Unité 10 Les banques, la monnaie et le marché du crédit
Thèmes et unités thématiques
Comment le crédit, la monnaie et les banques élargissent les possibilités de bénéfices mutuels, et les facteurs qui peuvent entraver ce processus.
- Les individus peuvent réorganiser leurs dépenses dans le temps en empruntant, en prêtant, en investissant et en épargnant.
- Bien que les transactions sur le marché du crédit soient motivées par des bénéfices réciproques, il existe un conflit d’intérêts entre les emprunteurs et les prêteurs concernant le taux d’intérêt, l’usage prudent des fonds prêtés et leur remboursement.
- L’emprunt et le prêt constituent une relation de type principal-agent, dans laquelle le prêteur (le principal) ne peut pas garantir le remboursement du prêt par l’emprunteur (l’agent) par les moyens d’un contrat exécutoire, car les informations nécessaires pour le faire sont soit indisponibles, soit invérifiables.
- Pour répondre à ce problème, les prêteurs exigent souvent des emprunteurs qu’ils contribuent au projet avec une partie de leur propre argent.
- Par conséquent, les personnes dont la richesse est limitée ne sont pas toujours en mesure d’obtenir des prêts, ou les obtiennent seulement à des taux d’intérêt plus élevés.
- La monnaie est un intermédiaire des échanges composé des billets de banque, des dépôts bancaires ou de toute autre chose pouvant être utilisée pour acheter des biens et des services. Elle est acceptée comme moyen de paiement, car des tiers peuvent l’utiliser aux mêmes fins.
- Les banques sont des entreprises qui maximisent leur profit et créent de la monnaie sous la forme des dépôts bancaires à travers l’offre de crédit.
- La banque centrale d’un pays crée un type particulier de monnaie ayant cours légal et fournit des prêts aux banques, à un taux d’intérêt directeur qu’elle fixe.
- Le taux d’intérêt facturé par les banques aux emprunteurs (entreprises et ménages) est déterminé en grande partie par le taux d’intérêt directeur fixé par la banque centrale.
La ville marchande de Chambar, au sud-est du Pakistan, sert de centre financier à 2 400 fermiers des villages environnants. Au début de la saison de plantation du kharif en avril, quand ils sèment du coton et d’autres cultures, ils achètent des engrais et d’autres facteurs de production. Étant donné que plusieurs mois se sont écoulés depuis la vente de leur dernière récolte, leur seul moyen d’effectuer ces achats est d’emprunter en promettant de rembourser lors de la prochaine récolte. D’autres empruntent afin de payer des médicaments ou des médecins. En revanche, peu d’entre eux ont un jour franchi les portes éclatantes de verre et d’acier de la J.S. Bank sur la rue Tando Allahyar. Ils se rendent plutôt chez l’un des quelque 60 prêteurs non institutionnels.
S’ils cherchent à obtenir un prêt pour la première fois, ils seront attentivement interrogés par l’usurier, qui demandera des références venant des autres fermiers qu’il connaît et, dans la plupart des cas, ils recevront un petit prêt d’essai permettant d’évaluer leur solvabilité. L’usurier viendra sûrement rendre visite au fermier, afin d’évaluer la qualité de ses terres, ses animaux et son équipement.1
- collatéral (ou garantie)
- Un bien qu’un emprunteur donne en garantie à un prêteur afin de garantir un prêt. Si l’emprunteur est incapable de rembourser son crédit comme dû, le créancier devient le propriétaire du bien.
Les prêteurs non institutionnels ont raison d’être méfiants. Si le fermier fait face à une mauvaise récolte à cause de son manque d’attention, le prêteur perd de l’argent. Contrairement à de nombreuses institutions financières, les prêteurs non institutionnels n’exigent généralement pas du fermier qu’il mette de côté une partie de sa propriété ou de ses biens (appelée collatéral), qui deviendrait la propriété du prêteur dans le cas où le fermier ne serait pas en mesure de rembourser le prêt – par exemple, des bijoux en or.
Si le nouvel emprunteur potentiel paraît fiable ou suffisamment digne de confiance, il se voit proposer un prêt. À Chambar, c’est à un taux d’intérêt moyen de 78 % par an. Si l’emprunteur rembourse au bout de quatre mois (la période de croissance de la culture avant la récolte), 100 roupies empruntées avant le semis seront remboursées à hauteur de 126 roupies. Sachant que plus de la moitié des demandes de prêt est refusée, l’emprunteur se considérera comme chanceux.
De fait, il le serait, du moins comparé à ceux qui, à 12 000 km de là, à New York, contractent des prêts à court terme, devant être remboursés le jour de la prochaine paie. Les taux d’intérêt de ces prêts sur salaire sont compris entre 350 % et 650 % par an ; ils sont bien supérieurs au taux d’intérêt maximum légal à New York (25 %). En 2014, le « syndicat des prêts sur salaire » qui proposait ces prêts a été accusé de délit d’usure au premier degré.2
Étant donné le taux d’intérêt, est-il exceptionnellement rentable de prêter à Chambar ? Les faits portent à croire que non. Certains des fonds prêtés aux fermiers sont empruntés auprès de banques commerciales comme la J.S. Bank, à des taux d’intérêt s’élevant en moyenne à 32 % par an, ce qui représente un coût pour les usuriers. De plus, les coûts liés à la sélection rigoureuse des emprunteurs et au recouvrement des dettes réduisent encore les profits réalisés par les prêteurs non institutionnels.
En partie grâce aux choix rigoureux faits par les usuriers prêteurs, les défauts de paiement sont rares : moins d’un fermier sur 30 ne parvient pas à rembourser. En comparaison, les taux de défaut sur les prêts octroyés par les banques commerciales sont bien plus élevés : un sur 3. La capacité des usuriers à éviter les défauts de paiement repose sur leur évaluation précise de la confiance qu’ils peuvent accorder à leurs clients.
La monnaie et la confiance entretiennent un rapport plus étroit que vous ne l’aviez peut-être imaginé.
Le 4 mai 1970, un article parut dans le journal Irish Independent en République d’Irlande. Il était intitulé « Closure of Banks » (« Fermeture des banques »). Le contenu en était le suivant :
À la suite d’une grève de l’Association des représentants des banques irlandaises … c’est avec regret que ces banques se voient contraintes d’annoncer la fermeture de toutes leurs agences en République d’Irlande … à compter du 1er mai et ce, jusqu’à nouvel ordre.
Les banques irlandaises ne rouvrirent pas avant le 18 novembre, six mois et demi plus tard.
L’Irlande sombra-t-elle dans une tourmente financière ? À la surprise générale, loin de s’effondrer, l’économie irlandaise continua à croître au même rythme qu’auparavant. Une explication qui tient en trois mots a été avancée : les pubs irlandais. L’économiste Andrew Graham se rendit en Irlande pendant la grève et fut fasciné par ce qu’il y observa :
Puisque tout le village se rendait au pub et que les propriétaires connaissaient tout le monde, ils acceptaient des paiements différés sous forme de chèques qui ne seraient pas compensables par une banque dans un futur proche. Ils échangèrent bientôt les paiements différés d’une personne avec ceux de quelqu’un d’autre, devenant ainsi des intermédiaires financiers. Mais de mauvaises décisions furent parfois prises et certains pubs en ont fait les frais. J’ai pu faire une autre expérience : j’ai effectué un paiement à l’aide d’un chèque tiré sur une banque anglaise (1 £ valait une livre irlandaise à l’époque) et, par curiosité, à mon retour en Angleterre, j’ai appelé la banque (à cette époque, il était encore possible de parler à un interlocuteur qu’on connaissait dans une banque). J’ai appris que mon chèque avait bien été encaissé, mais qu’au dos de celui-ci figuraient plusieurs signatures. Autrement dit, il était passé de main en main, tout comme s’il s’était agi de monnaie.
La fermeture des banques irlandaises constitue un exemple frappant de la définition de la monnaie : il s’agit de tout ce qui est accepté comme moyen de paiement. À cette époque, les billets de banque et les pièces de monnaie constituaient environ un tiers de la monnaie circulant dans l’économie irlandaise, les deux tiers restants étant constitués de dépôts bancaires. Les chèques constituaient la majorité des transactions, mais les paiements par chèque nécessitent l’existence des banques, qui s’assurent que les gens n’émettent pas de chèques sans provision.
Dans un système bancaire fonctionnel, le chèque finit par être encaissé à la fin de la journée et la banque crédite le compte courant du vendeur. Si l’émetteur du chèque n’a pas assez de fonds pour couvrir le montant, la banque rejette le chèque et le vendeur sait instantanément qu’il devra récupérer son argent d’une autre manière. En conséquence, les gens évitent généralement d’écrire des chèques sans provision.
L’usage des cartes de crédit ou de débit était alors peu répandu. Aujourd’hui, une carte de débit fonctionne via la vérification instantanée du solde et le débit instantané sur le compte bancaire. Si vous obtenez un prêt pour acheter une voiture, la banque crédite votre compte courant et vous utilisez une carte de crédit ou de débit ou vous faites un virement bancaire au vendeur pour acheter la voiture. Ce sont les formes que prend l’argent dans une économie moderne.
Que se passe-t-il alors quand les banques ferment leurs portes et que tout le monde sait que les chèques ne seront pas rejetés, même si l’auteur du chèque n’a pas d’argent ? Vos chèques seront-ils acceptés ? Pourquoi ne pas simplement remplir un chèque pour acheter une voiture même s’il n’y a pas assez d’argent disponible sur votre compte courant ou que le montant dépasse votre autorisation de découvert ? Si vous commenciez à raisonner ainsi, alors vous ne feriez plus confiance à quelqu’un vous proposant un chèque en échange de biens ou de services. Vous insisteriez pour être payé en liquide. Or, il n’y a pas assez de liquidités en circulation pour financer toutes les transactions que les gens ont besoin d’effectuer. Tout le monde devrait donc réduire ses dépenses et l’économie en souffrirait.
Comment l’Irlande a-t-elle pu échapper à ce sort ? Comme nous l’avons vu, cela s’est déroulé dans les pubs. Les chèques étaient acceptés en paiement comme de la monnaie, du fait de la confiance suscitée par les propriétaires de pubs. Les propriétaires de pubs passaient des heures à discuter avec leurs clients et à les écouter. Ils étaient prêts à accepter des chèques, qui ne pouvaient pas être compensés dans le système bancaire, comme moyen de paiement de la part de ceux jugés dignes de confiance. Au cours des six mois durant lesquels les banques furent fermées, des chèques correspondant à environ cinq milliards de livres furent émis par des personnes et des entreprises, sans être encaissés par les banques. Le fait que l’Irlande comptait à l’époque un pub pour 190 adultes a grandement facilité les choses. Avec l’aide des propriétaires des pubs et des commerçants qui connaissaient leurs clients, les chèques pouvaient circuler comme de la monnaie. Alors que l’argent sur leur compte bancaire était inaccessible, les citoyens irlandais créèrent la quantité de nouvelle monnaie nécessaire au dynamisme de l’économie pendant toute la période de fermeture des banques.3 4
Les propriétaires des pubs irlandais et les prêteurs non institutionnels de la ville marchande de Chambar n’ont peut-être pas conscience que, parmi leurs nombreux points en commun, il y a la création de monnaie à laquelle ils ont participé. Pas plus qu’ils ne devinent que, par ce biais, ils ont rendu un service essentiel au bon fonctionnement de leur économie respective.5
Évidemment, tout le monde ne réussit pas les tests de confiance des propriétaires de pubs et des prêteurs non institutionnels. Et parmi ceux qui les passent avec succès, à Chambar comme à New York, certains paient des taux d’intérêt bien plus élevés que d’autres.
10.1 Monnaie et richesse
Le fait d’emprunter et de prêter de l’argent, ainsi que la confiance qui rend ces transactions possibles, renvoient au transfert de consommation et de production dans le temps. Le prêteur non institutionnel propose des fonds au fermier afin qu’il achète des engrais maintenant. Celui-ci le remboursera une fois que les cultures seront arrivées à maturité, à moins qu’elles ne soient détruites par une sécheresse. La personne qui emprunte sur son salaire sera payée à la fin du mois, mais elle a besoin d’acheter de la nourriture maintenant. Elle souhaite transférer une partie de son pouvoir d’achat futur vers le présent.
Le passage du temps est une constituante essentielle de concepts tels que la monnaie, le revenu, la richesse, la consommation, l’épargne, et l’investissement.
Monnaie
- monnaie
- La monnaie est un moyen d’échange comprenant les billets de banque, les dépôts bancaires ou tout autre élément qui puisse être utilisé comme moyen de paiement, et qui est accepté parce que d’autres peuvent l’utiliser aux mêmes fins. Le « parce que » précédent est important : c’est ce qui distingue les échanges rendus possibles par la monnaie d’une économie de troc.
La monnaie est un moyen d’échange comprenant les billets de banque, les dépôts bancaires ou tout autre élément qui puisse être utilisé comme moyen de paiement, et qui est accepté parce que d’autres peuvent l’utiliser aux mêmes fins. Le « parce que » précédent est important : c’est ce qui distingue les échanges rendus possibles par la monnaie d’une économie de troc. Dans une économie de troc, je pourrais échanger mes pommes contre vos oranges parce que je veux quelques oranges, non pas parce que je compte utiliser ces oranges pour payer mon loyer. La monnaie rend possible un plus grand nombre d’échanges, parce qu’il n’est pas difficile de trouver quelqu’un qui sera heureux de recevoir votre argent (en échange de quelque chose), alors que se débarrasser d’une grande quantité de pommes pourrait s’avérer problématique. C’est pourquoi le troc joue un rôle limité dans pratiquement toutes les économies modernes.6
Afin que la monnaie puisse remplir son rôle, il faut que pratiquement tout le monde admette qu’en acceptant votre monnaie en échange d’un bien ou d’un service rendu, il est possible d’utiliser cette monnaie pour acheter quelque chose par la suite. En d’autres termes, chacun doit pouvoir compter sur le fait que d’autres accepteront votre monnaie comme paiement. Généralement, les États et les banques offrent cette confiance. Cependant, la fermeture des banques irlandaises montre que, lorsqu’il existe une confiance suffisante entre les ménages et les entreprises, la monnaie peut fonctionner en l’absence des banques. Les propriétaires des pubs et les magasins acceptaient des chèques en guise de paiement, alors qu’ils savaient qu’ils ne pourraient être compensés par une banque dans un avenir proche. Lors de la grève des banques, un chèque présenté à un pub ou à un magasin dépendait d’une longue série de chèques non compensés, reçus par la personne ou l’entreprise présentant le chèque. Certains chèques circulaient plusieurs fois, endossés par le propriétaire du pub ou du magasin, tout comme un billet de banque.
Cet exemple permet de définir la caractéristique fondamentale de la monnaie comme moyen d’échange.
La monnaie permet de transférer du pouvoir d’achat entre des personnes, de façon à ce qu’elles puissent échanger des biens et des services, même quand le paiement s’effectue à une date ultérieure (par exemple, au moyen de la compensation d’un chèque ou du décompte d’une carte de crédit, ou encore d’un crédit commercial). La confiance est donc une condition au bon fonctionnement de la monnaie.
Richesse
- richesse
- Stock des choses que l’on possède, ou valeur de ce stock. Cela comprend la valeur de marché de la maison, voiture, terre, immeuble, machine ou autre bien d’équipement que l’on possède, ainsi que les actifs financiers comme les actions ou obligations. On y soustrait toutes les dettes, par exemple le prêt hypothécaire à la banque. On y ajoute les dettes que d’autres personnes ont à notre égard.
Une manière simple de se représenter la richesse est de s’imaginer la plus grande quantité que vous pourriez consommer sans emprunter, après avoir payé toutes vos dettes et récupéré tout ce qui vous était dû – par exemple, si vous vendiez votre maison, votre voiture et tout ce que vous possédez.
- capital humain
- Le stock de connaissances, compétences, comportements et caractéristiques personnelles qui déterminent la productivité ou le revenu du travail d’un individu. Ce stock peut augmenter par des investissements dans le capital humain, à travers l’éducation, la formation et la socialisation ; c’est l’une des sources de la croissance économique. Le capital humain fait partie des dotations d’un individu. Voir également : dotation.
La notion de richesse est aussi parfois utilisée dans un sens plus large comprenant des aspects immatériels comme votre santé, vos compétences et votre capacité à gagner un revenu (votre capital humain). Nous utiliserons cependant la définition plus restreinte de la richesse matérielle dans cette unité.
Revenu
- revenu
- Le montant de profits, d’intérêts, de rentes, de salaires, et les autres paiements (y compris les transferts de l’État) reçus, net des impôts payés, mesuré sur une période donnée telle qu’une année. Le revenu correspond à la quantité maximale qu’un individu peut consommer sans modifier sa richesse. Connu également sous le terme : revenu disponible. Voir également : revenu avant impôt.
- revenus d’activité
- Salaires et tout autre type de revenu tiré du travail.
Le revenu correspond à la quantité de monnaie que vous recevez sur une période de temps définie, provenant de revenus d’activité, d’investissements ou de l’État.
- flux
- Une quantité mesurée par unité de temps, telle que le revenu annuel ou le salaire horaire.
- stock
- Une quantité mesurée à un instant t. Ses unités ne dépendent pas du temps. Voir également : flux.
Puisqu’il est mesuré sur une période de temps (hebdomadaire ou annuelle, par exemple), c’est une variable de flux. La richesse est une variable de stock, ce qui signifie qu’elle n’a pas de dimension temporelle : elle existe à tout moment. Dans cette unité, nous allons uniquement nous concentrer sur le revenu après impôts, aussi appelé le revenu disponible.
Pour se souvenir de la différence entre richesse et revenu, on peut s’imaginer une baignoire qui se remplit, comme dans la Figure 10.1. La richesse est la quantité (le stock) d’eau dans la baignoire, le revenu est le flux d’eau dans la baignoire. Cet afflux est mesuré en litres par minute. Le stock d’eau est mesuré en litres à un instant donné.

Figure 10.1 Richesse, revenu, dépréciation et consommation : l’analogie de la baignoire.
Comme nous l’avons vu, la richesse prend souvent des formes physiques, comme une maison, une voiture, un bureau ou une usine. La valeur de cette richesse a tendance à décliner à cause de l’usage que l’on en fait ou tout simplement avec le passage du temps.
- dépréciation
- La perte de valeur d’une forme de richesse qui a lieu, soit à cause de l’utilisation (usure) ou du passage du temps (obsolescence).
- revenu net
- Revenu brut moins la dépréciation. Voir également : revenu, revenu brut, dépréciation.
Cette diminution de la valeur du stock de richesse au cours du temps est appelée la dépréciation. Dans l’exemple de la baignoire, la dépréciation correspondrait à la quantité d’eau qui s’évapore. Tout comme le revenu, il s’agit d’un flux (on pourrait le mesurer en litres par an), mais cette fois-ci d’un flux négatif. Donc, si l’on tient compte de la dépréciation, on doit distinguer le revenu net du revenu brut. Le revenu brut correspond au flux d’eau coulant dans la baignoire (rappelez-vous que ce revenu correspond au revenu disponible ou le revenu après impôts), alors que le revenu net correspond à ce flux diminué de la dépréciation. Le revenu net est la quantité maximum que vous pourriez dépenser en gardant votre richesse constante.
Dépenses
- consommation (C)
- Dépense dans des biens de consommation incluant des biens et services de courte durée ainsi que des biens et services de longue durée que l’on appelle biens durables.
La baignoire a également un tuyau d’écoulement ou un siphon. Le flux qui passe par ce tuyau correspond aux dépenses de consommation, et il réduit la richesse tout comme le revenu net l’augmente.
- épargne
- Quand la dépense de consommation est inférieure au revenu net, il y a épargne et la richesse augmente. Voir également : richesse.
- investissement (I)
- Dépense dans des biens d’équipement nouvellement produits (machines et équipements) et dans des bâtiments, y compris de nouveaux logements.
Une personne (ou un ménage) épargne lorsque sa consommation est inférieure à son revenu net, et de ce fait sa richesse augmente. La richesse est l’accumulation de l’épargne passée et courante. L’épargne peut prendre la forme d’achat d’actifs financiers, tels que des actions dans une entreprise ou des obligations d’État. Bien que dans le langage courant on emploie parfois le terme d’« investissement » pour ces achats, en économie, l’investissement est un achat de biens d’équipement, c’est-à-dire des biens tels que des machines ou des bâtiments.
La distinction entre l’investissement et l’achat d’actions ou d’obligations peut être illustrée en prenant le cas d’une entreprise individuelle. À la fin de l’année, le propriétaire décide de la façon dont il va utiliser son revenu net. Sur la base de son revenu net, il décide de ses dépenses de consommation pour l’année à venir et épargne le reste. Par défaut, l’épargne prendrait la forme des dépôts bancaires car son revenu serait versé à la banque. Avec son épargne, il pourrait acheter un actif financier, comme des actions ou des obligations, ce qui permettrait de financer des entreprises ou l’État. Il pourrait également acheter de nouveaux actifs, afin de développer son entreprise. Ces dépenses-là correspondent à de l’investissement.
Question 10.1 Choisissez la ou les bonnes réponses
Laquelle de ces affirmations est correcte ?
- Le capital humain, tel que votre santé, vos compétences et votre capacité à gagner un revenu, est une richesse immatérielle.
- Le revenu net correspond au flux qui équivaut à votre stock de richesse, donc si vous le consommez entièrement, votre richesse reste inchangée.
- Bien que dans le langage courant, on appelle cela un investissement, en économie, l’investissement renvoie aux achats de biens d’équipement comme des machines, du matériel ou un logement.
- La dépréciation est la perte de valeur d’une forme de richesse à cause de l’usure naturelle ou du passage du temps.
Question 10.2 Choisissez la ou les bonnes réponses
M. Bond a une richesse de 500 000 £. Il a un revenu marchand de 40 000 £ par an, sur lequel il est taxé à 30 %. La richesse de M. Bond comprend du matériel qui se déprécie à hauteur de 5 000 £ par an. En vous basant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?
- Le revenu disponible de M. Bond correspond à son revenu marchand moins les taxes, ce qui donne 40 000 × 0,7 = 28 000 £.
- Le revenu net de M. Bond équivaut à son revenu disponible moins la dépréciation, autrement dit 28 000 – 5 000 = 23 000 £.
- 23 000 £ correspond au revenu net de M. Bond. Consommer cette somme ne modifiera pas sa richesse. Cependant, M. Bond peut aussi consommer toute sa richesse. Ainsi, le montant maximum de sa consommation possible équivaut à 500 000 + 23 000 = 523 000 £.
- 60 % de son revenu net équivalent à 13 800 £, il reste donc 9 200 £ à dépenser sous forme d’investissement.
10.2 Emprunter : transférer de la consommation vers le présent
Pour comprendre l’emprunt et le prêt, nous allons utiliser des ensembles des possibles et des courbes d’indifférence. Dans les Unités 3 et 5, vous avez étudié comment Alexei et Angela opèrent des choix entre des objectifs conflictuels, tels que le temps libre et les notes ou des boisseaux de céréales. Ils ont fait des choix à partir de l’ensemble des possibles, sur la base des préférences décrites par des courbes d’indifférence représentant la valeur qu’ils accordaient à un objectif par rapport à l’autre.
- coût d’opportunité
- Lorsque le choix d’une action requiert de renoncer à l’action de second rang, il s’agit du bénéfice net de l’alternative à laquelle on renonce.
Nous allons voir ici que la même analyse d’ensembles des possibles et de courbes d’indifférence s’applique au choix entre avoir quelque chose tout de suite et l’avoir plus tard. Dans les unités précédentes, nous avons vu que renoncer à du temps libre est un moyen d’obtenir plus de biens, de meilleures notes, ou plus de céréales. Nous allons maintenant voir que renoncer à des biens dont on peut profiter maintenant permet parfois d’avoir plus de biens plus tard. Le coût d’opportunité lié au fait d’avoir plus de biens tout de suite est d’avoir moins de biens plus tard.
L’emprunt et le prêt nous permettent de réorganiser dans le temps notre capacité à acheter des biens et des services. Emprunter nous permet d’acheter plus maintenant, mais nous contraint à acheter moins plus tard. Pour voir comment cela fonctionne, pensez à Julia, qui a besoin de consommer maintenant, mais n’a pas d’argent aujourd’hui. Elle sait qu’à la prochaine période (plus tard), grâce à son salaire ou à sa récolte, elle aura 100 $. La situation de Julia est représentée dans la Figure 10.2. Chaque point du graphique montre une combinaison de la capacité de Julia à consommer maintenant et plus tard. Nous supposons qu’elle dépense tout ce qu’elle possède, de sorte que chaque point du graphique indique sa consommation immédiate (mesurée sur l’axe des abscisses) et future (mesurée sur l’axe des ordonnées).
Initialement Julia est à un point labellisé « Dotation initiale de Julia » sur la Figure 10.2. Pour consommer maintenant, Julia envisage de contracter un prêt sur son salaire (elle pourrait également être une fermière empruntant pour financer sa consommation avant de pouvoir récolter et vendre ses cultures).
Julia pourrait, par exemple, emprunter 91 $ maintenant et promettre de payer au prêteur les 100 $ qu’elle aura plus tard. Son remboursement total de 100 $ inclurait le montant du principal (ce qu’elle a emprunté) plus les intérêts au taux r, soit :
- taux d’intérêt
- Le prix à payer pour augmenter son pouvoir d’achat maintenant. Voir également : taux d’intérêt nominal, taux d’intérêt réel.
Et si « plus tard » signifie dans un an à partir d’aujourd’hui, alors le taux d’intérêt annuel, r, est :
On peut se représenter le taux d’intérêt comme étant le prix à payer pour transférer du pouvoir d’achat du futur vers le présent.
Au même taux d’intérêt (10 %), elle pourrait aussi emprunter 70 $ pour les dépenser maintenant et rembourser 77 $ à la fin de l’année, c’est-à-dire :
Dans ce cas, elle aurait 23 $ à dépenser l’année prochaine. Une autre combinaison possible consiste à emprunter et dépenser seulement 30 $ maintenant, ce qui laisserait à Julia 67 $ à dépenser l’année prochaine, après le remboursement de son prêt.
Toutes les combinaisons possibles de consommation immédiate et de consommation future ((91 $; 0 $), (70 $; 23 $), (30 $; 67 $), et ainsi de suite) déterminent la frontière des possibles représentée dans la Figure 10.2, qui est la limite de l’ensemble des possibles lorsque le taux d’intérêt est de 10 %.
Le fait que Julia puisse emprunter signifie qu’elle n’est pas contrainte d’attendre la période suivante pour consommer. Elle peut emprunter maintenant et choisir n’importe quelle combinaison sur sa frontière des possibles. En revanche, plus elle consomme maintenant, moins elle peut consommer plus tard. Avec un taux d’intérêt de r = 10 %, le coût d’opportunité d’un dollar dépensé maintenant implique que Julia devra dépenser 1,10 = 1 + r dollars de moins dans le futur.
La formule « 1 plus le taux d’intérêt » (1 + r) est le taux marginal de transformation des biens du futur vers le présent, car pour avoir une unité de bien maintenant, il faut renoncer à 1 + r biens dans le futur. Il s’agit du même concept que le taux marginal de transformation des biens, des céréales ou des notes en temps libre que nous avons étudié dans les Unités 3 et 5.
Supposons maintenant qu’au lieu d’être fixé à 10 %, le taux d’intérêt soit de 78 %, le taux moyen payé par les fermiers de Chambar. À ce taux d’intérêt, Julia ne peut emprunter au maximum que 56 $ aujourd’hui, parce qu’à 78 %, les intérêts sur un emprunt de 56 $ s’élèvent à 44 $, ce qui revient à utiliser la totalité de son revenu futur de 100 $. Sa frontière des possibles pivote donc vers l’intérieur et l’ensemble des possibles se réduit. Puisque le prix à payer pour transférer du pouvoir d’achat du futur vers le présent a augmenté, la capacité à consommer dans le présent a diminué, tout comme votre capacité à consommer des céréales diminuerait si leur prix augmentait (en supposant que vous n’êtes pas producteur de céréales).
Le prêteur profitera bien sûr d’un taux d’intérêt plus élevé, tant que le prêt est remboursé. Il y a donc un conflit d’intérêts entre le prêteur et l’emprunteur.
10.3 Impatience et décroissance des rendements marginaux de la consommation
Au regard des possibilités de transférer de la consommation du futur vers le présent indiquées par l’ensemble des possibles, que choisira Julia ? La quantité qu’elle transférera vers le présent dépendra de son degré d’impatience. Deux raisons pourraient expliquer son impatience :
- Elle préfère lisser sa consommation plutôt que de tout consommer plus tard et rien aujourd’hui.
- Elle pourrait être une personne de nature impatiente.
Lissage
Elle voudrait lisser sa consommation parce qu’elle apprécie davantage une unité supplémentaire de quelque chose dont elle n’a pas encore beaucoup consommé. Pensez à de la nourriture : les premières bouchées d’un plat sont probablement beaucoup plus plaisantes que les bouchées de votre troisième portion. Il s’agit là d’une réalité psychologique fondamentale, parfois appelée loi de satiété des besoins.
- rendements marginaux décroissants de la consommation
- Plus l’individu consomme, et plus la valeur qu’attribue un individu à une unité additionnelle de consommation décroît. Connu également sous le terme : utilité marginale décroissante.
Plus généralement, pour un individu, plus la consommation augmente, plus la valeur d’une unité supplémentaire de consommation à une période donnée diminue. C’est ce qu’on appelle les rendements marginaux décroissants de la consommation. Vous avez déjà rencontré quelque chose de similaire dans l’Unité 3, lorsque Alexei faisait l’expérience de rendements marginaux décroissants de son temps libre. En maintenant sa note à l’examen constante, plus il avait de temps libre, moins chaque unité supplémentaire avait de valeur pour lui, par rapport à l’importance qu’il accordait à sa note.
Utilisez l’analyse de la Figure 10.3a pour voir comment Julia peut choisir sa consommation présente et future, et comment ses préférences peuvent être représentées par des courbes d’indifférence. Les rendements marginaux décroissants de la consommation à chaque période traduisent le fait que Julia aimerait lisser sa consommation, autrement dit, éviter de consommer beaucoup à une période et peu à l’autre.
Impatience pure, ou votre degré d’impatience individuel
Si Julia sait qu’elle peut avoir deux repas demain, mais qu’elle n’en a aucun aujourd’hui, alors nous avons vu que les rendements marginaux décroissants de la consommation pourraient expliquer pourquoi elle préférerait plutôt un repas aujourd’hui et un repas demain. Remarquez que Julia opterait pour le repas maintenant, non pas parce qu’elle est une personne impatiente, mais parce qu’elle ne s’attend pas à avoir faim dans le futur. Elle préfère lisser sa consommation de nourriture.
- impatience pure
- C’est une caractéristique d’une personne qui attribue plus de valeur a une unité additionnelle de consommation maintenant que dans le futur alors même que les montants de consommation maintenant et plus tard sont identiques. L’impatience pure se produit lorsqu’une personne est impatiente de consommer plus dans le présent parce qu’elle attribue moins de valeur à la consommation dans le futur pour des raisons de myopie, faible volonté ou autres.
Il existe néanmoins une autre raison, appelée impatience pure, qui permet d’expliquer pourquoi on peut préférer détenir un bien dès maintenant. Pour voir si quelqu’un est impatient en tant que personne, nous nous demandons si elle accorde plus de valeur à un bien détenu maintenant qu’à un bien détenu plus tard, quand sa dotation initiale lui en donne la même quantité à chaque période. Il existe deux raisons à l’impatience pure :
- Myopie (vision à court terme) : les gens éprouvent la satisfaction présente de la faim, ou d’un autre désir, plus vivement qu’ils n’imaginent la même satisfaction à une date ultérieure.
- Prudence : les gens savent qu’ils ne seront peut-être plus de ce monde dans le futur ; aussi, choisir de consommer maintenant peut s’avérer une bonne idée.
Impatience
Toute préférence pour transférer de la consommation future vers le présent. Cette préférence peut être due à :
- l’impatience pure ;
- la décroissance des rendements marginaux de la consommation.
Pour voir ce que signifie l’impatience pure, nous comparons deux points sur la même courbe d’indifférence dans la Figure 10.3b. Au point A elle a 50 $ maintenant et 50 $ plus tard. Nous nous demandons de quelle quantité de consommation supplémentaire elle aurait besoin plus tard pour la compenser de la perte de 1 $ maintenant. Le point B sur la même courbe d’indifférence nous donne la réponse : si elle avait seulement 49 $ maintenant, elle aurait besoin de 51,5 $ plus tard afin de rester sur la même courbe d’indifférence et être tout aussi heureuse. Elle avait donc besoin de 1,5 $ dans le futur pour compenser la perte présente de 1 $. Julia fait preuve d’impatience pure car, plutôt que de préférer un lissage parfait de sa consommation, elle accorde plus de valeur à la consommation aujourd’hui qu’à celle dans le futur.

Impatience pure
Figure 10.3b Impatience pure.
La pente de la courbe d’indifférence de 1,5 (en valeur absolue) au point A dans la Figure 10.3b signifie que Julia accorde 1,5 fois plus de valeur à une unité de consommation supplémentaire maintenant qu’à une unité de consommation supplémentaire plus tard.
Exercice 10.1 Les conséquences de l’impatience pure
Tracez les courbes d’indifférence d’une personne qui est plus impatiente que Julia dans la Figure 10.3b, pour chaque niveau de consommations présente et future.
Tracez un ensemble de courbes d’indifférence pour Julia si elle n’est pas soumise à des rendements marginaux décroissants de consommation, mais a de l’impatience pure. Souhaiterait-elle alors lisser sa consommation ?
Tracez un ensemble de courbes d’indifférence pour Julia si elle n’est pas soumise à des rendements marginaux décroissants et ne fait pas preuve d’impatience pure.
Question 10.3 Choisissez la ou les bonnes réponses
La Figure 10.3a représente les courbes d’indifférence de Julia pour sa consommation aux périodes 1 (maintenant) et 2 (plus tard). En vous basant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?
- Pour rester sur la même courbe d’indifférence, le changement d’utilité lié à une variation marginale de la consommation présente doit être compensé par le changement d’utilité résultant du changement de la consommation future.
- Au point E, Julia consomme plus au moment présent qu’au point C. À cause des rendements marginaux décroissants de la consommation, le rendement marginal de la consommation de Julia est maintenant plus faible au point E qu’au point C.
- Les deux points sont sur la même courbe d’indifférence. Ainsi, elle sera indifférente entre les deux.
- Cela dépend du taux d’intérêt (1 + le taux d’intérêt correspond à la pente de la frontière des possibles) et de la forme des courbes d’indifférence. Le choix préféré de Julia se situe au point F, où le niveau de consommation aux deux périodes n’est pas nécessairement égal.
10.4 Emprunter permet de lisser en transférant de la consommation vers le présent
Combien Julia empruntera-t-elle ? Nous pouvons obtenir la réponse en combinant les Figures 10.2 et 10.3a. Comme dans les autres exemples avec les ensembles des possibles et les courbes d’indifférence, Julia souhaite atteindre la courbe d’indifférence la plus élevée, mais elle est limitée par sa frontière des possibles. La courbe d’indifférence réalisable la plus élevée quand le taux d’intérêt est de 10 % sera celle qui est tangente à la frontière des possibles, le point de tangence étant indiqué par le point E dans la Figure 10.4.
Le taux d’actualisation d’une personne
Le taux d’actualisation d’une personne, ρ, est une mesure de son impatience, c’est-à-dire de la valeur qu’elle accorde à une unité de consommation supplémentaire dans le présent plutôt que plus tard. C’est la pente de sa courbe d’indifférence entre consommation présente et future, moins un.
Son taux d’actualisation dépend de deux facteurs :
Son désir de lisser la consommation : il est influencé par la situation dans laquelle la personne se trouve (la répartition actuelle de consommations présente et future).
Son impatience pure en tant que personne : le taux d’actualisation d’une personne est parfois également appelé taux d’actualisation subjectif, parce qu’il dépend en partie de sa psychologie.
Ici, elle choisit d’emprunter et de consommer 58 $ et de rembourser 64 $ plus tard, ce qui lui laisse 36 $ à consommer ultérieurement. Nous savons que, à ce point de tangence, la pente de la courbe d’indifférence est égale à la pente de la frontière des possibles (sinon les courbes se croiseraient). Nous définissons le taux d’actualisation d’une personne, ρ (les économistes utilisent la lettre grecque rho), comme la pente de la courbe d’indifférence moins un, ce qui correspond à une mesure de la valeur accordée par Julia à une unité de consommation supplémentaire maintenant, par rapport à une unité de consommation supplémentaire plus tard.
Par exemple, dans la Figure 10.3b, ρ = 50 % au point A parce qu’une unité de consommation supplémentaire aujourd’hui valait 1,5 unité supplémentaire plus tard. Cela signifie que Julia emprunte juste assez pour que :
Nous savons que :
Donc :
Et si nous retranchons 1 des deux côtés de l’équation, nous obtenons :
Son taux d’actualisation ρ dépend à la fois de son souhait de lisser sa consommation et de son degré d’impatience pure.
Utilisez l’analyse de la Figure 10.4 pour voir comment Julia choisira sa consommation quand le taux d’intérêt est de 10 % et quand il est de 78 %.
Exercice 10.2 Effets de revenu et de substitution
- Utilisez la Figure 10.4 pour montrer que la différence de consommation présente avec un taux d’intérêt plus bas et un taux d’intérêt plus élevé (aux points E et G), à savoir 23 $, est composée d’un effet de revenu et d’un effet de substitution. Il sera utile de réviser les concepts d’effets de revenu et de substitution de l’Unité 3 avant de répondre à la question.
- Pourquoi les effets de revenu et de substitution vont-ils dans la même direction dans cet exemple ?
Question 10.4 Choisissez la ou les bonnes réponses
La Figure 10.4 représente le choix de consommations de Julia aux périodes 1 et 2. Elle n’a pas de revenu à la période 1 (maintenant) et a un revenu de 100 $ à la période 2 (plus tard). Le taux d’intérêt est actuellement de 10 %. En vous basant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?
- Au point F, la pente de la courbe d’indifférence est plus forte que celle de la frontière des possibles. Par conséquent, le taux d’actualisation de Julia dépasse le taux d’intérêt.
- E est sur la courbe d’indifférence réalisable la plus élevée car toute autre courbe d’indifférence plus élevée ne touchera pas la droite de contrainte budgétaire.
- Au point E, Julia consomme 58 à la période 1 et 36 à la période 2.
- G est sur l’ensemble des possibles de Julia. Elle ne le choisit pas car ce n’est pas le choix optimal (G est situé sur une courbe d’indifférence plus basse).
10.5 Prêter et stocker : lisser et transférer de la consommation vers le futur
Étudions maintenant l’exemple de Marco, dont la situation est très différente de celle de Julia qui envisageait de souscrire un emprunt sur son salaire futur ou celle d’un fermier de Chambar cherchant à emprunter jusqu’à la récolte. À la différence de Julia qui décide combien elle va emprunter, Marco possède des biens et des fonds d’une valeur de 100 $, mais il n’anticipe pas (encore) un revenu futur. Julia et Marco recevront finalement 100 $ tous les deux. Toutefois, le temps introduit une différence entre leurs deux situations. La richesse de Marco au sens strict est de 100 $, tandis que celle de Julia est de 0 $.
Nous avons vu que Julia, qui gagnera 100 $ dans le futur, souhaite emprunter. Sa situation la pousse fortement à lisser en empruntant. Examinons la forme de la courbe d’indifférence de Julia passant par son point de dotation initiale. Comme l’indique la Figure 10.5, cette courbe est très raide. Parce qu’elle ne possède rien actuellement, Julia a une forte préférence pour un accroissement de sa consommation présente.
- courbe d’indifférence de réserve
- Une courbe qui indique toutes les allocations (combinaisons) dont les valeurs sont aussi élevées que l’option de réserve.
Il s’agit de la courbe d’indifférence de réserve de Julia, car la courbe est composée de tous les points pour lesquels Julia se trouverait dans une situation aussi satisfaisante que celle de sa position de réserve, c’est-à-dire sa dotation sans emprunter, ni prêter (la dotation et les courbes d’indifférence de réserve de Julia sont similaires à celles d’Angela, la fermière, dans l’Unité 5).

Figure 10.5 Courbes d’indifférence de réserve et dotations.
Examinons maintenant la courbe d’indifférence de Marco passant par son point de dotation, où il consomme 100 $ maintenant, et rien plus tard. Comme indiqué par la Figure 10.5, cette courbe est assez plate maintenant, ce qui signifie qu’il cherche une façon de transférer une partie de sa consommation vers le futur.
Les courbes d’indifférence de Marco et Julia et donc leur niveau d’impatience pure sont similaires. C’est leur situation, et non pas leurs préférences, qui les différencie. À l’inverse de Marco, Julia emprunte, car elle est pauvre dans le présent et c’est pourquoi elle est impatiente : elle a besoin de lisser sa consommation.
Marco possède l’équivalent de 100 $ de céréales tout juste récoltées, et n’a aucune dette à rembourser. Il pourrait tout consommer maintenant, mais comme nous l’avons vu, cela ne servirait pas au mieux ses intérêts, puisque :
- Nous avons fait l’hypothèse que son revenu futur est nul.
- Comme Julia, sa consommation de céréales a des rendements marginaux décroissants.
Afin de lisser, il souhaite transférer certains biens vers le futur. Marco pourrait stocker des céréales, mais, s’il le faisait, les souris en mangeraient une partie. Les souris constituent une forme de dépréciation : les céréales qu’elles mangent représentent une perte de richesse pour Marco en raison du temps qui s’écoule. Ainsi, en tenant compte de la présence des souris, s’il ne consommait rien dans le présent, il ne lui resterait que l’équivalent de 80 $ de céréales l’année suivante. Cela signifie que le coût de transfert des céréales du présent vers le futur est de 20 % par an.
La Figure 10.6 indique la dotation de Marco sur l’axe des abscisses, puisqu’il a l’équivalent de 100 $ de céréales disponibles immédiatement. La droite foncée indique la frontière des possibles de Marco lorsqu’il stocke, et la partie ombrée foncée montre son ensemble des possibles. Si cela était la seule option possible, et si ses courbes d’indifférence étaient telles qu’indiquées, il stockerait certainement une partie de ses céréales. Dans la Figure 10.6, une partie de la frontière des possibles est en dehors de sa courbe d’indifférence de dotation : stocker une partie de ses céréales améliore donc sa situation initiale.
Combien doit-il toutefois en stocker ? Tout comme Julia, il trouve le montant à stocker qui lui permet d’être sur la courbe d’indifférence la plus élevée possible, en trouvant le point de tangence entre la courbe d’indifférence et la frontière des possibles. Il s’agit du point H, qui lui permet de consommer 68 $ de céréales maintenant, et 26 $ plus tard (les souris ayant mangé pour 6 $ de céréales). Au point H, Marco égalise son TMS entre la consommation présente et la consommation future et le TMT, qui est le coût de transfert des biens présents vers le futur.
Marco pourrait éviter les souris en vendant son stock de céréales et en mettant les 100 $ sous son matelas. Sa frontière des possibles serait alors une ligne droite (non représentée) allant d’une consommation de 100 $ maintenant à une consommation de 100 $ plus tard. Nous supposons qu’il ne se fera pas voler son billet de 100 $ et que 100 $ permettront d’acheter la même quantité de céréales dans le présent et dans le futur, car il n’y a pas d’inflation (nous expliquons l’inflation et ses effets à l’Unité 13). Sous ces hypothèses, stocker de l’argent sous le matelas est nettement plus intéressant que de stocker des céréales quand il y a des souris.
Une meilleure solution, si Marco pouvait trouver un emprunteur digne de confiance, serait de prêter l’argent. S’il faisait cela, et s’il pouvait être certain d’obtenir un remboursement de (1 + r) dollars pour chaque dollar prêté, alors il pourrait consommer 100 × (1 + r) dollars plus tard, ou n’importe quelle combinaison sur sa nouvelle frontière des possibilités de consommation. La droite claire sur la Figure 10.6 représente la frontière des possibles quand Marco prête à 10 %. Comme le graphique l’indique, son ensemble des possibles s’agrandit du fait de la possibilité de faire des prêts à intérêt. Marco est maintenant capable d’atteindre une courbe d’indifférence plus élevée.
Comme nous l’avons vu, dans une économie contemporaine, il existe toute une gamme d’instruments financiers que Marco peut utiliser pour déplacer de la consommation vers le futur en prêtant, soit via des dépôts à terme ou des obligations d’entreprise ou d’État.
Si Marco avait l’occasion d’investir de sorte qu’il puisse investir son actif aujourd’hui et que celui-ci gagne en valeur au cours de l’année – par exemple, s’il possédait des terres où il pourrait utiliser les céréales comme semis et cultiver davantage – alors cela augmenterait de manière similaire son ensemble des possibles.
10.6 Investir : un autre moyen de transférer de la consommation dans le futur
Si Marco possédait un peu de terres, il pourrait faire encore mieux : il pourrait utiliser les céréales comme investissement (en les plantant comme un semis, ou en les donnant à manger à ses bêtes de trait qui peuvent l’aider à travailler dans les champs jusqu’à la récolte). Cette opportunité d’investissement étend davantage son ensemble des possibles. Supposons qu’en investissant la totalité de ses céréales, il récolterait l’équivalent de 150 $ de céréales plus tard, comme indiqué sur la Figure 10.7. Il a investi l’équivalent de 100 $ et récolté l’équivalent de 150 $, il a donc réalisé un profit de 150 $ -100 $ = 50 $, soit un taux de profit (profits divisés par l’investissement nécessaire) de 50 $/100 $ = 50 %. La pente de la droite rouge est de -1,5, où la valeur absolue (1,5) correspond au taux marginal de transformation de l’investissement en rendements, c’est-à-dire 1 + le taux de rendement de l’investissement.
Si Marco pouvait obtenir un prêt à 10 %, il se rendrait rapidement compte qu’il existe une nouvelle stratégie bien plus intéressante : investir tout ce qu’il a de façon à ce que la récolte l’année suivante lui rapporte 150 $, mais également emprunter aujourd’hui, afin de pouvoir consommer davantage à la fois maintenant et dans le futur. Ce plan consistant à « tout investir » est illustré dans la Figure 10.8. Il déplace la frontière des possibles de Marco encore plus loin, comme cela est indiqué par la droite rouge en pointillés. Marco se retrouve à un nouveau point L, où il consomme plus, à la fois maintenant et dans le futur.
La Figure 10.9 résume la façon dont la stratégie consistant à « tout investir et emprunter » fonctionne par rapport aux autres options.
Plan (points sur les Figures 10.6 et 10.8) | Taux de rendement ou d'intérêt | Consommation maintenant, Consommation plus tard | Investissement | Rang par utilité (ou consommation combinée) |
---|---|---|---|---|
Stockage (H) | -20 % (perte) | 68 $, 26 $ | sans objet | Pire (94 $) |
Prêt seulement (J) | 10 % | 65 $, 39 $ | sans objet | 3e choix (104 $) |
Investissement seulement (K) | 50 % | 60 $, 60 $ | 40 $ | 2nd choix (120 $) |
Investissement et emprunt (L) | 50 % (investissement) -10 % (prêt) | 80 $, 62 $ | 100 $ | Meilleur (142 $) |
Figure 10.9 Le stockage, le prêt, l’investissement et l’emprunt fournissent à Marco de nombreux ensembles des possibles.
Les ensembles des possibles pour toutes les options de Marco sont présentés dans la Figure 10.10.

Figure 10.10 Options d’une personne (Marco) dotée d’actifs.
Revenons-en aux différences qui existent entre Marco et Julia. Comparez les ensembles des possibles de Julia représentés sur la Figure 10.4 et ceux de Marco représentés sur la Figure 10.10.
Trois différences entre Marco et Julia expliquent la disparité de leurs revenus.
- Marco possède un actif dans sa dotation initiale alors que Julia ne possède rien : Julia a la perspective de posséder un actif similaire dans le futur, mais cela les place aux deux extrémités du marché du crédit.
- Marco a une opportunité d’investissement productif, contrairement à Julia.
- Marco et Julia sont soumis à des taux d’intérêt différents : la différence la moins évidente est que si Marco (après avoir investi l’ensemble de ses actifs pour un rendement de 50 %) souhaite transférer son pouvoir d’achat vers le futur, il emprunte sur son revenu futur à un taux de 10 %. Julia, qui n’a pas de dotation initiale à l’instar des fermiers pauvres de Chambar, n’aurait très probablement pas d’autre solution que d’emprunter à un taux de 78 %. Le paradoxe est que Marco peut emprunter à un taux d’intérêt bas, car il n’a pas besoin d’emprunter.
Pour résumer, emprunter, prêter, stocker et investir sont des moyens de transférer la consommation de biens vers le présent ou vers le futur.
Les personnes ont recours à ces stratégies parce que :
- Elles peuvent augmenter leur utilité en lissant la consommation : ou si elles font preuve d’impatience pure, en transférant de la consommation vers le présent.
- Elles peuvent augmenter leur consommation dans les deux périodes : en prêtant ou en investissant.
Les personnes n’optent pas pour les mêmes stratégies (certaines empruntent, d’autres prêtent) parce que :
- Leurs situations sont différentes : par exemple, elles peuvent avoir un revenu maintenant ou dans le futur, ce qui aura des incidences sur leur taux d’actualisation et leurs opportunités. Par ailleurs, certaines ont des opportunités d’investissement (comme Marco), tandis que d’autres n’en ont pas.
- Leur degré d’impatience pure n’est pas le même.
Exercice 10.3 Une hausse du taux d’intérêt
- Utilisez un schéma comme la Figure 10.4 pour montrer les effets de revenu et de substitution d’une hausse du taux d’intérêt pour Marco, qui reçoit sa dotation aujourd’hui.
- Comparez ces effets à ceux de Julia dans l’Exercice 10.2 et expliquez vos résultats.
Exercice 10.4 Les revenus d’une vie entière
Considérez les revenus d’une personne au cours de sa vie, de la fin de sa scolarité à la retraite. Expliquez comment une personne peut passer d’une situation similaire à Julia à une situation similaire à Marco au cours de sa vie (supposez que son impatience pure reste inchangée tout au long de la vie).
Question 10.5 Choisissez la ou les bonnes réponses
La Figure 10.6 représente le choix de consommation de Marco aux périodes 1 et 2. Il a une quantité de grains d’une valeur de 100 $ à la période 1 et aucun revenu à la période 2. Marco a deux choix. Dans le scénario 1, il peut stocker les grains non consommés à la période 1. Cela conduit à une perte de 20 % des grains à cause de parasites et des grains pourris. Dans le scénario 2, il peut vendre les grains qu’il ne consomme pas et prêter l’argent à un taux de 10 %. En vous basant sur ces informations, lesquelles des affirmations suivantes sont correctes ?
- À cause de la perte de 20 %, Marco est seulement capable de consommer 32 × 0,8 = 26 $ à la période 2.
- Il épargne 32 $, qui ensuite gagnent en valeur à hauteur de 10 %, pour atteindre 35,20 $.
- Le TMT est de 0,8 avec le scénario 1 et de 1,1 avec le scénario 2.
- La contrainte budgétaire dans le scénario 2 est plus élevée que dans le scénario 1 pour tout niveau d’épargne positif.
Question 10.6 Choisissez la ou les bonnes réponses
La Figure 10.10 représente quatre frontières des possibles pour Marco, qui a une quantité de grains d’une valeur de 100 $ à la période 1 et aucun revenu à la période 2. Dans le scénario 1, il peut stocker le grain qu’il ne consomme pas à la période 1. Cela conduit à une perte de 20 % des grains à cause des parasites et des grains pourris. Dans le scénario 2, il peut vendre les grains qu’il ne consomme pas et prêter l’argent à un taux de 10 %. Dans le scénario 3, il peut investir les grains restants (par exemple, les planter comme semis) pour un retour sur investissement de 50 %. Enfin, dans le scénario 4, il peut investir l’ensemble de la quantité de grains et emprunter sur son revenu futur à un taux de 10 %. En vous basant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?
- Marco est sur une courbe d’indifférence plus élevée au point H qu’à son point de dotation initiale. Par conséquent, il est mieux loti en ce point.
- J est situé sur l’ensemble des possibles des scénarios 2, 3 et 4. Par conséquent, il peut être atteint dans ces trois scénarios. Cependant, J est uniquement optimal dans le scénario 2.
- Avec un taux prêteur plus élevé, la frontière des possibles devient plus pentue, pivotant à partir du point 100 sur l’axe des abscisses. En particulier, l’intersection avec l’axe des ordonnées sera plus élevée que 110.
- Il est possible d’atteindre 150 à la période 2 quel que soit le taux d’intérêt, de sorte que ce point est fixé. Néanmoins, un taux d’intérêt plus élevé a pour conséquence que Marco peut emprunter moins à la période 1. Donc la contrainte budgétaire coupe l’axe des abscisses à une valeur inférieure à 136, devenant ainsi plus pentue.
10.7 Actif, passif et valeur nette
- bilan
- Un enregistrement des actifs, passifs et de la valeur nette d’un acteur économique tel qu’un ménage, une banque, une entreprise ou un État.
- actif
- Toute chose de valeur qui est possédée. Voir également : bilan, passif.
- passif
- Toute chose de valeur qui est due. Voir également : bilan, actif.
- valeur nette
- Actif moins passif. Voir également : bilan, capitaux propres.
Nous allons voir que la richesse d’une personne joue un rôle important dans sa situation au moment d’emprunter, de prêter ou d’investir. Ceux qui ont plus de richesses comme Marco ont des opportunités que n’ont pas ceux qui possèdent moins de richesses, comme Julia. Les bilans sont un outil essentiel pour comprendre comment la richesse change lorsqu’une personne ou une entreprise emprunte et prête.
Un bilan résume ce que le ménage ou l’entreprise possède, et ce qu’ils doivent aux tiers. Ce que vous possédez (y compris ce que les autres vous doivent) est appelé votre actif et ce que vous devez aux autres est appelé votre passif (avoir un passif signifie être responsable de quelque chose, en l’occurrence devoir s’acquitter de ses dettes envers autrui). La différence entre votre actif et votre passif est appelée la valeur nette. Le lien entre actif, passif et valeur nette est illustré dans la Figure 10.11.

Figure 10.11 Un bilan.
Lorsque les composantes d’une équation sont telles que, par définition, le côté gauche est égal au côté droit, on parle d’identité comptable ou d’identité tout court. L’identité du bilan établit que :
La valeur nette est l’accumulation d’épargne dans le temps. Nous pouvons aussi réécrire l’identité en ôtant le passif des deux côtés de façon à ce que :
Dans l’analogie avec la baignoire, l’eau du bain représente la richesse sous forme d’épargne accumulée, et correspond aussi à la valeur nette. Comme nous l’avons vu, la valeur nette ou la richesse augmente avec le revenu et diminue avec la consommation et la dépréciation. Pour un ménage, le revenu augmente les dépôts bancaires, tandis que la consommation est payée avec les dépôts bancaires. Comme les dépôts bancaires sont un actif pour leurs propriétaires, ces opérations affectent l’actif du bilan du ménage.
En revanche, votre richesse ou votre valeur nette ne change pas lorsque vous prêtez ou empruntez. Cela s’explique par le fait qu’un prêt génère à la fois un actif et un passif dans votre bilan : si vous empruntez de l’argent, vous recevez des liquidités comme actif, tandis que la dette est un passif équivalent.
Au départ, Julia n’avait ni actif, ni passif et une valeur nette nulle, mais sur la base de son revenu futur anticipé, elle a emprunté 58 $ aujourd’hui à un taux d’intérêt de 10 % (point E de la Figure 10.4). À ce moment-là, son actif est constitué des 58 $ en liquide qu’elle détient, tandis que son passif se compose du prêt qu’elle doit rembourser plus tard. Nous comptabilisons la valeur de l’emprunt à 58 $ maintenant, puisque c’est ce qu’elle a reçu en s’endettant (sa valeur montera à 64 $, une fois que l’intérêt aura été ajouté). C’est pourquoi le fait de contracter le prêt n’a pas d’effet sur sa valeur nette actuelle – le passif et l’actif sont équivalents, si bien que sa valeur nette reste inchangée à zéro. Dans la Figure 10.12, cela est comptabilisé dans son bilan sous la rubrique « Maintenant (avant consommation) ».
Elle consomme ensuite les 58 $ – qui s’écoulent par le siphon de la baignoire, pour reprendre notre analogie. Étant donné qu’elle a toujours un passif de 58 $, sa valeur nette chute à -58 $. Cela est comptabilisé dans la Figure 10.12 dans son bilan sous la rubrique « Maintenant (après consommation) ».
Par la suite, elle reçoit un revenu de 100 $ (un afflux dans la baignoire). Ainsi, en raison des intérêts accumulés, la valeur de son emprunt a atteint 64 $. Sa valeur nette devient donc 100 $ - 64 $ = 36 $. Cette fois-ci encore, nous partons du principe qu’elle consomme ensuite les 36 $, ce qui lui laisse 64 $ en liquide pour rembourser sa dette de 64 $. À ce moment-là, sa valeur nette retombe à zéro. Les bilans correspondants sont également représentés dans la Figure 10.12.
Maintenant – avant consommation
Actif de Julia | Passif de Julia | ||
---|---|---|---|
Liquidité | 58 $ | Prêt | 58 $ |
Valeur nette = 58 $ − 58 $ = 0$
Maintenant – après consommation
Actif de Julia | Passif de Julia | ||
---|---|---|---|
Liquidité | 0 | Prêt | 58 $ |
Valeur nette = -58 $
Plus tard – avant consommation
Actif de Julia | Passif de Julia | ||
---|---|---|---|
Liquidité | 100 $ | Prêt | 64 $ |
Valeur nette = 100 $ − 64 $ = 36 $
Plus tard – après consommation
Actif de Julia | Passif de Julia | ||
---|---|---|---|
Liquidité | 64 $ | Prêt | 64 $ |
Valeur nette = 0 $
Figure 10.12 Bilans de Julia.
Question 10.7 Choisissez la ou les bonnes réponses
Le graphique suivant décrit le choix de consommation de Julia aux périodes 1 et 2, quand le taux d’intérêt est de 78 %. Elle n’a pas de revenu à la période 1 et un revenu de 100 $ à la période 2. Elle choisit le niveau de consommation G. En vous basant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte s’agissant du bilan de Julia ?

- L’actif après emprunt, mais avant consommation à la période 1, est 35.
- La valeur nette après consommation à la période 1 est -35, ce qui correspond à ce qu’elle a emprunté.
- Le passif avant consommation à la période 2 est 62, ce qui correspond au principal plus l’intérêt de son prêt de 35 à la période 1.
- Son revenu à la période 2 est de 100 ; elle en consomme 38, gardant 62 avant de rembourser le prêt.
10.8 Les banques, la monnaie et la banque centrale
Au sein des prêteurs non institutionnels de Chambar, la rentabilité de leur activité de prêteur dépend :
- du coût de leurs propres emprunts ;
- du taux de défaut des prêts qu’ils accordent aux fermiers ;
- du taux d’intérêt qu’ils fixent.
La fermeture des banques irlandaises pendant six mois a montré comment il est possible de créer de la monnaie dans une économie et comment ce procédé repose sur la confiance.
Ces études de cas et le modèle à deux périodes apportent une bonne partie des éléments nécessaires à la compréhension du rôle du système financier au sein de l’économie. Nous devons cependant introduire deux nouveaux acteurs de la scène économique : les banques et la banque centrale.
- banque
- Une entreprise qui créé de la monnaie sous la forme de dépôts bancaires en fournissant des crédits.
Une banque est une entreprise qui réalise des profits à traver ses opérations de prêt et d’emprunt. Les banques prêtent aux ménages et entreprises à des conditions différentes des leurs lorsqu’elles empruntent. Les intérêts qu’elles payent sur les dépôts sont inférieurs aux intérêts qu’elles facturent lorsqu’elles accordent un prêt, et cela leur permet de réaliser des profits.
Pour expliquer ce processus, il est d’abord nécessaire d’explorer plus en détail le concept de monnaie.
Types de monnaie
La monnaie peut prendre la forme de billets de banque, de dépôts bancaires, ou de toute autre chose permettant d’effectuer des achats.
- Base monétaire : argent liquide détenue par les ménages, les entreprises et les banques, et soldes détenus par les banques commerciales dans leurs comptes à la banque centrale, appelés réserves. La base monétaire est un passif de la banque centrale.
- Monnaie bancaire : monnaie créée par les banques commerciales lorsqu’elles octroient des crédits aux entreprises et ménages. La monnaie bancaire est un passif des banques commerciales.
- Monnaie au sens large : la quantité de monnaie au sens large dans l’économie est mesurée par le stock de monnaie en circulation. Celle-ci est définie comme la somme de monnaie bancaire et de base monétaire qui est possédée par les acteurs non-bancaires.
- banque centrale
- La seule banque qui peut créer de la base monétaire. Fait partie habituellement de l’État. Les banques commerciales possèdent des comptes à cette banque, qui détient de la base monétaire.
Nous avons vu que tout ce qui est accepté comme moyen de paiement peut être compté comme de la monnaie. Mais la monnaie ainsi définie est différente de la monnaie ayant cours légal, qui est aussi appelée la base monétaire ou monnaie de banque centrale. À l’inverse des dépôts bancaires et des chèques, la monnaie ayant cours légal doit être reconnue comme moyen de paiement par la loi. Elle comprend les liquidités (billets et pièces) et les comptes détenus par les banques commerciales à la banque centrale, appelés les réserves des banques commerciales. Les réserves sont équivalentes à des liquidités parce qu’une banque commerciale peut toujours retirer des réserves sous forme d’espèces à la banque centrale, et la banque centrale peut toujours imprimer la quantité d’espèces nécessaires. Comme nous allons le constater, ce n’est pas le cas pour les comptes des ménages ou des entreprises détenus dans les banques commerciales – les banques commerciales n’ont pas nécessairement les liquidités disponibles pour satisfaire tous les besoins de leurs clients.
Pour l’essentiel, ce que nous considérons comme de la monnaie n’a pas cours légal et n’est pas émis par la banque centrale. Il s’agit en fait de monnaie créée par les banques commerciales lorsqu’elles octroient des prêts. Nous expliquons cela par le biais des bilans des banques.
À la différence de notre exemple précédent où un dépôt bancaire faisait suite à un prêt, supposons ici que Marco possède 100 $ en liquidité qu’il place sur un compte à la banque Abacus. La banque Abacus placera cette somme dans un coffre ou alors la déposera sur son compte à la banque centrale. Le bilan d’Abacus sera crédité à l’actif de 100 $ de base monétaire, tandis que 100 $ apparaîtront à son passif, remboursable à vue à Marco, comme indiqué par la Figure 10.13a.
Actif de la banque Abacus | Passif de la banque Abacus | ||
---|---|---|---|
Base monétaire | 100 $ | Remboursable à vue à Marco | 100 $ |
Figure 10.13a Marco dépose 100 $ à la banque Abacus.
Marco souhaite payer 20 $ à son épicier de quartier, Gino, en échange de produits, il demande donc à la banque Abacus de transférer l’argent sur le compte de Gino à la banque Bonus (il pourrait faire cela en payant Gino avec une carte de débit). Cela est représenté dans les bilans des deux banques, dans la Figure 10.13b : l’actif et le passif de la banque Abacus diminuent tous deux de 20 $, tandis que l’actif de la banque Bonus augmente de 20 $ en base monétaire, et son passif augmente d’un montant de 20 $, remboursable à vue à Gino.
Actif de la banque Abacus | Passif de la banque Abacus | ||
---|---|---|---|
Base monétaire | 80 $ | Remboursable à vue à Marco | 80 $ |
Actif de la banque Bonus | Passif de la banque Bonus | ||
---|---|---|---|
Base monétaire | 20 $ | Remboursable à vue à Gino | 20 $ |
Figure 10.13b Marco paye 20 $ à Gino.
Cela illustre les services de paiement fournis par les banques. Jusqu’à présent, nous avons seulement considéré des transactions utilisant de la base monétaire, ou de la monnaie ayant cours légal. Nous allons maintenant montrer comment les banques créent de la monnaie en octroyant des prêts.
Supposons que Gino emprunte 100 $ à la banque Bonus. Celle-ci lui prête l’argent en créditant son compte bancaire de 100 $. Il possède maintenant 120 $, mais il a une dette de 100 $ envers la banque. Ainsi, le bilan de la banque Bonus a gonflé : son actif a augmenté des 100 $ qui sont dus par Gino, et son passif a augmenté des 100 $ crédités sur son compte bancaire, comme illustré par la Figure 10.13c.
Actif de la banque Bonus | Passif de la banque Bonus | ||
---|---|---|---|
Base monétaire | 20 $ | Remboursable à vue à Gino | 120 $ |
Prêt de la banque | 100 $ | ||
Total | 120 $ |
Figure 10.13c La banque Bonus fait un prêt de 100 $ à Gino.
La banque Bonus a maintenant accru l’offre de monnaie : Gino peut faire des paiements jusqu’à 120 $. L’offre de monnaie a donc augmenté de 100 $, même si la base monétaire n’a pas augmenté. La monnaie créée par sa banque est appelée monnaie bancaire.
La base monétaire reste toutefois essentielle, en partie car il peut arriver que les clients souhaitent retirer du liquide, mais aussi parce que lorsque Gino veut dépenser son prêt, sa banque doit transférer de la base monétaire. Supposez que Gino emploie Marco pour travailler dans son magasin et le paye 10 $. Alors la banque Bonus doit transférer 10 $ de base monétaire du compte bancaire de Gino vers celui de Marco à la banque Abacus. Cette transaction est représentée dans la Figure 10.13d.
Actif de la banque Abacus | Passif de la banque Abacus | ||
---|---|---|---|
Base monétaire | 90 $ | Remboursable à vue à Marco | 90 $ |
Actif de la banque Bonus | Passif de la banque Bonus | ||
---|---|---|---|
Base monétaire | 10 $ | Remboursable à vue à Gino | 110 $ |
Prêt de la banque | 100 $ | ||
Total | 110 $ |
Figure 10.13d Gino paye 10 $ à Marco.
En pratique, les banques réalisent beaucoup de transactions entre elles dans une même journée, la plupart s’annulant mutuellement, et elles régularisent la situation à la fin de la journée. Ainsi, à la fin de chaque journée, chaque banque transfère ou reçoit le montant net de transactions réalisées. Cela implique qu’elles n’ont pas besoin de disposer de monnaie ayant cours légal pour couvrir toutes les transactions ou la demande de liquidités.
Notez que si Marco et Gino étaient les clients de la même banque, il n’y aurait aucune perte de base monétaire. C’est une des raisons pour lesquelles les banques luttent pour obtenir une plus grande part des dépôts.
À cause du prêt, la « monnaie » totale dans le système bancaire s’est accrue, comme le montre la Figure 10.13e.
Actif des banques Abacus et Bonus | Passif des banques Abacus et Bonus | ||
---|---|---|---|
Base monétaire | 100 $ | Remboursable à vue | 200 $ |
Prêt de la banque | 100 $ | ||
Total | 200 $ |
Figure 10.13e La monnaie totale dans le système bancaire s’est accrue.
Créer de la monnaie pourrait paraître un moyen simple de réaliser des profits, mais la monnaie créée par les banques est un passif, et non un actif, puisqu’elle doit être payée à la demande de l’emprunteur. C’est le prêt correspondant qui représente un actif pour la banque. Les banques réalisent des profits par ce processus en faisant payer des intérêts sur les prêts. Ainsi, si la banque Bonus prête 100 $ à Gino à un taux d’intérêt de 10 %, alors l’année suivante, le passif de la banque aura chuté de 10 $ (l’intérêt payé sur le prêt, qui représente une baisse des dépôts de Gino). Ce revenu pour la banque augmente ses profits accumulés et ainsi sa valeur nette de 10 $. Comme la valeur nette est égale à la valeur de l’actif moins la valeur du passif, cela permet aux banques de créer une valeur nette positive.
La base monétaire (en excluant la monnaie ayant cours légal détenue par les banques) ajoutée à la monnaie bancaire est appelée monnaie au sens large. La monnaie au sens large est la monnaie entre les mains des agents non bancaires.
Le ratio base monétaire/monnaie au sens large varie selon les pays et dans le temps. Par exemple, avant la crise financière, la base monétaire constituait environ 3-4 % de la monnaie au sens large au Royaume-Uni, 6-8 % en Afrique du Sud et 8-10 % en Chine.
- transformation des échéances
- La pratique consistant à emprunter de l’argent à court terme et à le prêter à long terme. Une banque, par exemple, reçoit des dépôts, qu’elle promet de rembourser sans préavis ou avec un préavis très court, et elle octroie des prêts de long terme (qui peuvent être remboursés en plusieurs années). Connu également sous le terme : transformation des liquidités.
En recevant des dépôts et en octroyant des prêts, les banques fournissent à l’économie un service de transformation des échéances. Les déposants (particuliers ou entreprises) peuvent retirer leur argent des banques sans préavis. En revanche, lorsque les banques prêtent, elles fixent une échéance pour le remboursement du prêt, qui, dans le cas d’un prêt hypothécaire pour l’achat d’une maison, peut se situer à un horizon de 30 ans. Elles ne peuvent pas exiger de l’emprunteur qu’il rembourse plus tôt, permettant ainsi à ceux qui reçoivent les prêts bancaires de s’engager dans une planification à long terme. Cela s’appelle la transformation des échéances car la durée d’un prêt est appelée échéance. La banque se livre donc à des emprunts à court terme et des prêts à long terme. On parle aussi de transformation de la liquidité : les dépôts des prêteurs sont liquides (ils peuvent sortir de la banque sur demande), à l’inverse des prêts bancaires.
- hypothèque (ou prêt hypothécaire)
- Un prêt contracté par des ménages ou entreprises pour acquérir une propriété sans payer toute sa valeur en une fois. L’emprunteur rembourse le prêt augmenté des intérêts sur une période de plusieurs années. La dette est garantie par le bien lui-même, qui est désigné comme le collatéral. Voir également : collatéral.
- liquide
- Voir : liquidité.
- risque de liquidité
- Le risque qu’un actif ne puisse pas être échangé assez rapidement contre du liquide pour éviter une perte financière.
- risque de défaut
- Le risque que le crédit octroyé sous forme de prêts ne soit pas remboursé.
Bien que la transformation des échéances soit un service essentiel dans toute économie, elle expose également la banque à une nouvelle forme de risque (appelé risque de liquidité), outre la possibilité de non-remboursement de ses prêts (appelée risque de défaut).
- ruée bancaire
- Une situation dans laquelle les déposants retirent leur argent d’une banque parce qu’ils ont peur qu’elle fasse faillite et ne puisse plus rembourser ses dettes (en ne remboursant pas les fonds dus aux déposants). Connu également sous le terme : panique bancaire.
Les banques font de l’argent en prêtant bien plus que ce qu’elles détiennent en monnaie centrale, car elles misent sur le fait que les déposants n’auront pas tous besoin de leurs fonds en même temps. Le risque auquel elles font face est que tous les déposants décident de retirer leur argent en même temps, alors que la banque n’a pas cet argent. Dans la Figure 10.13e, le système bancaire détient 200 $, mais seulement 100 $ de base monétaire. Si tous les clients exigeaient leur argent en même temps, les banques ne seraient pas en mesure de rembourser. On parle alors de ruée bancaire. En cas de ruée, la banque est en danger. Le risque de liquidité est une cause possible des faillites bancaires.
À partir du moment où les gens s’inquiètent du fait qu’une banque est en train de manquer de liquidités, ils vont se ruer au guichet pour être les premiers à retirer leurs dépôts. Si tout le monde essaye de retirer ses dépôts en même temps, la banque ne sera plus en mesure de répondre aux demandes, car des prêts de long terme auront été faits et leur remboursement ne peut pas être exigé à court terme (comme expliqué dans cet article de The Economist).
Comme toute autre entreprise dans un système capitaliste, les banques peuvent aussi faire faillite en réalisant de mauvais investissements, par exemple en accordant des prêts qui ne seront pas remboursés. Mais dans certains cas, les banques sont si grosses ou d’une telle importance dans le système financier que les États décident de les sauver si elles font face à un risque de banqueroute. Cela s’explique par le fait que, contrairement à la faillite d’une entreprise, une crise bancaire peut renverser l’intégralité du système financier et menacer les moyens d’existence des personnes de toute une économie. Dans l’Unité 17, nous verrons comment les faillites bancaires furent impliquées dans la crise financière mondiale de 2008.
Question 10.8 Choisissez la ou les bonnes réponses
Laquelle des affirmations suivantes est correcte ?
- La monnaie est un moyen d’échange utilisé pour acheter des biens et des services, mais elle peut aussi prendre la forme de chèques ou de crédits, et non pas seulement de pièces et de billets.
- La monnaie bancaire est la monnaie créée par les banques commerciales quand elles accordent des crédits aux entreprises et ménages.
- La monnaie au sens large est égale à la somme de la base monétaire, créée par la banque centrale, et de la monnaie bancaire, créée par les banques commerciales.
- La transformation de liquidité se déroule quand les banques transforment des dépôts liquides en prêts non liquides.
10.9 La banque centrale, le marché monétaire et les taux d’intérêt
- taux d’intérêt (à court terme)
- Le prix d’emprunter de la base monétaire.
Les banques commerciales réalisent des profits en offrant des services bancaires et des prêts. Pour mener cette activité, elles ont besoin de pouvoir effectuer des transactions, ce qui suppose d’avoir de la base monétaire. Il n’y a pas de lien direct entre la quantité de base monétaire dont elles ont besoin et la quantité de prêts qu’elles accordent. Elles ont plutôt besoin de la quantité de base monétaire qui couvrira les transactions nettes qu’elles ont à effectuer quotidiennement. Le prix pour emprunter de la base monétaire est le taux d’intérêt à court terme.
Supposez dans l’exemple ci-dessus que Gino veut payer 50 $ à Marco (et qu’il n’y a pas d’autres transactions le même jour). Bonus, la banque de Gino, n’a pas assez de base monétaire pour effectuer le transfert à la banque Abacus, comme nous pouvons le voir d’après son bilan à la Figure 10.13f.
Actif de la banque Bonus | Passif de la banque Bonus | ||
---|---|---|---|
Base monétaire | 20 $ | Remboursable à vue à Gino | 120 $ |
Prêt bancaire | 100 $ | ||
Total | 120 $ |
Figure 10.13f La banque Bonus n’a pas assez de base monétaire pour payer 50 $ à la banque Abacus.
La banque Bonus n’a pas assez de base monétaire pour payer 50 $ à la banque Abacus.
La banque Bonus doit donc emprunter 30 $ de base monétaire pour effectuer le paiement. Les banques se prêtent mutuellement sur les marchés monétaires puisque, à chaque instant, certaines banques auront un excès de monnaie dans leur compte à la banque centrale, tandis que d’autres n’en auront pas assez. Elles pourraient également essayer d’inciter quelqu’un à déposer davantage d’argent dans un autre compte bancaire, mais les dépôts représentent également un coût lié au paiement d’intérêts, au marketing et au maintien des succursales bancaires. C’est pourquoi les dépôts d’espèces ne constituent qu’une partie du financement des banques.
Au final, qu’est-ce qui détermine le prix de l’emprunt sur le marché monétaire (le taux d’intérêt) ? Nous pouvons raisonner en termes d’offre et de demande :
La demande pour la base monétaire dépend du nombre de transactions que les banques commerciales doivent faire.
L’offre de base monétaire est simplement une décision de la banque centrale.
Puisque la banque centrale contrôle l’offre de base monétaire, elle peut également décider du taux d’intérêt. La banque centrale intervient sur le marché monétaire en disant qu’elle va prêter toute quantité de base monétaire demandée au taux d’intérêt (i) qu’elle aura choisi.
Les détails techniques relatifs à la manière dont la banque centrale met en œuvre son taux d’intérêt directeur varient parmi les banques centrales dans le monde. Les spécificités peuvent être trouvées sur le site Internet de chaque banque centrale.
- taux (d’intérêt) directeur
- Le taux d’intérêt fixé par la banque centrale, qui s’applique aux banques qui s’empruntent mutuellement de la monnaie centrale ou en empruntent à la banque centrale. Connu également sous le terme : taux de référence, taux officiel rate. Voir également : taux d’intérêt réel, taux d’intérêt nominal.
Les banques sur le marché monétaire respecteront ce prix : aucune banque n’empruntera à un taux d’intérêt plus élevé, ni ne prêtera à un taux plus faible, puisqu’elles peuvent emprunter au taux i à la banque centrale. Ce i est aussi appelé taux de base, taux officiel, ou taux directeur.
- taux des prêts (bancaires)
- Le taux d’intérêt moyen facturé par les banques commerciales aux entreprises et ménages. Ce taux est généralement supérieur au taux directeur : la différence est la marge ou le spread sur les prêts commerciaux. Connu également sous le terme : taux d’intérêt du marché. Voir également : taux d’intérêt, taux directeur.
Le taux directeur s’applique aux banques qui s’empruntent de la base monétaire entre elles, ainsi qu’à la banque centrale. Il importe aussi pour le reste de l’économie à cause de son effet d’entrainement sur les autres taux d’intérêt. Le taux d’intérêt moyen facturé par les banques commerciales aux entreprises et ménages est appelé le taux des prêts bancaires. Ce taux est généralement supérieur au taux d’intérêt directeur, afin de garantir que les banques réalisent des bénéfices (il est également plus élevé pour les emprunteurs perçus par la banque comme présentant un risque, comme nous l’avons vu précédemment). La différence entre le taux des prêts bancaires et le taux directeur est la marge sur les prêts commerciaux.
Au Royaume-Uni par exemple, le taux d’intérêt directeur fixé par la Banque d’Angleterre était de 0,5 % en 2014, mais peu de banques prêtaient à moins de 3 %. Dans les économies émergentes, l’écart peut être assez important, en raison de l’incertitude du contexte économique. Au Brésil, par exemple, le taux directeur de la banque centrale en 2014 était de 11 % alors que le taux des prêts bancaires était de 32 %.
La banque centrale ne contrôle pas cette marge, mais généralement le taux des prêts bancaires évolue dans la même direction que le taux de base, à l’instar des autres entreprises qui, généralement, adaptent leurs prix en fonction des coûts.
- obligation d’État
- Un instrument financier émis par les États, promettant de payer des flux d’argent à des périodes déterminées.
- rendement
- Le taux implicite de rendement que l’acheteur obtient sur son argent en achetant une obligation au prix du marché.
- valeur actualisée
- La valeur aujourd’hui d’un flux de revenus ou d’autres bénéfices futurs, quand ces flux sont actualisés en utilisant un taux d’intérêt ou le taux d’actualisation de la personne. Voir également : valeur actualisée nette.
La Figure 10.14 simplifie fortement le système financier. Dans ce modèle, nous montrons que les épargnants font face à deux choix uniquement : déposer de l’argent sur un compte courant à la banque, dont nous supposons qu’il ne rapporte aucun intérêt, ou acheter des obligations d’État sur le marché monétaire. Le taux d’intérêt des obligations d’État est appelé le rendement. Lisez la rubrique Einstein à la fin de cette section pour y trouver une explication de ces obligations et pour comprendre les raisons pour lesquelles le rendement des obligations d’État est proche du taux d’intérêt directeur. Nous y donnons également une explication de ce qu’on appelle les calculs en valeur actualisée, qui sont essentiels pour comprendre comment sont déterminés les prix des actifs tels que les obligations.

Figure 10.14 Les banques, la banque centrale, les emprunteurs et les épargnants.
Adapté de la Figure 5.12 du Chapitre 5 de : Carlin, Wendy, and David Soskice. 2014. Macroeconomics: Institutions, Instability, and the Financial System. Oxford: Oxford University Press.
Nous avons maintenant vu un modèle montrant comment la banque centrale détermine le taux d’intérêt directeur et les incidences que cela a sur le taux d’intérêt des prêts bancaires. Mais pourquoi la banque centrale devrait-elle faire tout cela ? Pour comprendre le rôle de la banque centrale, nous devons considérer deux questions :
- Comment le taux des prêts bancaires influe-t-il sur les dépenses dans l’économie ? Nous répondrons à cette question dans la Section 10.11.
- Pourquoi la banque centrale souhaite-t-elle jouer sur les dépenses en changeant le taux d’intérêt (comme indiqué dans la Figure 10.14)? Nous répondrons à cette question beaucoup plus large dans les Unités 13 à 15. Dans ces unités, nous expliquons les fluctuations de l’emploi et de l’inflation dans l’économie dans son ensemble et les raisons pour lesquelles les banques centrales se voient souvent chargées de modérer ces fluctuations en changeant le taux d’intérêt.
Exercice 10.5 Marges sur le taux d’intérêt
Utilisez les sites Internet de deux banques centrales de votre choix pour recueillir des données portant sur le taux d’intérêt directeur mensuel et le taux d’intérêt des prêts hypothécaires entre 2000 et l’année la plus récente disponible.
- Représentez graphiquement les données, avec la date sur l’axe des abscisses et le taux d’intérêt sur l’axe des ordonnées.
- Quelle est la différence entre les marges bancaires (marges sur le taux d’intérêt) des deux pays ?
- Les marges bancaires évoluent-elles au fil du temps ? Proposez des raisons possibles à ce que vous observez.
- arbitrage
- La pratique consistant à acheter un bien à un bas prix sur un marché pour le revendre à un prix plus élevé sur un autre marché. Les traders font de l’arbitrage pour profiter des différences de prix du même bien entre deux pays ou régions. Ils réalisent un profit à condition que les coûts d’échange soient inférieurs à l’écart de prix. Voir également : écart de prix.
Einstein Valeur actualisée (VA)
Généralement, les actifs tels que les actions d’entreprises, les emprunts bancaires ou les obligations fournissent un flux de revenu dans le futur. Puisque ces actifs sont achetés et vendus, nous devons nous poser la question suivante : comment évaluer la valeur d’un flux de paiements futurs ? La réponse se trouve dans la valeur actualisée (VA) du revenu futur attendu.
Pour effectuer ce calcul, nous devons supposer que les personnes participant au marché pour acheter et vendre des actifs ont la capacité d’épargner et d’emprunter à un certain taux d’intérêt. Imaginez que vous soyez soumis(e) à un taux d’intérêt de 6 % et que l’on vous propose un contrat financier qui stipule que vous serez payé(e) 100 € dans un an. Ce contrat est un actif. Combien seriez-vous prêt(e) à le payer aujourd’hui ?
Vous ne payeriez pas 100 € aujourd’hui pour le contrat, parce que si vous aviez 100 € aujourd’hui, vous pourriez les mettre à la banque et recevoir 106 € dans un an, ce qui serait préférable à l’achat de l’actif.
Imaginez que l’on vous propose l’actif pour 90 € aujourd’hui. Alors vous voudriez l’acheter, parce que vous pourriez emprunter 90 € à la banque aujourd’hui à un taux de 6 % et, dans un an, vous rembourseriez 95,40 €, tandis que vous recevriez 100 € de l’actif, réalisant ainsi un profit de 4,60 €.
Le prix au seuil de « rentabilité » (VA) pour ce contrat vous rendrait indifférent(e) au fait d’acheter ou de ne pas acheter le contrat. Ce prix doit être égal au montant qui vous rapporteraient 100 € dans un an si vous les déposiez à la banque aujourd’hui. Avec un taux d’intérêt de 6 %, ce montant est :
La somme de 94,34 € aujourd’hui a la même valeur pour vous que 100 € dans un an, parce que si vous mettez 94,34 € à la banque, alors cela vous rapporterait 100 € dans un an. De la même façon, si vous empruntiez 94,34 € à la banque aujourd’hui pour acheter l’actif, vous auriez à rembourser 100 € dans un an, compensant exactement les 100 € rapportés par l’actif.
Nous disons que le revenu de l’année prochaine est actualisé par le taux d’intérêt : un taux d’intérêt positif fait qu’il a moins de valeur que le revenu aujourd’hui.
La même logique s’applique dans le futur, en tenant compte des intérêts composés au fil du temps. Si vous recevez la somme de 100 € dans t années, alors, pour vous aujourd’hui, sa valeur est de :
Supposez à présent qu’un actif donne un paiement annuel pendant T années, rapportant Xt à l’année t, commençant l’année prochaine à l’année 1. Alors, chaque paiement Xt doit être actualisé en fonction de son éloignement dans le temps. Donc, avec un taux d’intérêt de i, la VA de cet actif est :
La valeur actualisée de ces paiements dépend évidemment des montant des paiements eux-mêmes. Mais elle dépend également du taux d’intérêt : si le taux d’intérêt augmente, alors la VA baissera, car les paiements futurs seront d’autant plus actualisés (leur VA sera réduite). Notez qu’il est facile d’ajuster la formule de la valeur actualisée pour prendre en compte différents taux d’intérêt pour les années 1, 2, etc.
Valeur actualisée nette (VAN)
Cette logique s’applique à tout actif générant un revenu futur. De ce fait, si une entreprise doit décider de lancer ou pas un projet d’investissement, elle doit comparer le coût de l’investissement avec la valeur actualisée des profits qu’elle espère en retirer dans le futur. Dans ce contexte, nous examinons la valeur actualisée nette (VAN), qui prend en compte le coût de l’investissement ainsi que les profits attendus. Si c désigne le coût et VA, la valeur actualisée du profit attendu, alors la VAN de l’investissement est :
Si cette valeur est positive, alors l’investissement en vaut la peine, parce que les profits attendus sont supérieurs au coût (et inversement).
Prix des obligations et rendements
Une obligation est un actif financier particulier, pour lequel l’émetteur de l’obligation s’engage à payer au porteur de l’obligation un montant fixe au fil du temps. Émettre ou vendre une obligation équivaut à emprunter, parce que l’émetteur de l’obligation reçoit de l’argent aujourd’hui en s’engageant à rembourser dans le futur. Inversement, un acheteur de l’obligation est un prêteur ou un épargnant, parce qu’il renonce à de l’argent aujourd’hui, s’attendant à être remboursé dans le futur. Les États et les entreprises empruntent chacun en émettant des obligations. Les ménages achètent des obligations comme une forme d’épargne directement ou indirectement via les fonds de pension.
Habituellement, les obligations ont une durée prédéterminée, appelée la maturité (ou l’échéance) de l’obligation, et offrent deux formes de paiement : la valeur faciale F, qui correspond à un montant payé quand l’obligation arrive à échéance, et un paiement fixe à chaque période (par exemple, chaque année ou chaque trimestre) jusqu’à l’échéance. Autrefois, les obligations étaient des feuilles de papier et quand un des paiements fixes était effectué, un coupon était retiré de l’obligation. Pour cette raison, les paiements fixes sont appelés des coupons, que nous notons C.
Comme nous l’avons vu dans le calcul de la VA, le montant qu’un prêteur sera prêt à payer pour une obligation sera sa valeur actualisée, qui dépend de la valeur faciale de l’obligation, de la série des paiements de coupons et également du taux d’intérêt. Personne n’achètera une obligation pour une valeur supérieure à sa valeur actualisée car, le cas échéant, il vaudrait mieux placer son argent à la banque. Personne ne vendra une obligation pour une valeur inférieure à sa valeur actualisée, car, le cas échéant, il vaudrait mieux emprunter à la banque. Donc :
Ou, pour une obligation avec une maturité de T années :
Une caractéristique importante d’une obligation est son rendement. Il s’agit du taux de rendement implicite que l’acheteur obtient sur son argent quand il achète l’obligation au prix du marché. On calcule le rendement en utilisant une équation comme celle pour la VA. Le rendement y résout l’équation suivante :
Si le taux d’intérêt reste constant, comme nous l’avons supposé, alors le rendement sera le même que ce taux d’intérêt. Toutefois, en réalité, il y a une incertitude sur l’évolution des taux d’intérêt dans le futur. En revanche, nous connaissons le prix d’une obligation, ses paiements en coupons et sa valeur faciale, nous pouvons donc toujours calculer le rendement d’une obligation. Acheter une obligation avec un rendement y équivaut à épargner son argent au taux d’intérêt i = y, garanti constant.
Puisqu’un épargnant (un prêteur) peut choisir entre acheter une obligation d’État, prêter son argent sur le marché monétaire ou le placer sur un compte bancaire, le rendement de l’obligation d’État sera très proche du taux d’intérêt sur le marché monétaire. Si ce n’était pas le cas, l’argent passerait très rapidement d’un actif à l’autre jusqu’à ce que les taux de rendement s’égalisent. Cette stratégie est appelée arbitrage.
Prenons un exemple numérique : une obligation d’État avec une valeur faciale de 100 €, un coupon annuel de 5 € et une maturité de 4 ans. Le taux d’intérêt nominal sur le marché monétaire est de 3 %, et nous utilisons celui-ci pour actualiser les flux financiers reçus.
Le prix de cette obligation est donc donné par :
Nous serions prêts à payer au maximum 107,43 € pour cette obligation aujourd’hui, même si elle génère un revenu de 120 € sur une période de quatre ans. Le rendement est égal au taux d’intérêt de 3 %. Si la banque centrale augmente le taux d’intérêt directeur, cela réduira alors le prix de marché de l’obligation, augmentant ainsi le rendement au même rythme que le taux d’intérêt.
10.10 Les activités des banques et leurs bilans
Pour comprendre les activités des banques plus en détail, penchons-nous sur les coûts et les recettes d’une banque :
- Les coûts opérationnels de la banque : ils comprennent les coûts administratifs liés à l’octroi de prêts. Par exemple, les salaires des gestionnaires de crédit qui évaluent les dossiers de demande de prêt, ou les coûts de location et de maintenance d’un réseau d’agences et de centres d’appels utilisés pour fournir des services bancaires.
- Les charges d’intérêt de la banque : les banques doivent payer des intérêts sur leur passif, y compris les dépôts et les autres emprunts.
- Les recettes de la banque : il s’agit de l’intérêt et du remboursement des prêts qu’elles reçoivent de leurs clients.
- Le rendement attendu par la banque : il s’agit du rendement des prêts consentis, en prenant en compte le fait que tous les clients ne rembourseront pas leurs prêts.
Tout comme les prêteurs non institutionnels, si le risque des prêts (le taux de défaut) est plus élevé, alors l’écart (ou le spread ou la marge) entre le taux d’intérêt demandé pour les prêts octroyés et le coût de leurs propres emprunts sera plus important.
La rentabilité de leurs activités dépend de la différence entre le coût de l’emprunt et le rendement des prêts, en prenant en compte le taux de défaut et les coûts opérationnels que représentent la sélection des prêts et la gestion de la banque.
Une bonne façon de comprendre le fonctionnement d’une banque est de considérer son bilan complet, qui résume ses activités principales de prêt et d’emprunt. Les banques empruntent et prêtent afin de réaliser des profits :
- Les emprunts des banques apparaissent au passif : les dépôts et les emprunts (garantis et non garantis) sont comptabilisés comme passif.
- Les prêts des banques apparaissent à l’actif.
Actif (possédé par la banque ou qui lui est dû) | % du bilan | Passif (ce que la banque doit aux ménages, aux entreprises et aux autres banques) | % du bilan | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Solde des avoirs et des réserves à la banque centrale (1) | Détenu par la banque : fonds accessibles immédiatement | 2 | Dépôts (1) | Détenus par les ménages et les entreprises | 50 | |||
Actifs financiers, dont une partie (obligations d'État) peut être utilisée comme collatéral pour emprunter) (2) | Détenus par la banque | 30 | Emprunts garantis (avec collatéral) (2) | Inclut les emprunts auprès des autres banques via le marché monétaire | 30 | |||
Prêts aux autres banques (3) | Via le marché monétaire | 11 | Emprunts non garantis (sans collatéral) (3) | 16 | ||||
Prêts aux ménages (4) | 55 | |||||||
Actifs fixes comme les bâtiments et équipements (5) | Détenus par la banque | 2 | ||||||
Total Actif | 100 | Total Passif | 96 | |||||
Valeur nette = Total Actif - Total Passif = Capitaux propres (4) | 4 |
Figure 10.15 Un bilan simplifié d’une banque.
Adapté de la Figure 5.9 du Chapitre 5 de : Carlin, Wendy, and David Soskice. 2014. Macroeconomics: Institutions, Instability, and the Financial System. Oxford: Oxford University Press.
Comme vu ci-dessus :
- insolvable (en faillite)
- Une entité est dite insolvable si la valeur de son actif est inférieure à celle de son passif. Voir également : solvable.
En d’autres termes, la valeur nette d’une entreprise, comme une banque, correspond à la somme due aux actionnaires ou propriétaires. Cela explique pourquoi la valeur nette est inscrite au passif du bilan. Si la valeur de l’actif de la banque est inférieure à la somme de ses dettes, alors sa valeur nette est négative : la banque est insolvable.
Examinons l’actif du bilan d’une banque :
- liquidité
- Facilité d’acheter ou vendre un actif financier à un prix prévisible.
- (1) Liquidités et réserves à la banque centrale : le premier élément du bilan correspond aux liquidités qu’elle détient, auxquelles s’ajoute le solde du compte qu’elle détient à la banque centrale, appelé solde en réserves. Les liquidités et les réserves à la banque centrale sont les fonds facilement accessibles, ou liquides. Il s’agit de base monétaire qui ne constitue qu’une toute petite fraction du bilan d’une banque – seulement 2 % dans cet exemple représentatif des banques que nous connaissons aujourd’hui. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la monnaie créée par la banque centrale représente une très petite part de la monnaie au sens large qui circule dans l’économie.
- (2) Les propres actifs financiers de la banque : ces actifs peuvent être utilisés comme collatéral pour les emprunts de la banque sur le marché monétaire. Comme évoqué plus tôt, elles empruntent pour reconstituer leurs réserves de liquidités (élément 1, Figure 10.15) lorsque les déposants retirent (ou transfèrent) plus de fonds qu’il n’y en a de disponibles à la banque.
- (3) Prêts aux autres banques : les prêts octroyés à d’autres banques figureront également au bilan d’une banque.
- (4) Prêts aux ménages et aux entreprises : les activités de prêt constituent l’élément le plus important de l’actif du bilan financier. Les prêts octroyés par la banque aux ménages et aux entreprises représentent 55 % du bilan dans la Figure 10.15. C’est le cœur de l’activité de la banque. Une partie de ces prêts est garantie. Un prêt est garanti si l’emprunteur a fourni un collatéral. Dans le cas de prêts immobiliers, appelés prêts hypothécaires, le collatéral est la valeur du logement. D’autres prêts bancaires, comme les autorisations de découvert, les soldes de cartes de crédit ou encore les prêts à la consommation, ne sont pas garantis.
- (5) Les actifs des banques tels que les bâtiments et équipements sont comptabilisés à l’actif du bilan.
Du côté du passif du bilan d’une banque, il existe trois formes d’emprunt bancaire, indiquées dans la Figure 10.15 :
- (1) La forme la plus importante est celle des dépôts bancaires, représentant 50 % du bilan de la banque dans cet exemple. La banque doit ces dépôts aux ménages et entreprises. En maximisant ses profits, la banque évalue la demande probable de retraits de dépôts de la part des déposants. Dans le système bancaire, retraits et dépôts ont lieu en permanence, et une fois les transactions interbancaires compensées, la plupart s’annulent entre elles. Chaque banque doit s’assurer d’avoir suffisamment de liquidités et réserves auprès de la banque centrale pour répondre à la demande de fonds des déposants et compenser les transferts nets de la journée. Détenir des liquidités et des réserves à cet effet présente un coût d’opportunité, parce que ces fonds pourraient, à la place, être prêtés sur le marché monétaire afin de rapporter des intérêts. Ainsi, les banques détiennent le minimum de liquidités et de réserves qu’il est prudent de conserver.
(2) et (3) au passif du bilan représentent ce que la banque a emprunté aux ménages, aux entreprises et aux autres banques sur le marché monétaire.
- Une partie sont des emprunts garantis : la banque fournit un collatéral en utilisant ses actifs financiers (qui apparaissent dans l’élément (2) à gauche du bilan).
- D’autres emprunts ne sont pas garantis.
- capitaux propres
- Le propre investissement d’un individu dans un projet. Cela est comptabilisé dans le bilan financier d’un individu ou d’une entreprise en tant que valeur nette. Voir également : valeur nette.
L’élément (4) du passif est la valeur nette de la banque, c’est-à-dire ses capitaux propres. Cela comprend les actions émises par la banque et les profits accumulés, qui n’ont pas été versés sous forme de dividendes aux actionnaires dans le temps. Généralement, les capitaux propres d’une banque ne représentent qu’un faible pourcentage de son bilan. La banque est une entreprise lourdement endettée.
Nous pouvons nous en rendre compte à partir des exemples réels illustrés dans les Figures 10.16 et 10.17.
La Figure 10.16 présente le bilan simplifié de la banque Barclays (juste avant la crise financière). La Figure 10.17 présente quant à elle le bilan simplifié d’une entreprise du secteur non financier, Honda.
Actif | Passif | ||
---|---|---|---|
Solde des avoirs et réserves à la banque centrale | 7 345 | Dépôts | 336 316 |
Prêts en gros sous forme de prise de pension | 174 090 | Emprunts en gros sous forme de mise en pension, garantis par un collatéral | 136 956 |
Prêts (e.g. hypothèques) | 313 226 | Emprunts non garantis | 111 137 |
Actifs fixes (e.g. immeubles, équipement) | 2 492 | Passif du portefeuille commercial | 71 874 |
Actifs du portefeuille commercial | 177 867 | Produits financiers dérivés | 140 697 |
Produits financiers dérivés | 138 353 | Autres passifs | 172 417 |
Autres actifs | 183 414 | ||
Total Actif | 996 787 | Total Passif | 969 397 |
Valeur nette | |||
Capitaux propres | 27 390 |
Compte d’engagement : ratio de levier (Total Actif/Valeur nette) | 996 787/27 390 = 36,4 |
Figure 10.16 Le bilan de la banque Barclays en 2006 (millions de £).
Barclays Bank. 2006. Barclays Bank PLC Annual Report. Egalement présenté dans la Figure 5.10 du Chapitre 5 de : Carlin, Wendy, and David Soskice. 2014. Macroeconomics: Institutions, Instability, and the Financial System. Oxford: Oxford University Press.
Actif | Passif | ||
---|---|---|---|
Actifs disponibles | 5 323 053 | Passifs à court terme | 4 096 685 |
Filiales financières-créances, net | 2 788 135 | Dette à long terme | 2 710 845 |
Investissements | 668 790 | Autres passifs | 1 630 085 |
Biens immobiliers en leasing opérationnel | 1 843 132 | ||
Biens immobiliers, installations et équipements | 2 399 530 | ||
Autres actifs | 612 717 | ||
Total Actif | 13 635 357 | Total Passif | 8 437 15 |
Valeur nette | |||
Capitaux propres | 5 197 742 |
Compte d’engagement : ratio de levier tel que défini pour les banques (Total Actif/Valeur nette) | 13 635 357/5 197 742 = 2,62 |
Compte d’engagement : ratio de levier tel que défini habituellement pour les entreprises non bancaires (Total Passif/Total Actif) | 8 437 615/13 635 357 = 61,9 % |
Figure 10.17 Le bilan de la Honda Motor Company en 2013 (millions de ¥).
Honda Motor Co. 2013. Annual Report.
- ratio de levier (pour des banques ou ménages)
- La valeur des actifs divisée par la participation en capital dans ces actifs.
L’actif courant correspond aux espèces, aux stocks et aux autres actifs à court terme. Le passif courant correspond aux dettes à court terme et aux autres paiements à venir.
- levier
- Voir : ratio de levier.
Une manière d’illustrer la dépendance d’une entreprise à l’endettement est de considérer son ratio de levier (ou ratio d’endettement).
Le levier pour les entreprises en dehors du secteur bancaire
Il est défini de manière différente par rapport au levier des banques. Pour les entreprises, le ratio de levier est défini comme la valeur totale du passif divisée par le total de l’actif. Pour un exemple de l’utilisation de la définition de levier pour les entreprises, voir : Spaliara, Marina-Eliza. 2009. ‘Do Financial Factors Affect the Capital–labour Ratio? Evidence from UK Firm-Level Data’. Journal of Banking & Finance 33 (10) (October): pp. 1932–1947.
Malheureusement, le terme ratio de levier est défini de façon différente pour les entreprises financières et non financières (les deux définitions sont indiquées dans les Figures 10.16 et 10.17). Ici, nous calculons le levier de Barclays et de Honda en nous appuyant sur la définition utilisée pour les banques : le total de l’actif divisé par la valeur nette. Le total de l’actif de Barclays est 36 fois leur valeur nette. Cela signifie qu’étant donné la valeur de son passif (sa dette), une très petite variation de la valeur de son actif (1/36 ≈ 3 %) suffirait à effacer sa valeur nette et à rendre la banque insolvable. En revanche, en utilisant la même définition, nous pouvons voir que le levier d’Honda est inférieur à trois. Comparativement à Barclays, les capitaux propres d’Honda sont bien plus élevés par rapport à son actif. Autrement dit, Honda, finance son actif par un mélange de dettes (62 %) et de capitaux propres (38 %), alors que Barclays finance son actif avec 97 % de dettes et 3 % de capitaux propres.
Question 10.9 Choisissez la ou les bonnes réponses
Le tableau suivant correspond à un bilan simplifié d’une banque commerciale. En vous fondant sur ces informations, laquelle des propositions suivantes est correcte ?
Actif | Passif | ||
---|---|---|---|
Liquidités et réserves | 2 M£ | Dépôts | 45 M£ |
Actifs financiers | 27 M£ | Emprunts garantis | 32 M£ |
Prêts aux autres banques | 10 M£ | Emprunts nons garantis | 20 M£ |
Prêts aux ménages et aux entreprises | 55 M£ | ||
Actifs fixes | 6 M£ | ||
Total Actif | 100 M£ | Total Passif | 97 M£ |
- La base monétaire de la banque correspond aux liquidités et aux réserves à la banque centrale. Les actifs financiers ne sont pas compris.
- Un emprunt garanti est un emprunt effectué par la banque avec un collatéral, constitués d’actifs financiers. Cet emprunt a un risque de défaut positif (d’où le collatéral).
- La valeur nette de la banque correspond à la différence entre son actif et son passif, soit 3 millions £.
- Le levier est le total des actifs divisé par la valeur nette, ici 100 millions £ / 3 millions £ = 33,3.
10.11 Le taux directeur de la banque centrale peut influer sur les dépenses
Les ménages et les entreprises empruntent pour dépenser : plus il est coûteux d’emprunter (ou, ce qui revient au même, plus le taux d’intérêt est élevé) et moins ils dépensent aujourd’hui. Cela permet à la banque centrale d’influer sur le montant des dépenses dans l’économie, ce qui aura des conséquences sur les décisions des entreprises en matière d’embauches et de prix. De cette façon, la banque centrale peut influer sur le niveau de chômage et l’inflation (la hausse des prix), comme nous le verrons en détail dans les Unités 13 à 15.
Pour voir l’effet d’un taux d’intérêt plus faible sur les dépenses de consommation, nous en revenons à Julia, qui n’a pas de richesses, mais s’attend à recevoir 100 $ d’ici un an. Utilisez l’analyse de la Figure 10.18 pour voir comment le taux d’intérêt joue sur ses dépenses de consommation aujourd’hui.
Dans beaucoup de pays riches, lorsque les personnes empruntent, c’est la plupart du temps pour acheter une voiture ou une maison (les prêts immobiliers hypothécaires sont moins courants dans les pays où les marchés financiers sont moins développés). Les prêts à cette fin sont facilement accessibles, même à des personnes disposant de ressources limitées, parce que contrairement à des prêts visant à acheter de la nourriture ou des biens de consommation courante, la chose achetée – la voiture ou le logement – peut être utilisée comme collatéral, prémunissant la banque contre un risque de défaut. Pour cette raison, un canal important pour les effets des taux d’intérêt sur les dépenses domestiques de beaucoup d’économies riches tient à l’effet sur les achats de logements et de biens de consommation durables comme les voitures. Les taux d’intérêt fixés par les banques centrales peuvent contribuer à atténuer les variations de dépenses dans l’immobilier et dans les biens de consommation durables, et ainsi lisser les fluctuations dans l’ensemble de l’économie.
Question 10.10 Choisissez la(les) bonne(s) réponse(s)
La figure suivante représente le choix de consommation de Julia aux périodes 1 et 2, pour différents taux d’intérêt. Elle n’a pas de revenu à la période 1, mais elle a un revenu à la période 2, qu’elle utilise pour emprunter. En vous basant sur ces informations, parmi les affirmations suivantes, lesquelles sont correctes ?

- Le taux marginal de transformation équivaut à 1 + le taux d’intérêt. Ainsi, il décroit lorsque le taux d’intérêt baisse.
- La baisse du taux d’intérêt augmente le revenu de Julia et rend également sa consommation présente moins chère par rapport à sa consommation future. Ainsi, l’effet de revenu et l’effet de substitution la poussent à augmenter sa consommation à la période 1.
- L’effet de substitution relatif à une baisse du taux d’intérêt va pousser Julia à diminuer sa consommation à la période 2. L’effet de revenu lié à la baisse du taux d’intérêt va la pousser à augmenter sa consommation lors de la période 2. L’effet net est par conséquent ambigu.
- Nous savons que la consommation à la période 1 augmente lorsque le taux d’intérêt diminue. Donc la consommation à la période 1 est décroissante avec le taux d’intérêt, ce qui implique que le graphique a une pente descendante.
Exercice 10.6 Taux d’intérêt et dépenses de consommation
Réfléchissons aux effets de revenu et de substitution dus à une hausse du taux d’intérêt, comme analysés dans les Exercices 10.2 et 10.3. Expliquez si une hausse du taux d’intérêt devrait permettre une réduction des dépenses de consommation dans une économie, où une partie des ménages sont comme Julia et d’autres ressemblent à Marco.
10.12 Contraintes sur le marché du crédit : un problème de type principal–agent
Prêter est risqué. Un prêt est octroyé aujourd’hui et doit être remboursé dans le futur. Entre-temps, des événements imprévus échappant au contrôle de l’emprunteur peuvent se produire. Si les cultures à Chambar au Pakistan étaient détruites du fait d’une mauvaise météo ou d’une maladie, les prêteurs non institutionnels ne seraient pas remboursés même si les fermiers ont travaillé dur leurs terres. L’obsolescence de la compétence dans laquelle vous avez peut-être investi à l’aide d’un emprunt étudiant est un risque inévitable, et implique que le prêt pourrait ne pas être remboursé. Plus le risque de défaut dû à des événements inévitables sera important, plus le taux d’intérêt fixé par une banque ou un prêteur non institutionnel le sera aussi.
Toutefois, les prêteurs font face à deux autres problèmes. Quand les prêts servent à des projets d’investissement, le prêteur ne peut pas être certain que l’emprunteur fera assez d’efforts pour que le projet réussisse. De plus, l’emprunteur a souvent plus d’informations que le prêteur sur la qualité du projet et ses chances d’aboutir. Ces deux problèmes découlent de la différence d’informations que détiennent l’emprunteur et le prêteur concernant le projet et les actions de l’emprunteur.
- relation du type principal–agent
- Il s’agit d’une relation asymétrique dans laquelle une partie (le principal) bénéficie d’une action ou d’un attribut d’une autre partie (l’agent) pour laquelle les informations du principal ne sont pas suffisantes pour faire appliquer un contrat complet. Voir également : contrat incomplet. Connu également sous le terme : problème du type principal-agent.
- collatéral (ou garantie)
- Un bien qu’un emprunteur donne en garantie à un prêteur afin de garantir un prêt. Si l’emprunteur est incapable de rembourser son crédit comme dû, le créancier devient le propriétaire du bien.
Cela crée un conflit d’intérêts. Si le projet ne réussit pas parce que l’emprunteur a fait trop peu d’efforts ou parce que simplement le projet n’était pas bon en lui-même, le prêteur perd de l’argent. Si l’emprunteur avait utilisé seulement son propre argent, il est probable qu’il aurait pu être plus consciencieux, voire ne se serait peut-être pas du tout lancé dans le projet.
La relation entre l’emprunteur et le prêteur est appelée un problème principal–agent. Le prêteur est le « principal » et l’emprunteur est l’« agent ». Le problème principal-agent entre l’emprunteur et le prêteur est similaire au problème de « l’argent d’autrui » étudié dans l’Unité 6. Dans ce cas, le cadre dirigeant d’une entreprise (l’agent) prend des décisions quant à l’utilisation des fonds apportés par les investisseurs de l’entreprise (les principaux), mais ces derniers ne sont pas en mesure d’exiger de lui qu’il agisse d’une façon qui maximiserait leur richesse, plutôt que de poursuivre ses propres objectifs.
Dans le cas de l’emprunt et du prêt, il n’est souvent pas possible pour le prêteur (le principal) d’écrire un contrat qui garantisse le remboursement du prêt par l’emprunteur (l’agent). Cela tient au fait qu’il est impossible pour le prêteur de s’assurer par un contrat que l’emprunteur utilisera les fonds d’une manière prudente qui permettrait le remboursement selon les conditions du prêt.
Le tableau dans la Figure 10.19 compare les deux problèmes de type principal–agent.
Acteurs | Ce sur quoi porte le conflit d'intérêts | Couvert par le contrat exécutoire | Hors contrat (ou non exécutoire) | Résultat | |
---|---|---|---|---|---|
Marché du travail (Unités 6 et 9) | Employeur Employé |
Salaires, travail (qualité et quantité) | Salaires, temps, conditions | Travail (qualité et quantité), durée d'emploi | Effort insuffisant, chômage |
Marché du crédit (Unités 10 et 12) | Prêteur Emprunteur |
Taux d'intérêt, conduite du projet (effort, prudence) | Taux d'intérêt | Effort, prudence, remboursement | Trop de risques, contraintes de crédit |
Figure 10.19 Problèmes de type principal–agent : les marchés du crédit et du travail.
Une réponse du prêteur à ce conflit d’intérêts est d’exiger de l’emprunteur qu’il place une partie de sa richesse dans le projet (on parle de capitaux propres). Plus l’emprunteur investit sa propre richesse dans le projet, plus ses intérêts seront étroitement alignés avec ceux du prêteur. Une autre réponse classique, qu’il s’agisse des fermiers de Chambar ou des acheteurs de voitures à la Nouvelle-Orléans, consiste à exiger de l’emprunteur qu’il mette de côté une partie de ses biens qui seront transférés au prêteur si le prêt n’est pas remboursé (c’est ce qu’on appelle un collatéral).
Les capitaux propres, ou le collatéral, réduisent le conflit d’intérêts entre l’emprunteur et le prêteur. La raison est que lorsqu’une partie de l’argent (soit les capitaux propres ou le collatéral) de l’emprunteur est en jeu :
- Son intérêt à travailler dur est plus élevé : il essayera davantage de prendre des décisions prudentes, afin de garantir le succès du projet.
- C’est un signal pour le prêteur : cela indique que l’emprunteur pense que le projet est de qualité suffisante pour réussir.
Il y a cependant un bémol : si l’emprunteur était riche, il pourrait soit utiliser sa richesse en tant que collatéral et capitaux propres dans le projet, ou alors être de l’autre côté du marché, en prêtant de l’argent. Habituellement, l’emprunteur a besoin d’un prêt parce qu’il n’est pas riche. En conséquence, il pourrait être incapable de fournir la quantité nécessaire de capitaux propres ou de collatéraux permettant de réduire suffisamment le conflit d’intérêts et donc le risque encouru par le prêteur, conduisant ce dernier à refuser d’octroyer le prêt.
- rationnement du crédit
- Le processus par lequel ceux qui ont moins de richesses empruntent à des conditions défavorables par rapport à ceux qui possèdent plus de richesses.
- exclu du crédit
- Une description des individus qui ne peuvent pas obtenir de prêt quelles que soient les conditions. Voir également : contraint par le crédit.
- contraint par le crédit
- Une description des individus qui peuvent emprunter uniquement à des conditions défavorables. Voir également : exclu du crédit.
C’est ce qu’on appelle le rationnement du crédit : ceux qui ont moins de richesses empruntent à des conditions défavorables par rapport à ceux qui possèdent plus de richesses, ou se voient refuser tout prêt.
Les emprunteurs dont la richesse limitée rend impossible l’obtention d’un prêt quel que soit le taux d’intérêt sont dits exclus du crédit. Ceux qui empruntent, mais seulement à des conditions défavorables, sont dits contraints par le crédit. On dit parfois de ces deux types de personnes qu’elles sont contraintes par leur richesse, puisque celle-ci limite leurs possibilités sur le marché du crédit. Adam Smith avait en tête le rationnement du crédit lorsqu’il écrivit :
L’argent, dit le proverbe, fait l’argent. Quand on en a un peu, c’est souvent facile d’en obtenir plus. La plus grande difficulté c’est d’en obtenir un peu. (Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, 1776)7
La relation entre richesse et crédit est résumée à la Figure 10.20.

Figure 10.20 Richesse, qualité du projet et crédit.
L’exclusion des marchés du crédit des moins fortunés, ou leur capacité d’emprunt à des conditions défavorables, apparaît évidente au regard des faits suivants :
- Une étude montre qu’une famille américaine sur huit a vu sa demande de crédit rejetée par une institution financière : les actifs de ces familles contraintes par le crédit étaient 63 % moins élevés que ceux des familles non contraintes. Les « emprunteurs découragés » (ceux qui n’ont pas fait de demande pour obtenir un prêt parce qu’ils s’attendaient à ce qu’elle soit rejetée) ont un niveau de richesse encore plus bas que les candidats malheureux.
- Les limites d’emprunt via les cartes de crédit sont souvent augmentées de façon automatique : si l’emprunt augmente en réponse à ces changements automatiques de la limite d’emprunt, on peut conclure que la personne était contrainte par le crédit. Selon les auteurs de cette étude, environ deux tiers des familles américaines sont contraintes par le crédit ou en sont exclues.8
- Hériter conduit les travailleurs indépendants à augmenter considérablement l’échelle de leurs opérations : un héritage d’environ 5 000 £ en 1981 (environ 24 000 $ aujourd’hui) doublait la probabilité pour un jeune Anglais de créer une entreprise.
- La propriété d’une maison peut être utilisée comme collatéral : une hausse de 10 % de la valeur des actifs immobiliers qui pourraient être utilisés comme collatéral pour obtenir des prêts au Royaume-Uni augmente le nombre de start-up de 5 %.
- Aux États-Unis, les personnes ayant peu d’actifs optent souvent pour des « prêts sur salaire » à court terme : dans l’État de l’Illinois, l’emprunteur de court terme est généralement une femme trentenaire ayant un revenu faible (24 104 $ de revenu annuel), vivant dans un logement locatif, empruntant entre 100 $ et 200 $ et payant un taux d’intérêt annuel moyen de 486 %.
- Les agriculteurs indiens pauvres et à revenu intermédiaire pourraient sensiblement accroître leurs revenus s’ils n’étaient pas contraints par le crédit : non seulement, en général, ils sous-investissent dans les actifs productifs, mais surtout la composition des actifs qu’ils détiennent est biaisée en faveur de ceux qu’ils sont en mesure de vendre dans les moments difficiles (bœufs) et en défaveur d’équipements très rentables (pompes d’irrigation), dont le prix de revente est faible.9
Question 10.11 Choisissez la ou les bonnes réponses
Parmi les propositions suivantes, lesquelles sont correctes s’agissant du problème de principal–agent ?
- Un problème de principal–agent existe pour les prêts à cause d’une asymétrie d’information concernant l’effort de l’emprunteur ou la qualité du projet.
- Le problème de principal–agent existe parce qu’il est impossible d’écrire un contrat obligeant à fournir l’effort nécessaire.
- Les capitaux propres impliquent que l’agent a plus à perdre si le projet échoue, ce qui réduit la différence d’incitations entre le principal et l’agent.
- Cela apparait parce que d’autres projets viables ne seront pas financés à cause du problème de principal–agent. En particulier, les agents avec peu d’actifs ou de richesse, qui ne peuvent pas se permettre de fournir des capitaux propres ou un collatéral, seront davantage rationnés par le crédit du fait du problème de principal–agent.
Exercice 10.7 Microfinance et prêt aux pauvres
Lisez l’article “The Microfinance Promise”. 10 La banque Grameen au Bangladesh octroie des prêts à des personnes qui font collectivement des demandes de prêts individuels, sous la condition que les prêts accordés aux membres du groupe seront renouvelés si (et seulement si) chaque membre a remboursé le prêt initial à temps.
Selon vous, comment un tel système affecte la décision de l’emprunteur relative à la façon dont il dépense son argent et au niveau d’effort qu’il fournira pour s’assurer que le remboursement soit possible ?
10.13 Inégalités entre les prêteurs, les emprunteurs et ceux exclus des marchés du crédit
Bien avant les employeurs, les employés et les chômeurs que nous avons étudiés dans l’unité précédente, il y avait les prêteurs et les emprunteurs. Certains des tout premiers registres écrits étaient des registres de dettes. Les différences de revenus entre ceux qui prêtent (les individus comme Marco) et ceux qui empruntent (les individus comme Julia) restent une source d’inégalité économique majeure de nos jours.
Nous pouvons analyser les inégalités entre emprunteurs et prêteurs (et entre emprunteurs) en utilisant la courbe de Lorenz et le coefficient de Gini, que nous avons mobilisés pour étudier les inégalités entre employeurs et employés.
Voici une illustration. Une économie est composée de 90 fermiers qui empruntent auprès de 10 prêteurs et utilisent les fonds pour financer la plantation et l’entretien de leurs cultures. La récolte (en moyenne) est vendue à un montant plus élevé que le prêt du fermier, de telle sorte que, pour chaque euro emprunté et investi, le fermier gagne un revenu de 1 + Π, où Π est appelé le taux de profit.
Après la récolte, les fermiers remboursent leurs prêts avec un intérêt, à un taux i. Nous simplifions l’analyse en admettant que tous les prêts sont remboursés et que tous les prêteurs prêtent la même quantité aux fermiers au même taux d’intérêt.
Puisque chaque euro investi produit une recette totale de 1 + Π, chaque fermier touche un revenu (la recette totale moins les coûts) de Π. Mais ce revenu est divisé entre le prêteur, qui reçoit un revenu i pour chaque euro prêté, et l’emprunteur qui reçoit le reste, c’est-à-dire Π - i. Ainsi, le prêteur reçoit une part de i/Π de la production totale, et l’emprunteur reçoit une part de 1 − (i/Π).
Donc, si i = 0,10 et Π = 0,15, alors la part des prêteurs dans le revenu total est de 2/3 et celle des emprunteurs est de 1/3.
L’inégalité dans cette économie est représentée par la Figure 10.21. Le coefficient de Gini vaut 0,57.
Dans les sections précédentes, nous avons montré pourquoi certains aspirants emprunteurs (ceux qui ne peuvent pas fournir un collatéral ou qui manquent de fonds propres pour financer un projet) peuvent être complètement exclus du marché du crédit, bien qu’ils soient prêts à payer le taux d’intérêt. Comment cela affecte-t-il la courbe de Lorenz et le coefficient de Gini ?
Pour examiner cela, imaginez que 40 des emprunteurs potentiels soient exclus (et puisqu’ils ne peuvent pas emprunter, ils ne reçoivent aucun revenu) et qu’aucun autre paramètre ne change (i et Π restent inchangés).
La courbe en pointillé sur la Figure 10.21 représente la nouvelle situation. Le nouveau coefficient de Gini est 0,70, traduisant une hausse des inégalités suite à l’exclusion des pauvres du marché du crédit.
Question 10.12 Choisissez la ou les bonnes réponses
Dans une économie où la population est de 100, il y a 80 fermiers et 20 prêteurs. Les fermiers utilisent les fonds pour financer la plantation et l’entretien de leurs cultures. Le taux de profit pour la récolte est de 12,5 %, tandis que le taux d’intérêt facturé est de 10 %. Comparez les deux cas suivants :
- Cas A : tous les fermiers ont la possibilité d’emprunter.
- Cas B : seuls 50 fermiers peuvent emprunter.
En vous fondant sur ces informations, laquelle des propositions suivantes est correcte ?
- Les fermiers gardent 12,5 – 10 = 2,5 % du taux de profit de 12,5 %. Cela correspond à une part de 2,5/12,5 = 20 %.
- Le coefficient de Gini pour le cas A est de 0,6.
- Le coefficient de Gini pour le cas B est de 0,7.
- 0,7 est 16,7 % plus élevé que 0,6.
Cet exemple révèle qu’une cause des inégalités dans une économie résulte du fait que certaines personnes (comme Marco) sont dans une position de s’enrichir en prêtant à d’autres, tout comme d’autres (comme Bruno dans l’Unité 5) sont en mesure de s’enrichir en employant d’autres personnes.
Bruno et Marco ne sont probablement pas les personnages les plus appréciés dans l’économie. Pour des raisons similaires, les banques ne sont pas les institutions les plus populaires, ni celles qui inspirent la plus grande confiance. Aux États-Unis, par exemple, 73 % des personnes interrogées avaient indiqué avoir « beaucoup » ou « assez » confiance dans l’armée en 2016, ce qui était très proche du niveau observé dix ans plus tôt. En revanche, en 2016, seulement 27 % faisaient part du même niveau de confiance envers les banques, alors qu’elles étaient 49 % dix ans plus tôt. Des enquêtes montrent qu’en Allemagne, en Espagne et dans beaucoup d’autres pays, le grand public a peu d’estime pour leurs banques. Cela est particulièrement vrai depuis la crise financière de 2008.
On dit parfois que les gens riches prêtent à des conditions qui les rendent riches, alors que les gens pauvres empruntent à des conditions qui les rendent pauvres. Notre exemple concernant Julia et Marco montre clairement que le point de vue que l’on a sur le taux d’intérêt (un coût pour Julia et une source de revenu pour Marco) dépend de sa propre richesse. Les personnes peu aisées subissent des contraintes de crédit, ce qui limite leur capacité à profiter des opportunités d’investissement qui sont offertes à ceux détenant plus d’actifs.
Il est également vrai que, lorsqu’il détermine le taux d’intérêt auquel une personne va emprunter, le prêteur a souvent un pouvoir de négociation supérieur, et peut ainsi fixer un taux lui permettant d’empocher la majeure partie des gains mutuels résultant de la transaction.
Pour autant, est-il vrai que les banques et le système financier rendent certaines personnes pauvres et d’autres riches ? Pour répondre à cette question, comparons les banques à d’autres entreprises qui réalisent des profits. Ces deux types d’entreprises sont détenus par des personnes riches, qui tirent profit des activités économiques avec des personnes plus pauvres. En outre, les transactions incluent souvent des conditions (taux d’intérêt, salaires) qui perpétuent le manque de richesse des emprunteurs et des employés.
Exercice 10.8 Des banques impopulaires
Pourquoi pensez-vous que les banques ont tendance à être plus impopulaires que d’autres entreprises qui réalisent également des profits (comme Honda ou Microsoft, par exemple) ?
Pourtant, même ceux qui n’aiment pas les banques, ne pensent pas que les plus démunis vivraient mieux en leur absence, pas plus qu’ils ne pensent que ces derniers vivraient mieux si les entreprises cessaient d’employer de la main-d’œuvre. Les banques, le crédit et la monnaie sont essentiels au fonctionnement d’une économie moderne – y compris aux opportunités économiques des plus démunis – parce qu’ils offrent des opportunités de gains mutuels qui existent lorsque des personnes peuvent tirer profit d’un transfert de leur pouvoir d’achat d’une période vers une autre, soit en empruntant (c’est-à-dire en le déplaçant vers le présent), soit en prêtant (l’inverse).
Exercice 10.9 Limites au prêt
De nombreux pays ont mis en place des mesures limitant les taux d’intérêt qu’un prêteur peut demander.
- Pensez-vous que ces mesures soient une bonne idée ?
- Qui sont ceux qui bénéficient de ces régulations, qui sont ceux qui y perdent ?
- À long terme, quels sont les effets probables de ces mesures ?
- Comparez cette façon d’aider les plus démunis à accéder au marché du crédit avec la Grameen Bank à l’Exercice 10.7.
10.14 Conclusion
Comme la fermeture des banques irlandaises l’avait montré, la monnaie et le crédit sont si importants pour les interactions économiques que les individus trouvent des moyens pour recréer de la monnaie, même lorsque les institutions formelles font défaut. En effet, des archéologues ont découvert l’existence de prêts et l’usage de la monnaie pour libeller des dettes et faciliter les échanges bien avant l’existence des banques et des États. Cela s’explique par le fait que des gains mutuels conséquents sont rendus possibles quand un groupe de personnes développe une confiance suffisante entre elles et pour un certain moyen d’échange.
Dans les économies modernes, la création de monnaie est inextricablement liée à la création de crédit, ou au processus de prêt par les banques commerciales dont les actions sont régulées par l’État et gérées par la banque centrale. Les activités d’emprunt et de prêt permettent aux individus de lisser leur consommation quand ils ont des revenus irréguliers, pour satisfaire leur impatience, ou pour financer des investissements qui peuvent augmenter leurs possibilités de consommation future. Le marché du crédit produit des gains mutuels pour les emprunteurs et les prêteurs mais, comme de nombreuses transactions économiques, la distribution de ces gains via le taux d’intérêt représente un conflit d’intérêts.
Concepts introduits dans l’Unité 10
Avant de continuer, revoyez ces définitions :
- Monnaie, monnaie au sens large, base monétaire, monnaie bancaire
- Richesse
- Revenu
- Rendements marginaux décroissants de la consommation
- Taux d’actualisation d’un individu
- Impatience pure
- Collatéral
- Bilan, actif, passif, valeur nette, capitaux propres, solvabilité
- Ratio de levier
- Contraint par le crédit, exclu du crédit
- Taux d’intérêt directeur de la banque centrale
10.15 Références bibliographiques
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- Carlin, Wendy and David Soskice. 2015. Macroeconomics: Institutions, Instability, and the Financial System. Oxford: Oxford University Press. Chapters 5 and 6.
- Graeber, David. 2012. ‘The Myth of Barter’. In Debt: The First 5,000 years. Brooklyn, NY: Melville House Publishing.
- Gross, David, and Nicholas Souleles. 2002. ‘Do Liquidity Constraints and Interest Rates Matter for Consumer Behavior? Evidence from Credit Card Data’. The Quarterly Journal of Economics 117 (1) (February): pp. 149–185.
- Martin, Felix. 2013. Money: The Unauthorised Biography. London: The Bodley Head.
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- The Economist. 2012. ‘The Fear Factor’. Updated 2 June 2012.
-
Irfan Aleem. 1990. ‘Imperfect information, screening, and the costs of informal lending: A study of a rural credit market in Pakistan’.. The World Bank Economic Review 4 (3): pp. 329–349. ↩
-
Jessica Silver-Greenberg. 2014. ‘New York Prosecutors Charge Payday Loan Firms with Usury’.. DealBook. ↩
-
Felix Martin. 2013. Money: The Unauthorised Biography. London: The Bodley Head. ↩
-
Antoin E. Murphy. 1978. ‘Money in an Economy without Banks: The Case of Ireland’. The Manchester School 46 (1) (Mars): pp. 41–50. ↩
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Jonathan Morduch. 1999. ‘The Microfinance Promise’. Journal of Economic Literature 37 (4) (Décembre): pp. 1569–1614. ↩
-
David Graeber. 2012. ‘The Myth of Barter’. Debt: The First 5,000 years. Brooklyn, NY: Melville House Publishing. ↩
-
Adam Smith, ‘Of the Profits of Stock.’ In An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations, 1776. ↩
-
David Gross and Nicholas Souleles. 2002. ‘Do Liquidity Constraints and Interest Rates Matter for Consumer Behavior? Evidence from Credit Card Data’. The Quarterly Journal of Economics 117 (1) (February): pp. 149–185. ↩
-
Samuel Bowles. 2006. Microeconomics: Behavior, Institutions, and Evolution (the Roundtable Series in Behavioral Economics). Princeton, NJ: Princeton University Press. ↩
-
Morduch, Jonathan. 1999. ‘The Microfinance Promise.’ Journal of Economic Literature 37 (4) (December): pp. 1569–1614. ↩