Répondant dans le jeu de l’ultimatum (expliqué dans l’Unité 4, Section 4.10), ils auraient rejeté toute offre inférieure à la moitié du butin !

5.1 Institutions et pouvoir

Nulle part ailleurs, à la fin du 17e et au début du 18e siècle, les travailleurs ordinaires avaient le droit de vote, recevaient une compensation en cas d’accident du travail, ou étaient protégés face au pouvoir arbitraire d’une autorité supérieure, comme c’était le cas à bord du Royal Rover. Les Articles du Royal Rover stipulaient noir sur blanc les accords passés entre les pirates concernant leurs conditions de travail. Ils déterminaient qui faisait quoi à bord, et ce que chacun obtenait, par exemple la part du butin reçue par le timonier par rapport à celle de l’artilleur. Il y avait aussi des règles informelles non écrites de bon comportement que les pirates respectaient, par habitude ou pour éviter une condamnation par les autres membres d’équipage.

Institutions

Les institutions sont des règles écrites et non écrites qui régissent :

  • ce que font les individus lorsqu’ils interagissent dans le cadre d’un projet commun ;
  • la répartition des gains tirés de leur effort commun.

Ces règles, aussi bien écrites que non écrites, étaient les institutions qui gouvernaient les interactions entre les membres d’équipage du Royal Rover.

incitation
Récompense ou punition économique qui influence les bénéfices et les coûts des actions possibles.

Les institutions offraient aussi bien des contraintes (ne pas boire après 20 heures, sauf sur le pont) que des incitations (la meilleure paire de pistolets pour la vigie ayant détecté un navire capturé par la suite). En utilisant le vocabulaire de la théorie des jeux présenté dans l’unité précédente, nous dirions qu’elles constituaient les « règles du jeu », semblables à celles du jeu de l’ultimatum de la Section 4.10, qui stipulent qui fait quoi, à quel moment, et comment les actions de chaque joueur déterminent leurs gains.

Dans cette unité, nous utilisons les termes « institutions » et « règles du jeu » de manière interchangeable.

Les expériences de l’Unité 4 nous ont montré que les règles du jeu affectent :

  • La manière dont les gens jouent ;
  • Le montant total des gains disponibles pour les participants ;
  • La manière dont les gains sont répartis.

Par exemple, les règles (ou institutions) du jeu de l’ultimatum déterminent la taille du gâteau, qui est l’Offreur, ce que l’Offreur peut faire (offrir n’importe quelle fraction du gâteau), ce que le Répondant peut faire (accepter ou refuser) et qui reçoit quoi en conséquence.

Nous avons aussi vu que changer les règles modifiait le résultat du jeu. En particulier, s’il y a deux Répondants dans le jeu de l’ultimatum, ils sont plus susceptibles d’accepter une offre basse car ils ne sont pas certains de la stratégie adoptée par l’autre. Cela signifie aussi que l’Offreur peut faire une offre plus basse, et obtenir un gain plus élevé.

Étant donné que les institutions déterminent qui peut faire quoi, et la manière dont les gains sont distribués, elles déterminent le pouvoir que les individus ont dans leurs interactions avec les autres.

Pouvoir

La capacité d’un individu à faire et obtenir ce qu’il désire, contre la volonté des autres.

Le pouvoir en économie prend deux formes principales :

  • il peut décider des termes d’un échange : en faisant une offre à prendre ou à laisser (comme dans le jeu de l’ultimatum) ;
  • il peut imposer ou menacer d’imposer des coûts élevés : à moins que l’autre n’agisse d’une manière qui serve les intérêts de la personne disposant du pouvoir.
pouvoir de négociation
Le degré d’avantage qu’a un individu dans la capture d’une plus grande part des rentes résultant d’une interaction.

Les règles du jeu de l’ultimatum déterminent la capacité des joueurs à obtenir un gain élevé – la mesure de leur avantage lors de la division du gâteau – qui est une forme de pouvoir appelée pouvoir de négociation. Le pouvoir de faire une offre à prendre ou à laisser donne à l’Offreur plus de pouvoir de négociation que le Répondant, et conduit souvent l’Offreur à obtenir plus que la moitié du gâteau. Cependant, le pouvoir de négociation de l’Offreur est limité par la capacité du Répondant à refuser. S’il y a deux Répondants, le pouvoir de refuser est plus faible, ce qui signifie que le pouvoir de négociation de l’Offreur augmente.

Dans les expériences, l’Offreur ou le Répondant sont désignés de manière aléatoire, tout comme le pouvoir de négociation. En réalité, lors des interactions économiques, l’attribution du pouvoir n’est pas due au hasard.

Sur le marché du travail, les propriétaires de l’usine ou de l’entreprise sont typiquement ceux qui ont le pouvoir de fixer les termes de l’échange : ils sont ceux qui proposent le salaire et les autres conditions de travail. Ceux qui recherchent un emploi sont dans la même situation que les Répondants. Étant donné qu’il y a en général plus d’une personne candidatant pour le même emploi, leur pouvoir de négociation peut être faible, tout comme dans le jeu de l’ultimatum avec plus d’un Répondant. De plus, comme le lieu de travail est la propriété privée de l’employeur, l’employeur peut choisir d’exclure le travailleur en le licenciant, si son travail ne correspond pas aux attentes.

Souvenez-vous de ce que vous avez appris dans les Unités 1 et 2 : la productivité du travail a commencé à augmenter en Grande-Bretagne au milieu du 17e siècle, mais ce n’est qu’à partir du milieu du 19e siècle que, d’une part, la combinaison de modifications dans l’offre et la demande de travail et, d’autre part, de nouvelles institutions (telles que les syndicats et l’extension du droit de vote pour les travailleurs) donnèrent aux salariés un pouvoir de négociation suffisant pour augmenter les salaires de manière substantielle.

Nous allons voir dans la prochaine unité comment le marché du travail, avec d’autres institutions, donne deux types de pouvoir aux employeurs. Dans l’Unité 7, nous expliquerons comment certaines entreprises ont le pouvoir de fixer des prix élevés pour leurs produits. Dans l’Unité 10, nous verrons comment le marché du crédit donne du pouvoir aux banques et aux autres prêteurs par rapport aux individus désirant obtenir un prêt.

Le pouvoir de dire non

Supposez que nous autorisions l’Offreur à simplement diviser le gâteau de n’importe quelle manière, et que le Répondant soit obligé d’accepter ce que l’Offreur lui donne (s’il lui offre quelque chose). Dans ce cas, l’Offreur dispose de l’intégralité du pouvoir de négociation ; alors que le Répondant n’en a aucun. Il existe un jeu expérimental appliquant ce système de règles, et comme vous l’aurez probablement deviné, il s’agit du jeu du dictateur.

On trouve dans l’Histoire et dans l’actualité de nombreux exemples d’institutions économiques semblables au jeu du dictateur, où il est impossible de refuser la proposition de l’Offreur. Les dictatures contemporaines comme la Corée du Nord, ou encore la pratique de l’esclavage aux États-Unis jusqu’à la fin de la guerre de Sécession en 1865, en sont de bonnes illustrations. On peut trouver d’autres exemples actuels du jeu du dictateur avec certaines organisations criminelles impliquées dans le trafic de drogue ou d’êtres humains, pour lesquelles le pouvoir peut prendre la forme de coercition physique et de menaces de violence.

Dans une économie capitaliste au sein d’une société démocratique, des institutions existent pour protéger les individus contre la violence et la coercition, et pour assurer que la plupart des interactions économiques aient lieu de manière volontaire. Plus loin dans cette unité, nous étudierons le résultat d’une interaction impliquant de la coercition, et la manière dont ce résultat est modifié lorsque la possibilité de refuser est introduite.

5.2 Évaluer les institutions et leurs résultats : le critère de Pareto

Que nous étudiions des pêcheurs gagnant leur vie en évitant d’épuiser les stocks de poissons, des agriculteurs assurant la maintenance des canaux d’irrigation, ou encore deux personnes partageant un gâteau, nous voulons à la fois être capables de décrire ce qui se passe et d’évaluer la situation. Est-ce mieux ou pire que les autres résultats possibles ? La description repose sur des faits, tandis que l’évaluation se fonde sur des valeurs.

allocation
Une description de qui fait quoi, les conséquences de leurs actions et, par conséquent, qui reçoit quoi.

Nous appelons le résultat d’une interaction économique une allocation.

Dans le jeu de l’ultimatum, par exemple, l’allocation décrit la répartition du gain total proposée par l’Offreur, qu’elle soit acceptée ou non, et les gains des deux joueurs qui résultent de cette répartition.

Critère de Pareto

Selon le critère de Pareto, l’allocation A domine l’allocation B si A est plus avantageuse que B pour au moins une des personnes impliquées, et que personne n’en pâtit (il n’y a personne pour qui B serait plus avantageuse que A).

Nous disons que A Pareto-domine B.

Pareto-dominant
L’allocation A domine au sens de Pareto l’allocation B si au moins une partie voit sa situation améliorée avec A au lieu de B, sans qu’aucune partie ne voit sa situation dégradée par A. Voir également : Pareto-efficace.

Supposez maintenant que l’on souhaite comparer deux allocations possibles, A et B, résultant d’une interaction économique. Peut-on savoir laquelle des deux est la meilleure ? Supposez que l’on trouve que toutes les parties prenantes à l’interaction préfèrent l’allocation A. Ainsi, la plupart des gens jugeraient que A est une meilleure allocation que B. Ce critère de jugement entre A et B est appelé le critère de Pareto, d’après Vilfredo Pareto, un économiste et sociologue italien.

Notez que quand nous disons qu’une allocation est plus avantageuse pour quelqu’un, nous voulons dire que cette personne la préfère ; pas nécessairement qu’elle obtient plus d’argent.

Les grands économistes Vilfredo Pareto

Vilfredo Pareto Vilfredo Pareto (1848–1848), économiste et sociologue italien, a obtenu un diplôme d’ingénieur pour ses travaux sur le concept d’équilibre en physique. Il est aujourd’hui surtout célèbre pour la notion d’efficacité qui porte son nom. Son approche, similaire à celle des sciences physiques qu’il avait étudiées dans un premier temps, conçoit les sciences économiques et la sociologie comme des disciplines devant également se fonder sur des faits.

Ses travaux empiriques l’ont amené à questionner l’idée d’une distribution des richesses en forme de cloche, avec peu d’individus aux extrêmes de la distribution (peu de riches et peu de pauvres) et une classe moyenne importante. À la place de cette courbe en cloche, Pareto propose de considérer ce qui sera appelé plus tard la « loi de Pareto », c’est-à-dire une distribution dans laquelle, comme on l’observe à travers les époques et les différents systèmes économiques, il existe une très faible proportion d’individus riches et une forte proportion d’individus pauvres.

Sa règle des 80-20, dérivée de la loi de Pareto, affirme que les 20 % d’individus les plus riches de la population détiennent en général 80 % des richesses. Si Pareto avait habité aux États-Unis en 2015, il aurait dû réviser cette règle pour dire que 90 % de la richesse était détenue par les 20 % les plus riches. Preuve peut-être que sa loi n’est pas aussi universelle qu’il le pensait.

Selon Pareto, le jeu économique est dominé par des enjeux considérables, avec des individus qui gagnent gros, et d’autres qui perdent beaucoup. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait poussé les économistes de son époque à étudier les conflits portant sur la répartition des gains. Il pensait en effet que le temps et les ressources en jeu dans ces conflits faisaient partie de ce sur quoi les sciences économiques devaient se pencher. 2 Dans son ouvrage le plus célèbre, Manuel d’économie politique (1906), il notait que « [l]es efforts des hommes sont utilisés de deux manières différentes : ils sont employés à la production ou la transformation des biens économiques, ou bien à l’appropriation des biens produits par d’autres ».

La Figure 5.1 compare les quatre allocations du jeu du contrôle des parasites présenté à l’Unité 4 à l’aune du critère de Pareto (en utilisant une méthode similaire à la comparaison des technologies de l’Unité 2). Nous faisons l’hypothèse qu’Anil et Bala sont égoïstes, c’est-à-dire qu’ils préfèrent les allocations qui augmentent leurs propres gains.

Le rectangle bleu dont l’un des angles correspond à l’allocation (T,T) indique que (I,I) Pareto-domine (T,T). Suivez les étapes de la Figure 5.1 pour voir plus de comparaisons.

Allocations Pareto-efficaces. Toutes les allocations sauf l’usage mutuel du pesticide (T,T) sont Pareto-efficaces
: Allocations Pareto-efficaces. Toutes les allocations sauf l’usage mutuel du pesticide (T,T) sont Pareto-efficaces.
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Allocations Pareto-efficaces. Toutes les allocations sauf l’usage mutuel du pesticide (T,T) sont Pareto-efficaces

Figure 5.1 Allocations Pareto-efficaces. Toutes les allocations sauf l’usage mutuel du pesticide (T,T) sont Pareto-efficaces.

Le dilemme du prisonnier d’Anil et Bala
: Le graphique montre les allocations du jeu du dilemme du prisonnier auquel participent Anil et Bala.
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Le dilemme du prisonnier d’Anil et Bala

Le graphique montre les allocations du jeu du dilemme du prisonnier auquel participent Anil et Bala.

Une comparaison au sens de Pareto
: (I,I) se trouve dans le rectangle au nord-est de (T,T), de telle sorte qu’une situation où Anil et Bala utilisent tous deux le CIP Pareto-domine une situation où les deux utilisent Terminator.
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Une comparaison au sens de Pareto

(I,I) se trouve dans le rectangle au nord-est de (T,T), de telle sorte qu’une situation où Anil et Bala utilisent tous deux le CIP Pareto-domine une situation où les deux utilisent Terminator.

Comparer (T,T) et (T,I)
: Si Anil utilise Terminator et Bala CIP, alors Anil est dans une position plus avantageuse par rapport à la situation dans laquelle les deux utilisent Terminator, mais Bala est dans une position moins avantageuse. Le critère de Pareto ne permet pas de dire laquelle de ces deux allocations est la meilleure.
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Comparer (T,T) et (T,I)

Si Anil utilise Terminator et Bala CIP, alors Anil est dans une position plus avantageuse par rapport à la situation dans laquelle les deux utilisent Terminator, mais Bala est dans une position moins avantageuse. Le critère de Pareto ne permet pas de dire laquelle de ces deux allocations est la meilleure.

Aucune allocation ne Pareto-domine (I,I)
: Aucune des autres allocations ne se trouve au nord-est de (I,I), donc (I,I) n’est pas Pareto-dominée.
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Aucune allocation ne Pareto-domine (I,I)

Aucune des autres allocations ne se trouve au nord-est de (I,I), donc (I,I) n’est pas Pareto-dominée.

Que pouvons-nous dire concernant (I,T) et (T,I) ?
: Aucune de ces allocations ne sont Pareto-dominées, mais elles ne dominent pas non plus une autre allocation.
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Que pouvons-nous dire concernant (I,T) et (T,I) ?

Aucune de ces allocations ne sont Pareto-dominées, mais elles ne dominent pas non plus une autre allocation.

Vous pouvez voir à partir de cet exemple que le critère de Pareto peut avoir une utilité limitée pour comparer certaines allocations. Ici, il permet seulement de dire que (I,I) est meilleure que (T,T).

Pareto-efficace
Une allocation ayant la propriété qu’il n’y a aucune allocation alternative techniquement possible qui serait plus avantageuse pour au moins une personne sans que quelqu’un d’autre n’en pâtisse.

Le diagramme montre également que trois des quatre allocations ne sont Pareto-dominées par aucune autre. Une allocation ayant cette propriété est dite Pareto-efficace ou efficace au sens de Pareto.

Efficacité au sens de Pareto

Une allocation qui n’est Pareto-dominée par aucune autre allocation est dite « Pareto-efficace ».

Si une allocation est Pareto-efficace, alors il n’existe aucune allocation alternative pour laquelle au moins l’une des parties serait dans une situation plus avantageuse et personne dans une moins bonne situation. Le concept d’efficacité au sens de Pareto est très fréquemment utilisé en économie et peut intuitivement sembler être une bonne chose, mais certaines précautions doivent être prises.

critère de Pareto
Selon le critère de Pareto, une caractéristique souhaitable d’une allocation est qu’elle soit Pareto-efficace. Voir également : Pareto-dominant.
  • Il y a souvent plusieurs allocations Pareto-efficaces : dans le jeu du contrôle des parasites, il y en a trois.
  • Le critère de Pareto ne permet pas de classer les différentes allocations Pareto-efficaces : il ne nous permet pas de classer (I,I), (I,T) et (T,I).
  • Même si une allocation est Pareto-efficace, cela ne veut pas forcément dire qu’il faille l’approuver : Anil jouant CIP et Bala ayant un comportement de passager clandestin en jouant Terminator est Pareto-efficace, mais nous (et Anil) pouvons penser que ce n’est pas équitable. L’efficacité au sens de Pareto n’a rien à voir avec l’équité.
  • L’allocation (T,I) est Pareto-efficace, alors que (T,T) ne l’est pas (elle est Pareto-inefficace) : mais le critère de Pareto ne nous dit PAS laquelle est la plus désirable.

Il existe une multitude d’allocations Pareto-efficaces que nous ne verrions pas d’un très bon œil. Si vous retournez voir la Figure 4.5, vous observerez que toute répartition des gains d’Anil (incluant le cas où Bala ne reçoit rien) est Pareto-efficace (afin de vous en convaincre, choisissez n’importe quel point sur la frontière de l’ensemble des possibles et dessinez un rectangle en plaçant son angle inférieur gauche à cet endroit-là. Il n’existe pas de résultats possibles au-dessus et à droite de ce point). Pourtant, certaines de ces allocations peuvent sembler très inéquitables. De la même façon, dans le jeu de l’ultimatum, une allocation dans laquelle le Répondant reçoit un centime et l’Offreur reçoit 99,99 $ est également Pareto-efficace. En effet, il est impossible d’améliorer la situation du Répondant sans désavantager l’Offreur.

L’allocation de nourriture est un autre exemple de ce type de situation. Si certaines personnes mangent plus qu’à leur faim alors que d’autres meurent de faim, nous pourrions dire de manière triviale que « ce n’est pas une manière raisonnable de fournir de la nourriture. C’est clairement inefficace ». Cependant, l’efficacité au sens de Pareto implique quelque chose de complètement différent. Une répartition de nourriture très inégale, par exemple si toute la nourriture était consommée par un seul individu, peut être Pareto-efficace. Dans notre exemple, il suffit que cet individu profite ne serait-ce qu’un minimum de chaque unité qu’il consomme.

Question 5.1 Choisissez la ou les bonnes réponses

Parmi les affirmations suivantes concernant le résultat d’une interaction économique, laquelle est correcte ?

  • Si l’allocation est Pareto-efficace, alors il n’est pas possible d’améliorer la situation d’un individu sans désavantager une autre personne.
  • Tous les participants sont satisfaits de ce qu’ils obtiennent si l’allocation est Pareto-efficace.
  • Il ne peut pas y avoir plus d’un résultat Pareto-efficace.
  • Selon le critère de Pareto, un résultat Pareto-efficace est toujours meilleur qu’un résultat inefficace.
  • Si l’allocation est Pareto-efficace, il n’y a pas d’allocation qui la Pareto-domine. En d’autres termes, il n’y a pas d’allocation qui permette d’améliorer la situation d’un individu sans dégrader la situation d’autres personnes.
  • Les allocations Pareto-efficaces peuvent être très inéquitables. Dans ce cas, il est probable qu’au moins un des participants ne soit pas satisfait du résultat.
  • Il peut y avoir plus d’un résultat Pareto-efficace. Nous avons vu que trois des quatre allocations possibles dans le jeu du contrôle des parasites étaient Pareto-efficaces.
  • Il est possible que l’un des participants se trouve désavantagé avec l’allocation Pareto-efficace, le cas échéant le résultat ne sera pas meilleur au sens de Pareto. Dans le jeu du contrôle des parasites, (T,I) est efficace mais ce résultat n’est pas meilleur que (T,T).

5.3 Évaluer les institutions et leurs résultats : l’équité

Bien que le critère de Pareto soit utile pour évaluer des allocations, nous allons également utiliser un autre concept : le concept d’équité. Nous allons nous demander : est-ce équitable ?

Supposons que, lors du jeu de l’ultimatum, l’Offreur ait proposé un centime au Répondant, sur un total de 100 $. Comme nous l’avons vu dans l’Unité 4, dans les expériences réalisées à travers le monde, les participants au jeu de l’ultimatum rejetteraient normalement une telle offre, vraisemblablement parce qu’ils la jugeraient inéquitable. La majorité d’entre nous aurait la même réaction si, au lieu de participer à un jeu expérimental, nous observions deux amies, An et Bai, marchant dans la rue et trouvant un billet de 100 $. An le ramasse. Elle offre un centime à son amie Bai et annonce qu’elle souhaite conserver le reste.

Nous pourrions être outrés. Néanmoins, nous serions peut-être d’un autre avis en apprenant que, malgré le fait qu’An et Bai aient travaillé dur toute leur vie, An vient de perdre son travail et est sans-abri, alors que Bai vit dans l’opulence. Laisser An garder 99,99 $ pourrait nous sembler juste. Les informations dont nous disposons peuvent nous conduire à appliquer des critères d’équité différents.

Nous pourrions également appliquer un critère d’équité non plus au résultat du jeu, mais aux règles du jeu elles-mêmes. Supposons que nous voyions An proposer un partage équitable, donnant 50 $ à Bai. Nous pourrions penser : « C’est une bonne nouvelle pour An, cela semble équitable ! » Cependant, si Bai avait menacé An avec une arme pour obtenir cette répartition égale, nous jugerions probablement ce résultat inéquitable.

jugement sur le fond de l’équité
Jugement basé sur les caractéristiques de l’allocation en soi, et non pas sur la manière dont elle a été déterminée. Voir également : jugement procédural de l’équité.
jugement procédural de l’équité
Une évaluation d’un résultat basée sur les facteurs qui ont mené à l’allocation et non pas sur les caractéristiques du résultat en soi (par exemple, son degré d’inégalité). Voir également : jugement sur le fond de l’équité.

Cet exemple permet de souligner un aspect fondamental de l’équité. Des allocations peuvent être considérées inéquitables en fonction de :

  • leur degré d’inégalité : par exemple, en termes de revenus ou de bien-être subjectif. Ce sont des jugements sur le fond de l’équité ;
  • la manière dont elles sont obtenues : par la force, ou par une concurrence équitable, par exemple. Il s’agit alors de jugements procéduraux de l’équité.

Jugements sur le fond et procéduraux

Pour faire un jugement sur le fond de l’équité, il suffit de connaître l’allocation. Pour un jugement procédural, nous devons par contre connaître les règles du jeu et les autres facteurs qui ont mené à cette allocation particulière.

Deux personnes jugeant l’équité sur le fond dans le cas d’une même situation ne seront bien sûr pas nécessairement d’accord. Ils pourraient, par exemple, être en désaccord sur le critère à retenir pour juger de l’équité d’une situation : doit-on l’évaluer à partir du revenu ou du bonheur ? Si nous mesurons l’équité en utilisant le bonheur comme critère, une personne avec un lourd handicap mental ou physique pourrait avoir besoin d’un revenu beaucoup plus élevé qu’une personne valide pour atteindre le même niveau de satisfaction dans sa vie.3

Jugements sur le fond

Ces jugements sont fondés sur l’inégalité caractérisant un aspect d’une allocation, par exemple en termes de :

  • revenu : la compensation monétaire (ou une mesure équivalente) obtenue par un individu en échange de ses biens ou services ;
  • bonheur : les économistes ont développé des indicateurs permettant de mesurer le bien-être subjectif ;
  • liberté : le degré selon lequel on peut faire (ou être) ce que l’on choisit sans contraintes imposées par la société.

Exercice 5.1 Équité sur le fond

Pensez à la société dans laquelle vous vivez, ou à une autre société que vous connaissez bien.

  1. Afin de rendre cette société plus équitable, voudriez-vous voir une plus grande égalité des revenus, du bonheur ou de la liberté ? Pourquoi ? Pourrait-il y avoir un arbitrage entre ces différentes dimensions ?
  2. Existe-t-il d’autres facteurs qui devraient être répartis de façon plus égale afin de garantir une plus grande équité dans cette société ?

Jugements procéduraux

Ces jugements sont fondés sur une évaluation des règles du jeu ayant conduit à l’allocation. Ces règles incluent :

  • l’échange volontaire de la propriété privée acquise par des moyens légitimes : les actions qui ont mené à l’allocation considérée sont-elles le résultat d’actions librement consenties par les individus impliqués ? Par exemple, les biens achetés ou vendus par chacun proviennent-ils d’un héritage, d’un achat antérieur, de leur propre travail ? Au contraire, ont-ils été acquis par la force ou le vol ?
  • l’égalité des chances dans l’accès aux opportunités économiques : tous les individus disposent-ils des mêmes chances d’acquérir une part importante du montant à répartir, ou ont-ils subi une quelconque forme de discrimination ou de désavantage liée à leur origine ethnique, leur orientation sexuelle, leur genre, ou la situation de leurs parents ?
  • le mérite : les règles du jeu prennent-elles en compte l’effort fourni par un individu dans son travail, ou son respect des normes sociales ?

Exercice 5.2 Équité procédurale

Pensez à la société dans laquelle vous vivez, ou à toute autre société qui vous est familière. Dans quelle mesure est-elle équitable, d’après les critères de jugements procéduraux de l’équité listés ci-dessus ?

Nous pouvons utiliser ces différents critères de jugement afin d’évaluer les résultats du jeu de l’ultimatum. La plupart des gens vont considérer les règles du jeu expérimental comme équitables.

  • Les Offreurs sont choisis aléatoirement.
  • Le jeu est anonyme.
  • Il ne peut pas y avoir de discrimination.
  • Toutes les actions sont volontaires. Le Répondant est libre de refuser l’offre qui lui est faite et l’Offreur est libre de proposer n’importe quel montant.

Les jugements quant au fond sont des évaluations de l’allocation elle-même : ils portent sur la manière dont le gâteau est partagé. Nous savons, à partir du comportement des sujets expérimentaux, que la plupart des personnes jugeraient inéquitable une allocation dans laquelle l’Offreur garde 90 % du gâteau.

Évaluer l’équité

Dans l’économie réelle, les règles du jeu sont loin d’être aussi équitables que celles du jeu de l’ultimatum, et les jugements procéduraux de l’injustice sont très importants pour beaucoup d’individus, comme nous le verrons dans l’Unité 19 (Inégalités économiques).

La notion de justice ou d’équité varie d’une personne à l’autre. Certains considèrent, par exemple, que n’importe quel niveau d’inégalités est juste à condition que les règles du jeu qui déterminent l’allocation soient équitables. D’autres, en revanche, considèrent qu’une allocation est inéquitable dès lors que certaines personnes sont privés de biens essentiels, tandis que d’autres consomment des biens de luxe.

Le philosophe américain John Rawls (1921–1921) a mis au point un raisonnement permettant de clarifier ces arguments, et qui nous permet parfois de dépasser des désaccords portant sur la question des valeurs. Il s’articule en trois étapes.

  1. Nous adoptons le principe que l’équité s’applique à tous : pour reprendre l’exemple précédent, si l’on échangeait les situations de An et de Bai, c’est-à-dire si c’était Bai (et non An) qui avait ramassé les 100 $, nous appliquerions le même critère d’équité pour évaluer le résultat.
  2. Imaginez un voile d’ignorance : comme l’équité s’applique à chacun, nous compris, Rawls nous invite à nous imaginer derrière ce qu’il appelle un « voile d’ignorance », c’est-à-dire le fait de ne pas savoir quelle position nous occuperions dans la société. Nous pourrions être un homme ou une femme, malade ou en bonne santé, riche ou pauvre (ou venant d’une famille riche ou pauvre), faire partie d’un groupe dominant ou minoritaire, etc. Dans le jeu des 100 $ sur le trottoir, sous le voile, nous ne saurions pas si nous sommes la personne qui trouve l’argent, ou celle qui répond à l’offre.
  3. Sous le voile d’ignorance, nous pouvons faire un jugement : par exemple, le choix d’un ensemble d’institutions – en imaginant qu’en faisant ainsi, nous deviendrons membre de la société que nous avons choisie, avec une chance égale d’occuper la place de n’importe quel individu y vivant.

Le voile d’ignorance vous invite, lors que l’on juge le caractère équitable ou inéquitable d’une situation, à vous mettre à la place d’individus plutôt différents de vous. Cela permet, selon Rawls, d’être capable d’évaluer les constitutions, lois, règles d’héritage et les autres institutions de la société comme un observateur impartial.

Exercice 5.3 Partager les profits au sein d’un partenariat

Supposez que vous et un partenaire fondiez une entreprise où vous vendez tous les deux une nouvelle application aux consommateurs. Vous décidez du partage des profits et examinez quatre options. Les profits pourraient être partagés :

  • de manière égale ;
  • proportionnellement à la quantité d’applications que chacun vend ;
  • de manière inversement proportionnelle au montant des revenus que chacun obtient via d’autres activités (par exemple, si l’un de vous a deux fois plus de revenus que l’autre, les profits pourraient être divisés en un tiers pour l’un, et deux tiers pour l’autre) ;
  • en proportion du nombre d’heures que chacun a passées à vendre les applications.

Ordonnez ces options selon vos préférences et donnez des arguments fondés sur les concepts d’équité présentés dans cette section. Si l’ordre dépend d’autres aspects de ce projet commun, énoncez lesquels.

Ni la philosophie, ni les sciences économiques, ou toute autre science ne peuvent éliminer les désaccords sur les questions de valeurs. Mais l’économie permet de clarifier :

  • la manière dont les dimensions de l’inéquité peuvent être liées : par exemple, la manière dont les règles du jeu donnant un avantage particulier à un groupe ou à un autre peut affecter le degré d’inégalité ;
  • les arbitrages entre les différentes dimensions de l’équité : par exemple, doit-on faire un compromis sur le niveau d’égalité des revenus si nous voulons également l’égalité des chances ?
  • les politiques publiques pour répondre aux problèmes d’injustice : également, ces mesures font-elles des compromis sur d’autres objectifs ?

5.4 Un modèle de choix et de conflits

Dans le reste de cette unité, nous allons étudier quelques interactions économiques et évaluer les allocations qui en résultent. À l’instar des expériences de l’Unité 4, nous verrons que la coopération comme le conflit peuvent survenir. Comme lors des expériences et dans ce que l’Histoire nous apprend, nous verrons à quel point les règles sont importantes.

Rappelez-vous du modèle de l’Unité 3 faisant intervenir la fermière Angela qui produit des céréales. Nous allons développer le modèle dans une suite de scénarios impliquant deux personnages.

  1. Initialement, Angela travaille seule sa terre et garde tout ce qu’elle produit.
  2. Nous ajoutons ensuite un second individu, qui ne travaille pas la terre, mais souhaiterait obtenir une partie de la récolte. Il s’appelle Bruno.
  3. Au début, Bruno peut forcer Angela à travailler pour lui. Afin de survivre, elle doit obéir à ses ordres.
  4. Plus tard, les règles changent : l’État de droit remplace le règne de la force. Bruno ne peut plus forcer Angela à travailler. Toutefois, la terre appartient à Bruno. Si Angela veut continuer à la cultiver, elle doit accepter, par exemple, de lui verser une partie de la récolte.
  5. Finalement, les règles du jeu changent de nouveau en faveur d’Angela. Angela et les autres fermiers ont maintenant le droit de vote, et une nouvelle loi augmente la part de la récolte qui revient à Angela.

Pour chacune de ces étapes, nous allons analyser les changements à l’œuvre s’agissant à la fois de l’efficacité au sens de Pareto et du partage des revenus entre Angela et Bruno. Rappelez-vous que nous pouvons déterminer objectivement si un résultat est Pareto-efficace ou non. En revanche, savoir si le résultat est juste ou non dépend de votre propre analyse du problème, à travers l’utilisation des concepts d’équité sur le fond et sur la procédure.

taux marginal de transformation (TMT)
La quantité d’un bien qui doit être sacrifiée afin d’obtenir une unité additionnelle d’un autre bien. En tout point, il correspond à la pente de la frontière des possibles. Voir également : taux marginal de substitution.

Rappelons que la récolte d’Angela dépend de ses heures de travail, déterminées par la fonction de production. Angela travaille la terre et profite du temps libre restant. Dans l’Unité 3, elle consommait l’ensemble des céréales produites par son travail. Rappelons aussi que la pente de la frontière des possibles est le taux marginal de transformation (TMT) du temps libre en céréales.

taux marginal de substitution (TMS)
Le compromis qu’une personne est prête à faire entre deux biens. En tout point, c’est la pente de la courbe d’indifférence. Voir également : taux marginal de transformation.

Angela accorde de la valeur aux céréales et au temps libre. Nous représentons de nouveau ses préférences sous forme de courbes d’indifférence, qui montrent les combinaisons de céréales et de temps libre qui lui sont égales. Pour rappel, la pente de la courbe d’indifférence est appelée le taux marginal de substitution (TMS) entre les céréales et le temps libre.

Angela travaille seule sa terre

La Figure 5.2 présente les courbes d’indifférence d’Angela et sa frontière des possibles. Plus la pente de la courbe d’indifférence est forte, plus Angela valorise son temps libre par rapport aux céréales. Vous pouvez voir qu’à mesure que son temps libre augmente (lorsqu’on se déplace vers la droite), les courbes deviennent plus plates – Angela accorde une valeur moindre à son temps libre.

Dans cette unité, nous faisons une hypothèse particulière (appelée « quasi-linéarité ») au sujet des préférences d’Angela, que vous pouvez observer avec la forme des courbes d’indifférence. Quand elle obtient plus de céréales, son TMS reste constant. Cela se traduit sur le graphique par des courbes ayant la même pente lorsque vous montez le long de la droite verticale correspondant à 16 heures de temps libre. Avoir plus de céréales ne modifie pas la valeur relative qu’Angela donne à son temps libre par rapport aux céréales.

Pourquoi ? Elle pourrait ne pas manger toutes les céréales, en vendre une partie et utiliser le revenu de la vente pour acheter d’autres biens dont elle a besoin. L’hypothèse de quasi-linéarité des préférences est évidemment une simplification pour faciliter la compréhension du modèle. N’oubliez pas la chose suivante : pour tracer les courbes d’indifférence pour le modèle de cette unité, il suffit simplement de les déplacer vers le haut ou le bas, en gardant constant le TMS pour une quantité de temps libre donnée.

Leibniz : Préférences quasi-linéaires

Angela est libre de choisir sa durée de travail afin d’atteindre sa combinaison préférée de temps libre et de céréales. Utilisez la Figure 5.2 pour déterminer l’allocation.

La frontière des possibles pour la fermière indépendante Angela, sa meilleure courbe d’indifférence possible et son choix d’heures de travail
: La frontière des possibles pour la fermière indépendante Angela, sa meilleure courbe d’indifférence possible et son choix d’heures de travail.
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La frontière des possibles pour la fermière indépendante Angela, sa meilleure courbe d’indifférence possible et son choix d’heures de travail

Figure 5.2 La frontière des possibles pour la fermière indépendante Angela, sa meilleure courbe d’indifférence possible et son choix d’heures de travail.

La frontière des possibles
: Le graphique montre la frontière des possibles d’Angela, déterminée par sa fonction de production.
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La frontière des possibles

Le graphique montre la frontière des possibles d’Angela, déterminée par sa fonction de production.

Le mieux qu’Angela puisse faire
: Le mieux qu’Angela puisse faire, étant donné la contrainte posée par sa frontière des possibles, est de travailler 8 heures, ce qui lui laisse 16 heures de temps libre et lui permet de produire 9 boisseaux de céréales. Au point C, le taux marginal de substitution (TMS) est égal au taux marginal de transformation (TMT).
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Le mieux qu’Angela puisse faire

Le mieux qu’Angela puisse faire, étant donné la contrainte posée par sa frontière des possibles, est de travailler 8 heures, ce qui lui laisse 16 heures de temps libre et lui permet de produire 9 boisseaux de céréales. Au point C, le taux marginal de substitution (TMS) est égal au taux marginal de transformation (TMT).

TMS = TMT
: Rappelez-vous que le TMS est la pente de la courbe d’indifférence : il correspond au compromis qu’Angela est prête à faire entre ses céréales et son temps libre. Le TMT est la pente de la frontière des possibles : il correspond au compromis qu’elle est contrainte de faire. Au point C, les deux compromis coïncident.
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TMS = TMT

Rappelez-vous que le TMS est la pente de la courbe d’indifférence : il correspond au compromis qu’Angela est prête à faire entre ses céréales et son temps libre. Le TMT est la pente de la frontière des possibles : il correspond au compromis qu’elle est contrainte de faire. Au point C, les deux compromis coïncident.

La Figure 5.2 montre que la meilleure chose à faire pour Angela, étant donné les limites posées par sa frontière des possibles, est de travailler 8 heures. Elle a 16 heures de temps libre, et produit et consomme 9 boisseaux de céréales. Il s’agit du nombre d’heures de travail auquel le TMS et le TMT sont égaux. Angela ne peut pas faire mieux que cela ! (Si vous n’êtes pas certain de comprendre ce résultat, retournez à l’Unité 3 pour vérifier.)

Leibniz : Choix d’Angela relatif à son nombre d’heures travaillées

Un nouveau personnage apparaît

Imaginons à présent qu’Angela a de la compagnie. L’autre personne est Bruno ; il n’est pas fermier, mais va réclamer une partie de la récolte d’Angela. Nous allons étudier différentes règles du jeu qui expliquent la quantité produite par Angela et la répartition de cette production entre Angela et Bruno. Par exemple, dans l’un des scénarios, Bruno est le propriétaire terrien et Angela doit lui payer un loyer en céréales afin de pouvoir cultiver la terre.

La Figure 5.3 montre la frontière des possibles combinée pour Bruno et Angela. Cette frontière indique combien de boisseaux de céréales Angela peut produire en fonction de son temps libre. Par exemple, si Angela choisit 12 heures de temps libre et 12 heures de travail, elle produit 10,5 boisseaux de céréales. Un résultat possible de l’interaction entre Angela et Bruno est que 5,25 boisseaux vont à Bruno, tandis qu’Angela garde les 5,25 boisseaux restants pour sa propre consommation.

Suivez les étapes de la Figure 5.3 pour trouver comment chaque allocation possible est représentée graphiquement, en montrant le temps de travail d’Angela, sa quantité de céréales ainsi que la part revenant à Bruno.

Résultats possibles de l’interaction entre Angela et Bruno
: Résultats possibles de l’interaction entre Angela et Bruno.
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Résultats possibles de l’interaction entre Angela et Bruno

Figure 5.3 Résultats possibles de l’interaction entre Angela et Bruno.

La frontière combinée des possibles
: La frontière des possibles montre la quantité maximale de céréales disponible pour Angela et Bruno en fonction de la quantité de temps libre d’Angela. Si Angela choisit d’avoir 12 heures de temps libre et de travailler 12 heures, alors elle produit 10,5 boisseaux de céréales.
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La frontière combinée des possibles

La frontière des possibles montre la quantité maximale de céréales disponible pour Angela et Bruno en fonction de la quantité de temps libre d’Angela. Si Angela choisit d’avoir 12 heures de temps libre et de travailler 12 heures, alors elle produit 10,5 boisseaux de céréales.

Une allocation possible
: Le point E est un résultat possible de l’interaction entre Angela et Bruno.
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Une allocation possible

Le point E est un résultat possible de l’interaction entre Angela et Bruno.

La répartition au point E
: Au point E, Angela travaille 12 heures et produit 10,5 boisseaux de céréales. La répartition des céréales alloue 5,25 boisseaux à Bruno, tandis qu’Angela garde les 5,25 autres boisseaux pour sa propre consommation.
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La répartition au point E

Au point E, Angela travaille 12 heures et produit 10,5 boisseaux de céréales. La répartition des céréales alloue 5,25 boisseaux à Bruno, tandis qu’Angela garde les 5,25 autres boisseaux pour sa propre consommation.

Autres allocations possibles
: Le point F montre une allocation où Angela travaille plus qu’au point E, mais obtient moins de céréales, et le point G montre une situation où Angela travaille davantage et reçoit également plus de céréales.
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Autres allocations possibles

Le point F montre une allocation où Angela travaille plus qu’au point E, mais obtient moins de céréales, et le point G montre une situation où Angela travaille davantage et reçoit également plus de céréales.

Une allocation impossible
: Le résultat en H – où Angela travaille 12 heures par jour et Bruno consomme toute la production d’Angela – ne serait pas possible : Angela serait réduite à la famine.
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Une allocation impossible

Le résultat en H – où Angela travaille 12 heures par jour et Bruno consomme toute la production d’Angela – ne serait pas possible : Angela serait réduite à la famine.

Quelles sont les allocations probables ? Certaines d’entre elles ne sont pas possibles. Par exemple, au point H, Angela travaille 12 heures par jour et ne reçoit rien (Bruno s’accapare la totalité de la récolte). Elle ne survivrait pas. Parmi les allocations qui sont possibles, l’allocation qui sera effectivement réalisée dépend des règles du jeu.

Exercice 5.4 Utiliser les courbes d’indifférence

Sur la Figure 5.3, le point F montre une allocation dans laquelle Angela travaille plus et reçoit moins qu’au point E, et le point G montre le cas où elle travaille plus et obtient plus.

En dessinant les courbes d’indifférence d’Angela, que pouvez-vous dire au sujet de ses préférences entre E, F et G, et de la manière dont cela dépend de la pente des courbes ?

Question 5.2 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 5.3 montre l’ensemble combiné des possibles d’Angela et de Bruno, ainsi que quatre allocations pouvant résulter d’une interaction entre eux deux.

À partir du graphique, il est possible de conclure que :

  • Si les courbes d’indifférence d’Angela sont très plates, elle pourrait préférer G aux trois autres allocations.
  • Si les courbes d’indifférence d’Angela sont très pentues, elle pourrait préférer F aux trois autres allocations.
  • L’allocation G est la meilleure des quatre allocations, du point de vue de Bruno.
  • Il est possible qu’Angela soit indifférente entre G et E.
  • Les courbes d’indifférence d’Angela sont descendantes. Si la courbe d’indifférence passant par G était suffisamment plate, alors les trois autres points seraient tous en dessous de cette courbe.
  • Quelle que soit la pente de ses courbes d’indifférence, Angela préfèrerait E à F, car l’allocation E lui donne à la fois plus de céréales et plus de temps libre.
  • Bruno obtient une quantité de céréales égale à la distance verticale entre l’allocation et la frontière des possibles. G est donc la pire des quatre allocations, de son point de vue.
  • Angela pourrait être indifférente entre G et E - l’une de ses courbes d’indifférence pourrait passer par les deux points.

5.5 Allocations techniquement possibles

Au départ, Angela pouvait consommer (ou vendre) tout ce qu’elle produisait. Maintenant, Bruno est arrivé et il est armé. Il a le pouvoir de mettre en place l’allocation de son choix. Il est même plus puissant que le dictateur dans le jeu du dictateur (dans lequel l’Offreur impose la manière dont le gâteau est partagé). Pourquoi ? Bruno peut décider de la taille du gâteau, ainsi que la manière dont il sera partagé.

Contrairement aux sujets expérimentaux de l’Unité 4, dans ce modèle, Bruno et Angela se préoccupent uniquement de leurs intérêts personnels respectifs. Bruno cherche seulement à maximiser la quantité de céréales qu’il peut obtenir. Angela est uniquement intéressée par son temps libre et ses céréales (comme le montrent ses courbes d’indifférence).

Nous faisons maintenant une autre hypothèse importante. Si Angela ne travaille pas la terre, Bruno ne reçoit rien (il n’y a pas d’autres fermiers que Bruno pourrait exploiter). Cela signifie que l’option de réserve de Bruno (ce qu’il reçoit si Angela ne travaille pas pour lui) est égale à zéro. Bruno va donc penser au futur : il ne va pas garder pour lui une quantité de céréales si importante qu’Angela en mourrait. L’allocation doit permettre à Angela de rester en vie.

techniquement possible
Une allocation comprise dans les limites définies par la technologie et la biologie.

Pour commencer, déterminons l’ensemble des combinaisons techniquement possibles en termes d’heures de travail d’Angela et de quantité de céréales qu’elle reçoit. Il s’agit de toutes les combinaisons possibles en tenant compte des limites de la technologie (la fonction de production) et de la biologie (Angela doit pouvoir se nourrir suffisamment pour travailler et survivre).

biologiquement possible
Une allocation est réalisable biologiquement si elle permet aux individus impliqués de survivre.

La Figure 5.4 montre comment trouver l’ensemble des combinaisons techniquement possibles. Nous savons déjà que la fonction de production détermine la frontière des possibles. Cette frontière représente la limite technologique sur la quantité totale consommée par Bruno et Angela, qui dépend du nombre d’heures travaillées par Angela. La contrainte biologique de survie d’Angela montre la quantité minimale de céréales dont elle a besoin pour chaque unité de travail réalisée. Les points en dessous de cette ligne la laissent dans un état de sous-nutrition ou en excès de travail de telle sorte qu’elle ne pourrait pas survivre. Cette contrainte montre ce qui est biologiquement possible. Notez qu’elle a besoin de plus de nourriture lorsqu’elle dépense plus d’énergie en travaillant ; c’est pourquoi la courbe est ascendante de la droite vers la gauche, lorsque son nombre d’heures travaillées augmente. La pente de la contrainte biologique de survie correspond au taux marginal de substitution entre le temps libre et la quantité de céréales permettant à Angela de survivre.

Le fait que la survie d’Angela puisse être compromise n’est pas une situation hypothétique. Durant la Révolution industrielle, l’espérance de vie à la naissance à Liverpool (Royaume-Uni) a chuté à 25 ans : soit à peine plus que la moitié de ce que l’on observe aujourd’hui dans les pays les plus pauvres. Dans de nombreux endroits aujourd’hui, la capacité de travail des agriculteurs et des travailleurs reste limitée par leur apport calorique.

Allocations techniquement possibles.
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Figure 5.4 Allocations techniquement possibles.

La contrainte biologique de survie
: Si Angela ne travaille pas du tout, elle a besoin de 2,5 boisseaux pour survivre (point Z). Si elle renonce à un peu de temps libre et dépense de l’énergie en travaillant, elle a besoin de plus de nourriture. C’est pourquoi la courbe est plus élevée quand elle a moins de temps libre. Il s’agit de la contrainte biologique de survie.
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La contrainte biologique de survie

Si Angela ne travaille pas du tout, elle a besoin de 2,5 boisseaux pour survivre (point Z). Si elle renonce à un peu de temps libre et dépense de l’énergie en travaillant, elle a besoin de plus de nourriture. C’est pourquoi la courbe est plus élevée quand elle a moins de temps libre. Il s’agit de la contrainte biologique de survie.

Points biologiquement et techniquement impossibles
: Les points en dessous de la contrainte biologique de survie sont biologiquement impossibles, tandis que tous les points au-dessus de la frontière des possibles sont techniquement impossibles.
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Points biologiquement et techniquement impossibles

Les points en dessous de la contrainte biologique de survie sont biologiquement impossibles, tandis que tous les points au-dessus de la frontière des possibles sont techniquement impossibles.

Durée quotidienne maximale de travail pour Angela
: Étant donné la frontière des possibles, il y a un nombre maximum d’heures de travail au-dessus duquel Angela ne pourrait pas survivre, même si elle consommait tout ce qu’elle produisait.
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Durée quotidienne maximale de travail pour Angela

Étant donné la frontière des possibles, il y a un nombre maximum d’heures de travail au-dessus duquel Angela ne pourrait pas survivre, même si elle consommait tout ce qu’elle produisait.

L’ensemble des combinaisons techniquement possibles
: Les allocations techniquement possibles sont les points situés dans la zone en forme de haricot et fermée par la frontière des possibles et la contrainte biologique de survie (en incluant les points situés sur la frontière).
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L’ensemble des combinaisons techniquement possibles

Les allocations techniquement possibles sont les points situés dans la zone en forme de haricot et fermée par la frontière des possibles et la contrainte biologique de survie (en incluant les points situés sur la frontière).

Notez qu’il existe un nombre maximal d’heures travaillées permettant à Angela de juste survivre (en raison des calories brûlées en travaillant). Comme nous l’avons vu dans l’Unité 2, tout au long de l’histoire de l’humanité, les peuples sont passés sous le seuil de survie lorsque la population excédait l’offre de nourriture. C’est la logique de la trappe de population de Malthus. La productivité du travail fixe une limite sur la taille de la population possible.

Exercice 5.5 Changement des conditions de production

En utilisant la Figure 5.4, expliquez comment vous représenteriez les effets suivants :

  1. une amélioration des conditions de culture, comme une pluviosité plus appropriée ;
  2. Angela a accès à deux fois moins de terres que précédemment ;
  3. une houe de meilleure facture est mise à disposition d’Angela, rendant les travaux de la ferme moins physiques.

Dans le cas d’Angela, ce n’est pas seulement la productivité limitée de son travail qui pourrait compromettre sa survie, mais également la part de sa production accaparée par Bruno. Si Angela pouvait consommer tout ce qu’elle produisait (la hauteur de la frontière des possibles) et choisir son temps de travail, sa survie ne serait pas menacée, car la contrainte biologique de survie se situe en dessous de la frontière des possibles pour une fourchette large d’heures travaillées. La question de la faisabilité biologique intervient uniquement à cause des revendications de Bruno sur sa récolte.

Sur la Figure 5.4, les frontières des solutions possibles au problème d’allocation sont formées par la frontière des possibles et la contrainte biologique de survie. Cette aire ombrée en forme de haricot contient les allocations techniquement possibles. Nous pouvons maintenant nous interroger sur ce qui se passera dans les faits – quelle allocation sera réalisée, et dans quelle mesure dépendra-t-elle des institutions qui régissent l’interaction entre Bruno et Angela ?

Question 5.3 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 5.4 présente la frontière des possibles d’Angela et de Bruno, ainsi que la contrainte biologique de survie d’Angela.

D’après le graphique, quelle affirmation est correcte ?

  • Angela peut survivre si elle travaille 24 heures.
  • Il existe une allocation techniquement possible dans laquelle Angela ne travaille pas.
  • Une nouvelle technologie augmentant la production de céréales conduirait à un ensemble plus grand d’allocations techniquement possibles.
  • Si Angela n’avait pas besoin d’autant de céréales pour survivre, l’ensemble des allocations techniquement possibles serait réduit.
  • Au point correspondant à 24 heures de travail (ou 0 heure de temps libre), la contrainte biologique de survie se situe au-dessus de la frontière des possibles. Cela signifie qu’en ce point, Angela ne peut pas produire assez de céréales pour survivre.
  • Si Angela ne travaille pas, elle ne produit pas de céréales. Ceci n’est pas techniquement possible, car elle a besoin de 2,5 boisseaux de céréales pour survivre.
  • Une technologie augmentant la production de céréales augmenterait la quantité de céréales pouvant être produite pour tout nombre donné d’heures travaillées, poussant la frontière des possibles vers le haut. Cela augmenterait la taille de l’ensemble des allocations techniquement possibles.
  • Si Angela n’avait pas besoin d’autant de céréales pour survivre, la contrainte biologique de survie serait plus basse, correspondant à un ensemble plus grand des allocations techniquement possibles.

5.6 Allocations imposées par la force

Grâce à son arme, Bruno peut choisir n’importe quel point situé dans l’ensemble des allocations techniquement possibles en forme de haricot. Mais lequel va-t-il choisir ?

Son raisonnement est le suivant :

Bruno : « Peu importe le nombre d’heures de travail que j’impose à Angela, elle produira une quantité de céréales déterminée par la frontière des possibles. Mais pour une telle quantité de travail, je devrai lui donner une quantité au moins égale à celle correspondant à sa contrainte biologique de survie, pour que je puisse continuer à l’exploiter. Je garderai la différence entre ce qu’elle produit et ce que je lui donne. C’est pourquoi je dois trouver le nombre d’heures de travail d’Angela pour lequel la distance verticale entre la frontière des possibles et la contrainte biologique de survie (Figure 5.5) est la plus grande. »

rente économique
Le surcroît de paiement ou d’un autre bénéfice reçu par l’individu par rapport à ce qu’il aurait reçu avec son alternative de second rang (ou option de réserve). Voir également : option de réserve.

La quantité que recevra Bruno s’il met en place cette stratégie est sa rente économique, c’est-à-dire le montant additionnel reçu par rapport à ce qu’il aurait reçu si Angela n’était pas son esclave (et que nous avons fixé à zéro dans ce modèle).

Dans un premier temps, Bruno réfléchit à la possibilité de laisser Angela continuer à travailler 8 heures par jour pour produire 9 boisseaux, comme lorsqu’elle avait un accès libre à la terre. Pour 8 heures de travail, elle a besoin de 3,5 boisseaux pour survivre. Bruno pourrait donc prendre 5,5 boisseaux sans compromettre ses perspectives futures de tirer profit du travail d’Angela.

Bruno étudie la Figure 5.5 et vous demande de l’aider. Vous avez remarqué que, pour 8 heures travaillées, le TMS sur la contrainte de survie est inférieur au TMT :

Vous : « Bruno, ton plan n’est pas correct. Si tu forces Angela à travailler un peu plus, elle n’aurait besoin que d’un peu plus de céréales pour avoir l’énergie de travailler plus longtemps, car la contrainte biologique de survie est relativement plate autour de 8 heures de travail. En revanche, la frontière des possibles est pentue, de telle sorte qu’Angela pourrait produire beaucoup plus si tu lui imposais de travailler plus longtemps. »

Vous démontrez ce raisonnement en utilisant l’analyse de la Figure 5.5, qui montre que la distance verticale entre la frontière des possibles et la contrainte biologique de survie est la plus grande lorsque Angela travaille 11 heures. Si Bruno ordonne à Angela de travailler 11 heures, alors elle produira 10 boisseaux et Bruno pourra en garder 6 pour lui. Nous pouvons utiliser la Figure 5.5 pour trouver combien de boisseaux de céréales Bruno recevra pour toute allocation techniquement possible.

Coercition : le transfert techniquement possible maximal d’Angela à Bruno
: Coercition : le transfert techniquement possible maximal d’Angela à Bruno.
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Coercition : le transfert techniquement possible maximal d’Angela à Bruno

Figure 5.5 Coercition : le transfert techniquement possible maximal d’Angela à Bruno.

Bruno peut imposer à Angela de travailler
: Bruno peut choisir n’importe quelle allocation située dans l’ensemble techniquement possible. Il pense laisser Angela travailler 8 heures par jour, produisant 9 boisseaux.
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Bruno peut imposer à Angela de travailler

Bruno peut choisir n’importe quelle allocation située dans l’ensemble techniquement possible. Il pense laisser Angela travailler 8 heures par jour, produisant 9 boisseaux.

Quand Angela travaille 8 heures
: Bruno pourrait prendre 5,5 boisseaux sans compromettre ses opportunités futures de tirer avantage du travail d’Angela. Cela se reflète dans l’écart vertical entre la frontière des possibles et la contrainte de survie.
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Quand Angela travaille 8 heures

Bruno pourrait prendre 5,5 boisseaux sans compromettre ses opportunités futures de tirer avantage du travail d’Angela. Cela se reflète dans l’écart vertical entre la frontière des possibles et la contrainte de survie.

La distance maximale entre les frontières
: La distance verticale entre la frontière des possibles et la contrainte biologique de survie est la plus élevée quand Angela travaille 11 heures (et a 13 heures de temps libre).
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La distance maximale entre les frontières

La distance verticale entre la frontière des possibles et la contrainte biologique de survie est la plus élevée quand Angela travaille 11 heures (et a 13 heures de temps libre).

Allocation et répartition lorsque la distance est maximale
: Si Bruno ordonne à Angela de travailler 11 heures, elle va produire 10 boisseaux, et en a besoin de 4 pour sa survie. Bruno va donc garder 6 boisseaux pour lui-même (la distance AB).
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Allocation et répartition lorsque la distance est maximale

Si Bruno ordonne à Angela de travailler 11heures, elle va produire 10 boisseaux, et en a besoin de 4 pour sa survie. Bruno va donc garder 6 boisseaux pour lui-même (la distance AB).

La frontière de survie devient plus pentue pour un nombre élevé d’heures travaillées
: Si Bruno fait travailler Angela plus de 11 heures, la quantité qu’il peut s’accaparer diminue lorsque le nombre d’heures travaillées augmente.
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La frontière de survie devient plus pentue pour un nombre élevé d’heures travaillées

Si Bruno fait travailler Angela plus de 11 heures, la quantité qu’il peut s’accaparer diminue lorsque le nombre d’heures travaillées augmente.

Ce que Bruno peut faire de mieux pour lui-même
: Bruno obtient la quantité de céréales maximale en choisissant l’allocation B, où le temps de travail d’Angela est tel que la pente de la frontière des possibles est égale à la pente de la contrainte biologique de survie : TMT = TMS.
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Ce que Bruno peut faire de mieux pour lui-même

Bruno obtient la quantité de céréales maximale en choisissant l’allocation B, où le temps de travail d’Angela est tel que la pente de la frontière des possibles est égale à la pente de la contrainte biologique de survie : TMT = TMS.

Ce que Bruno obtient
: Si nous joignons les points, nous pouvons voir que le montant obtenu par Bruno a la forme d’une bosse, et connaît un pic quand Angela travaille 11 heures (et a 13 heures de temps libre).
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Ce que Bruno obtient

Si nous joignons les points, nous pouvons voir que le montant obtenu par Bruno a la forme d’une bosse, et connaît un pic quand Angela travaille 11 heures (et a 13 heures de temps libre).

La partie inférieure à la dernière étape de la Figure 5.5 montre comment la quantité de céréales que Bruno peut s’accaparer varie en fonction du temps libre d’Angela. Le graphique a la forme d’une bosse, avec un pic lorsque le temps libre d’Angela est de 13 heures et qu’elle travaille 11 heures. Bruno maximise sa quantité de céréales en choisissant l’allocation B, où il oblige Angela à travailler 11 heures.

Notez comment les pentes de la frontière des possibles et de la contrainte de survie (le TMT et le TMS) nous permettent de trouver le nombre d’heures auquel Bruno s’accapare la quantité maximale de céréales. À droite de 13 heures de temps libre (c’est-à-dire si Angela travaille moins de 11 heures), la contrainte biologique de survie est plus plate que la frontière des possibles (TMS < TMT). Cela signifie que travailler plus longtemps (se déplacer vers la gauche) permet de produire plus de céréales que ce dont Angela a besoin pour avoir l’énergie de réaliser ce travail supplémentaire. À la gauche de 13 heures de temps libre (Angela travaille plus), c’est le contraire qui est vrai : TMS > TMT. La rente économique de Bruno est la plus grande lorsque le nombre d’heures est tel que les pentes des deux frontières sont égales.

Autrement dit :

Question 5.4 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 5.5 montre la frontière des possibles d’Angela et de Bruno, ainsi que la contrainte biologique de survie d’Angela.

Si Bruno peut imposer l’allocation de son choix :

  • Il choisira l’allocation techniquement possible pour laquelle Angela produit le plus de céréales.
  • Son choix préféré correspond à la situation dans laquelle le taux marginal de transformation (TMT) sur la frontière des possibles est égal au taux marginal de substitution (TMS) sur la contrainte biologique de survie.
  • Il ne choisira pas 8 heures de travail, car le TMS entre le nombre d’heures travaillées par Angela et les ressources nécessaires pour survivre est supérieur au TMT entre le nombre d’heures travaillées et la production de céréales.
  • Il choisira 13 heures de temps libre pour Angela, et consommera 10 boisseaux de céréales.
  • Au point techniquement possible où Angela produit le plus de céréales, elle a besoin de toutes les céréales pour survivre, donc Bruno n’obtiendrait rien.
  • La distance entre la frontière des possibles et la contrainte de survie d’Angela, et donc la part de Bruno, est maximisée quand TMS = TMT.
  • Au point correspondant à 8 heures de travail (16 heures de temps libre), la frontière des possibles est plus pentue que la contrainte biologique de survie. Donc TMT > TMS.
  • Bruno choisirait en effet 13 heures de temps libre pour Angela, mais le maximum qu’il puisse obtenir pour qu’Angela continue à travailler est 6 boisseaux : la distance verticale entre la frontière des possibles et la contrainte de survie.

Nouvelles institutions : loi et propriété privée

propriété privée
Une chose est une propriété privée si la personne qui la possède a le droit d’en exclure d’autres, de bénéficier de son utilisation et de l’échanger avec d’autres.
pouvoir
La capacité à faire (et obtenir) ce que l’on désire en opposition aux intentions des autres, habituellement par la force ou la menace de sanctions.
rente économique
Le surcroît de paiement ou d’un autre bénéfice reçu par l’individu par rapport à ce qu’il aurait reçu avec son alternative de second rang (ou option de réserve). Voir également : option de réserve.
gains à l’échange
Les bénéfices que chaque partie tire d’une transaction comparativement à leur situation en l’absence d’échange. Connu également sous le terme : gains du commerce. Voir également : rente économique.
surplus collectif
La somme des rentes économiques de tous les participants d’une interaction. Connu également sous le terme : gains à l’échange.
pouvoir de négociation
Le degré d’avantage qu’a un individu dans la capture d’une plus grande part des rentes résultant d’une interaction.

L’interaction économique décrite dans cette section se déroule dans un environnement où Bruno a le pouvoir de réduire Angela en esclavage. Lorsque l’on passe d’une situation de coercition à une situation dans laquelle il existe un système juridique interdisant l’esclavage et protégeant la propriété privée, ainsi que les droits des propriétaires terriens et des travailleurs, nous pouvons nous attendre à ce que le résultat de l’interaction soit modifié.

Dans l’Unité 1, nous avions défini la propriété privée comme le droit d’utiliser quelque chose et d’exclure d’autres personnes de son utilisation, et de le vendre (ou de transférer ces droits à quelqu’un d’autre). À partir de maintenant, nous allons supposer que Bruno est propriétaire de la terre et peut exclure Angela s’il le veut. La quantité de céréales qu’il va obtenir du fait de sa propriété privée des terres va dépendre de l’ampleur de son pouvoir sur Angela, dans cette nouvelle situation.

Quand les individus participent de manière volontaire à une interaction, ils le font car ils pensent que le résultat sera meilleur que leur option de réserve – la meilleure alternative après cette interaction. En d’autres termes, ils le font pour obtenir des rentes économiques. Les rentes économiques sont parfois appelées les gains à l’échange, car elles correspondent à ce qu’un individu gagne lorsqu’il participe à un échange, par rapport à ce qu’il aurait obtenu en l’absence de participation.

La somme des rentes est appelée le « surplus » (ou parfois le surplus collectif, pour souligner qu’il s’agit de la somme de toutes les rentes). La quantité de rentes que chacun va obtenir – comment le surplus va être partagé – dépend du pouvoir de négociation. Ce dernier, comme nous le savons, dépend des institutions qui régissent l’interaction.

Dans l’exemple ci-dessus, Angela était forcée de participer et Bruno choisissait son temps de travail afin de maximiser sa propre rente économique. Nous allons maintenant considérer la situation dans laquelle elle peut simplement dire non. Angela n’est plus une esclave, mais Bruno a toujours le pouvoir de faire une offre à prendre ou à laisser, comme l’Offreur dans le jeu de l’ultimatum.

5.7 Allocations économiquement possibles et surplus

Lorsque nous retrouvons Angela et Bruno, nous remarquons immédiatement que Bruno porte à présent un costume et qu’il n’est plus armé. Il explique qu’il n’a plus besoin de son arme, car il existe désormais un État, ainsi que des lois qui sont appliquées par des tribunaux et des professionnels chargés de les faire respecter, que l’on appelle la « police ». Bruno possède la terre et Angela a besoin de son autorisation pour utiliser sa propriété. Il peut lui offrir un contrat dans lequel elle a le droit de travailler la terre si, en échange, elle lui cède une partie de sa récolte. La loi précise cependant que cet échange est volontaire : Angela peut refuser l’offre.

Bruno : « Auparavant, c’était une histoire de pouvoir, mais maintenant, Angela et moi disposons tous deux de droits de propriété : la terre m’appartient et elle possède sa propre force de travail. Les nouvelles règles du jeu signifient que je ne peux plus forcer Angela à travailler. Elle doit donner son accord à l’allocation que je propose. »

Vous : « Et que se passe-t-il si elle refuse ? »

Bruno : « Dans ce cas, il n’y a pas d’accord. Elle ne travaille pas ma terre, je ne reçois rien, et elle reçoit de l’État à peine de quoi survivre. »

Vous : « Donc Angela et toi disposez d’un pouvoir égal ? »

Bruno : « Certainement pas ! Je suis le seul qui puisse faire une offre à prendre ou à laisser. Je suis comme l’Offreur dans le jeu de l’ultimatum, sauf qu’il ne s’agit pas d’un jeu. Si elle refuse, elle aura faim. »

Vous : « Mais si elle refuse, tu ne recevras rien ? »

Bruno : « Cela n’arrivera jamais. »

Comment Bruno le sait-il ? Bruno sait qu’Angela, contrairement aux sujets dans les expériences du jeu de l’ultimatum, n’est préoccupée que par son intérêt personnel (elle ne punit pas une offre inéquitable). S’il fait une offre permettant à Angela d’être dans une situation juste un petit peu meilleure que si elle ne travaillait pas du tout et recevait les rations de subsistance, elle l’acceptera.

Maintenant, Bruno vous pose une question similaire à celle posée plus tôt :

Bruno : « Dans ce cas, quelle devrait être mon offre à prendre ou à laisser ? »

Vous aviez répondu à sa question en lui montrant la contrainte biologique de survie. Maintenant, la limite n’est plus la survie d’Angela, mais son accord plutôt. Vous savez qu’Angela valorise son temps libre, de telle sorte que plus Bruno lui offre de travailler longtemps, plus il devra la payer.

Vous : « Pourquoi ne pas simplement regarder la courbe d’indifférence d’Angela passant par le point où elle ne travaille pas du tout et survit à peine ? Cela te dira le montant minimum qu’il faut lui payer pour chaque heure de temps libre à laquelle elle renoncera pour travailler pour toi. »

option de réserve
L’alternative de second rang d’un individu parmi toutes les options dans une transaction particulière. Connu également sous le terme : option de rechange. Voir également : prix de réserve.
courbe d’indifférence de réserve
Une courbe qui indique toutes les allocations (combinaisons) dont les valeurs sont aussi élevées que l’option de réserve.

Le point Z sur la Figure 5.6 correspond à l’allocation pour laquelle Angela ne travaille pas et reçoit uniquement les rations de survie (de la part de l’État, ou peut-être de sa famille). C’est son option de réserve : si elle refuse l’offre de Bruno, elle a cette option comme plan B. Suivez les étapes de la Figure 5.6 pour voir la courbe d’indifférence de réserve d’Angela : elle est composée de toutes les allocations qui ont la même valeur pour elle que son option de réserve. En dessous ou à gauche de la courbe, sa situation est pire qu’avec son option de réserve. Au-dessus et à droite, elle se trouve dans une meilleure situation.

Les allocations économiquement possibles lorsque l’échange est volontaire.
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Figure 5.6 Les allocations économiquement possibles lorsque l’échange est volontaire.

Option de réserve d’Angela
: Le point Z, l’allocation pour laquelle Angela ne travaille pas et obtient seulement des rations de survie de l’État, est appelé son option de réserve.
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Option de réserve d’Angela

Le point Z, l’allocation pour laquelle Angela ne travaille pas et obtient seulement des rations de survie de l’État, est appelé son option de réserve.

La courbe d’indifférence de réserve d’Angela
: La courbe montrant l’ensemble des allocations qui ont exactement la même valeur pour Angela que son option de réserve est appelée sa courbe d’indifférence de réserve.
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La courbe d’indifférence de réserve d’Angela

La courbe montrant l’ensemble des allocations qui ont exactement la même valeur pour Angela que son option de réserve est appelée sa courbe d’indifférence de réserve.

L’ensemble économiquement possible
: Les points situés dans la zone délimitée par la courbe d’indifférence de réserve et la frontière des possibles (incluant les points situés sur les frontières) définissent l’ensemble de toutes les allocations économiquement possibles.
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L’ensemble économiquement possible

Les points situés dans la zone délimitée par la courbe d’indifférence de réserve et la frontière des possibles (incluant les points situés sur les frontières) définissent l’ensemble de toutes les allocations économiquement possibles.

L’ensemble de points délimité par la courbe d’indifférence de réserve et la frontière des possibles constitue l’ensemble de toutes les allocations économiquement possibles, maintenant qu’Angela a le pouvoir d’accepter ou de refuser la proposition de Bruno. Ce dernier vous remercie pour ce nouvel outil très pratique permettant de déterminer la quantité maximale qu’il peut obtenir d’Angela.

La contrainte biologique de survie et la courbe d’indifférence de réserve ont un point commun (Z) : en ce point, Angela ne travaille pas et reçoit seulement des rations de survie de la part de l’État. À l’exception de ce point, les deux courbes ne se croisent pas. La courbe d’indifférence de réserve est située uniformément au-dessus de la contrainte biologique de survie. Comme vous l’expliquez à Bruno, la raison est que quel que soit l’effort fourni par Angela, si elle se retrouve sur un des points de cette frontière, elle survit à peine ; et plus elle travaille, moins elle a de temps libre, et moins elle est heureuse. À l’inverse, tout le long de sa courbe d’indifférence de réserve, sa situation est comparable à son option de réserve, ce qui signifie que le fait qu’elle puisse garder plus de céréales compense exactement le temps libre qu’elle perd en travaillant plus.

Exercice 5.6 Faisabilité biologique et économique

En utilisant la Figure 5.6 :

  1. expliquez pourquoi un point sur la contrainte biologique de survie a une ordonnée plus élevée (plus de céréales sont nécessaires) lorsque Angela a moins de temps libre. Pourquoi la courbe devient-elle plus pentue lorsqu’elle travaille plus ?
  2. expliquez pourquoi l’ensemble biologiquement possible n’est pas le même que l’ensemble économiquement possible ;
  3. expliquez (en déplaçant les courbes) ce qui se passe lorsque des céréales plus nutritives sont mises à disposition d’Angela pour la culture et la consommation.

Nous pouvons voir qu’Angela et Bruno peuvent tous les deux bénéficier d’un accord. Leur échange – autorisant Angela à cultiver les terres de Bruno (c’est-à-dire que celui-ci n’exerce pas son droit de l’exclure de sa propriété) en échange d’une partie de la production – améliore leur situation à tous les deux, par rapport à la situation dans laquelle l’échange n’a pas lieu.

  • Tant que Bruno reçoit une partie de la récolte, il se trouve dans une meilleure situation qu’en l’absence d’accord.
  • Tant que la part d’Angela la place dans une meilleure situation que celle qu’elle aurait eue avec son option de réserve, en tenant compte de ses heures de travail, elle profite aussi de l’échange.

Cette opportunité de gain mutuel explique pourquoi l’échange n’a pas besoin d’avoir lieu sous la menace d’une arme, mais peut être motivé par le désir qu’a chacun d’améliorer sa propre situation.

amélioration au sens de Pareto
Un changement qui bénéficie à au moins une personne sans dégrader la situation d’une autre personne. Voir également : Pareto-dominant.

Toutes les allocations qui représentent des gains mutuels sont indiquées dans l’ensemble d’allocations économiquement possibles de la Figure 5.6. Chacune de ces allocations Pareto-domine l’allocation qui aurait lieu sans accord. Bruno et Angela peuvent donc obtenir une amélioration au sens de Pareto.

Cela ne signifie pas que les deux parties vont tirer le même bénéfice de l’échange. Si les institutions en place donnent à Bruno le pouvoir de faire une offre à prendre ou à laisser, soumise uniquement à l’approbation d’Angela, il peut capturer la totalité du surplus (moins le minimum nécessaire pour qu’Angela accepte). Bruno en est déjà conscient.

Une fois que vous lui avez expliqué la courbe d’indifférence de réserve, Bruno sait quelle allocation il souhaite. Il maximise la quantité de céréales qu’il peut obtenir, correspondant à la hauteur maximale de la zone du graphique en forme de haricot située entre la courbe d’indifférence de réserve d’Angela et la frontière des possibles. Cela se trouvera là où le TMT sur la frontière des possibles est égal au TMS sur la courbe d’indifférence. La Figure 5.7a montre que cette allocation nécessite qu’Angela travaille moins d’heures qu’elle ne le faisait sous la contrainte.

L’offre à prendre ou à laisser de Bruno quand Angela peut refuser.
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Figure 5.7a L’offre à prendre ou à laisser de Bruno quand Angela peut refuser.

Le meilleur résultat pour Bruno quand il fait usage de la force
: Lorsqu’il pouvait contraindre Angela, Bruno choisissait l’allocation B. Il forçait Angela à travailler 11 heures et recevait une quantité de céréales égale à AB. Le TMT au point A est égal au TMS au point B sur la contrainte biologique de survie d’Angela.
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Le meilleur résultat pour Bruno quand il fait usage de la force

Lorsqu’il pouvait contraindre Angela, Bruno choisissait l’allocation B. Il forçait Angela à travailler 11 heures et recevait une quantité de céréales égale à AB. Le TMT au point A est égal au TMS au point B sur la contrainte biologique de survie d’Angela.

Quand Angela peut dire non
: Dans le cadre d’un échange volontaire, l’allocation B n’est plus disponible. Le mieux que Bruno puisse faire est l’allocation D, pour laquelle Angela travaille 8 heures et lui donne une quantité de céréales égale à CD.
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Quand Angela peut dire non

Dans le cadre d’un échange volontaire, l’allocation B n’est plus disponible. Le mieux que Bruno puisse faire est l’allocation D, pour laquelle Angela travaille 8 heures et lui donne une quantité de céréales égale à CD.

TMS = TMT, de nouveau
: Quand Angela travaille 8 heures, le TMT est égal au TMS sur la courbe d’indifférence de réserve d’Angela, comme indiqué par les pentes.
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TMS = TMT, de nouveau

Quand Angela travaille 8 heures, le TMT est égal au TMS sur la courbe d’indifférence de réserve d’Angela, comme indiqué par les pentes.

Bruno aimerait qu’Angela travaille 8 heures et lui donne 4,5 boisseaux de céréales (allocation D). Comment peut-il mettre en place cette allocation ? Tout ce qu’il a à faire est de proposer, à prendre ou à laisser, un contrat autorisant Angela à travailler la terre en échange d’un loyer de 4,5 boisseaux par jour. Si Angela doit payer 4,5 boisseaux (CD sur la Figure 5.7a), elle choisira alors de produire au point C, correspondant à un temps de travail de 8 heures. Vous pouvez voir cela sur le graphique ; si elle choisissait de produire en tout autre point sur la frontière des possibles et donnait 4,5 boisseaux à Bruno, elle en tirerait une utilité moindre – elle se trouverait en dessous de sa courbe d’indifférence de réserve. Toutefois, elle peut atteindre son utilité de réserve en travaillant 8 heures, et acceptera donc le contrat.

Exercice 5.7 Pourquoi Angela travaille 8 heures

Le revenu d’Angela est le montant qu’elle produit moins le loyer pour la terre qu’elle paye à Bruno.

  1. En utilisant la Figure 5.7a, supposez qu’Angela travaille 11 heures. Son revenu (après avoir payé le loyer pour la terre) sera-t-il plus ou moins important que si elle ne travaille que 8 heures ? Supposez plutôt qu’elle travaille 6 heures, comment va évoluer son revenu par rapport à la situation où elle travaille 8 heures ?
  2. Expliquez avec vos propres termes pourquoi elle choisira de travailler 8 heures.

Puisque Angela est sur sa courbe d’indifférence de réserve, seul Bruno tire profit de cet échange. La totalité du surplus revient à Bruno. Sa rente économique (qui équivaut au loyer que lui paye Angela) est le surplus.

Souvenez-vous que lorsque Angela pouvait travailler la terre librement, elle choisissait l’allocation C. Remarquez maintenant qu’elle choisit le même nombre d’heures lorsqu’elle doit payer un loyer. Comment cela se fait-il ? Peu importe le montant du loyer qu’Angela doit payer, elle va choisir son temps de travail afin de maximiser son utilité. Elle produira donc au point sur la frontière des possibles où son TMT est égal à son TMS. Nous savons aussi que ses préférences sont telles que son TMS ne change pas avec la quantité de céréales consommées, et n’est donc pas affecté par le loyer. Cela signifie que si elle peut choisir ses heures, elle travaillera 8 heures, indépendamment du loyer (tant que cela lui donne une utilité au moins aussi élevée que son utilité de réserve).

Leibniz : Le choix du nombre d’heures travaillées par Angela quand elle paie un loyer

La Figure 5.7b montre la manière dont le surplus (ce que Bruno obtient) varie en fonction des heures d’Angela. Vous pouvez voir que ce surplus diminue quand Angela travaille plus ou moins de 8 heures. Il suit une forme de bosse, comme la rente de Bruno dans le cas de la coercition. Cependant, le sommet de la bosse est moins élevé lorsque Bruno a besoin de l’accord d’Angela.

L’offre à prendre ou à laisser de Bruno quand Angela peut refuser
: L’offre à prendre ou à laisser de Bruno quand Angela peut refuser.
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L’offre à prendre ou à laisser de Bruno quand Angela peut refuser

Figure 5.7b L’offre à prendre ou à laisser de Bruno quand Angela peut refuser.

Les heures de travail d’Angela sous contrainte
: Sous la contrainte, Angela travaillait 11 heures. Le TMT était égal au TMS sur la contrainte biologique de survie d’Angela.
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Les heures de travail d’Angela sous contrainte

Sous la contrainte, Angela travaillait 11 heures. Le TMT était égal au TMS sur la contrainte biologique de survie d’Angela.

La meilleure offre à prendre ou à laisser de Bruno
: Quand Bruno ne peut pas forcer Angela à travailler, il doit lui offrir un contrat dans lequel Angela lui paie 4,5 boisseaux contre la location de la terre. Elle travaille 8 heures, ce qui correspond au point auquel le TMT est égal au TMS associé à sa courbe d’indifférence de réserve.
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La meilleure offre à prendre ou à laisser de Bruno

Quand Bruno ne peut pas forcer Angela à travailler, il doit lui offrir un contrat dans lequel Angela lui paie 4,5 boisseaux contre la location de la terre. Elle travaille 8 heures, ce qui correspond au point auquel le TMT est égal au TMS associé à sa courbe d’indifférence de réserve.

Le surplus maximum
: Si Angela travaille plus ou moins de 8 heures, le surplus total est inférieur à 4,5 boisseaux.
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Le surplus maximum

Si Angela travaille plus ou moins de 8 heures, le surplus total est inférieur à 4,5 boisseaux.

Les céréales de Bruno
: Bien que Bruno ne puisse pas obliger Angela à travailler, il peut obtenir la totalité du surplus.
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Les céréales de Bruno

Bien que Bruno ne puisse pas obliger Angela à travailler, il peut obtenir la totalité du surplus.

Comparaison des pics technologiquement et économiquement possibles
: Le sommet de la bosse est moins élevé quand Angela peut refuser, par rapport à la situation où Bruno pouvait lui ordonner de travailler.
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Comparaison des pics technologiquement et économiquement possibles

Le sommet de la bosse est moins élevé quand Angela peut refuser, par rapport à la situation où Bruno pouvait lui ordonner de travailler.

Exercice 5.8 À prendre ou à laisser ?

  1. Pourquoi est-ce Bruno, et non Angela, qui a le pouvoir de faire une offre à prendre ou à laisser ?
  2. Pouvez-vous imaginer une situation dans laquelle la fermière, et non le propriétaire terrien, pourrait avoir ce pouvoir ?

Question 5.5 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 5.6 présente la frontière des possibles d’Angela et de Bruno, la contrainte biologique de survie d’Angela et sa courbe d’indifférence de réserve.

D’après le graphique, parmi les affirmations suivantes, laquelle est correcte ?

  • L’ensemble économiquement possible est le même que l’ensemble techniquement possible.
  • Pour tout nombre donné d’heures de temps libre, le taux marginal de substitution sur la courbe d’indifférence de réserve est plus faible que celui sur la contrainte biologique de survie.
  • Certains points sont économiquement possibles, mais ne sont pas techniquement possibles.
  • Si la ration qu’Angela obtient de l’État augmente de 2 à 3 boisseaux de céréales, sa courbe d’indifférence de réserve sera au-dessus de sa contrainte biologique de survie, quel que soit le nombre d’heures travaillées.
  • L’ensemble économiquement possible est l’aire entre la courbe d’indifférence de réserve et la frontière des possibles. Cet ensemble est plus petit que l’ensemble techniquement possible, qui est l’aire entre la contrainte biologique de survie et la frontière des possibles.
  • La courbe d’indifférence de réserve a une pente plus importante que la contrainte biologique de survie, c’est-à-dire que le TMS est plus important sur la première que sur la seconde.
  • Un point ne peut pas être économiquement possible s’il n’est pas techniquement possible. Le graphique montre que l’ensemble économiquement possible se trouve à l’intérieur de l’ensemble techniquement possible.
  • Quand la ration est de 2 boisseaux, l’option de réserve d’Angela est Z = (24; 2). Si elle est augmentée à 3 boisseaux, son option de réserve est (24; 3) et se trouve sur une courbe d’indifférence plus élevée qui est au-dessus de la contrainte de survie pour tous les points. Il s’agit de sa nouvelle courbe d’indifférence de réserve.

Question 5.6 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 5.7a montre la frontière des possibles d’Angela et de Bruno, la contrainte biologique de survie d’Angela et sa courbe d’indifférence de réserve. B est le résultat sous coercition et D, le résultat en situation d’échange volontaire, quand Bruno fait une offre à prendre ou à laisser.

En observant ce graphique, nous pouvons conclure que :

  • Avec une offre à prendre ou à laisser, la rente économique de Bruno est égale au surplus total.
  • Aussi bien Bruno qu’Angela sont mieux lotis en situation d’échange volontaire qu’en cas de coercition.
  • Quand Bruno fait une offre à prendre ou à laisser, Angela accepte car elle reçoit une rente économique.
  • Angela travaille plus longtemps en situation d’échange volontaire qu’en cas de coercition.
  • L’option de réserve de Bruno est de ne rien recevoir. En situation d’échange volontaire, Bruno reçoit la totalité du surplus : la quantité en surplus de ce dont Angela a besoin pour survivre ou accepter de travailler. Il s’agit donc de sa rente économique.
  • La quantité de céréales obtenue par Bruno est égale à la distance AB en situation de coercition, et à CD en situation d’échange volontaire. Sa situation est donc meilleure lorsqu’il y a coercition.
  • Bruno offre une allocation telle qu’Angela accepte tout juste. Elle est indifférente entre D et son option de réserve, de telle sorte que sa rente est nulle.
  • Angela aura plus d’heures de temps libre au point D en situation d’échange volontaire que sous coercition.

5.8 Courbe d’efficacité de Pareto et répartition du surplus

Angela a choisi de travailler 8 heures, produisant ainsi 9 boisseaux de céréales, aussi bien lorsqu’elle devait payer un loyer que lorsque ce n’était pas le cas. Dans les deux cas, le surplus est de 4,5 boisseaux : la différence entre la quantité de céréales produites et la quantité permettant à Angela d’atteindre son utilité de réserve.

La différence entre ces deux situations concerne le destinataire du surplus. Quand Angela doit payer un loyer, c’est Bruno qui récupère la totalité du surplus, alors que quand elle pouvait travailler la terre pour son propre bénéfice, elle obtenait la totalité du surplus. Ces allocations ont deux propriétés importantes :

  • la totalité des céréales produites est partagée entre Angela et Bruno ;
  • le TMT sur la frontière des possibles est égal au TMS sur la courbe d’indifférence d’Angela.

Cela signifie que les allocations sont Pareto-efficaces.

Pour comprendre pourquoi, souvenez-vous que l’efficacité au sens de Pareto signifie qu’aucune amélioration au sens de Pareto n’est possible : il est impossible de modifier l’allocation afin d’améliorer la situation de l’une des parties sans dégrader celle de l’autre.

La première propriété est évidente : elle signifie qu’aucune amélioration au sens de Pareto ne peut être obtenue en modifiant la quantité de céréales consommée par chacun. Si l’un consomme plus, alors l’autre devra consommer moins. En revanche, si une partie des céréales produites n’était pas consommée, alors consommer cette partie permettrait d’améliorer la situation de l’une des parties, ou des deux.

La seconde propriété, TMS = TMT, signifie qu’aucune amélioration au sens de Pareto ne peut être obtenue en modifiant le temps de travail d’Angela, et donc en modifiant la quantité de céréales produites.

Si le TMS et le TMT n’étaient pas égaux, il serait possible d’améliorer la situation des deux parties. Par exemple, dans le cas où TMT > TMS, Angela pourrait transformer une heure de son temps libre en travail pour produire plus de céréales qu’elle n’en aurait besoin pour conserver la même utilité, de sorte que la quantité additionnelle de céréales permettrait d’améliorer la situation de Bruno et d’Angela. Mais si TMT = TMS, alors toute modification de la quantité de céréales produites serait exactement égale à ce dont Angela a besoin pour maintenir son utilité inchangée, étant donné le changement de son temps de travail.

La Figure 5.8 montre qu’il existe beaucoup d’autres allocations Pareto-efficaces, en plus des deux évoquées ci-dessus. Le point C correspond à la situation dans laquelle Angela est une fermière indépendante. Comparez l’analyse de la Figure 5.8 avec l’offre à prendre ou à laisser de Bruno et identifiez les autres allocations efficaces au sens de Pareto.

Allocations Pareto-efficaces et répartition du surplus
: Allocations Pareto-efficaces et répartition du surplus.
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Allocations Pareto-efficaces et répartition du surplus

Figure 5.8 Allocations Pareto-efficaces et répartition du surplus

L’allocation au point C
: En tant que fermière indépendante, Angela choisissait le point C, où TMT = TMS. Elle consommait 9 boisseaux de céréales ; 4,5 boisseaux auraient été suffisants pour qu’elle se trouve sur sa courbe d’indifférence de réserve au point D. Mais elle obtenait la totalité du surplus CD – 4,5 boisseaux additionnels.
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L’allocation au point C

En tant que fermière indépendante, Angela choisissait le point C, où TMT = TMS. Elle consommait 9 boisseaux de céréales ; 4,5 boisseaux auraient été suffisants pour qu’elle se trouve sur sa courbe d’indifférence de réserve au point D. Mais elle obtenait la totalité du surplus CD – 4,5 boisseaux additionnels.

L’allocation au point D
: Quand Bruno possédait la terre et fasait une offre à prendre ou à laisser, il choisissait le contrat dans lequel le loyer était CD (4,5 boisseaux). Angela acceptait et travaillait 8 heures. L’allocation était au point D et, encore une fois, TMT = TMS. Le surplus était toujours de CD, mais était entièrement capturé par Bruno.
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L’allocation au point D

Quand Bruno possèdait la terre et fasait une offre à prendre ou à laisser, il choisissait le contrat dans lequel le loyer était CD (4,5 boisseaux). Angela acceptait et travaillait 8 heures. L’allocation était au point D et, encore une fois, TMT = TMS. Le surplus était toujours de CD, mais était entièrement capturé par Bruno.

Préférences d’Angela
: Souvenez-vous que le TMS d’Angela ne change pas lorsqu’elle consomme plus de céréales. Pour n’importe quel point le long de la droite CD, par exemple le point G, il y a une courbe d’indifférence avec la même pente. Nous voyons donc que TMS = TMT à chacun de ces points.
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Préférences d’Angela

Souvenez-vous que le TMS d’Angela ne change pas lorsqu’elle consomme plus de céréales. Pour n’importe quel point le long de la droite CD, par exemple le point G, il y a une courbe d’indifférence avec la même pente. Nous voyons donc que TMS = TMT à chacun de ces points.

Une allocation fictive
: Le point G est une allocation fictive, où TMS = TMT. Angela travaille 8 heures, et 9 boisseaux de céréales sont produits. Bruno obtient la quantité CG, et Angela le reste. L’allocation G est Pareto-efficace.
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Une allocation fictive

Le point G est une allocation fictive, où TMS = TMT. Angela travaille 8 heures, et 9 boisseaux de céréales sont produits. Bruno obtient la quantité CG, et Angela le reste. L’allocation G est Pareto-efficace.

La courbe de Pareto-efficacité
: Tous les points constituant la droite entre C et D sont des allocations Pareto-efficaces, pour lesquelles TMS = TMT. Le surplus de 4,5 boisseaux (CD) est partagé entre Angela et Bruno.
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La courbe de Pareto-efficacité

Tous les points constituant la droite entre C et D sont des allocations Pareto-efficaces, pour lesquelles TMS = TMT. Le surplus de 4,5 boisseaux (CD) est partagé entre Angela et Bruno.

Efficacité au sens de Pareto et courbe de Pareto-efficacité

  • Une allocation Pareto-efficace a la propriété qu’il n’y a pas d’allocation alternative techniquement possible telle qu’au moins une personne verrait sa situation améliorée sans dégrader celle des autres.
  • L’ensemble de ce type d’allocations est appelé courbe de Pareto-efficacité. Cette courbe est parfois aussi appelée « courbe des contrats ».

La Figure 5.8 montre qu’en plus des deux allocations Pareto-efficaces que nous avons observées (C et D), chaque point entre C et D représente une allocation Pareto-efficace. CD est appelée la courbe de Pareto-efficacité : elle relie tous les points de l’ensemble des possibles pour lesquels TMS = TMT (on l’appelle également la « courbe des contrats », même dans des situations pour lesquelles il n’y a pas de contrat – c’est pourquoi nous préférons le terme plus parlant de courbe de Pareto-efficacité).

Leibniz : Courbe de Pareto-efficacité

À chaque allocation sur la courbe de Pareto-efficacité, Angela travaille 8 heures et il y a un surplus de 4,5 boisseaux. Ce qui varie est la répartition du surplus – du point D où Angela n’en obtient rien, au point C où elle obtient tout. Aveec l’allocation fictive G, les deux reçoivent une rente économique : celle d’Angela est GD, celle de Bruno est GC, et la somme de leurs rentes est égale au surplus.

Question 5.7 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 5.8 présente la courbe d’efficacité de Pareto, CD, pour l’interaction entre Angela et Bruno.

Parmi les affirmations suivantes, laquelle est correcte ?

  • L’allocation au point C Pareto-domine l’allocation au point D.
  • Le taux marginal de substitution d’Angela est égal au taux marginal de transformation à chaque point sur la courbe d’efficacité de Pareto.
  • Le point situé au milieu de CD est l’allocation la plus Pareto-efficace.
  • Angela et Bruno sont indifférents entre tous les points sur CD, car ils sont tous Pareto-efficaces.
  • Tous les points sur CD sont Pareto-efficaces, donc aucun d’entre eux n’est Pareto-dominé (en comparant C et D, nous pouvons voir que Bruno préfère D, tandis qu’Angela préfère C).
  • La courbe d’efficacité de Pareto, par définition, lie tous les points économiquement possibles pour lesquels TMS = TMT.
  • Tous les points sur CD sont Pareto-efficaces. Dire qu’un point sur CD est plus efficace qu’un autre n’a pas de sens.
  • Tous les points sur CD sont Pareto-efficaces, mais Bruno et Angela ne sont pas indifférents. Certains points (comme C) sont mieux pour Angela, tandis que d’autres (comme D) sont mieux pour Bruno.

5.9 Politique : partage du surplus

Bruno pense que les nouvelles règles, sous lesquelles il fait une offre qu’Angela ne refusera pas, ne sont pas si mauvaises. Angela améliore aussi sa situation par rapport à celle où elle avait à peine de quoi survivre. Cependant, elle aimerait bien obtenir une partie du surplus.

Angela et ses collègues fermiers se mobilisent pour qu’une nouvelle loi limitant le temps de travail à 4 heures par jour soit votée, tout en militant pour que leur paie totale soit égale à au moins 4,5 boisseaux. Ils menacent de ne pas reprendre le travail jusqu’à ce que cette loi soit votée.

Bruno : « Angela, tes collègues et toi, vous bluffez. »

Angela : « Absolument pas : notre option de réserve ne nous met pas dans une situation pire que ton contrat, pour lequel nous travaillons toute la journée contre une petite fraction des récoltes que tu nous imposes ! »

Angela et ses collègues gagnent, et la nouvelle loi limite le temps de travail à 4 heures par jour.

Que s’est-il passé ?

Avant la loi sur la réduction du temps de travail, Angela travaillait 8 heures par jour et recevait 4,5 boisseaux de céréales. Cela correspond au point D sur la Figure 5.9. La nouvelle loi met en place une allocation pour laquelle Angela et ses amis travaillent 4 heures, ont 20 heures de temps libre, et le même nombre de boisseaux qu’auparavant. Puisqu’ils obtiennent la même quantité de céréales et plus de temps libre, ils ont amélioré leur situation. La Figure 5.9 montre qu’ils se trouvent à présent sur une courbe d’indifférence plus élevée.

L’effet d’une augmentation du pouvoir de négociation d’Angela grâce à la loi
: L’effet d’une augmentation du pouvoir de négociation d’Angela grâce à la loi.
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L’effet d’une augmentation du pouvoir de négociation d’Angela grâce à la loi

Figure 5.9 L’effet d’une augmentation du pouvoir de négociation d’Angela grâce à la loi.

Avant la loi réduisant le temps de travail
: Bruno fait une offre à prendre ou à laisser, obtient des boisseaux pour un montant égal à CD, et Angela travaille 8 heures. Angela se trouve sur sa courbe d’indifférence de réserve au point D et TMS = TMT.
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Avant la loi réduisant le temps de travail

Bruno fait une offre à prendre ou à laisser, obtient des boisseaux pour un montant égal à CD, et Angela travaille 8 heures. Angela se trouve sur sa courbe d’indifférence de réserve au point D et TMS = TMT.

Ce qu’Angela obtient avant la loi
: Angela obtient 4,5 boisseaux de céréales, soit juste assez pour la rendre indifférente entre la situation où elle travaille 8 heures et son option de réserve.
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Ce qu’Angela obtient avant la loi

Angela obtient 4,5 boisseaux de céréales, soit juste assez pour la rendre indifférente entre la situation où elle travaille 8 heures et son option de réserve.

L’effet de la législation
: Suite à la législation réduisant le temps de travail à 4 heures et gardant la quantité de céréales d’Angela inchangée, elle se trouve sur une courbe d’indifférence plus haute, au point F. La quantité de céréales obtenue par Bruno est réduite, de CD à EF (2 boisseaux).
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L’effet de la législation

Suite à la législation réduisant le temps de travail à 4 heures et gardant la quantité de céréales d’Angela inchangée, elle se trouve sur une courbe d’indifférence plus haute, au point F. La quantité de céréales obtenue par Bruno est réduite, de CD à EF (2 boisseaux).

TMT > TMS
: Quand Angela travaille 4 heures, le TMT est plus élevé que le TMS sur la nouvelle courbe d’indifférence.
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TMT > TMS

Quand Angela travaille 4 heures, le TMT est plus élevé que le TMS sur la nouvelle courbe d’indifférence.

La nouvelle loi a augmenté le pouvoir de négociation d’Angela et dégradé la situation de Bruno. Vous pouvez clairement voir qu’Angela a une meilleure situation au point F qu’au point D. Elle est également dans une meilleure situation que si elle utilisait son option de réserve, ce qui signifie qu’elle reçoit maintenant une rente économique.

La rente d’Angela peut être mesurée, en boisseaux de céréales, par la distance verticale entre sa courbe d’indifférence de réserve (CI1 sur la Figure 5.9) et la courbe d’indifférence qu’elle peut atteindre grâce à la nouvelle législation (CI2). Nous pouvons considérer cette rente économique comme :

  • la quantité maximale de céréales par an à laquelle Angela renoncerait pour bénéficier de la nouvelle loi, plutôt que de rester dans l’ancienne situation.
  • ou (en raison des convictions politiques d’Angela) le montant qu’elle aurait été prête à payer pour que la loi soit votée, par exemple en faisant du lobbying ou en participant à des campagnes électorales.

Question 5.8 Choisissez la ou les bonnes réponses

Sur la Figure 5.9, D et F correspondent au résultat avant et après l’introduction d’une nouvelle loi limitant le temps de travail d’Angela à quatre heures par jour et imposant un salaire minimum de 4,5 boisseaux. À partir de cette information, parmi les affirmations suivantes, lesquelles sont correctes ?

  • Le changement de D à F est une amélioration au sens de Pareto.
  • Le nouveau résultat F est Pareto-efficace.
  • Au point F, aussi bien Angela que Bruno reçoivent des rentes économiques.
  • Suite à la nouvelle loi, Bruno a un pouvoir de négociation moindre.
  • Ce n’est pas une amélioration au sens de Pareto car Bruno est dans une situation moins favorable (il obtient moins de céréales) au point F qu’au point D.
  • Au résultat F, quand Angela travaille 4 heures, TMT > TMS (comparez les pentes de la frontière des possibles et de la courbe d’indifférence). Cette situation ne peut donc pas être Pareto-efficace (par exemple, Bruno pourrait être dans une meilleure situation, sans qu’Angela soit dans une moins bonne situation, s’ils pouvaient se déplacer vers la gauche le long de IC2.)
  • Au point F, Angela est au-dessus de sa courbe d’indifférence de réserve, et obtient donc une rente économique. L’option de réserve de Bruno est de ne rien recevoir, donc la quantité de céréales obtenue au point F correspond à sa rente économique.
  • Au point D, Bruno obtient une rente égale à CD et Angela n’obtient aucune rente. Au point F, la rente de Bruno est beaucoup plus faible : la loi a augmenté le pouvoir de négociation d’Angela et réduit celui de Bruno.

5.10 Négocier un partage Pareto-efficace du surplus

Angela et ses amis se réjouissent de leur victoire. Elle vous demande ce que vous pensez de cette nouvelle mesure.

courbe de Pareto-efficacité
L’ensemble de toutes les allocations qui sont Pareto-efficaces. On l’appelle également la courbe de contrat, même dans les interactions sociales qui n’impliquent pas de contrat (c’est pour cette raison que nous n’utiliserons pas ce terme). Voir également : Pareto-efficace.

Vous : « Félicitations, mais tu aurais pu obtenir beaucoup mieux que ta mesure. »

Angela : « Pourquoi ? »

Vous : « Parce que vous ne vous trouvez pas sur la courbe de Pareto-efficacité ! Avec cette nouvelle loi, Bruno reçoit 2 boisseaux et ne peut pas te faire travailler plus de 4 heures. Pourquoi ne pas lui proposer de continuer à le payer 2 boisseaux et, en échange, qu’il te laisse garder tout ce que tu produiras au-delà ? Ainsi, tu pourras choisir ton temps de travail. »

Les dispositions prévues par la loi autorisent une journée de travail plus longue dans la mesure où les deux parties sont d’accord, tant que la journée de 4 heures demeure l’option de réserve des travailleurs si aucun accord n’est trouvé.

Vous : « Redessinez maintenant la Figure 5.9, en utilisant les concepts de surplus total et de courbe de Pareto-efficacité comme sur la Figure 5.8, afin de montrer à Angela comment obtenir un meilleur accord. »

Vous : « Regarde la Figure 5.10. Le surplus est maximisé pour 8 heures de travail. Quand tu travailles 4 heures, le surplus est plus faible, et tu en verses une grande partie à Bruno. En augmentant le surplus, tu peux lui payer le même montant, et ton propre surplus sera plus important – tu seras donc dans une meilleure situation. Suis les étapes de la Figure 5.10 pour voir pourquoi. »

Négociation pour restaurer l’efficacité au sens de Pareto
: Négociation pour restaurer l’efficacité au sens de Pareto.
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Négociation pour restaurer l’efficacité au sens de Pareto

Figure 5.10 Négociation pour restaurer l’efficacité au sens de Pareto.

Le surplus total maximal
: Le surplus à partager entre Angela et Bruno est maximisé quand TMT = TMS, pour 8 heures de travail.
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Le surplus total maximal

Le surplus à partager entre Angela et Bruno est maximisé quand TMT = TMS, pour 8 heures de travail.

Angela préfère F à D
: Angela préfère le point F atteint grâce à la loi, parce qu’il lui permet d’obtenir la même quantité de céréales tout en ayant plus de temps libre qu’avec le point D.
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Angela préfère F à D

Angela préfère le point F atteint grâce à la loi, parce qu’il lui permet d’obtenir la même quantité de céréales tout en ayant plus de temps libre qu’avec le point D.

Angela pourrait être dans une meilleure situation que F
: Par rapport à F, cependant, elle préférerait n’importe quelle allocation sur la courbe de Pareto-efficacité, entre C et G.
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Angela pourrait être dans une meilleure situation que F

Par rapport à F, cependant, elle préférerait n’importe quelle allocation sur la courbe de Pareto-efficacité, entre C et G.

Angela peut proposer H
: Avec l’allocation H, Bruno obtient le même montant de céréales : CH = EF. La situation d’Angela s’améliore par rapport à celle qu’elle connaissait au point F. Elle travaille plus longtemps, mais reçoit plus de céréales qu’il n’en faut pour compenser la perte de son temps libre.
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Angela peut proposer H

Avec l’allocation H, Bruno obtient le même montant de céréales : CH = EF. La situation d’Angela s’améliore par rapport à celle qu’elle connaissait au point F. Elle travaille plus longtemps, mais reçoit plus de céréales qu’il n’en faut pour compenser la perte de son temps libre.

Un accord gagnant-gagnant en se déplaçant vers une allocation entre G et H
: Le point F n’est pas Pareto-efficace car TMT > TMS. Si Angela et Bruno choisissaient un point sur la courbe de Pareto-efficacité entre G et H, leur situation à tous les deux s’en trouverait améliorée.
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Un accord gagnant-gagnant en se déplaçant vers une allocation entre G et H

Le point F n’est pas Pareto-efficace car TMT > TMS. Si Angela et Bruno choisissaient un point sur la courbe de Pareto-efficacité entre G et H, leur situation à tous les deux s’en trouverait améliorée.

Le déplacement du point D (où Bruno avait tout le pouvoir de négociation et s’appropriait tous les gains à l’échange) vers le point H, où Angela est dans une meilleure situation, se fait en deux étapes distinctes.

  1. De D à F, ce qui correspond au résultat imposé par la nouvelle législation. Ce n’était pas une situation « gagnant-gagnant » : Bruno perd au change, car sa rente économique au point F est moins importante que la rente maximale qu’il pouvait obtenir au point D. Angela bénéficie de cette nouvelle situation.

  2. Une fois la loi passée, il existe plusieurs possibilités de type « gagnant-gagnant » pour Bruno et Angela. Celles-ci se trouvent sur le segment GH de la courbe de Pareto-efficacité. Par définition, il existe des alternatives possibles de type « gagnant-gagnant », car F n’est pas Pareto-efficace.

Bruno souhaite négocier. Il ne se satisfait pas de la proposition d’Angela du point H.

Bruno : « Avec ce nouveau contrat, ma situation n’est pas améliorée par rapport à la situation initiale créée par la loi en faveur des fermiers. »

Vous : « Mais Bruno, Angela dispose maintenant elle aussi d’un pouvoir de négociation. La loi a modifié son option de réserve, pour qu’elle ne corresponde plus à 24 heures de temps libre avec des rations de survie. Son option de réserve est maintenant l’allocation prévue par la loi au point F. Je te suggère de lui faire une contre-offre. »

Bruno : « Angela, je te laisserai travailler la terre autant d’heures que tu le désires, si en échange tu me payes un demi-boisseau de plus que EF. »

Ils se serrent la main en guise d’accord.

Maintenant qu’Angela est libre de choisir son nombre temps de travail, avec pour unique condition le paiement à Bruno d’un demi-boisseau supplémentaire, elle travaillera 8 heures, de telle sorte que TMT = TMS. Comme ce contrat se trouve entre G et H, il s’agit d’une amélioration au sens de Pareto, par rapport au point F. De plus, comme il se trouve sur la courbe de Pareto-efficacité CD, nous savons qu’il n’existe plus d’améliorations possibles au sens de Pareto. Cela est vrai pour n’importe quelle autre allocation sur GH – elles diffèrent uniquement dans la répartition des gains mutuels, certaines favorisant Angela, et d’autres Bruno. Leur situation finale à tous les deux dépendra de leur pouvoir de négociation.

Question 5.9 Choisissez la ou les bonnes réponses

Sur la Figure 5.10, Angela et Bruno se trouvent à l’allocation F, où Angela reçoit 4,5 boisseaux de céréales et travaille 4 heures.

À partir du graphique, nous pouvons conclure que :

  • Tous les points sur EF sont Pareto-efficaces.
  • N’importe quel point situé dans l’aire entre G, H et F serait une amélioration au sens de Pareto.
  • N’importe quel point entre G et D serait une amélioration au sens de Pareto.
  • Angela et Bruno sont tous deux indifférents entre tous les points sur GH.
  • Tout au long de EF, TMS < TMT. Les points sur EF ne sont donc pas Pareto-efficaces – il y a d’autres allocations qui permettraient d’améliorer la situation de chacun.
  • Dans l’aire GHF, Angela est sur une courbe d’indifférence plus haute que IC2, et Bruno a plus de céréales que EF, donc les deux sont dans une meilleure situation.
  • Les points sur GD sont Pareto-efficaces mais, en-dessous de G, Angela se trouve sur une courbe d’indifférence plus basse que F, et donc dans une situation moins favorable.
  • Les points sur GH sont tous Pareto-efficaces, mais Bruno et Angela ne sont pas indifférents. Bruno préfère les points plus proches de G, alors qu’Angela préfère les points plus proches de H.

5.11 Angela et Bruno : la morale de l’histoire

Les compétences de fermière d’Angela et la propriété des terres de Bruno offrent une opportunité de gains mutuels à l’échange.

Cela est également vrai lorsque des personnes échangent directement, ou vendent et achètent, des biens contre de l’argent. Supposez que vous ayez plus de pommes que ce que vous pouvez consommer, et que votre voisin a des poires en abondance. Vous attribuez une moindre valeur aux pommes par rapport à votre voisin, et vous accordez une valeur plus importante aux poires par rapport à lui. Il est donc possible d’obtenir une amélioration au sens de Pareto en échangeant des pommes et des poires.

Lorsque des individus ayant des besoins, possessions ou talents différents se rencontrent, il y a une opportunité pour générer des gains pour chacun de ces individus. C’est la raison pour laquelle les individus se rassemblent sur des marchés, des systèmes d’échange en ligne, ou des bateaux de pirates. Les gains mutuels sont le gâteau – que nous appelons « surplus ».

Les allocations que nous observons tout au long de l’Histoire sont déterminées en grande partie par les institutions économiques, incluant les droits de propriété et le pouvoir de négociation. La Figure 5.11 résume ce que nous avons appris sur la détermination des résultats économiques – grâce aux scénarios successifs impliquant Angela et Bruno.

  • La technologie et la biologie déterminent si l’interaction peut être mutuellement bénéfique, ainsi que l’ensemble des allocations techniquement possibles (Section 5.5). Si la terre de Bruno avait une productivité si faible que le travail d’Angela ne permettait pas de produire assez pour la maintenir en vie, il n’y aurait eu aucune opportunité d’accord entre eux.
  • Pour que des allocations soient économiquement possibles, il doit y avoir des améliorations au sens de Pareto par rapport aux options de réserve de chacune des parties. Cela peut dépendre des institutions (comme les rations de survie distribuées à Angela par l’État [Section 5.7]), ou de la législation sur le temps de travail (Section 5.10).
  • Le résultat d’une interaction dépend aussi bien des préférences des individus (ce qu’ils veulent) que des institutions qui déterminent leur pouvoir de négociation (la capacité à l’obtenir), et donc la manière dont le surplus est réparti (Section 5.10).
Les déterminants fondamentaux des résultats économiques
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Figure 5.11 Les déterminants fondamentaux des résultats économiques.

L’histoire d’Angela et de Bruno offre trois leçons sur l’efficacité et l’équité, illustrées par la Figure 5.10, que nous allons étudier de nouveau dans les unités suivantes.

  • Lorsqu’une personne ou un groupe a le pouvoir de dicter l’allocation, à l’unique condition de ne pas mettre l’autre partie dans une position plus défavorable que son option de réserve, le parti au pouvoir va s’accaparer la totalité du surplus. S’il le fait, il n’y a aucun moyen d’améliorer la situation de l’une des parties sans dégrader celle de l’autre (point D sur le graphique). Ce résultat est donc Pareto-efficace !
  • Ceux qui considèrent leur traitement comme inéquitable ont souvent le pouvoir d’influencer le résultat via les lois et d’autres moyens politiques, pouvant leur permettre d’obtenir une répartition plus équitable à leurs yeux mais pas nécessairement Pareto-efficace (point F). Les sociétés doivent parfois faire des compromis entre des situations Pareto-efficaces mais injustes, et des situations justes mais Pareto-inefficaces.
  • S’il existe des institutions permettant aux individus de délibérer ensemble, de se mettre d’accord et de mettre en place des allocations alternatives, alors il peut être possible d’éviter ce compromis en obtenant à la fois efficacité et équité – comme le firent Angela et Bruno à travers une combinaison de lois et de négociations privées (point H).

5.12 Mesurer les inégalités économiques

Dans notre analyse de l’interaction entre Angela et Bruno, nous avons évalué les allocations en termes d’efficacité au sens de Pareto. Nous avons vu qu’ils (ou au moins l’un d’entre eux) pouvaient améliorer leur situation en négociant pour se déplacer d’une allocation Pareto-inefficace vers une allocation située sur la courbe de Pareto-efficacité.

Mais l’autre critère important pour évaluer une allocation est l’équité. Nous savons que des allocations Pareto-efficaces peuvent être très inégales. Dans le cas d’Angela et Bruno, les inégalités résultaient directement de différences dans le pouvoir de négociation, mais également de différences dans leurs dotations initiales : c’est-à-dire ce que chacun possède avant l’interaction (leur richesse initiale). Bruno possédait la terre, alors qu’Angela ne possédait rien, sauf son temps et sa capacité à travailler. Les différences en dotations initiales, tout comme les institutions, peuvent affecter le pouvoir de négociation.

Il est facile d’évaluer la répartition entre deux personnes. Mais comment évaluer les inégalités dans de plus grands groupes ou au sein d’une société ? Un outil utile permettant de représenter et comparer les distributions de revenus ou de richesse et de montrer l’ampleur des inégalités est la courbe de Lorenz (inventée en 1905 par Max Lorenz (1876–1959), un économiste américain, lorsqu’il était encore étudiant). Elle mesure la dispersion des revenus, ou de tout autre variable, dans une population.4

courbe de Lorenz
Une représentation graphique de l’inégalité d’une quantité quelconque telle que la richesse ou le revenu. Les individus sont présentés par ordre croissant de la quantité détenue, et la part cumulée du total est ensuite tracée en fonction de la part cumulée de la population. Pour une égalité complète du revenu, par exemple, la courbe de Lorenz serait une ligne droite avec une pente égale à 1. La distance de la courbe à cette droite d’égalité parfaite est une mesure de l’inégalité. Voir également : coefficient de Gini.

La courbe de Lorenz représente l’ensemble de la population ordonnée sur l’axe des abscisses du plus pauvre au plus riche. La hauteur de la courbe à chaque point de l’axe des abscisses indique la fraction du revenu total reçue par la fraction de population indiquée à ce point sur l’axe des abscisses.

Pour voir comment cela fonctionne, imaginez un village dans lequel il y a 10 propriétaires terriens, chacun possédant 10 hectares, et 90 personnes travaillant la terre comme métayers mais qui ne possèdent pas la terre (comme Angela). La courbe de Lorenz est la ligne bleue de la Figure 5.12. En classant la population selon la propriété des terres, nous voyons que les premiers 90 % de la population ne possèdent rien. La courbe est donc plate. Les 10 % restants possèdent 10 hectares chacun, de sorte que la courbe est ascendante en une ligne droite jusqu’au point où 100 % des individus possèdent 100 % de la terre.

Une courbe de Lorenz pour la propriété de richesses
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Figure 5.12 Une courbe de Lorenz pour la propriété de richesses.

Si, à la place, chaque membre de la population possédait un hectare de terre – une égalité parfaite en termes de propriété des terres –, alors la courbe de Lorenz serait une droite à 45 degrés, indiquant que les 10 % plus pauvres de la population possèdent 10 % de la terre, et ainsi de suite (bien que, dans ce cas, chaque personne soit aussi pauvre et aussi riche que les autres).

La courbe de Lorenz nous indique à quel point une distribution s’écarte de la droite d’égalité parfaite. La Figure 5.13 montre la distribution des revenus qui aurait résulté du système de partage des gains décrit dans les articles du bateau pirate, le Royal Rover. La courbe de Lorenz est très proche de la droite à 45 degrés, montrant comment les institutions de la piraterie permettaient à des membres de l’équipage ordinaires d’avoir droit à une part importante du revenu.

Au contraire, quand les navires de la Marine royale, Favourite et Active, ont capturé le navire espagnol La Hermione, la division du butin sur les deux navires de guerre britanniques fut beaucoup moins égalitaire. Les courbes de Lorenz montrent que les membres d’équipage ordinaires ont reçu environ un quart du revenu, le reste étant alloué à un petit nombre d’officiers et au capitaine. Le navire Favourite était plus inégalitaire que le navire Active, avec une plus faible fraction du butin pour chaque membre d’équipage. Pour les standards de l’époque, les pirates étaient inhabituellement démocratiques et équitables dans leurs interactions.

La répartition du butin : les pirates et la Marine royale
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Figure 5.13 La répartition du butin : les pirates et la Marine royale.

Coefficient de Gini

coefficient de Gini
Une mesure de l’inégalité d’une quantité telle que le revenu ou la richesse, qui varie d’une valeur de zéro (il n’y a aucune inégalité) à un (si une seule personne dans l’économie obtient toute la quantité).

La courbe de Lorenz nous donne une image de la disparité des revenus au sein de la population entière, mais il pourrait être utile d’avoir une mesure simple de l’ampleur des inégalités. Vous pouvez voir que les distributions plus inégalitaires se caractérisent par une aire supérieure entre la courbe de Lorenz et la droite à 45 degrés. Le coefficient de Gini (ou ratio de Gini), nommé d’après le statisticien italien Corrado Gini (1884–1965), est calculé comme le ratio de cette aire et de l’aire du triangle sous la droite à 45 degrés.

Si chaque personne a le même revenu, de sorte qu’il n’y a pas d’inégalités, le coefficient de Gini prend la valeur de 0. Si un seul individu reçoit l’ensemble du revenu, le coefficient de Gini prend sa valeur maximale de 1. Nous pouvons calculer le Gini pour la propriété de la terre grâce à la Figure 5.14a, comme étant l’aire A, entre la courbe de Lorenz et la droite d’égalité parfaite, exprimée en proportion de l’aire (A + B), le triangle sous la droite à 45 degrés :

La courbe de Lorenz et le coefficient de Gini pour la propriété de richesses
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Figure 5.14a La courbe de Lorenz et le coefficient de Gini pour la propriété de richesses.

La Figure 5.14b montre les coefficients de Gini pour chacune des courbes de Lorenz que nous avons tracées jusqu’ici.

Répartition Gini
Bateau pirate Royal Rover 0,06
Navire de la Marine britannique Active 0,59
Navire de la Marine britannique Favourite 0,6
Le village avec des métayers et des propriétaires 0,9

Comparer les coefficients de Gini

Figure 5.14b Comparer les coefficients de Gini.

Cette méthode de calcul du coefficient de Gini n’est à proprement parler qu’une approximation. Le coefficient de Gini est plus précisément défini comme une mesure de la différence moyenne de revenus entre chaque paire d’individus dans la population, comme vous le trouverez expliqué dans l’Einstein à la fin de cette section. La méthode de calcul qui utilise l’aire donne une bonne approximation uniquement lorsque la population est suffisamment grande.

Comparer les distributions de revenus et les inégalités dans le monde

revenu disponible
Le revenu disponible après paiement des impôts et réception des transferts de l’État.

Afin de mesurer les inégalités de revenus au sein d’un pays, nous pouvons regarder soit le revenu marchand (l’ensemble des revenus provenant du travail salarié ou indépendant, de l’épargne et des investissements), soit le revenu disponible, qui capture mieux le niveau de vie. Le revenu disponible correspond à ce qu’un ménage peut dépenser après avoir payé les impôts et reçu les transferts (comme l’assurance chômage et les retraites) de l’État :

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Dans l’Unité 1, nous avions comparé les inégalités en termes de distribution de revenus des pays en utilisant le ratio 90-10. Les courbes de Lorenz nous offrent une image plus complète de la manière dont les distributions diffèrent. La Figure 5.15 montre la distribution du revenu marchand aux Pays-Bas en 2010. Le coefficient de Gini est de 0,47. Selon cette mesure, les pays connaît plus d’inégalités que le Royal Rover, mais moins que les navires de la Marine britannique. L’analyse de la Figure 5.15 montre comment les politiques publiques de redistribution permettent une distribution plus égale du revenu disponible.

Distribution du revenu marchand et du revenu disponible aux Pays-Bas (2010)
: Distribution du revenu marchand et du revenu disponible aux Pays-Bas (2010).
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Distribution du revenu marchand et du revenu disponible aux Pays-Bas (2010)

Figure 5.15 Distribution du revenu marchand et du revenu disponible aux Pays-Bas (2010).

LIS. Cross National Data Center. Les calculs ont été réalisés par Stefan Thewissen (université d’Oxford) en avril 2015. Le revenu marchand (du travail et du capital) et le revenu disponible des ménages ont été standardisés, et les valeurs extrêmes retraitées.

La courbe de Lorenz pour le revenu marchand
: La courbe indique que les 10 % les plus pauvres de la population (10 sur l’axe des abscisses) reçoivent seulement 0,1 % du revenu total (0,1 sur l’axe des ordonnées), et que la moitié la plus pauvre de la population reçoit moins de 20 % du revenu.
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La courbe de Lorenz pour le revenu marchand

La courbe indique que les 10 % les plus pauvres (10 sur l’axe des abscisses) reçoivent seulement 0,1 % du revenu total (0,1 sur l’axe des ordonnées), et que la moitié la plus pauvre de la population reçoit moins de 20 % du revenu.

LIS. Cross National Data Center. Les calculs ont été réalisés par Stefan Thewissen (université d’Oxford) en avril 2015. Le revenu marchand (du travail et du capital) et le revenu disponible des ménages ont été standardisés, et les valeurs extrêmes retraitées.

Le coefficient de Gini pour le revenu marchand
: Le coefficient de Gini est le ratio de l’aire A (entre la courbe pour le revenu marchand et la droite d’égalité parfaite) et de l’aire A + B (sous la droite d’égalité parfaite), qui est égal à 0,47.
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Le coefficient de Gini pour le revenu marchand

Le coefficient de Gini est le ratio de l’aire A (entre la courbe pour le revenu marchand et la droite d’égalité parfaite) et de l’aire A + B (sous la droite d’égalité parfaite), qui est égal à 0,47.

LIS. Cross National Data Center. Les calculs ont été réalisés par Stefan Thewissen (université d’Oxford) en avril 2015. Le revenu marchand (du travail et du capital) et le revenu disponible des ménages ont été standardisés, et les valeurs extrêmes retraitées.

Revenu disponible
: Les inégalités en termes de revenu disponible sont beaucoup plus faibles que les inégalités en termes de revenu marchand. Les politiques de redistribution ont un effet plus important vers le bas de la distribution. Les 10 % les plus pauvres reçoivent 4 % du revenu disponible total.
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Revenu disponible

Les inégalités en termes de revenu disponible sont beaucoup plus faibles que les inégalités en termes de revenu marchand. Les politiques de redistribution ont un effet plus important vers le bas de la distribution. Les 10 % les plus pauvres reçoivent 4 % du revenu disponible total.

LIS. Cross National Data Center. Les calculs ont été réalisés par Stefan Thewissen (université d’Oxford) en avril 2015. Le revenu marchand (du travail et du capital) et le revenu disponible des ménages ont été standardisés, et les valeurs extrêmes retraitées.

Le coefficient de Gini pour le revenu disponible
: Le coefficient de Gini pour le revenu disponible est plus faible : le ratio des aires A’ (entre la courbe de revenu disponible et la droite d’égalité parfaite) et A’ + B’ (sous la droite d’égalité parfaite) est 0,25.
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Le coefficient de Gini pour le revenu disponible

Le coefficient de Gini pour le revenu disponible est plus faible : le ratio des aires A’ (entre la courbe de revenu disponible et la droite d’égalité parfaite) et A’ + B’ (sous la droite d’égalité parfaite) est 0,25.

Remarquez qu’aux Pays-Bas, près d’un cinquième des ménages ont un revenu marchand proche de zéro, mais que la plupart ont néanmoins un revenu disponible suffisant pour survivre, voire vivre confortablement : les 20 % les plus pauvres reçoivent environ 10 % de l’ensemble du revenu disponible.

Il existe de nombreuses manières de mesurer les inégalités de revenus, en plus du coefficient de Gini et du ratio 90-10, mais ces deux mesures sont les plus fréquemment utilisées. La Figure 5.16 compare les coefficients de Gini pour le revenu disponible et le revenu marchand d’un grand nombre de pays, ordonnés selon leur degré d’inégalités en termes de revenu marchand, du moins inégalitaire à gauche au plus égalitaire à droite. La raison principale pour les différences importantes observées entre les pays en termes d’inégalités de revenu disponible réside dans la capacité des États à imposer les familles les plus riches pour redistribuer aux plus pauvres.

Notez que :

  • les différences entre pays en termes d’inégalités de revenu disponible (le haut des barres les plus basses) sont bien plus importantes que les différences en termes d’inégalités de revenu marchand (le haut des barres les plus hautes) ;
  • les États-Unis et la Grande-Bretagne font partie des pays riches les plus inégalitaires ;
  • les quelques pays à faible revenu ou intermédiaire pour lesquels des données sont disponibles sont encore plus inégalitaires en termes de revenu disponible que les États-Unis, mais…
  • … (à l’exception de l’Afrique du Sud), ce phénomène est surtout le résultat d’une redistribution limitée des riches vers les pauvres, plutôt que d’inégalités très importantes en termes de revenu marchand.

Dans l’Unité 19 (Inégalités), nous étudierons de manière plus détaillée les politiques publiques de redistribution.

Inégalités de revenu marchand et de revenu disponible dans le monde
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Inégalités de revenu marchand et de revenu disponible dans le monde

Figure 5.16 Inégalités de revenu marchand et de revenu disponible dans le monde.

LIS. Cross National Data Center. Les calculs ont été réalisés par Stefan Thewissen (université d’Oxford) en avril 2015.

Question 5.10 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 5.15 présente la courbe de Lorenz pour le revenu marchand aux Pays-Bas en 2010.

Parmi les affirmations suivantes, laquelle est correcte ?

  • Si l’aire A augmente, les inégalités de revenus diminuent.
  • Le coefficient de Gini peut être calculé comme la proportion de l’aire A par rapport à l’aire A + B.
  • Les pays avec des coefficients de Gini moins élevés ont des distributions de revenus moins égales.
  • Le coefficient de Gini prend la valeur de 1 quand tout le monde a le même revenu.
  • Si l’aire A augmente, alors les inégalités (mesurées par le coefficient de Gini) augmentent.
  • Cette méthode peut être utilisée lorsqu’il y a une population importante, par exemple pour un pays entier comme les Pays-Bas.
  • Les pays avec des coefficients de Gini plus faibles ont de plus faibles inégalités (selon cette mesure), et donc une distribution des revenus plus égale.
  • Le coefficient prend la valeur zéro quand tous les individus ont le même revenu (la courbe de Lorenz est sur la ligne de parfaite égalité).

Exercice 5.9 Comparer des distributions de richesses

Le tableau présente trois distributions alternatives de propriété de la terre dans un village de 100 personnes avec 100 hectares de terre. Tracez les courbes de Lorenz pour chaque cas. Pour les cas I et III, calculez le Gini. Pour le cas II, montrez sur le graphique de la courbe de Lorenz comment le coefficient de Gini peut être calculé.

I 80 personnes ne possèdent rien 20 personnes possèdent 5 hectares chacune  
II 40 personnes ne possèdent rien 40 personnes possèdent 1 hectare chacune 20 personnes possèdent 3 hectares chacune
III 100 personnes possèdent 1 hectare chacune    

Einstein Les inégalités comme différences entre les individus

Le coefficient de Gini est une mesure des inégalités, précisément défini comme :

Pour calculer g, vous avez besoin de connaître le revenu de chaque individu dans la population.

  1. Trouvez la différence de revenus pour chaque paire possible d’individus dans la population.
  2. Prenez la moyenne de ces différences.
  3. Divisez ce nombre par le revenu moyen de la population, afin d’obtenir la différence moyenne relative.
  4. g = différence moyenne relative divisée par deux.

Exemples :

Il n’y a que deux individus dans la population, et l’un reçoit l’ensemble des revenus. Supposez que leurs revenus soient 0 et 1.

  1. La différence entre les revenus de cette paire = 1.
  2. Étant donné qu’il n’y a qu’une paire, il s’agit de la différence moyenne.
  3. Le revenu moyen est 0,5, donc la différence moyenne relative = 1/0,5 = 2.
  4. g = 2/2 = 1 (inégalité parfaite, comme nous pouvions nous y attendre).

Deux personnes partagent un gâteau : l’une obtient 20 %, l’autre 80 %.

  1. La différence est 60 % (0,60).
  2. Il s’agit de la différence moyenne (comme auparavant, il n’y a que deux revenus).
  3. Le revenu moyen est 50 %, ou 0,50. La différence moyenne relative est 0,6/0,5 = 1,20.
  4. g = 0,60.

Le coefficient de Gini mesure le degré d’inégalité des parts. En guise d’exercice, confirmez que si la taille de la plus petite part est σ, g = 1 − 2σ.

Il y a trois individus, et l’un reçoit l’intégralité du revenu, soit 1.

  1. Les différences pour les trois paires possibles sont 1, 1 et 0.
  2. Différence moyenne = 2/3.
  3. Différence moyenne relative = (2/3)/(1/3) = 2.
  4. Coefficient de Gini = g = 2/2 = 1.

Approximer le coefficient de Gini en utilisant la courbe de Lorenz

Si la population est grande, nous pouvons obtenir une bonne approximation du coefficient de Gini en utilisant les aires du graphique de Lorenz : g ≈ A/(A + B).

Cependant, avec un petit nombre d’individus, cette approximation manque de précision.

Vous pouvez le vérifier si vous pensez au cas d’« inégalité parfaite », où un individu reçoit 100 % du revenu. Le vrai coefficient de Gini est 1, quelle que soit la taille de la population (nous l’avons calculé pour une population de 2 et de 3 individus dans les exemples ci-dessus). La courbe de Lorenz est horizontale de zéro jusqu’au dernier individu, puis grimpe à 100 %. Essayez de tracer les courbes de Lorenz lorsque la taille de la population, N, est 2, 3, 10 et 20.

  • Quand N = 2, A/(A + B) = 0,5, soit une très mauvaise approximation de la vraie valeur, g = 1.
  • Quand N est grand, l’aire A n’est pas aussi grande que l’aire A + B, mais le ratio est presque 1.

Il existe une formule permettant de calculer le coefficient de Gini correct à partir du diagramme de Lorenz :

(Vérifiez que cela fonctionne en cas d’inégalité parfaite lorsque N = 2.)

5.13 Une politique pour redistribuer le surplus et augmenter l’efficacité

Angela et Bruno vivent dans le monde hypothétique d’un modèle économique. Toutefois, des fermiers et propriétaires terriens bien réels sont confrontés aux mêmes problèmes.

Dans l’État indien du Bengale-Occidental, ayant une population supérieure à celle de l’Allemagne, nombreux sont les fermiers travaillant comme métayers (bargadars en bengali) qui louent la terre à des propriétaires terriens et leur donnent en échange une partie de leurs récoltes.

Les arrangements contractuels traditionnels dans ce vaste État variaient très peu d’un village à l’autre ; presque tous les bargadars donnaient la moitié de leurs récoltes au propriétaire terrien lors de la récolte. Ce fut la norme depuis le 18e siècle au moins.

Cependant, comme Angela, dans la seconde moitié du 20e siècle, beaucoup se sont mis à penser que cet arrangement était inéquitable en raison des niveaux extrêmes de pauvreté parmi les bargadars. En 1973, 73 % de la population rurale vivait sous le seuil de pauvreté, l’un des taux de pauvreté les plus élevés d’Inde. En 1978, le Front de gauche nouvellement élu au gouvernement du Bengale-Occidental adopta de nouvelles lois, intitulées « Opération Barga ».

Celles-ci stipulaient que :

  • les bargadars pouvaient garder jusqu’aux trois quarts de leurs récoltesa ;
  • les bargadars étaient protégés contre les expulsions par les propriétaires, tant qu’ils payaient le quota de 25 %.

Ces deux dispositions de l’Opération Barga étaient présentées comme un moyen d’augmenter la production. Il y avait en effet des raisons de croire que la taille du gâteau allait augmenter, ainsi que les revenus des fermiers.

  • Les bargadars avaient une incitation plus grande à travailler dur et bien : en gardant une part plus importante de la récolte, ils étaient mieux récompensés s’ils réussissaient à cultiver davantage.
  • Les bargadars étaient incités à investir dans l’amélioration de la terre : ils étaient confiants sur le fait qu’ils pourraient continuer à cultiver la même parcelle à l’avenir, et qu’ils seraient récompensés pour leur investissement.

En conséquence, le Bengale-Occidental a connu une hausse considérable de la production agricole par unité de terrain, ainsi qu’une hausse du revenu des fermiers. En comparant la production des fermes avant et après l’entrée en vigueur de l’Opération Barga, les économistes ont conclu à une augmentation de la motivation au travail et de l’investissement. Une étude suggère qu’environ 28 % de la croissance de la productivité agricole observée par la suite dans la région serait due à l’Opération Barga. L’autonomisation des bargadars a également eu des effets d’entraînement positifs, en incitant les gouvernements locaux à être plus à l’écoute des besoins des fermiers pauvres.5

Efficacité et équité

L’Opération Barga a ensuite été citée par la Banque mondiale comme un exemple de bonne politique pour le développement économique.6

La Figure 5.17 résume les concepts développés dans cette unité que nous pouvons utiliser pour juger l’impact d’une politique économique. Ayant collecté assez de données pour décrire l’allocation résultant, nous nous demandons : est-ce Pareto-efficace, et juste ? Est-elle meilleure que l’allocation originale, selon ces deux critères ?

Efficacité et équité
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Efficacité et équité

Figure 5.17 Efficacité et équité.

Les données montrant que l’Opération Barga a augmenté les revenus indiquent que la taille du gâteau était plus grande et que les pauvres ont obtenu une part plus importante.

En principe, l’augmentation de la taille du gâteau signifie qu’il pouvait y avoir des gains mutuels grâce à la réforme, améliorant à la fois la situation des fermiers et des propriétaires terriens.

Cependant, le changement observé dans l’allocation n’a pas constitué une amélioration au sens de Pareto. Les revenus de certains propriétaires terriens ont chuté à la suite de la baisse de leur part de la récolte. Néanmoins, en considérant la hausse des revenus des individus les plus pauvres du Bengale-Occidental, nous pourrions considérer que l’Opération Barga était équitable. Beaucoup de personnes devaient penser ainsi au Bengale-Occidental, puisqu’elles ont continué à voter pour l’alliance du Front de gauche, qui est resté au pouvoir de 1977 à 2011.

Nous n’avons pas d’informations détaillées sur l’Opération Barga, mais nous pouvons illustrer les effets de la réforme agraire sur la répartition des revenus dans le village hypothétique de la section précédente, avec 90 métayers et 10 propriétaires terriens. La Figure 5.18 présente les courbes de Lorenz. Initialement, les fermiers paient un loyer aux propriétaires terriens correspondant à 50 % de leur récolte. L’Opération Barga a augmenté la part de la récolte revenant aux fermiers à 75 %, rapprochant la courbe de Lorenz de la droite des 45 degrés. Le coefficient de Gini du revenu a donc été réduit, de 0,4 (comparable à celui des États-Unis) à 0,15 (bien inférieur à celui du pays riche le plus égalitaire, comme le Danemark). La rubrique Einstein à la fin de cette section vous montre comment le coefficient de Gini dépend de la proportion des fermiers dans la population et de la part de la récolte à laquelle ils peuvent prétendre.

Négocier en pratique : comment une réforme agraire au Bengale-Occidental a réduit le coefficient de Gini
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Négocier en pratique : comment une réforme agraire au Bengale-Occidental a réduit le coefficient de Gini

Figure 5.18 Négocier en pratique : comment une réforme agraire au Bengale-Occidental a réduit le coefficient de Gini.

Einstein La courbe de Lorenz et le coefficient de Gini dans une économie divisée en classes avec une population de grande taille

Imaginez une population de 100 individus, dont une fraction n réalise la production, le reste étant constitué d’employeurs (ou de propriétaires terriens, ou d’autres personnes ayant un droit sur le revenu sans être producteurs).

Prenez comme exemple les fermiers et producteurs terriens du texte (au Bengale-Occidental). Chacun de ces n × 100 fermiers produit q et reçoit une fraction s de cette production ; chaque fermier a donc un revenu sq. Les (1 − n) × 100 employeurs reçoivent, eux, un revenu de (1 − s)q.

Le graphique ci-dessous présente la courbe de Lorenz et la droite d’égalité parfaite, comme dans la Figure 5.18 du texte.

La courbe de Lorenz et la droite d’égalité parfaite.
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Figure 5.19 La courbe de Lorenz et la droite d’égalité parfaite.

La pente de la droite séparant l’aire A de B1 est s/n (la fraction de la production totale que chaque fermier reçoit), et la pente de la droite séparant l’aire A de B3 est (1 − s)/(1 − n), la fraction de la production totale que chaque propriétaire terrien reçoit. Nous pouvons obtenir une approximation du coefficient de Gini par l’expression A/(A + B), avec sur le graphique, B = B1 + B2 + B3.

Nous pouvons donc exprimer le coefficient de Gini en fonction des triangles et du rectangle du graphique. Pour voir comment, notez que l’aire du carré entier est 1, tandis que l’aire (A+B) sous la droite d’égalité parfaite est 1/2. L’aire A est (1/2) − B. Nous pouvons donc écrire le coefficient de Gini comme

À partir du graphique, nous observons que

donc,

Cela signifie que le coefficient de Gini dans ce cas simple est la fraction de la population totale impliquée dans la production (les fermiers) moins la fraction de la production qu’ils reçoivent comme revenu.

Dans ce modèle d’économie, les inégalités vont augmenter si :

  • la proportion de producteurs dans l’économie augmente, mais que la part totale du revenu qu’ils obtiennent ne change pas. Cela pourrait être le cas si certains propriétaires terriens devenaient fermiers, chacun recevant une part s de leur production ;
  • la part de la récolte reçue par les producteurs diminue.

5.14 Conclusion

Les interactions économiques sont régies par des institutions qui spécifient les règles du jeu. Pour comprendre les résultats possibles, nous commençons par regarder quelles sont les allocations techniquement possibles, en prenant en compte les limites imposées par la biologie et la technologie. Ensuite, si la participation est volontaire, nous cherchons les allocations économiquement possibles : celles qui peuvent apporter des gains mutuels (un surplus), et donc une amélioration au sens de Pareto par rapport aux positions de réserve des parties impliquées dans l’échange.

Savoir quelle allocation possible sera réalisée dépend du pouvoir de négociation de chacune des parties, qui détermine comment le surplus sera partagé, qui dépend à son tour des institutions gouvernant l’interaction. Nous pouvons évaluer et comparer des allocations en utilisant deux critères importants pour juger les interactions économiques : l’équité et l’efficacité au sens de Pareto.

Concepts introduits dans l’Unité 5

Avant de continuer, revoyez ces définitions :

5.15 Références bibliographiques

  1. Peter T. Leeson. 2007. ‘An–arrgh–chy: The Law and Economics of Pirate Organization’. Journal of Political Economy 115 (6): pp. 1049–94. 

  2. Vilfredo Pareto. (1906) 2014. Manual of Political Economy: A Variorum Translation and Critical Edition. Oxford, New York, NY: Oxford University Press. 

  3. Andrew Clark et Andrew Oswald. 2002. ‘A Simple Statistical Method for Measuring How Life Events Affect Happiness’. International Journal of Epidemiology 31 (6): pp. 1139–1144. 

  4. Max O. Lorenz. 1905. ‘Methods of Measuring the Concentration of Wealth’. Publications of the American Statistical Association 9 (70). 

  5. Abhijit V. Banerjee, Paul J. Gertler, and Maitreesh Ghatak. 2002. ‘Empowerment and Efficiency: Tenancy Reform in West Bengal’. Journal of Political Economy 110 (2): pp. 239–80. 

  6. Ajitava Raychaudhuri. 2004. Lessons from the Land Reform Movement in West Bengal, India. Washington, DC: World Bank.