Tunnel pour tuyaux de chaleur à Copenhague : Bill Ebbesen, https://goo.gl/dYuIr7, sous licence CC BY 3.0

Unité 14 Chômage et politique budgétaire

Comment les États peuvent atténuer les coûteuses fluctuations de l’emploi et du revenu.

  • Les fluctuations de la demande agrégée (ou globale) ont une incidence sur le PIB à travers un mécanisme multiplicateur, car les ménages ont des capacités limitées d’épargne, d’emprunt et de partage des risques.
  • L’augmentation de la taille du secteur public après la Seconde Guerre mondiale est allée de pair avec des fluctuations économiques de plus faible ampleur.
  • Les gouvernements peuvent avoir recours à la politique budgétaire pour stabiliser l’économie, mais de mauvaises politiques peuvent au contraire la déstabiliser.
  • Lorsqu’un seul ménage épargne, sa richesse augmente nécessairement, mais si tous les ménages épargnent, cette affirmation peut ne pas se vérifier, car sans dépenses supplémentaires de l’État ou des entreprises pour contrebalancer la baisse de la demande, le revenu global baissera.
  • Chaque économie nationale est intégrée dans l’économie mondiale. C’est une source de chocs, qui peuvent être favorables comme défavorables, et cela impose des restrictions sur les types de politiques publiques qui peuvent être efficaces.

En août 1960, trois mois avant d’être élu président des États-Unis, le sénateur John F. Kennedy, alors âgé de 43 ans, trouva le temps de passer la journée dans la baie de Nantucket à bord de son bateau, le Marlin. Son équipage du jour comprenait John Kenneth Galbraith et Seymour Harris, économistes à Harvard, et Paul Samuelson, économiste au MIT et futur prix Nobel. Ils n’avaient pas été recrutés pour leurs compétences nautiques. En réalité, mis à part Harris, le sénateur ne les connaissait pas.

Le futur président voulait apprendre « la nouvelle économie » que John Maynard Keynes, un économiste que nous découvrirons plus en détail dans la Section 14.6, avait théorisée en réponse à la Grande Dépression. Kennedy était adolescent durant la décennie précédant la Seconde Guerre mondiale, lorsque les États-Unis et de nombreux autres pays du monde connurent une chute drastique de leur production (pour les États-Unis, nous pouvons le voir sur la Figure 14.1), ainsi qu’un chômage massif qui persista pendant plus de dix ans.

Kennedy avait beaucoup à apprendre. Il admettait volontiers qu’il avait validé de justesse le seul cours d’économie qu’il eût suivi à Harvard. Plus tard, à l’occasion des courses à la voile de la Coupe de l’America, il passa une journée avec Harris à recevoir une leçon particulière, et celui-ci lui donna des textes à lire. Harris continua par la suite à donner des cours particuliers au sénateur, faisant la navette en avion entre Boston, où il travaillait, et Washington DC.

En 1948, Samuelson avait écrit Économie, le premier manuel majeur développant ces nouvelles idées. Harris défendait les mêmes idées économiques dans un livre qu’il édita en 1948, un recueil de 31 essais de 24 contributeurs, intitulé Saving American Capitalism. Il semblait à l’époque que le capitalisme avait besoin d’être sauvé : les économies planifiées de l’Union soviétique et de ses alliés, un modèle présenté comme une alternative au capitalisme, étaient parvenues à éviter complètement la Grande Dépression. Kennedy avait besoin des sciences économiques pour comprendre les politiques publiques susceptibles de promouvoir la croissance économique, réduire le chômage, mais aussi éviter l’instabilité économique.

Nous avons vu dans l’Unité 13 que l’instabilité de l’ensemble de l’économie est caractéristique non seulement des économies essentiellement agricoles, mais aussi des économies capitalistes. La Figure 14.1 représente la croissance annuelle du PIB réel de l’économie américaine depuis 1870.

Fluctuations de la production et taille du secteur public aux États-Unis (1870–2015)
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Figure 14.1 Fluctuations de la production et taille du secteur public aux États-Unis (1870–2015).

The Maddison Project. 2013. Version 2013; US Bureau of Economic Analysis. 2016. GDP & Personal Income; Banque Mondiale; Wallis, John Joseph. 2000. ‘American Government Finance in the Long Run: 1790 to 1990.’ Journal of Economic Perspectives 14 (1) (February): pp. 61–82.

L’amplitude des cycles économiques a diminué de façon considérable après la fin de la Seconde Guerre mondiale. La Figure 14.1 illustre une autre évolution importante à cette période : le rôle grandissant de l’État dans l’économie. La série rouge indique la part des recettes fiscales au niveau fédéral (national), local et étatique dans le PIB américain. C’est une bonne mesure de la taille du secteur public dans l’économie.

La part de l’emploi dans le secteur agricole, dont nous avons vu que c’était l’une des causes de la volatilité de l’économie, est passée de 50 % dans les années 1870 à 20 % au début de la Seconde Guerre mondiale. Il n’y avait cependant aucun signe de stabilisation de l’économie au cours de cette période. Comme nous l’avons vu, les ménages tentent de lisser leur consommation mais n’y parviennent pas toujours, du fait, en partie, de leur capacité à emprunter limitée.

Le fait que les fluctuations de la croissance de la production se soient réduites de façon spectaculaire à mesure que la taille du secteur public augmentait ne signifie pas que l’augmentation de la dépense publique a stabilisé l’économie (rappelez-vous : les corrélations statistiques ne signifient pas la causalité). Il y a cependant de bonnes raisons de penser que la croissance de la série rouge expliquait une partie du lissage de la série en noir. Dans cette unité, nous nous demandons pourquoi le rôle croissant de l’État dans l’économie contribue en partie à expliquer la stabilisation de l’économie dans la seconde partie du 20e siècle.

Ce qu’Harris enseignait à Kennedy était influencé par le contraste entre la volatilité de l’économie avant la Seconde Guerre mondiale et la croissance plus stable, sans récession profonde, qui suivit. Pourquoi les économies connaissent-elles le chômage, l’inflation et l’instabilité de la production, et quelles sont les politiques publiques qui pourraient résoudre ces problèmes ?

Grande Modération
Période de faible volatilité de la production globale dans les économies avancées entre les années 1980 et la crise financière de 2008. Le terme fut suggéré par les économistes James Stock et Mark Watson et popularisé par Ben Bernanke, alors président de la Fed.

Dans l’Unité 13, nous avons adopté le point de vue des ménages quand nous considérions le cycle économique, ce qui nous a permis d’établir que les fluctuations en matière d’emploi et de revenu sont coûteuses, et également de voir comment les ménages essayent d’en limiter les conséquences pour leur bien-être. Dans cette unité, nous adoptons le point de vue du décideur public. Comme nous l’avons vu avec la Figure 14.1, l’augmentation importante de la taille du secteur public après la Seconde Guerre mondiale s’est accompagnée d’une réduction de l’amplitude des fluctuations du cycle économique. Après 1990, le lissage du cycle économique des économies avancées s’est même accentué, jusqu’à la crise financière mondiale de 2008. C’est pourquoi la période allant du début des années 1990 à la fin des années 2000 a été qualifiée de Grande Modération.

14.1 La transmission des chocs : le mécanisme du multiplicateur

Dans une économie capitaliste, les dépenses d’investissement privé dépendent des attentes en matière de profits futurs après impôts. Comme nous l’avons vu dans l’Unité 13, les dépenses liées à des projets d’investissement arrivent généralement par grappe. Deux raisons expliquent cela :

  • les entreprises peuvent adopter une même nouvelle technologie en même temps ;
  • les entreprises peuvent avoir les mêmes croyances concernant la demande future.

Nous avons besoin d’un outil qui nous permette de comprendre comment les décisions des entreprises (et des ménages) d’augmenter ou baisser les dépenses d’investissement affecteront l’économie dans son ensemble. Souvenez-vous que certains ménages sont capables de lisser complètement les chocs temporaires sur leur revenu, alors que, pour les ménages contraints par le crédit, l’augmentation du revenu à la suite de l’obtention d’un emploi ou le passage d’un temps partiel à un temps plein entraînera également une augmentation des dépenses de consommation.

demande agrégée (ou globale)
Le total des différentes composantes de la dépense dans l’économie, additionnés pour donner le PIB : Y = C + I + G + XM. Cela représente la somme totale de la demande (ou de la dépense) en biens et services produits dans l’économie. Voir également : consommation, investissement, dépense publique, exportations, importations.

En conséquence, des changements du revenu actuel auront une incidence sur les dépenses, ce qui a pour effet de modifier le revenu des autres, d’où une amplification par des effets indirects à travers l’économie de l’effet direct d’un choc sur la demande globale (souvent abrégée DG ou DA pour demande agrégée) causé par une augmentation rapide de l’investissement.

Nous montrerons comment les économistes répondent à des questions telles que « quelle serait l’ampleur de l’impact total direct et indirect d’une augmentation des dépenses d’investissement ? » ou « quel serait l’effet d’une baisse des dépenses publiques ? ».

Une statistique appelée le multiplicateur offre une réponse à ces questions. Imaginez qu’une nouvelle technologie soit développée. Il en résulte de nouvelles dépenses dans l’économie ; la production de nouveaux biens d’équipement augmente, tout comme les revenus des personnes qui les produisent. Le flux circulaire de la dépense, du revenu et de la production décrit précédemment dans la Figure 13.6 illustre ce mécanisme.

  • Si l’augmentation totale du PIB est égale à l’augmentation initiale des dépenses : nous disons que le multiplicateur est égal à 1.
  • Si l’augmentation totale du PIB est plus (moins) importante que l’augmentation initiale des dépenses : nous disons que le multiplicateur est supérieur (inférieur) à 1.
mécanisme du multiplicateur
Un mécanisme à travers lequel l’effet direct et indirect d’une variation de la dépense autonome affecte la production agrégée (ou globale). Voir également : multiplicateur budgétaire, modèle du multiplicateur.
fonction de consommation (agrégée ou globale)
Une équation qui montre comment les dépenses de consommation dans l’économie entière dépendent d’autres variables. Par exemple, dans le modèle du multiplicateur, les autres variables sont le revenu disponible courant et la consommation autonome. Voir également : revenu disponible, consommation autonome.

Pour comprendre pourquoi le PIB pourrait augmenter d’un montant supérieur à l’augmentation initiale des dépenses d’investissement, il nous faut expliquer ce que les économistes appellent l’effet multiplicateur. Pour ce faire, nous combinons les comportements très différents des ménages qui lissent leur consommation et de ceux qui ne le font pas pour représenter la dépense de consommation de l’économie dans son ensemble. Dans cette fonction de consommation globale (ou agrégée), la consommation dépend du revenu courant, entre autres choses. Souvenez-vous que dans le modèle de l’Unité 13, en réponse à une augmentation temporaire de 1 € de leur revenu, les ménages qui lissent leur consommation augmenteront leur consommation d’un montant moindre, voire ne l’augmenteront pas du tout. En revanche, les ménages contraints par le crédit et ceux qui ne lissent pas augmenteront leur consommation actuelle de 1 € en réponse à une hausse temporaire de 1 € de leur revenu.

En 2008, quand les gouvernements envisageaient des augmentations temporaires des dépenses publiques et des baisses d’impôts en réponse à la récession qui suivit la crise financière mondiale, la valeur du multiplicateur fit l’objet d’un débat parmi les décideurs publics et les économistes. Nous reviendrons à ce débat plus tard dans l’unité.

Comme nous allons le voir, le multiplicateur est supérieur à 1 si la dépense de consommation supplémentaire résultant d’une augmentation temporaire du revenu de 1 € est supérieure à zéro, mais inférieure à 1 € (disons, par exemple, 60 centimes).

Après avoir expliqué en quoi il s’agit d’une conséquence du mécanisme multiplicateur, nous montrerons que la validité des hypothèses que nous posons dans le modèle du multiplicateur dépend de l’état de l’économie.

14.2 Le modèle du multiplicateur

consommation (C)
Dépense dans des biens de consommation incluant des biens et services de courte durée ainsi que des biens et services de longue durée que l’on appelle biens durables.
investissement (I)
Dépense dans des biens d’équipement nouvellement produits (machines et équipements) et dans des bâtiments, y compris de nouveaux logements.

Nous commençons par un modèle simple qui exclut l’État et le commerce international. Dans ce modèle, il y a deux types de dépenses :

  • consommation ;
  • investissement.

Nous supposons que la dépense de consommation agrégée a deux composantes :

  • un montant fixe : combien les gens vont dépenser, indépendamment de leur revenu. Ce montant fixe, également appelé consommation autonome, est représenté par c0 sur l’axe des ordonnées de la Figure 14.2 ;
  • un montant variable : il dépend du revenu courant et est représenté par la droite croissante rouge sur la Figure 14.2.
consommation autonome
Consommation qui est indépendante du revenu courant.

Ainsi, nous pouvons écrire la dépense de consommation sous la forme d’une équation, que nous appelons fonction de consommation agrégée :

propension marginale à consommer (PmC)
La variation de la consommation quand le revenu disponible varie d’une unité.

Le terme c1 donne l’effet d’une unité supplémentaire de revenu sur la consommation. Il s’agit de la propension marginale à consommer (PmC). Sur la Figure 14.2, la pente de la droite de consommation est égale à la propension marginale à consommer. Une droite de consommation plus pentue indique une consommation plus importante en réponse à un changement de revenu. Une droite plus plate indique que les ménages lissent leur consommation qui, de ce fait, ne varie pas beaucoup lorsque leurs revenus changent. Nous supposons que la propension marginale à consommer est positive, mais inférieure à 1. Cela signifie que seule une partie d’une augmentation de revenu est consommée, le reste est épargné.

La fonction de consommation agrégée.
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Figure 14.2 La fonction de consommation agrégée.

Consommation autonome
: C’est le montant fixe que les ménages dépenseront et qui ne dépend pas du niveau courant de revenu.
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Consommation autonome

C’est le montant fixe que les ménages dépenseront et qui ne dépend pas du niveau courant de revenu.

La consommation qui dépend du revenu
: La droite croissante reflète la part de la consommation qui dépend du revenu courant (et donc du niveau courant de production).
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La consommation qui dépend du revenu

La droite croissante reflète la part de la consommation qui dépend du revenu courant (et donc du niveau courant de production).

Propension marginale à consommer
: La pente de la droite de consommation est égale à la propension marginale à consommer.
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Propension marginale à consommer

La pente de la droite de consommation est égale à la propension marginale à consommer.

Nous travaillerons avec une fonction de consommation agrégée pour laquelle la propension marginale à consommer, c1, est égale à 0,6. Cela signifie qu’une unité de revenu supplémentaire (ici des euros) augmente la consommation de 1 € × 0,6 = 60 centimes.

Naturellement, cette moyenne cache une forte hétérogénéité entre les ménages, dont le niveau de richesse et les contraintes de crédit sont différents. La plupart des ménages sont modestes, et même dans les pays riches, près d’un quart d’entre eux font face à des contraintes de crédit. Comme nous l’avons vu dans l’Unité 13, le manque de volonté joue également un rôle. Ainsi, pour les ménages contraints par le crédit comme pour ceux qui n’épargnent pas suffisamment avant des baisses prévues du revenu, la consommation suit de près le revenu.

Les ménages disposant de peu de ressources lissent très peu leur consommation lorsque leur revenu baisse substantiellement. La propension marginale à consommer de ce groupe est plus proche de 0,8. Pour la petite fraction de ménages qui détiennent la majorité des ressources, le revenu courant, en revanche, ne détermine que très faiblement la consommation, et leur propension marginale à consommer est plus proche de 0. Cela signifie que pour les ménages riches, une augmentation du revenu courant de 1 € augmenterait leur consommation de quelques centimes seulement.

Le terme c0 dans la fonction de consommation agrégée capture tous les autres déterminants de la consommation qui ne sont pas liés au revenu courant. Littéralement, comme nous l’avons vu, cela désigne le niveau de consommation d’une personne sans revenu, mais ce n’est pas la meilleure façon de l’interpréter. Il s’agit simplement de la part de la consommation qui est indépendante du revenu, et c’est pour cette raison que nous l’appelons consommation autonome.

Puisque seul le revenu courant est explicitement inclus dans la fonction de consommation, les anticipations sur le revenu futur seront incluses dans la consommation autonome. Pour comprendre ce que cela signifie en pratique, rappelez-vous que, d’après l’Unité 13, la consommation changera lorsque les personnes deviennent plus ou moins optimistes quant à leur emploi futur et leurs perspectives de salaire.

La Figure 14.3 illustre la façon dont les anticipations ont eu une incidence sur la consommation durant la crise financière de 2008 et souligne le caractère exceptionnel de cet épisode. Le graphique montre comment la confiance des consommateurs a varié aux États-Unis durant la crise. L’indice de confiance des consommateurs que nous avons utilisé est tiré des enquêtes auprès des consommateurs menées par l’Université du Michigan. Cet indice s’appuie sur des entretiens mensuels avec 500 ménages au cours desquels ils sont interrogés sur leurs attentes quant à leur situation financière et l’économie en général à court et long terme. Le graphique présente également l’évolution de quelques indicateurs macroéconomiques clés : le revenu disponible, la consommation de biens durables, comme les voitures et le mobilier de maison, et la consommation de biens non durables, comme la nourriture. Toutes les séries de la Figure 14.3 sont présentées sous forme d’indices, avec le premier trimestre de 2008 servant de base.

Craintes et consommation des ménages aux États-Unis pendant la crise financière (T1 2008–T4 2009)
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Figure 14.3 Craintes et consommation des ménages aux États-Unis pendant la crise financière (T1 2008–T4 2009).

Federal Reserve Bank of St. Louis. 2015. FRED.

On remarque que :

  • La baisse de la consommation de biens non durables est légèrement supérieure à celle du revenu disponible : elle a baissé de 3 % au cours de la période considérée. Contrairement aux prédictions du lissage de la consommation, les ménages étaient suffisamment inquiets pour leur avenir pour ajuster leurs dépenses en biens non durables.
  • La chute de la consommation des biens durables est bien plus considérable que celle du revenu disponible : elle a baissé de 10 % la première année.

Comment expliquer cette baisse soudaine de la consommation de biens durables ? Une explication importante est que les ménages ont soudain pris peur pour l’avenir de leurs emplois, comme l’indique la baisse brutale de l’indice de confiance des consommateurs de la Figure 14.3. L’effondrement de la banque d’investissement Lehman Brothers en septembre 2008, les inquiétudes à propos de la stabilité du système bancaire et un poids plus élevé de l’endettement des ménages causé par la baisse des prix de l’immobilier ont poussé les ménages à reporter à plus tard leurs achats de biens onéreux, comme les voitures et les réfrigérateurs. Il est important de garder à l’esprit que la consommation de biens durables peut facilement être reportée. En ce sens, il s’agit plus d’une décision d’investissement que d’une décision de consommation (bien que les biens durables soient comptabilisés en consommation dans les comptes nationaux). En conséquence, on s’attendrait à ce que la série sur la consommation de biens durables soit plus volatile que celle pour les biens non durables.

Nous montrons maintenant comment un choc se répand dans l’économie. Sur la Figure 14.4, nous représentons la quantité produite par l’économie (sur l’axe des abscisses) et la demande de biens (sur l’axe des ordonnées). Tout est mesuré en termes réels, car ce qui nous intéresse ici, ce sont les conséquences d’une variation de la demande agrégée sur la production et l’emploi.

Équilibre sur le marché des biens : le graphique du multiplicateur.
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Figure 14.4 Équilibre sur le marché des biens : le graphique du multiplicateur.

Équilibre sur le marché des biens
: Le point A est appelé un équilibre sur le marché des biens : l’économie continuera à produire à ce niveau de production, à moins que quelque chose ne modifie les comportements en termes de dépense.
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Équilibre sur le marché des biens

Le point A est appelé un équilibre sur le marché des biens : l’économie continuera à produire à ce niveau de production, à moins que quelque chose ne modifie les comportements en termes de dépense.

La première bissectrice
: La droite à 45 degrés passant par l’origine montre toutes les combinaisons pour lesquelles la production est égale à la demande agrégée, ce qui signifie que l’économie est en situation d’équilibre sur le marché des biens.
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La première bissectrice

La droite à 45 degrés passant par l’origine montre toutes les combinaisons pour lesquelles la production est égale à la demande agrégée, ce qui signifie que l’économie est en situation d’équilibre sur le marché des biens.

Consommation
: La première composante de la demande agrégée est la consommation, qui est représentée par la droite de consommation introduite dans la Figure 14.2.
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Consommation

La première composante de la demande agrégée est la consommation, qui est représentée par la droite de consommation introduite dans la Figure 14.2.

Investissement
: Ajouter l’investissement à la droite de consommation revient à un déplacement parallèle vers le haut.
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Investissement

Ajouter l’investissement à la droite de consommation revient à un déplacement parallèle vers le haut.

La droite à 45 degrés indique toutes les combinaisons pour lesquelles la production est égale à la demande agrégée. Cela correspond au flux circulaire dont nous avons parlé dans l’Unité 13, où nous avons vu que les dépenses en biens et services dans l’économie (demande agrégée ou globale) sont égales à la production de biens et services de l’économie (production agrégée). Vous le voyez bien car avec une droite à 45 degrés, l’abscisse (production) est égale à l’ordonnée (demande agrégée). On peut donc dire que :

Mais comment sait-on où se trouve l’économie sur la droite à 45 degrés ? Est-elle dans une situation de faible production, qui signifierait un chômage élevé, ou dans une situation de production élevée, qui signifierait un chômage faible ?

équilibre sur le marché des biens
Le point où la production égalise la demande globale pour les biens produits dans l’économie domestique. L’économie continuera à produire ce niveau de production à moins qu’un événement ne modifie le comportement en termes de dépenses. Voir également : demande agrégée (ou globale).
taux d’utilisation des capacités
Dans quelle mesure une entreprise, une industrie ou même une économie entière parviennent à produire autant que leurs biens d’équipement et le savoir actuel le leur permettraient.

Nous déterminons cette position en analysant les composantes individuelles de la demande agrégée. Nous faisons l’hypothèse que les entreprises sont disposées à offrir n’importe quelle quantité de biens demandée par ceux qui effectuent des achats dans l’économie ; elles n’opèrent pas à pleine utilisation de leurs capacités. Comme nous avons supposé qu’il n’y a pas de dépenses publiques ni de commerce avec d’autres économies, il y a seulement deux composantes de la demande globale dans ce modèle :

  • consommation : nous prenons la droite de consommation introduite dans la Figure 14.2. Puisque la propension marginale à consommer est inférieure à 1, la droite de consommation est moins pentue que la droite à 45 degrés, dont la pente vaut 1 ;
  • investissement : nous faisons l’hypothèse que l’investissement ne dépend pas du niveau de production.

L’équation de demande agrégée s’écrit donc :

Ajouter l’investissement à la droite de consommation ne fait que déplacer cette dernière de manière parallèle, vers le haut. À cet égard, l’investissement est similaire à la consommation autonome. Nous pouvons voir à partir de la Figure 14.4, que la droite de la demande agrégée a comme ordonnée à l’origine c0I, une pente de c1, et est plus plate que la droite à 45 degrés.

La Figure 14.4 nous montre ainsi comment est déterminé le niveau de production de l’économie. La production est égale à la demande agrégée (droite à 45 degrés), et la demande agrégée est égale à c0c1YI (la moins pentue des deux droites), donc l’économie doit être au point A, à l’intersection des deux droites.

Ce même graphique nous indique l’effet d’un changement de la consommation autonome (c0) ou de l’investissement. Nous étudions ces changements exactement de la même façon dont nous avons analysé les changements d’offre et de demande dans l’Unité 11 : nous étudions comment à cause de ce changement, la situation précédente n’est plus un équilibre, puis nous identifions le nouvel équilibre. Le changement attendu est le mouvement de l’ancien vers le nouvel équilibre.

Les changements de la consommation autonome ou de l’investissement déplacent l’ancien équilibre parce qu’ils modifient la demande agrégée, ce qui modifie le niveau de production et d’emploi. Dans la Figure 14.5, nous reprenons le diagramme du multiplicateur et réduisons l’investissement. Nous choisissons une réduction de l’investissement de 1,5 milliard d’euros. Suivez les étapes de la Figure 14.5 pour voir ce qu’il se passe.

Le multiplicateur en action : récession causée par l’investissement.
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Figure 14.5 Le multiplicateur en action : récession causée par l’investissement.

Équilibre du marché des biens
: L’économie commence au point A, à l’équilibre sur le marché des biens.
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Équilibre du marché des biens

L’économie commence au point A, à l’équilibre sur le marché des biens.

Baisse de l’investissement
: La baisse de l’investissement réduit la demande agrégée de 1,5 milliard d’euros, et l’économie se déplace vers le bas, passant du point A au point B.
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Baisse de l’investissement

La baisse de l’investissement réduit la demande agrégée de 1,5 milliard d’euros, et l’économie se déplace vers le bas, passant du point A au point B.

Les entreprises réduisent la production et l’emploi
: Avec une demande plus faible, les entreprises réduisent la production et l’emploi. Avec des niveaux de production et d’emploi plus faibles, les revenus baissent de 1,5 milliard d’euros. Il s’agit du mouvement de B vers C.
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Les entreprises réduisent la production et l’emploi

Avec une demande plus faible, les entreprises réduisent la production et l’emploi. Avec des niveaux de production et d’emploi plus faibles, les revenus baissent de 1,5 milliard d’euros. Il s’agit du mouvement de B vers C.

Une baisse de la consommation
: Une fois que les revenus des ménages baissent, ceux-ci réduisent leur consommation, car ils peuvent être contraints par le crédit. L’équation de consommation nous dit que ce type de comportement mène initialement à une baisse de la consommation agrégée de 0,6 fois la chute du revenu. Il s’agit de la distance entre les points C et D.
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Une baisse de la consommation

Une fois que les revenus des ménages baissent, ils réduisent leur consommation, car ils peuvent être contraints par le crédit. L’équation de consommation nous dit que ce type de comportement mène initialement à une baisse de la consommation agrégée de 0,6 fois la chute du revenu. Il s’agit de la distance entre les points C et D.

Les entreprises réduisent à nouveau la production
: Les entreprises répondent en réduisant la production, le niveau de production chute et l’économie se déplace du point D vers le point E.
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Les entreprises réduisent à nouveau la production

Les entreprises répondent en réduisant la production, le niveau de production chute et l’économie se déplace du point D vers le point E.

… et ainsi de suite
: Le processus continuera jusqu’à ce que l’économie atteigne le point Z.
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… et ainsi de suite

Le processus continuera jusqu’à ce que l’économie atteigne le point Z.

La nouvelle droite de demande agrégée
: Elle passe par le point Z et correspond au nouvel équilibre sur le marché des biens de l’économie après le choc sur l’investissement.
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La nouvelle droite de demande agrégée

Elle passe par le point Z et correspond au nouvel équilibre sur le marché des biens de l’économie après le choc sur l’investissement.

La baisse de la production causée par le choc
: La baisse totale de la production excède la taille initiale du déclin de l’investissement ; la production a baissé de 3,75 milliards d’euros.
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La baisse de la production causée par le choc

La baisse totale de la production excède la taille initiale du déclin de l’investissement ; la production a baissé de 3,75 milliards d’euros.

Le multiplicateur est égal à 2,5
: Le changement total de la production est 2,5 fois plus important que le changement initial du niveau d’investissement.
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Le multiplicateur est égal à 2,5

Le changement total de la production est 2,5 fois plus important que le changement initial du niveau d’investissement.

Nous représentons l’effet d’une baisse de l’investissement sur l’économie dans la Figure 14.5. Dans un premier temps, la baisse de l’investissement réduit la demande agrégée de 1,5 milliard d’euros. Mais la dépense plus faible implique également une production et des revenus plus faibles, de sorte que les entreprises licencieront des travailleurs, ce qui mènera à une nouvelle baisse des dépenses. Songez aux ménages contraints par le crédit, dont certains membres perdent leur travail : ils aimeraient maintenir leur consommation à un niveau stable, mais quand leur revenu diminue, ils ne peuvent pas emprunter suffisamment pour maintenir leur niveau de consommation et, de ce fait, ils réduisent leurs dépenses, ce qui mène à une nouvelle réduction de la production et des revenus. L’équation de la consommation nous indique que ce type de comportement mène à une baisse de la consommation agrégée valant 0,6 fois la baisse du revenu. Ce processus se poursuit jusqu’à ce que l’économie atteigne le point Z.

Suite au choc sur l’investissement, l’ordonnée à l’origine de la droite a baissé de 1,5 milliard d’euros, entraînant un déplacement parallèle de la droite de demande agrégée. La production a chuté de 3,75 milliards d’euros, plus que la baisse d’investissement de 1,5 milliard d’euros : c’est l’effet multiplicateur.

Ici, le multiplicateur est égal à 2,5, car la variation totale de la production est 2,5 fois plus importante que la variation initiale de l’investissement. Un multiplicateur de 2,5 est trop important pour être réaliste. Comme nous le verrons dans la section suivante, une fois que l’on introduit les taxes et les importations dans le modèle, le multiplicateur diminue.

modèle du multiplicateur
Un modèle de la demande agrégée qui inclut le mécanisme du multiplicateur. Voir également : multiplicateur budgétaire, mécanisme du multiplicateur.

Nous appelons le modèle de demande agrégée qui inclut l’effet multiplicateur, le modèle du multiplicateur. En voici un résumé :

  • Une baisse de la demande conduit à une baisse de la production et à une baisse équivalente du revenu : cela conduit à une nouvelle baisse (moins importante) de la demande, qui provoque à son tour une nouvelle baisse de la production, et ainsi de suite.
  • Le multiplicateur est la somme de toutes ces baisses successives de la production : à la fin, la production aura baissé d’un montant plus élevé que le déplacement initial de la demande. La production est un multiple du déplacement initial.
  • La production s’ajuste à la demande : les entreprises produisent la quantité de biens demandée au prix en vigueur. Quand la demande décroît, les entreprises ajustent leur production à la baisse. Le modèle suppose qu’elles n’ajustent pas leurs prix.

Notez que dans l’économie étudiée, nous supposons qu’il y a des ressources sous-utilisées qui prennent la forme de capacités de production de réserve et de main-d’œuvre sous-employée. Nous supposons également que les salaires ne sont pas touchés par les changements du niveau de production. Pour que l’effet multiplicateur fonctionne de la même manière lorsque l’investissement augmente, l’hypothèse d’une capacité de production inutilisée et de salaires fixes signifie que les coûts n’augmenteront pas quand la production augmentera, et donc que les entreprises seront prêtes à fournir la production supplémentaire demandée sans ajuster les prix. Autrement, une partie de l’augmentation des dépenses se traduirait par des prix ou salaires plus élevés, plutôt que par une production réelle plus élevée – ce dont l’on parlera dans la prochaine unité.

Si l’économie n’était pas caractérisée par des capacités de réserve et des salaires constants, le multiplicateur serait plus petit que celui mesuré ici.

On peut également montrer l’effet sur la production en combinant les deux équations qui déterminent les droites du graphique du multiplicateur. La droite à 45 degrés est simplement l’équation Y = DA. En la combinant avec l’équation de DA, cela donne :

En réarrangeant,

Nous divisons ensuite par (1 − c1) :

demande autonome
Composantes de la demande globale qui sont indépendantes du revenu courant.

Nous pouvons maintenant calculer l’augmentation ou la diminution de la production à partir de la valeur du multiplicateur, multipliée par le changement de la demande autonome.

Découvrez une autre façon de synthétiser de façon algébrique nos résultats obtenus grâce au diagramme dans la rubrique Einstein à la fin de cette section.

Le changement de la production dans la Figure 14.5 est 2,5 fois plus important que le choc initial sur l’investissement, ce qui signifie que le choc a été amplifié. En algèbre, nous écrivons que ΔYkΔI, et on dit que « delta Y (la variation de la production) est égale à k, le multiplicateur, fois delta I (la variation de l’investissement) ».

Question 14.1 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 14.2 représente la fonction de consommation d’une économie, où C est la dépense de consommation agrégée et Y est le revenu actuel de l’économie.

En vous appuyant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • La propension marginale à consommer (PmC) est la proportion du revenu actuel dépensée en consommation, C/Y.
  • La PmC est donnée par l’ordonnée à l’origine de la droite.
  • La PmC est normalement inférieure à 1 étant donné que certains ménages sont capables de lisser leur consommation.
  • Si le revenu actuel d’un pays est Y = 100 000 milliards de dollars et la PmC = 0,6 alors la dépense de consommation agrégée est C = 60 000 milliards de dollars.
  • La PmC est la proportion de revenu supplémentaire reçu qui est dépensée dans la consommation. Ici, elle est représentée par c1. C/Y est la propension moyenne à consommer.
  • La pente de la droite donne la PmC.
  • Les ménages qui lissent leur consommation augmenteront leurs dépenses moins que leur revenu n’aura augmenté.
  • C est c0 + c1Y, soit 60 000 milliards de dollars, plus la consommation fixe (ou autonome) c0.

Question 14.2 Choisissez la ou les bonnes réponses

Le graphique suivant représente le changement dans l’équilibre sur le marché des biens agrégé lorsque l’investissement augmente de 2 milliards d’euros.

Le marché des biens agrégé lorsque l’investissement augmente de 2 milliards d’euros.
Plein écran

La propension marginale à consommer de l’économie est de 0,5. À l’aide de ces informations, laquelle de ces affirmations est correcte ?

  • E est le nouvel équilibre sur le marché des biens après l’augmentation de l’investissement.
  • La demande agrégée augmente au total de 2 milliards d’euros × 0,5 = 1 milliard d’euros, du fait de l’augmentation de l’investissement.
  • Le multiplicateur est 2.
  • La distance entre C et D correspond à trois-quarts de celle entre A et B (1,5 milliard d’euros).
  • L’équilibre se situe à l’intersection entre la droite de la consommation agrégée et la droite à 45 degrés. Ainsi, le nouvel équilibre est en Z.
  • Le graphique montre que l’augmentation de l’investissement fait augmenter la demande agrégée de 4 milliards d’euros.
  • Le multiplicateur est égal à 1/(1 − 0,5) = 2.
  • La distance entre A et B est l’augmentation initiale de l’investissement de 2 milliards d’euros. En C, la production Y a augmenté de 2 milliards d’euros par rapport à B, ce qui entraîne une augmentation de la demande agrégée de ΔY (variation de Y) × PmC, soit 2 milliards d’euros × 0,5 = 1 milliard d’euros.

Einstein Calcul du multiplicateur

Nous analysons les conséquences d’une augmentation de l’investissement de 1,5 milliard d’euros. Nous pouvons résumer nos résultats tirés du diagramme du multiplicateur en utilisant un peu d’algèbre. Pour obtenir le multiplicateur, nous pouvons calculer l’augmentation totale de la production après n + 1 itérations du processus. Chaque itération correspond au diagramme du flux circulaire. L’augmentation de la demande et de la production dans la première itération est de 1,5 milliard d’euros. Lors de la seconde itération, la demande et la production augmentent d’un montant de (c1 × 1,5 milliard d’euros), lors de la troisième itération, elles augmentent de c1 × (c1 × 1,5 milliards d’euros) = (c12 × 1,5 milliards d’euros), et ainsi de suite.

En suivant cette logique, l’augmentation totale de la demande et de la production après n + 1 itérations équivaut à la somme totale de ces changements :

Puisque la propension marginale à consommer est inférieure à 1, nous pouvons montrer que la somme totale entre parenthèses converge vers une limite de 1/(1 − c1) quand n devient grand. Cela tient au fait que le terme entre parenthèses est, mathématiquement, une série géométrique. Nous pouvons le démontrer ainsi :

Si k est le multiplicateur, nous avons :

Multipliez maintenant les deux côtés de l’équation par (1 − c1) pour obtenir :

Divisez maintenant de nouveau par (1 − c1) :

Quand n devient grand, en supposant que c1 < 1, le numérateur tend vers 1. De sorte qu’à la limite :

Dans cet exemple, la propension marginale à consommer est en moyenne 0,6. Cela implique que le multiplicateur soit égal à :

Nous pouvons ensuite appliquer le multiplicateur à la variation initiale de l’investissement de 1,5 milliard d’euros afin de calculer la somme de toutes les augmentations successives de la production, provoquées par la hausse initiale de l’investissement et de la demande agrégée : 2,5 × 1,5 milliards d’euros = 3,75 milliards d’euros.

14.3 Cible de richesse, collatéral et dépenses de consommation des ménages

Grâce à l’Unité 13, nous savons que la consommation constitue la composante la plus grande du PIB dans la plupart des économies. Aussi, la compréhension des variations de la production et de l’emploi repose en grande partie sur la compréhension des variations de la consommation.

Nous avons vu qu’un choc d’investissement a pour effet de déplacer la courbe de demande agrégée et se transmet dans toute l’économie au fur et à mesure que les ménages ajustent leurs dépenses en réponse aux changements de revenu. Nous nous sommes intéressés au lissage incomplet de la consommation, par exemple du fait de contraintes de crédit. Ce comportement est capturé par la taille du multiplicateur et la pente de la courbe de demande agrégée. Cependant, les comportements de consommation et d’épargne peuvent également déplacer la courbe de demande agrégée.

Un déplacement de la demande agrégée peut être causé par un déplacement de la consommation autonome, représentée par le terme c0 dans la fonction de consommation agrégée, Cc0c1Y. Un changement de c0 va à son tour produire une réponse du multiplicateur sur la production et l’emploi par le biais du flux circulaire de la dépense, de la production et du revenu, de la même manière que la baisse de l’investissement fut multipliée dans la section précédente.

hypothèque (ou prêt hypothécaire)
Un prêt contracté par des ménages ou entreprises pour acquérir une propriété sans payer toute sa valeur en une fois. L’emprunteur rembourse le prêt augmenté des intérêts sur une période de plusieurs années. La dette est garantie par le bien lui-même, qui est désigné comme le collatéral. Voir également : collatéral.
épargne de précaution
Une augmentation de l’épargne pour maintenir sa richesse à son niveau cible. Voir également : richesse cible.
richesse cible
Le niveau de richesse qu’un ménage cherche à détenir, en se fondant sur ses objectifs économiques (ou préférences) et ses attentes. On suppose que les ménages essayent, autant que possible, de maintenir ce niveau de richesse face aux changements de leur situation économique.

Imaginez une famille qui a mis sa maison en hypothèque. Si les prix de l’immobilier chutent, la famille va craindre que sa richesse ait baissé également. Sa réaction probable sera d’épargner davantage. C’est ce qu’on appelle l’épargne de précaution. Ce comportement implique que les ménages ont en tête une richesse cible qu’ils cherchent à conserver.

Quand quelque chose a une incidence sur la richesse du ménage relativement à cette cible, il réagit soit en épargnant plus, soit en épargnant moins de sorte à ramener sa richesse à la valeur cible. Si cet ajustement implique de l’épargne de précaution, celle-ci est modélisée par une baisse de la consommation autonome.

Grande Dépression
La période de forte baisse de la production et de l’emploi dans beaucoup de pays dans les années 1930.

En 1929, un ralentissement du cycle économique aux États-Unis, qui semblait initialement similaire à d’autres chocs de la décennie passée, s’est transformé en un désastre économique à grande échelle – la Grande Dépression.1

La baisse de la production et de l’emploi durant la Grande Dépression met en évidence les deux canaux par lesquels la consommation agrégée peut baisser – les contraintes de crédit dans le mécanisme multiplicateur et les changements de richesse par rapport au niveau cible.

Pour comprendre les mécanismes économiques à l’œuvre au cours de la Grande Dépression, nous utilisons le diagramme du multiplicateur de la Figure 14.6. Le point A représente la situation initiale de l’économie au troisième trimestre de l’année 1929. Puis l’investissement chuta. Cela eut pour conséquence de déplacer la courbe de demande agrégée de son niveau pré-crise à son niveau de crise. La droite en pointillés partant du point B montre le niveau de la production qui aurait été observé au creux du cycle économique si l’effet multiplicateur habituel avait fonctionné. Il y aurait eu une récession, mais pas de Grande Dépression. Mais la récession fut aggravée car la demande des biens de consommation chuta, même de la part de ceux qui avaient conservé leur emploi.

Demande agrégée pendant la Grande Dépression.
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Figure 14.6 Demande agrégée pendant la Grande Dépression

Gordon, Robert J. 1986. The American Business Cycle: Continuity and Change. Chicago, Il: University of Chicago Press.

Le pic de 1929
: Le point A montre la situation initiale de l’économie.
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Le pic de 1929

Le point A montre la situation initiale de l’économie.

Gordon, Robert J. 1986. The American Business Cycle: Continuity and Change. Chicago, Il: University of Chicago Press.

Une chute de l’investissement
: Cela déplace la courbe de demande agrégée du niveau pré-crise au niveau de crise.
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Une chute de l’investissement

Cela déplace la courbe de demande agrégée du niveau pré-crise au niveau de crise.

Gordon, Robert J. 1986. The American Business Cycle: Continuity and Change. Chicago, Il: University of Chicago Press.

Une récession normale
: L’économie se trouverait normalement au point B.
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Une récession normale

L’économie se trouverait normalement au point B.

Gordon, Robert J. 1986. The American Business Cycle: Continuity and Change. Chicago, Il: University of Chicago Press.

Le creux de 1933
: Mais au lieu d’un ralentissement typique (de A vers B), le niveau de production chuta de bien plus que ne peut l’expliquer le seul effet du multiplicateur, comme montré par le déplacement de B à C.
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Le creux de 1933

Mais au lieu d’un ralentissement typique (de A vers B), le niveau de production chuta de bien plus que ne peut l’expliquer le seul effet du multiplicateur, comme montré par le déplacement de B à C.

Gordon, Robert J. 1986. The American Business Cycle: Continuity and Change. Chicago, Il: University of Chicago Press.

La consommation a été réduite sous l’action de deux mécanismes :

  • Le déplacement de A vers B : à mesure que la production et l’emploi diminuaient, certains ménages réduisaient leurs dépenses en achats de biens immobiliers et de biens durables, à cause des contraintes de crédit qui les empêchaient d’emprunter de l’argent, alors que la situation se détériorait. Certains économistes ont estimé que le multiplicateur valait à l’époque 1,8 environ.
  • Le déplacement de B vers C : même les ménages qui continuaient à travailler réduisirent leurs dépenses, car il devenait de plus en plus évident que le ralentissement économique était la nouvelle réalité et non pas simplement un choc temporaire. Cela eut pour effet de déplacer la fonction de production vers le bas et d’entraîner l’économie dans une dépression plus profonde encore, ainsi que l’illustre le passage de B à C sur la Figure 14.6.

Les recherches réalisées depuis la Grande Dépression (que nous examinerons plus en détail dans l’Unité 17) nous fournissent plusieurs explications pour la chute de la consommation autonome aux États-Unis :

  • Incertitude : l’incertitude sur l’état de l’économie provoquée par le spectaculaire krach boursier d’octobre 1929 rendit les entreprises et les ménages plus prudents, les amenant à différer dans le temps leurs achats de machines, d’équipement et de biens de consommation durables.
  • Pessimisme et désir d’épargner plus : les ménages devinrent également beaucoup plus pessimistes quant à leur capacité à maintenir leur niveau de dépenses, craignant le chômage et la baisse de leurs revenus dans le futur. Leur évaluation de leur richesse matérielle fut également affectée par la chute des prix de l’immobilier et des actifs financiers. Au cours des années 1920, les ménages avaient accumulé de la dette, car ils avaient pu pour la première fois bénéficier de l’échelonnement des paiements pour acheter des biens de consommation durables.
  • La crise bancaire et l’effondrement du crédit : un troisième facteur qui déplaça la courbe de demande globale jusqu’au niveau qualifié de « creux » fut la crise bancaire de 1930 et 1931, qui eut des répercussions à la fois sur la consommation et l’investissement. Il y eut une vague de faillites de petites banques fragiles, l’industrie étant largement dérégulée aux États-Unis. Ce système de petites banques était vulnérable à un mouvement de panique. Les épargnants commencèrent à craindre qu’ils ne seraient plus en mesure de récupérer leurs dépôts. Comme nous l’avons expliqué dans l’Unité 10, alors que la panique se propageait d’une banque à l’autre, les mouvements de panique bancaire perturbèrent le système bancaire dans son ensemble. Avec son effondrement, les ménages perdirent leurs dépôts et les petites entreprises perdirent leur accès au crédit.
capital humain
Le stock de connaissances, compétences, comportements et caractéristiques personnelles qui déterminent la productivité ou le revenu du travail d’un individu. Ce stock peut augmenter par des investissements dans le capital humain, à travers l’éducation, la formation et la socialisation ; c’est l’une des sources de la croissance économique. Le capital humain fait partie des dotations d’un individu. Voir également : dotation.

Pour illustrer pourquoi les ménages qui n’étaient pas concernés par des contraintes de crédit ont tout de même réduit leur consommation, nous regardons la composition de la richesse ou des actifs d’un ménage. Dans l’Unité 10, nous avons introduit le concept de richesse en le comparant avec le volume d’eau d’une baignoire. Nous nous concentrions alors sur la richesse matérielle. Sur la Figure 14.7, nous étendons le concept de richesse à la richesse au sens large, afin d’y inclure les revenus du travail futurs attendus du ménage, connus comme la valeur de son capital humain.

Suivez l’analyse de la Figure 14.7 pour voir la composition de la richesse au sens large du ménage, qui correspond à la valeur de tous ses actifs, moins sa dette (que nous supposons être l’hypothèque de la maison).

capitaux propres
Le propre investissement d’un individu dans un projet. Cela est comptabilisé dans le bilan financier d’un individu ou d’une entreprise en tant que valeur nette. Voir également : valeur nette.
Richesse des ménages : concepts-clés.
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Figure 14.7 Richesse des ménages : concepts-clés.

Attentes sur les revenus futurs du travail
: Elles sont représentées par le rectangle orange.
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Attentes sur les revenus futurs du travail

Elles sont représentées par le rectangle orange.

Richesse financière
: C’est le rectangle vert.
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Richesse financière

C’est le rectangle vert.

La part de la maison détenue par le ménage
: C’est le rectangle bleu.
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La part de la maison détenue par le ménage

C’est le rectangle bleu.

La richesse au sens large totale du ménage
: C’est la somme des rectangles vert, bleu et orange.
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La richesse au sens large totale du ménage

C’est la somme des rectangles vert, bleu et orange.

Les ménages ont également des dettes
: Elles sont représentées par le rectangle rouge.
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Les ménages ont également des dettes

Elles sont représentées par le rectangle rouge.

La richesse nette du ménage
: Également appelée richesse matérielle. Nous la trouvons en prenant le total des actifs (à l’exception des revenus futurs du travail), qui correspond à la valeur de la maison et de la richesse financière, et en retirant les dettes du ménage.
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La richesse nette du ménage

Également appelée richesse matérielle. Nous la trouvons en prenant le total des actifs (à l’exception des revenus futurs du travail), qui correspond à la valeur de la maison et de la richesse financière, et en retirant les dettes du ménage.

La valeur de la maison
: Elle est égale au capital immobilier du ménage, plus le montant de la dette auprès de la banque (hypothèque).
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La valeur de la maison

Elle est égale au capital immobilier du ménage, plus le montant de la dette auprès de la banque (hypothèque).

Richesse cible
: Pour le ménage représenté sur la figure, la richesse attendue au sens large (orange + vert + bleu) est égale à la richesse cible.
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Richesse cible

Pour le ménage représenté sur la figure, la richesse attendue au sens large (orange + vert + bleu) est égale à la richesse cible.

Comme nous le verrons :

  • Si la richesse cible est supérieure à la richesse attendue : le ménage augmentera son épargne et réduira sa consommation.
  • Si la richesse cible est inférieure à la richesse attendue : le ménage réduira son épargne et augmentera sa consommation.

Au début de l’année 1929, comment un ménage, dont la richesse correspondait à la colonne A de la Figure 14.8, aurait-il interprété les nouvelles portant sur les fermetures d’usines, l’effondrement du marché boursier et les faillites bancaires ? Comment aurait-il ajusté ses dépenses de biens durables, de logement et de biens non durables ? Les réponses à ces questions nous permettent d’expliquer pourquoi la Grande Dépression eut lieu.

Grande Dépression : les ménages réduisent leur consommation pour conserver leur cible de richesse au sens large.
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Figure 14.8 Grande Dépression : les ménages réduisent leur consommation pour conserver leur cible de richesse au sens large.

Avant la Dépression
: Les ménages prennent des décisions de consommation en rapport avec leurs attentes sur leur richesse nette et les gains futurs tirés du travail. Cela est reflété par le fait que la richesse totale est égale à la richesse cible.
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Avant la Dépression

Les ménages faisaient des décisions de consommation en lien avec leurs attentes sur leur richesse nette et les gains futurs tirés du travail. Cela est reflété par le fait que la richesse totale est égale à la richesse cible.

La Dépression
: Fin 1929, colonne B, la récession était en cours et les croyances avaient changé.
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La Dépression

Fin 1929, colonne B, la récession était en cours et les croyances avaient changé.

Épargne de précaution
: La conséquence fut un écart entre la cible de richesse des ménages et leur richesse attendue. Les ménages augmentèrent alors leur épargne.
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Épargne de précaution

La conséquence fut un écart entre la cible de richesse des ménages et leur richesse attendue. Les ménages augmentèrent alors leur épargne.

accélérateur financier
Le mécanisme à travers lequel la capacité à emprunter des entreprises et ménages augmente quand la valeur de leur collatéral engagé auprès du prêteur (souvent une banque) augmente.
  • Avant la Grande Dépression : les ménages observés au début de l’année 1929 (colonne A de la Figure 14.8) sont représentés comme prenant des décisions de consommation conformes à leurs attentes : la richesse totale est égale à la richesse cible.
  • La Grande Dépression : à la fin de l’année 1929 (colonne B), la récession était en cours et les croyances avaient changé. Considérant les pertes d’emploi se produisant dans toute l’économie, les ménages révisèrent à la baisse les salaires qu’ils s’attendaient à recevoir dans le futur. La baisse du prix des actifs (des actions et des maisons) réduisit la valeur de la richesse matérielle des ménages. Il en résulta un écart entre la richesse cible et la richesse attendue des ménages. Cela permet d’expliquer la baisse de la consommation des ménages qui aurait pu aider (et aurait aidé, dans le cas d’une récession ordinaire) à lisser la baisse temporaire de la demande agrégée. Ces ménages ont à la place augmenté leur épargne. Cette baisse de la consommation autonome explique en partie le déplacement vers le bas de la courbe de demande agrégée du niveau de crise à celui du creux dans la Figure 14.6.
  • L’accélérateur financier, le collatéral et les contraintes de crédit : les variations dans la richesse des ménages ont des répercussions sur la consommation à travers un autre canal. Dans l’Unité 10, nous avons vu que le fait de disposer d’un collatéral permet à un ménage d’emprunter. C’est notamment le cas des prêts immobiliers, lorsque la banque accorde un prêt en utilisant la valeur de la maison comme collatéral. Si la valeur de votre maison baisse, la banque sera moins encline à vous prêter, resserrant vos contraintes de crédit, ce qui pourrait réduire votre consommation.

Des mécanismes similaires sont à l’œuvre si les prix immobiliers augmentent, ce qui aura tendance à augmenter la consommation :

  • Pour ceux qui ne font pas face à des contraintes de crédit : si la valeur de votre maison augmente, cela augmente votre richesse nette et augmente votre richesse par rapport à votre cible. Cela devrait réduire votre épargne de précaution et votre consommation devrait augmenter.
  • Pour ceux qui ont des contraintes de crédit : une augmentation du prix de votre maison peut vous conduire à augmenter votre consommation parce qu’une augmentation de la valeur du collatéral vous permet d’emprunter plus.

Exercice 14.1 Bilan d’un ménage

Considérez une famille composée de deux parents et de deux enfants, qui a contracté un prêt hypothécaire sur sa maison. Les parents ont remboursé la moitié du crédit. La famille possède également une voiture et un portefeuille d’actions dans des sociétés. Les parents dépensent leur revenu pour acheter de la nourriture, des vêtements et pour payer les frais de scolarité de leurs enfants. Ils disposent également de placements d’épargne-retraite dans un fonds de pension.

  1. Quels éléments apparaîtraient sur le bilan du ménage ?
  2. En prenant exemple sur le bilan de la banque de la Figure 10.16, construisez le bilan annuel de votre ménage fictif. Il pourra vous être utile de rechercher quelles sont les valeurs typiques de chacun de ces éléments pour une famille de ce type.

Exercice 14.2 L’immobilier en France et en Allemagne

En France et en Allemagne, il est difficile pour un ménage d’augmenter son endettement en s’appuyant sur l’augmentation de la valeur marchande de sa maison. De plus, un apport personnel important (en pourcentage du prix de la maison) est nécessaire pour acheter une maison.

  1. Sur la base de cette information, quelle incidence aurait selon vous une augmentation des prix de l’immobilier en France ou en Allemagne sur les dépenses des ménages ?
  2. Aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, les prêts sont plus facilement accordés grâce à une augmentation du patrimoine immobilier, et seul un faible apport personnel est demandé. Dans quelle mesure la réponse à la première question serait-elle différente si vous considériez plutôt les États-Unis ou la Grande-Bretagne ?
  3. Qu’en concluez-vous sur le rôle de l’accélérateur financier en France et en Allemagne par rapport à la Grande-Bretagne et aux États Unis ?

Remarque : un article de VoxEU paru en décembre 2014, ‘Combatting Eurozone deflation: QE for the people’, vous en dit plus sur les conséquences d’un changement des prix de l’immobilier sur les dépenses des ménages en Europe et aux États-Unis.

Question 14.3 Choisissez la ou les bonnes réponses

Laquelle de ces propositions sur la richesse des ménages est vraie ?

  • La richesse matérielle d’un ménage est égale à sa richesse financière plus la valeur de sa maison.
  • La richesse totale au sens large est égale à la richesse matérielle plus les revenus futurs attendus.
  • Un ménage adapte son épargne de précaution en réponse à des changements de sa richesse cible.
  • Si la richesse cible du ménage est supérieure à sa richesse attendue, alors il épargnera moins et consommera plus.
  • La richesse matérielle est la valeur nette, soit la richesse financière plus la valeur de la maison moins ses dettes.
  • C’est la définition de la richesse au sens large.
  • Un ménage adapte son épargne de précaution en fonction de l’écart (positif ou négatif) entre sa richesse actuelle et sa richesse cible.
  • Si sa richesse cible est supérieure à sa richesse attendue, alors le ménage épargnera pour réduire l’écart, ce qui conduira à une réduction de sa consommation.

14.4 Dépenses d’investissement

Dans l’Unité 13, nous avions contrasté la volatilité de l’investissement avec la régularité des dépenses de consommation. Mais comment les entreprises prennent-elles leurs décisions d’investissement ? Pensez au dirigeant ou au propriétaire d’une entreprise décidant quoi faire de leurs bénéfices accumulés. Ils ont quatre choix :

  1. Dividendes : allouer les fonds au versement de salaires aux dirigeants ou aux autres salariés de l’entreprise, ou de dividendes aux propriétaires.
  2. Épargne : acheter un actif financier générant des intérêts comme une obligation ou acquitter (rembourser) une dette existante.
  3. Investissement à l’étranger : construire de nouvelles capacités de production dans un autre pays.
  4. Investissement dans l’économie domestique : construire de nouvelles capacités de production dans le pays d’origine.

Le quatrième choix correspond à ce que nous appelons investissement dans notre modèle (le troisième choix correspond également à de l’investissement, mais comme celui-ci est réalisé à l’étranger, il est mesuré dans les comptes nationaux du pays étranger, comme une composante de son I, et non pas dans l’économie domestique).

Si nous supposons qu’il n’y ait pas de raison de modifier les salaires, alors nous pouvons également décomposer la décision du propriétaire, comme nous l’avons fait pour les décisions de Marco dans l’Unité 10 :

  • Le propriétaire a le choix de consommer maintenant ou de consommer plus tard : si les recettes servent à payer des dividendes, cela signifie que le propriétaire peut, s’il le souhaite, simplement consommer ce revenu supplémentaire maintenant.
  • S’il décide de consommer plus tard : le propriétaire peut soit épargner (prêter de l’argent via l’achat d’un actif financier comme une obligation ou rembourser une dette), soit investir dans un nouveau projet.
  • S’il décide d’investir : le choix d’investir dans son pays ou à l’étranger dépend du taux de profit attendu de projets d’investissement potentiels dans chaque cas.

Consommer davantage maintenant plutôt que plus tard est plus ou moins désirable, en fonction du taux d’actualisation du propriétaire (ρ), comme nous l’avons vu à l’Unité 10. Le propriétaire comparera ce taux avec le rendement que lui procure le fait de ne pas consommer tout de suite. Si l’entreprise épargne en achetant un actif financier, alors le rendement correspond au taux d’intérêt r. Si l’entreprise investit dans sa capacité productive, le rendement correspondra au taux de profit de l’investissement, noté Π comme dans l’Unité 10 :

  • Si ρ est supérieur à r et Π : le propriétaire conservera les fonds et augmentera ses dépenses de consommation.
  • Si r est supérieur à ρ et Π : la décision sera de rembourser une partie de la dette ou d’acheter un actif financier.
  • Si Π est supérieur à ρ et r : le propriétaire investira (dans l’économie domestique ou à l’étranger).
politique monétaire
Actions de la banque centrale (ou du gouvernement) visant à influencer l’activité économique via des changements des taux d’intérêt ou des prix des actifs financiers. Voir également : quantitative easing (QE).

En raison de ces options, le taux d’intérêt est l’un des facteurs déterminant s’il y a investissement ou non. Nous avons vu dans l’Unité 10 que ce taux d’intérêt peut être modifié par la politique de la banque centrale (politique monétaire). Le taux d’intérêt correspond au coût d’opportunité d’acheter des machines, des biens d’équipement et des structures qui augmentent le stock de capital fixe – si vous avez de l’argent disponible, vous pourriez l’épargner avec un rendement de r plutôt que l’investir. À l’inverse, si vous n’avez pas d’argent disponible, il vous coûtera également r d’emprunter pour investir. Si l’on classe les projets d’investissement selon leur taux de profit attendu après impôt, alors un taux d’intérêt plus faible augmente le nombre de projets pour lesquels le taux de profit attendu est supérieur au taux d’intérêt. Nous avions vu cela lorsque Marco devait choisir d’investir ou non (Figure 10.10). Ainsi, un taux d’intérêt plus haut réduit l’investissement, et un taux d’intérêt plus bas le fait augmenter.

La Figure 14.9 illustre cela pour une économie composée de deux entreprises, A et B. Chaque entreprise de cet exemple a trois projets d’investissement avec des échelles et des taux de rendement différents. Ils sont indiqués par ordre décroissant du taux de profit attendu. Suivez l’analyse de la Figure 14.9 pour voir comment le taux d’intérêt détermine les projets d’investissement qui seront poursuivis. La partie inférieure du graphique agrège les deux entreprises pour montrer la façon dont l’investissement de l’économie dans son ensemble est sensible à une variation du taux d’intérêt.

Investissement, taux de profit attendu et taux d’intérêt dans une économie avec deux entreprises.
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Figure 14.9 Investissement, taux de profit attendu et taux d’intérêt dans une économie avec deux entreprises.

Entreprise A
: L’entreprise A a trois projets d’investissement d’échelles et de taux de profit différents. Ils sont présentés par ordre décroissant de taux de profit attendu.
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Entreprise A

L’entreprise A a trois projets d’investissement d’échelles et de taux de profit différents. Ils sont présentés par ordre décroissant de taux de profit attendu.

Entreprise B
: L’entreprise B a aussi trois projets d’investissement différents.
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Entreprise B

L’entreprise B a aussi trois projets d’investissement différents.

La décision d’investir
: Si le taux d’intérêt reste à 5 %, l’entreprise A lance le projet 1 et l’entreprise B n’investit pas du tout. Mais si le taux d’intérêt était de 2 %, l’entreprise A mettrait en œuvre les projets 1 et 2 et l’entreprise B entreprendrait ses trois projets.
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La décision d’investir

Si le taux d’intérêt reste à 5 %, l’entreprise A lance le projet 1 et l’entreprise B n’investit pas du tout. Mais si le taux d’intérêt était de 2 %, l’entreprise A mettrait en œuvre les projets 1 et 2 et l’entreprise B entreprendrait ses trois projets.

La décision d’investir
: La partie inférieure du graphique agrège les investissements potentiels des deux entreprises, par ordre décroissant du taux de profit attendu, comme précédemment.
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La décision d’investir

La partie inférieure du graphique agrège les investissements potentiels des deux entreprises, par ordre décroissant du taux de profit attendu, comme précédemment.

L’investissement agrégé augmente
: L’investissement dans l’économie augmente après une baisse du taux d’intérêt. Cinq projets sont lancés, au lieu d’un seul.
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L’investissement agrégé augmente

L’investissement dans l’économie augmente après une baisse du taux d’intérêt. Cinq projets sont lancés, au lieu d’un seul.

Avec les Figures 14.10a–c, nous observons comment un changement sur les prévisions de profit modifie l’investissement.

Dans l’économie à deux entreprises de la Figure 14.10a, le taux de profit attendu pour chaque projet augmente en raison d’une amélioration des conditions de l’offre dans l’économie. La hauteur de chaque colonne augmente et, en conséquence, l’investissement augmente pour un taux d’intérêt donné.

L’économie agrégée, où le taux de profit attendu augmente pour un ensemble donné de projets (effet d’offre).
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Figure 14.10a L’économie agrégée, où le taux de profit attendu augmente pour un ensemble donné de projets (effet d’offre).

Taux d’intérêt à 5 %
: Avec un taux d’intérêt de 5 %, seul un projet serait lancé.
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Taux d’intérêt à 5 %

Avec un taux d’intérêt de 5 %, seul un projet serait lancé.

Amélioration des conditions de l’offre
: L’amélioration des conditions de l’offre augmente le taux de profit attendu pour chaque projet.
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Amélioration des conditions de l’offre

L’amélioration des conditions de l’offre augmente le taux de profit attendu pour chaque projet.

Effet sur l’investissement
: Avec un taux d’intérêt inchangé, l’investissement augmente : deux projets supplémentaires sont lancés.
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Effet sur l’investissement

Avec un taux d’intérêt inchangé, l’investissement augmente : deux projets supplémentaires sont lancés.

Un déplacement vers le haut peut être dû à une baisse des prix des facteurs de production attendus, comme une prévision de baisse des prix de l’énergie ou des salaires, ou encore une baisse des impôts au cours de la vie du projet.

risque d’expropriation
La probabilité qu’un bien soit retiré à son propriétaire par l’État ou un autre acteur.

Un autre exemple d’effet positif de l’offre est une amélioration de la sécurité des droits de propriété de telle façon que les chances de capture du projet d’investissement par l’État ou un autre acteur puissant (comme un propriétaire terrien, à l’image de Bruno dans l’Unité 5, qui pourrait menacer un petit propriétaire) sont moindres. C’est ce qu’on appelle une baisse du risque d’expropriation et cela constitue un exemple d’amélioration du climat des affaires.

Sur la Figure 14.10b, la hauteur des colonnes reste inchangée, mais leur largeur (représentant le niveau d’investissement qui est rentable dans plusieurs projets) a augmenté. C’est le résultat d’une augmentation permanente de la demande et d’un manque de capacités de production suffisantes pour faire face aux ventes prévisionnelles.

L’économie agrégée, où la capacité de production désirée augmente pour chaque projet (effet de demande).
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Figure 14.10b L’économie agrégée, où la capacité de production désirée augmente pour chaque projet (effet de demande).

Taux d’intérêt à 2 %
: Avec un taux d’intérêt de 2 % et la capacité désirée initiale, l’investissement est représenté par les blocs colorés plus sombres.
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Taux d’intérêt à 2 %

Avec un taux d’intérêt de 2 % et la capacité désirée initiale, l’investissement est représenté par les blocs colorés plus sombres.

Demande prévue plus élevée
: La pression exercée sur les capacités de production existantes en raison d’une hausse de la demande prévisionnelle vient augmenter la taille désirée de chaque projet, de sorte que l’investissement augmente et inclut les blocs plus clairs.
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Demande prévue plus élevée

La pression exercée sur les capacités de production existantes en raison d’une hausse de la demande prévisionnelle vient augmenter la taille désirée de chaque projet, de sorte que l’investissement augmente et inclut les blocs plus clairs.

fonction d’investissement (agrégé ou global)
Une équation qui représente la façon dont la dépense d’investissement dans l’économie globale dépend d’autres variables, c’est-à-dire le taux d’intérêt et les anticipations de profits. Voir également : taux d’intérêt, profit économique.

Dans une économie constituée de plusieurs milliers d’entreprises, une droite décroissante (comme dans la Figure 14.10c) représente les projets d’investissement potentiels. C’est ce qu’on appelle la fonction d’investissement agrégé. La réponse de l’investissement à un changement de taux d’intérêt est représentée par le déplacement de C vers E. La Figure 14.10c montre également l’effet d’un changement de rentabilité de l’investissement, qui provient des effets d’offre et de demande et qui fait augmenter l’investissement de C à D, à taux d’intérêt inchangé.

Fonction d’investissement agrégé : effets des taux d’intérêt et des prévisions de profit.
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Figure 14.10c Fonction d’investissement agrégé : effets des taux d’intérêt et des prévisions de profit.

Projets d’investissement potentiels
: Dans une économie avec plusieurs milliers d’entreprises, tous les projets d’investissement potentiels sont représentés par une fonction d’investissement agrégé dont la pente est décroissante.
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Projets d’investissement potentiels

Dans une économie avec plusieurs milliers d’entreprises, tous les projets d’investissement potentiels sont représentés par une fonction d’investissement agrégé dont la pente est décroissante.

L’investissement augmente
: En réponse à une baisse du taux d’intérêt, l’investissement augmente de C à E.
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L’investissement augmente

En réponse à une baisse du taux d’intérêt, l’investissement augmente de C à E.

Une augmentation du profit attendu
: Cela déplace la fonction d’investissement vers la droite : si le taux d’intérêt est maintenu constant à 4 %, l’investissement augmente de C à D.
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Une augmentation du profit attendu

Cela déplace la fonction d’investissement vers la droite : si le taux d’intérêt est maintenu constant à 4 %, l’investissement augmente de C à D.

Les données empiriques suggèrent que les dépenses des entreprises en machines et en équipements ne sont pas très sensibles au taux d’intérêt. L’effet limité des changements du taux d’intérêt sur l’investissement des entreprises (illustré par la force de la pente des droites) souligne l’importance des facteurs d’offre et de demande qui déplacent la fonction d’investissement (Figures 14.10a et 14.10b).

Le taux d’intérêt a des répercussions sur les dépenses d’investissement en dehors du secteur privé, à travers ses effets sur les décisions des ménages d’achat de nouvelles ou de plus grandes maisons, qui influencent la construction de nouveaux logements. Le taux d’intérêt a également des effets importants sur la demande de biens durables, tels que les voitures ou l’électroménager qui sont souvent achetés à crédit.

Question 14.4 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 14.9 représente des projets d’investissement possibles pour les entreprises A et B.

Sur la base de ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Quand le taux d’intérêt est de 5 %, les deux entreprises ne réaliseront que leur projet 1.
  • La banque centrale peut garantir que tous les projets seront mis en œuvre en abaissant le taux d’intérêt à 1,5 %.
  • Quand l’on s’attend à ce que la demande augmente de façon permanente et dépasse la capacité des usines et équipements existants, le niveau de l’investissement augmente du fait d’un déplacement vers le haut du taux de profit attendu.
  • Une augmentation anticipée des prix de l’énergie mène à une chute des taux de profit attendus, de sorte qu’il y a moins de projets rentables pour un taux d’intérêt donné. Cela se traduit par une baisse de l’investissement.
  • Pour l’entreprise B, le taux de profit attendu pour son projet 1 est inférieur à 5 %. Ainsi, seule l’entreprise A réalise son projet 1.
  • Avec un taux d’intérêt de 1,5 %, l’entreprise A ne réalisera pas son projet 3.
  • Avec un choc de demande positif et permanent, la hauteur des colonnes ne change pas mais la quantité d’investissements profitables augmente. Cela augmente la largeur des colonnes, conduisant ainsi à plus d’investissement (pour tout taux d’intérêt donné).
  • La chute des prix de l’énergie réduit les coûts des entreprises, donc les profits attendus augmentent. Cela implique que davantage de projets ont un taux de profit attendu supérieur au taux d’intérêt.

Question 14.5 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 14.10c représente la fonction d’investissement agrégé d’une économie.

En vous appuyant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Ceteris paribus, une augmentation du taux d’intérêt conduirait à une baisse de l’investissement du fait d’un déplacement vers l’intérieur de la droite d’investissement.
  • Une augmentation de l’impôt sur les sociétés déplacerait la droite d’investissement vers l’extérieur.
  • La prévision d’une hausse permanente de la demande déplace la droite d’investissement vers l’extérieur.
  • Une droite plus pentue indique la sensibilité accrue du niveau de l’investissement global à des changements du taux d’intérêt.
  • La droite d’investissement représente la relation entre investissement et taux d’intérêt, ceteris paribus. Ainsi, la chute de l’investissement serait indiquée par un mouvement vers le haut le long de la droite initiale (par exemple, de E à C) et non par un déplacement de cette droite.
  • Une augmentation de l’impôt sur les sociétés réduirait le taux de profit attendu, déplaçant ainsi la droite d’investissement vers l’intérieur. Ceci a pour conséquence une chute de l’investissement.
  • Une demande plus élevée favorise la rentabilité de l’investissement dans des projets de plus grande ampleur, ce qui augmente l’investissement pour un taux d’intérêt donné.
  • Une droite plus pentue correspond à des variations plus faibles de l’investissement lorsque le taux d’intérêt varie, c’est-à-dire une moindre sensibilité de l’investissement au taux d’intérêt.

14.5 Le modèle du multiplicateur : prise en compte de la dépense publique et des exportations nettes

Ici, nous ajoutons le rôle des dépenses publiques et des banques centrales au modèle pour montrer comment elles peuvent stabiliser (ou déstabiliser) l’économie après un choc. Comme précédemment, nous supposons que les entreprises sont prêtes à fournir n’importe quelle quantité de biens demandée, de sorte que :

Nous avons vu dans l’Unité 13 que lorsque l’on ajoute l’État et les interactions avec le reste du monde via les exportations et les importations, la demande globale (ou agrégée) peut être décomposée de la façon suivante :

Pour comprendre la fonction de demande agrégée ci-dessus, il est utile de passer en revue chacune de ses composantes :

Consommation

La consommation des ménages dépend du revenu après impôt. L’État lève un impôt t, que l’on suppose proportionnel au revenu. Le revenu restant après le paiement des impôts, (1 − t)Y, est appelé revenu disponible. La propension marginale à consommer, c1, correspond à la fraction du revenu disponible (et non pas du revenu avant impôt) consommée. Cela implique que dans la fonction de consommation agrégée :

  • Les dépenses de consommation s’écrivent ainsi : Cc0c1(1 − t)Y.
  • Tous les déterminants de la consommation, à l’exception du revenu actuel disponible, sont inclus dans la consommation autonome, c0, et produiront donc un déplacement de la fonction de consommation dans le diagramme du multiplicateur. Ils comprennent la richesse et la richesse cible, les effets du collatéral et les variations du taux d’intérêt.

Investissement

Nous venons juste de voir que les dépenses d’investissement sont influencées par le taux d’intérêt et par le taux de profit attendu après impôt. Dans la fonction d’investissement agrégé :

  • Les dépenses d’investissement sont une fonction du taux d’intérêt et du taux de profit attendu après impôt.
  • Ceteris paribus, un taux d’intérêt plus élevé réduit les dépenses d’investissement et déplace vers le bas la courbe de demande agrégée.
  • Un taux de profit attendu, après impôt, plus élevé fait augmenter les dépenses d’investissement et déplace la courbe de demande agrégée vers le haut.

Dépenses publiques

exogène
Qui vient de l’extérieur du modèle plutôt que résultant des mécanismes du modèle lui-même. Voir également : endogène.

Une grande partie des dépenses publiques (à l’exclusion des transferts) est consacrée aux services d’intérêt général, à la santé et à l’éducation. Les dépenses publiques ne varient pas de façon systématique avec les variations de revenu. On les considère comme exogènes.

Une augmentation des dépenses publiques déplace vers le haut la courbe de demande agrégée dans le diagramme du multiplicateur.

Exportations nettes

propension marginale à importer
La variation des importations totales associée à une variation du revenu total.

L’économie domestique vend des biens et des services à l’étranger, qui constituent ses exportations. La quantité de biens étrangers que l’économie domestique demande (ses importations) dépend des revenus domestiques. La fraction de chaque unité additionnelle de revenu dépensée en importations est appelée la propension marginale à importer (m), qui est comprise entre 0 et 1. Nous avons donc :

taux de change
Le nombre d’unités de monnaie domestique qui peut être obtenu contre une unité de devise étrangère. Par exemple, le taux de change du dollar australien contre le dollar américain ($) correspond au nombre de dollars australiens par $. Ici, une augmentation du taux de change correspond à une dépréciation du dollar australien, tandis qu’une baisse implique une appréciation du dollar australien.

Si les coûts de production d’un pays diminuent de sorte qu’il vend ses biens à un prix moindre sur les marchés mondiaux par rapport aux prix proposés par les autres pays, la demande pour ses exportations augmentera et la demande domestique pour les importations diminuera. Nous verrons dans l’unité suivante que le taux de change a des répercussions sur les prix des biens d’un pays sur les marchés mondiaux. La croissance sur les marchés mondiaux fait également augmenter les exportations. Pour le moment, cependant, nous allons ignorer ces effets et supposer que les exportations sont elles aussi exogènes.

En rassemblant toutes les composantes de la demande agrégée, on obtient :

Les impôts comme les importations réduisent la taille du multiplicateur. Rappelez-vous que le multiplicateur nous indique le montant par lequel une augmentation des dépenses (comme une augmentation de la consommation autonome, de l’investissement, des dépenses publiques ou des exportations) fait augmenter le PIB de l’économie. Lorsque l’on inclut la fiscalité et les importations dans le modèle, l’effet multiplicateur indirect d’une augmentation donnée des dépenses sur le PIB est plus petit. Cela est dû au fait qu’une partie du revenu des ménages revient directement à l’État sous forme d’impôts, et qu’une autre partie est utilisée pour acheter des biens et des services produits à l’étranger. Puisque l’on suppose que le gouvernement n’augmente pas les dépenses publiques quand les impôts augmentent et que les acheteurs étrangers n’importent pas davantage nos biens quand nous importons davantage les leurs, cela signifie qu’une partie de l’augmentation autonome de revenu ne conduit pas à d’autres augmentations indirectes du revenu de l’économie domestique. Comme l’épargne, l’imposition et les importations sont considérées comme des fuites dans le flux circulaire du revenu. Cela a pour conséquence de réduire les effets indirects d’une variation autonome des dépenses sur la demande agrégée, la production et l’emploi.

Pour résumer :

  • Une plus forte propension marginale à importer réduit la taille du multiplicateur : cela aplatit la courbe de demande agrégée.
  • Une augmentation des exportations déplace la courbe de demande agrégée vers le haut sur le diagramme du multiplicateur.
  • Une augmentation du taux d’imposition réduit la taille du multiplicateur : cela aplatit la courbe de demande agrégée.

La rubrique Einstein à la fin de cette section vous montre comment calculer la taille du multiplicateur dans le modèle après la prise en compte du taux d’imposition et des importations. Pour illustrer cela, nous supposons un taux d’imposition de 20 % (0,2) et une propension marginale à importer de 0,1. Avant d’introduire l’État, nous fixons la propension marginale à consommer, c1, à 0,6. En utilisant ces chiffres dans la formule du multiplicateur que nous calculons dans la rubrique Einstein, nous obtenons une valeur du multiplicateur k = 1,6, contre 2,5 pour la valeur calculée sans inclure les taxes et les importations. Dans la section suivante, nous étudions comment les économistes ont estimé la taille du multiplicateur à partir de données, pourquoi leurs estimations diffèrent, et pourquoi cette question est importante.

Exercice 14.3 Le modèle du multiplicateur

Considérez le modèle présenté ci-contre.

  1. Comparez deux économies qui diffèrent simplement par la part des ménages contraints par le crédit, mais sont identiques par ailleurs. Dans quelle économie le multiplicateur est-il plus élevé ? Illustrez votre réponse à l’aide d’un schéma.
  2. Sur la base de votre comparaison des deux économies, vous attendriez-vous à ce que le multiplicateur d’une économie varie au gré du cycle économique ?
  3. Certains économistes ont estimé que le multiplicateur valait 1,8 lors de la Grande Dépression. Expliquez comment les caractéristiques suivantes de l’économie américaine à l’époque pourraient avoir eu une incidence sur sa valeur :
    1. la taille du secteur public (voir la Figure 14.1) ;
    2. le fait qu’il n’y avait pas d’allocations chômage ;
    3. le fait que la part des importations était faible.

Question 14.6 Choisissez la ou les bonnes réponses

La demande agrégée d’une économie ouverte est donnée par la consommation domestique après impôt C, l’investissement I (qui dépend du taux d’intérêt r), les dépenses publiques G et les exportations nettes X − M :

c0 est la consommation autonome, c1 est la propension marginale à consommer et m est la propension marginale à importer. À l’équilibre de l’économie, cela est égal à la production : DA = Y. En résolvant pour Y, nous obtenons :

D’après cette équation, laquelle des situations suivantes augmente le multiplicateur ?

  • Une chute des dépenses publiques.
  • Une chute du taux d’intérêt.
  • Une chute de la propension marginale à importer.
  • Une augmentation du taux d’imposition.
  • G a une incidence sur le niveau de DA, mais pas sur le multiplicateur.
  • r a une incidence sur I(r), qui a son tour a une incidence sur le niveau de DA, mais pas sur le multiplicateur.
  • Une baisse de m augmente le multiplicateur. Ceci est dû au fait que sa baisse réduit les fuites dans l’économie.
  • Une augmentation de t réduit le multiplicateur.

Einstein Le multiplicateur dans une économie avec secteur public et commerce international

Pour trouver le multiplicateur, nous pouvons à nouveau utiliser le fait qu’il existe un équilibre sur le marché des biens quand la production est égale à la demande agrégée (l’équilibre se trouve là où la droite de demande agrégée croise la droite à 45 degrés dans le diagramme du multiplicateur). L’équation de demande agrégée peut être réarrangée pour trouver la production et donc le multiplicateur :

D’où :

On constate que le multiplicateur est plus petit lorsque l’on introduit l’État et le commerce international :

Cela est dû au fait que le dénominateur dans le membre de gauche est plus grand que celui de droite :

14.6 Politique budgétaire : comment les États peuvent stabiliser et amplifier les fluctuations

Les dépenses publiques et la fiscalité peuvent amortir les fluctuations économiques de trois manières principales :

  • L’importance du secteur public : contrairement à l’investissement privé, les dépenses publiques de consommation et d’investissement sont généralement stables. Les dépenses de santé et d’éducation, qui sont les deux postes de dépenses publiques les plus importants dans la plupart des pays, ne fluctuent pas au gré de l’utilisation des capacités de production ou de la confiance des entrepreneurs. Ces types de dépenses publiques stabilisent l’économie. Comme nous l’avons également vu, un taux d’imposition plus élevé amortit les fluctuations, car il réduit la taille du multiplicateur.
  • L’État verse des indemnités chômage : même si les ménages épargnent pour lisser les fluctuations de leur revenu, peu de ménages épargnent suffisamment (c’est-à-dire, s’auto-assurent) pour faire face à une longue période de chômage. Les allocations chômage aident donc les ménages à lisser la consommation. D’autres programmes visant à redistribuer des revenus aux pauvres ont le même effet de lissage.
  • L’État peut intervenir : il peut intervenir délibérément pour stabiliser la demande agrégée en utilisant la politique budgétaire.
politique budgétaire
Changements des impôts ou de la dépense publique afin de stabiliser l’économie. Voir également : relance budgétaire, multiplicateur budgétaire, demande agrégée (ou globale).
co-assurance
Une manière de regrouper l’épargne de différents ménages pour que chaque ménage puisse maintenir son niveau de consommation en cas de baisse temporaire du revenu ou d’un besoin d’une dépense très importante.
actions cachées (problème des)
Cela se produit quand une action choisie par une partie à un échange n’est pas connue ou ne peut pas être vérifiée par l’autre. Par exemple, un employeur ne peut pas savoir (ou ne peut vérifier) l’effort fourni par son employé pour effectuer sa tâche. Connu également sous le terme : aléa moral. Voir également : attributs cachés (problème des).
aléa moral
Ce terme trouve son origine dans le secteur de l’assurance pour décrire le problème rencontré par les assureurs, et qui est qu’une personne avec une assurance habitation prendra moins de précautions pour éviter un incendie ou d’autres dégâts, ce qui augmente le risque au-delà de ce qui serait observé en l’absence d’assurance. Ce terme désigne de nos jours toute situation dans laquelle une des parties d’une interaction doit choisir une action qui affecte les profits ou le bien-être de l’autre partie, souvent car la partie affectée n’a pas l’information nécessaire sur l’action. On en parle aussi comme du problème des « actions cachées ». Voir également : actions cachées (problème des), contrat incomplet, too big to fail.
attributs cachés (problème des)
Cela se produit quand un attribut de la personne impliquée dans un échange (ou le produit ou service offert) n’est pas connu par les autres parties. Par exemple, un individu qui acquiert une assurance maladie connaît son état de santé, mais l’assureur ne le connaît pas. Connu également sous le terme : sélection adverse. Voir également : actions cachées (problème des).
asymétrie d’information
Information qui est pertinente pour les parties dans une interaction économique, mais qui n’est connue que par certaines et pas par d’autres. Voir également : sélection adverse, aléa moral.

Les travailleurs pourraient-ils s’assurer à titre individuel contre la perte d’emploi ? Trois raisons expliquent également les défaillances des marchés privés et ce qui conduit les États à fournir une assurance chômage, qui prend la forme d’allocations chômage :

  • Risque corrélé : durant une récession, les pertes d’emploi seront généralisées. Cela signifie qu’il y aura une explosion de la demande de prestation d’assurance chômage au sein de l’économie, et un assureur privé pourrait ne pas être en mesure de verser des indemnisations de l’ampleur requise. Cela implique également que la co-assurance entre voisins ou membres d’une même famille pourrait être d’une utilité limitée, si le besoin d’être aidé concerne plusieurs ménages simultanément.
  • Actions cachées : comme nous l’avons vu dans l’Unité 12, une compagnie d’assurances ne peut pas connaître le motif d’une perte d’emploi. Par conséquent, elle doit assurer le salarié contre les licenciements décidés par une entreprise en réponse à une demande insuffisante, mais également ceux dus au mécontentement de l’employeur vis-à-vis du travail fourni. Cela crée un aléa moral, car une personne bien assurée risque de faire moins d’efforts au travail.
  • Attributs cachés : supposez que vous appreniez que votre entreprise connaît des difficultés, mais que la compagnie d’assurances l’ignore. Il s’agit d’un autre exemple d’asymétrie d’information. Lorsque vous apprenez sa fermeture probable, vous achèterez donc une assurance, qui vous sera proposée à des taux raisonnables, car la compagnie d’assurances ne sait pas encore qu’il y a de grandes chances que vous fassiez une demande d’indemnité. Les travailleurs qui savent que leur entreprise se porte bien n’achèteront pas d’assurance. Le problème des attributs cachés se vérifiera pour les personnes (travaillant assidûment ou paresseuses) et les entreprises (performantes ou en faillite). Les personnes ayant de bonnes perspectives (celles qui aiment travailler dur, par exemple) ne se préoccuperont pas de s’assurer et l’assureur ne sera sollicité que par ceux qui sont les plus susceptibles de perdre leur emploi.
stabilisateurs automatiques
Caractéristiques du système fiscal et de transferts dans une économie qui ont pour effet d’atténuer une expansion ou une contraction de l’économie. Un exemple est le système des allocations chômage.
paradoxe de l’épargne
Si un individu unique décide de consommer moins, son épargne augmentera ; mais si tout le monde décide de consommer moins, il est possible que l’épargne dans son ensemble diminue au lieu d’augmenter. La tentative d’augmenter l’épargne est contrecarrée si l’augmentation du taux d’épargne n’est pas suivie d’une hausse de l’investissement (ou d’autres sources de la demande agrégée telles que la dépense publique en biens et services). ll en résulte alors une baisse de la demande agrégée et de la production, ce qui implique que l’épargne n’augmente pas.
sophisme de composition
Fausse déduction que ce qui est vrai pour les parties d’un ensemble (un ménage, par exemple) doit être vrai pour l’ensemble (dans ce cas, l’économie dans son ensemble). Voir également : paradoxe de l’épargne.

Le système d’allocations chômage fait partie de la stabilisation automatique qui caractérise les économies modernes. Nous avons déjà analysé un autre stabilisateur automatique : un système d’impôt proportionnel réduit la taille du multiplicateur et atténue le cycle économique.

Dans notre liste, le troisième rôle de l’État dans l’atténuation des fluctuations repose sur le recours à la politique budgétaire dans le cadre de politiques de stabilisation délibérées : augmentation des dépenses publiques ou baisse des impôts pour soutenir la demande agrégée en période de récession, réduction des dépenses publiques et augmentation des impôts pour maîtriser une expansion économique. Faire approuver ces mesures par un parlement peut être une lourde tâche, et c’est une des raisons pour lesquelles les politiques de stabilisation passent plus souvent par la politique monétaire que par la politique budgétaire. La politique budgétaire peut toutefois également jouer un rôle de stabilisation important, comme nous allons le voir, notamment en cas de fortes récessions.

Le paradoxe de l’épargne et le sophisme de composition

En comparant un ménage avec l’économie dans son ensemble, nous comprenons mieux la nature d’une augmentation du déficit public en cas de récession. Face à un déficit de son budget, un ménage inquiet de la baisse de sa richesse réduit ses dépenses et épargne davantage. C’est précisément le comportement que nous avons étudié sur la Figure 14.8 lorsque les ménages augmentaient leur épargne en 1929. Keynes a montré que la sagesse de l’épargne de précaution familiale ne se transpose pas à l’État lorsque l’économie est en récession.

Comparez un ménage essayant d’épargner davantage à tous les ménages faisant de même simultanément. Imaginez un ménage unique réduisant ses dépenses et mettant ses économies supplémentaires dans un bas de laine. L’argent se trouve dans le bas de laine, pour que le ménage puisse décider de l’utiliser lorsqu’il juge que c’est raisonnable de le faire.

Imaginez à présent que tous les ménages réduisent leurs dépenses et mettent leur épargne supplémentaire dans leurs bas de laine respectifs. En supposant que rien d’autre ne change au sein de l’économie, l’épargne supplémentaire réduit la dépense de consommation agrégée dans l’économie. Que se passe-t-il ? D’après la section précédente, nous pouvons modéliser cela comme une baisse de la consommation autonome, c0 : la courbe de demande agrégée se déplace vers le bas. L’économie se déplace vers un niveau de production, de revenu et d’emploi plus bas, via le mécanisme du multiplicateur. La tentative agrégée d’augmenter son épargne mène à une chute du revenu agrégé, ce qui est connu sous le nom du paradoxe de l’épargne. Le fait que ce qui est vrai pour une partie de l’économie ne l’est pas pour l’économie tout entière est appelé le sophisme de composition.

Un ménage unique peut augmenter son épargne s’il anticipe un revers de fortune, et ses économies l’aideront s’il est effectivement malchanceux – par exemple, si quelqu’un tombe malade ou perd son emploi. En revanche, si tous les ménages font de même lorsque l’économie est dans une phase de récession, ce comportement est la cause même du revers de fortune : un plus grand nombre de personnes perdent leur emploi. La raison tient au fait que dans l’économie prise dans son ensemble, dépenses et recettes vont de pair. Mes dépenses sont votre revenu ; vos dépenses sont mon revenu.

Qu’est-il possible de faire ? L’État peut laisser les stabilisateurs automatiques jouer leur rôle et aider à absorber le choc. En outre, il peut stimuler l’économie (par exemple, en augmentant temporairement les dépenses publiques ou en réduisant temporairement les impôts) jusqu’à ce que la confiance des entreprises et des consommateurs revienne et que le secteur privé soit de nouveau prêt à dépenser. Les déficits budgétaires augmentent, mais cela évite une récession importante, ainsi que Keynes s’en était aperçu.

relance budgétaire
L’utilisation par le gouvernement de la politique budgétaire (via une combinaison de baisse des taxes et de hausse des dépenses) dans le but d’augmenter la demande globale. Voir également : multiplicateur budgétaire, politique budgétaire, demande agrégée (ou globale).

Lorsqu’un gouvernement réduit les impôts ou augmente les dépenses publiques G lors d’une récession, on appelle cela une relance budgétaire. Le but est de contrebalancer la chute de demande agrégée du secteur privé. Une réduction des impôts a pour but d’encourager le secteur privé à dépenser plus, tandis qu’une augmentation de G constitue un ajout direct à la demande agrégée. La Figure 14.11a montre comment une augmentation de G peut compenser un déclin de la consommation privée, à l’image de celui décrit par le paradoxe de l’épargne. Tout comme une augmentation exogène de l’investissement, l’augmentation de G s’opère via le multiplicateur, de sorte que l’augmentation du revenu sera normalement supérieure à l’augmentation de G.

L’expansion budgétaire peut compenser un déclin de la consommation privée.
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Figure 14.11a L’expansion budgétaire peut compenser un déclin de la consommation privée.

L’équilibre sur le marché des biens
: L’économie commence en A, à l’équilibre sur le marché des biens, où la demande agrégée (DG) est égale à la production.
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L’équilibre sur le marché des biens

L’économie commence en A, à l’équilibre sur le marché des biens, où la demande agrégée (DG) est égale à la production.

L’économie entre en récession
: Ceci se produit après une chute de la confiance des consommateurs, qui réduit c0. La droite de demande agrégée se translate vers le bas et l’économie se déplace du point A vers le point B.
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L’économie entre en récession

Ceci se produit après une chute de la confiance des consommateurs, qui réduit c0. La droite de demande agrégée se translate vers le bas et l’économie se déplace du point A vers le point B.

Relance budgétaire : une augmentation de G
: Supposez que l’État fasse alors augmenter les dépenses publiques de G à G′, afin de contrecarrer la détérioration de la demande agrégée. DG se déplace vers le haut et l’économie se déplace au point C.
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Relance budgétaire : une augmentation de G

Supposez que l’État fasse alors augmenter les dépenses publiques de G à G′, afin de contrecarrer la détérioration de la demande agrégée. DG se déplace vers le haut et l’économie se déplace au point C.

Les grands économistes John Maynard Keynes

Portrait de John Maynard Keynes John Maynard Keynes (1883–1946) et la Grande Dépression des années 1930 ont révolutionné la pensée économique. Jusqu’alors, la plupart des économistes considéraient le chômage comme le résultat d’une forme d’imperfection du marché du travail. Si ce marché fonctionnait de manière optimale, il permettrait d’égaliser l’offre et la demande de travailleurs. Le chômage de masse et durable de la décennie qui précéda la Seconde Guerre mondiale poussa Keynes à porter un regard neuf sur la question du chômage.

Keynes est né dans une famille d’universitaires, à Cambridge, au Royaume-Uni. Il étudia les mathématiques au King’s College de Cambridge, puis devint économiste et fut un disciple remarquable du célèbre professeur de Cambridge, Alfred Marshall. Avant la Première Guerre mondiale, Keynes était une référence mondiale sur la théorie quantitative de la monnaie et l’étalon-or, et prenait des positions conservatrices en matière de politique économique, défendant un rôle limité de l’État. Mais son point de vue changa peu après.

En 1919, juste après la Première Guerre mondiale, Keynes publia Les Conséquences économiques de la paix, ouvrage dans lequel il s’opposait au traité de Versailles qui mit fin à la guerre.2 Ce livre fit instantanément de lui une célébrité mondiale. Keynes y soutenait à juste titre que l’Allemagne ne pouvait pas payer d’importantes réparations de guerre, et que pousser l’Allemagne à le faire contribuerait à provoquer une crise économique mondiale. En 1925, Keynes s’opposa au retour de la Grande-Bretagne dans le système de l’étalon-or, défendant l’idée que cela engendrerait une contraction de l’économie. En 1929, il y eut un krach financier et une crise mondiale. La Grande Dépression s’ensuivit. En 1931, la Grande-Bretagne fut contrainte d’abandonner l’étalon-or.

En réponse à ces événements dramatiques, Keynes expliqua que les politiques monétaires orthodoxes requises par l’étalon-or ne feraient que renforcer la dépression, et que le monde avait besoin de politiques permettant d’accroître la demande agrégée. En 1936, il publia La Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, où il développa un modèle économique pour expliquer ses idées3. La Théorie générale devint immédiatement mondialement célèbre, en particulier pour le concept du multiplicateur présenté dans cette unité. Dans La Théorie générale, Keynes avançait l’idée que si les taux d’intérêt étaient déjà très bas, une expansion budgétaire devenait nécessaire pour atténuer la crise. Lors de la crise économique mondiale de 2008, la réaction initiale dans de nombreux pays fut d’appliquer de telles politiques keynésiennes.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, Keynes réfléchissait à la reconstruction d’après-guerre, déterminé à faire en sorte que les erreurs consécutives à la Première Guerre mondiale ne soient pas répétées. En 1944, avec l’Américain Harry Dexter White, il dirigea une conférence internationale à Bretton Woods, dans le New Hampshire, qui mena à la création d’un nouveau système monétaire international, géré par le Fonds monétaire international (FMI). Le système de Bretton Woods fut conçu dans le but d’éviter de reproduire les erreurs contre lesquelles Keynes avait mis en garde, sans succès, à la suite de la Première Guerre mondiale, et pour faire en sorte qu’un pays en récession (et ayant des problèmes de balance des paiements) n’ait pas besoin de mettre en place les politiques d’austérité rendues nécessaires par l’étalon-or. Un tel pays pourrait avoir recours à la politique budgétaire pour atteindre le plein emploi, tout en dévaluant dans le même temps son taux de change pour stimuler les exportations, réduire les importations et obtenir une balance des paiements satisfaisante.

Keynes mena une vie remarquablement variée. Il fut universitaire, haut fonctionnaire, propriétaire du magazine New Statesman, spéculateur financier, président d’une compagnie d’assurances et membre de la Chambre des Lords. Il fonda également le Conseil des Arts de Grande-Bretagne, et fut président de la compagnie d’opéra de Covent Garden. Il épousa la ballerine russe Lydia Lopokova et fut un membre éminent du groupe de Bloomsbury, un remarquable cercle d’artistes et d’écrivains à Londres, auquel appartenait la romancière Virginia Woolf.

En 1926, dans un ouvrage intitulé La Fin du laissez-faire,4 il écrivit :

Je pense pour ma part que le capitalisme, sagement aménagé, peut probablement être rendu plus efficace pour atteindre des objectifs économiques que tout système alternatif que l’on puisse envisager pour l’instant, mais que ce système est, à bien des égards, extrêmement critiquable. Le problème qui se pose à nous est de savoir si nous sommes capables de concevoir une organisation sociale qui soit aussi efficace que possible sans aller à l’encontre de ce que nous pensons être un mode de vie satisfaisant.

Comment les gouvernements peuvent amplifier les fluctuations

L’argument de Keynes est synthétisé dans la case en bas à droite de la Figure 14.12 à la fin de cette section : de mauvaises politiques amplifient le cycle économique.

solde budgétaire de l’État
La différence entre les recettes fiscales de l’État et les dépenses publiques (y compris les achats de biens et services des pouvoirs publics, l’investissement et les dépenses en transferts, comme les retraites et les allocations chômage). Voir également : déficit budgétaire public, excédent budgétaire public.
déficit budgétaire public
Quand le solde budgétaire de l’État est négatif. Voir également : solde budgétaire de l’État, excédent budgétaire public.
excédent budgétaire public
Quand le solde budgétaire de l’État est positif. Voir également : solde budgétaire de l’État, déficit budgétaire public.

Parfois, un État choisit d’augmenter les impôts ou de réduire les dépenses pendant une récession parce qu’il est préoccupé par les effets de la récession sur son solde budgétaire. Le solde budgétaire de l’État est la différence entre les recettes de l’État moins les transferts, T, et les dépenses publiques, G, soit (T − G). Comme nous l’avons vu précédemment, si l’économie est en récession, les transferts publics tels que les allocations chômage augmentent tandis que les recettes fiscales diminuent, de sorte que le solde budgétaire public se détériore et pourrait devenir négatif.

Lorsque le solde budgétaire de l’État est négatif, on appelle cela un déficit budgétaire public – les dépenses publiques sur les biens et services, incluant les dépenses d’investissement plus les dépenses sur les transferts (comme les pensions de retraite et les allocations chômage) sont plus importantes que les recettes fiscales de l’État. Un excédent budgétaire public a lieu lorsque les recettes fiscales sont plus importantes que les dépenses. Pour résumer :

  • Équilibre budgétaire : G = T
  • Déficit budgétaire : G > T
  • Excédent budgétaire : G < T

La détérioration de la position budgétaire d’un État lors d’une récession fait partie de son rôle de stabilisateur. Réciproquement, lorsque l’État choisit de contourner les stabilisateurs pour réduire son déficit, cela peut amplifier les fluctuations de l’économie.

Imaginez qu’un État tente d’améliorer son solde budgétaire lors d’une récession en diminuant ses dépenses. Cela, tout comme une hausse des impôts, est qualifié de politique d’austérité. Suivez l’analyse de la Figure 14.11b pour voir comment une politique d’austérité peut renforcer une récession en réduisant plus encore la demande agrégée.

L’austérité budgétaire peut aggraver une récession.
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Figure 14.11b L’austérité budgétaire peut aggraver une récession.

Équilibre sur le marché des biens
: L’économie commence au point A, à l’équilibre sur le marché des biens, où la demande agrégée est égale à la production.
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Équilibre sur le marché des biens

L’économie commence au point A, à l’équilibre sur le marché des biens, où la demande agrégée est égale à la production.

L’économie entre en récession
: Ceci a lieu après une chute de la confiance des consommateurs, réduisant c0. La droite de demande globale se déplace vers le bas et l’économie se déplace du point A vers le point B.
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L’économie entre en récession

Ceci a lieu après une chute de la confiance des consommateurs, réduisant c0. La droite de demande globale se déplace vers le bas et l’économie se déplace du point A vers le point B.

Politique d’austérité
: Supposez que le gouvernement décide alors de réduire la dépense publique de G à G′, pour contrecarrer la détérioration du solde budgétaire de l’État. Par rétroaction, la récession fait augmenter les transferts de l’État et réduit les recettes fiscales.
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Politique d’austérité

Supposez que le gouvernement décide alors de réduire la dépense publique de G à G′, pour contrecarrer la détérioration du solde budgétaire de l’État. Par rétroaction, la récession fait augmenter les transferts de l’État et réduit les recettes fiscales.

Cela signifie-t-il que les gouvernements ne devraient jamais imposer l’austérité pour réduire un déficit budgétaire ? Non – cela signifie simplement qu’une récession n’est pas le meilleur moment pour le faire. Créer du déficit public dans une conjoncture économique inadéquate peut causer des dégâts. Dans le cadre de politiques publiques bien conçues, il y aura des contraintes sur les actions du gouvernement, comme nous le verrons dans la Section 14.8.

rétroaction négative (effet de)
Un processus par lequel un changement initial enclenche un processus qui atténue le changement initial. Voir également : rétroaction positive (effet de).
rétroaction positive (effet de)
Un processus par lequel un changement initial déclenche un processus qui amplifie le changement initial. Voir également : rétroaction négative (effet de).

Le tableau de la Figure 14.12 résume ce que nous avons appris jusqu’ici. La première ligne donne des exemples sur la manière dont le comportement des ménages peut lisser ou perturber le fonctionnement de l’économie. Les termes de rétroactions négative et positive sont utilisés pour indiquer les mécanismes d’atténuation et d’amplification du cycle économique.

Mécanismes d'atténuation, compensant les chocs (stabilisateurs) Mécanismes d'amplification, renforçant les chocs (potentiellement déstabilisateurs)
Décisions du secteur privé
  • Lissage de la consommation
  • Les contraintes de crédit limitent le lissage de la consommation
  • La hausse de la valeur du collatéral (prix de l'immobilier) peut augmenter la richesse au-dessus du niveau cible et augmenter la consommation
  • La hausse de l'utilisation des capacités de production lors d'une phase d'expansion encourage les dépenses d'investissement, renforçant l'expansion
Décisions des gouvernements et des banques centrales
  • Stabilisateurs automatiques (allocations chômage, par exemple)
  • Politique de stabilisation (budgétaire ou monétaire)
  • Erreurs de politiques publiques, comme limiter la portée des stabilisateurs automatiques en récession, ou faire du déficit public en cas de faible demande sans pour autant générer d'excédents en cas d'expansion

Figure 14.12 Le rôle du secteur privé et du gouvernement dans le cycle économique.

Exercice 14.4 Baisses des dépenses durant une récession

Supposons que l’État soit initialement à l’équilibre budgétaire.

  1. Le solde budgétaire de l’État s’améliore-t-il, se détériore-t-il ou reste-t-il inchangé si le gouvernement diminue les dépenses publiques en période de récession, ceteris paribus ? Pour répondre à cette question, utilisez l’exemple de la Figure 14.11b. Supposez que le budget de l’État était équilibré en A. Une fois en B, l’État réduit G dans l’espoir d’améliorer son solde budgétaire. Supposez qu’il n’y ait pas d’allocations chômage et qu’un impôt linéaire soit en vigueur.
  2. Évaluez la politique du gouvernement.

Question 14.7 Choisissez la ou les bonnes réponses

Laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Maintenir l’équilibre budgétaire pendant une récession aide à stabiliser l’économie.
  • Les stabilisateurs économiques font référence au fait que les chocs économiques sont partiellement compensés par les ménages lissant leur consommation lorsque leur revenu varie.
  • Le multiplicateur sur une relance budgétaire est supérieur lorsque l’économie fonctionne à pleine capacité.
  • Une relance budgétaire peut être mise en œuvre en augmentant les dépenses afin d’augmenter directement la demande ou en réduisant les impôts afin d’augmenter la demande du secteur privé.
  • Si le gouvernement maintient l’équilibre budgétaire, alors il ne compense pas la détérioration de la demande privée.
  • Les stabilisateurs automatiques renvoient aux politiques publiques lissant le revenu disponible des ménages, comme les impôts et les allocations chômage.
  • Le multiplicateur, tel que nous l’avons défini jusqu’à présent, suppose qu’il y a une capacité inutilisée dans l’économie. Il serait faible ou nul s’il y avait peu ou pas du tout de capacité de réserve.
  • Une augmentation de G fait augmenter la demande agrégée directement, alors qu’une réduction des impôts peut faire augmenter C et/ou I, représentant une augmentation de la demande du secteur privé.

14.7 Le multiplicateur et la conduite de la politique économique

Dans le modèle du multiplicateur, nous avons utilisé des techniques simples pour modéliser la consommation agrégée, l’investissement, les échanges commerciaux et la politique budgétaire de l’État. Cela signifie qu’il y a un nombre réduit de variables à partir desquelles la taille du multiplicateur est calculée (la propension marginale à consommer, la propension marginale à importer et le taux d’imposition). Lorsque l’on veut appliquer le modèle au monde réel, il est important d’être conscient qu’il n’existe pas de multiplicateur unique et invariable dans le temps.

Effet d’éviction

L’effet d’une augmentation des dépenses de l’État sur la réduction des dépenses privées, auquel on peut s’attendre par exemple dans une économie tournant à pleine utilisation de ses capacités ou quand une expansion budgétaire est associée avec une hausse du taux d’intérêt.

La valeur du multiplicateur sera différente selon que l’économie utilise toutes ses capacités de production avec un taux de chômage faible ou qu’elle se trouve en récession. Avec des ressources pleinement utilisées, une augmentation de 1 % des dépenses publiques déplacerait ou évincerait une partie de la dépense privée de l’économie. Dans un cas extrême, si tous les travailleurs ont un emploi, une augmentation de l’emploi public ne peut avoir lieu que si le gouvernement débauche des travailleurs du secteur privé. Si l’augmentation de production publique était exactement compensée par la réduction de production privée, alors le multiplicateur serait de zéro.

On ne s’attendrait pas normalement à ce qu’un gouvernement décide d’une expansion budgétaire dans une économie de plein emploi – bien qu’il le puisse, dans des circonstances exceptionnelles comme la guerre, à l’instar des États-Unis dans les dernières années de la Seconde Guerre mondiale et pendant la guerre du Vietnam.

La taille du multiplicateur dépendra également des anticipations des entreprises. L’économie n’est pas comme un pneu de vélo, que l’on peut gonfler ou dégonfler pour maintenir la pression au bon niveau. Les ménages et les entreprises ne font pas que réagir à des changements de politiques, ils les anticipent également. Par exemple, si les entreprises anticipent que l’État stabilisera l’économie après un choc négatif, cela confortera la confiance des entreprises, et il sera suffisant de mettre en place une relance de moindre ampleur. Inversement, si les ménages pensent qu’un niveau de dépenses publiques plus élevé sera suivi d’impôts plus importants, ceux qui peuvent épargner pourraient mettre davantage de côté afin de payer ces impôts supplémentaires. Si cela se produit, cela réduira l’impact de la relance.

Quand la crise financière de 2008 conduisit à la baisse de PIB la plus importante depuis la Grande Dépression pour de nombreuses économies, les décideurs publics dans le monde entier demandèrent aux économistes de répondre à la question suivante : la politique budgétaire permettrait-elle de stabiliser l’économie ? Le modèle du multiplicateur, inspiré de l’analyse qu’avait faite Keynes de la Grande Dépression, semblait indiquer que oui. Mais en 2008, beaucoup d’économistes doutaient que le modèle de Keynes soit encore pertinent. La crise suscita un regain d’intérêt pour ce modèle, et conduisit à un large consensus, quoiqu’incomplet, sur la valeur du multiplicateur parmi les économistes (voir ci-dessous).

Une étude publiée en 2012 par deux économistes, Alan Auerbach et Yuriy Gorodnichenko, a montré la façon dont la taille du multiplicateur varie selon que l’économie soit en récession ou dans une phase d’expansion.5 C’est exactement l’éclairage dont les décideurs publics avaient besoin en 2008.

Leur étude indique que, pour les États-Unis, une augmentation de 1 $ de la dépense publique augmente la production de 1,50 $ à 2 $ pendant une récession, mais seulement de 0,50 $ en période d’expansion. Auerbach et Gorodnichenko ont élargi leurs recherches à d’autres pays et ont trouvé des résultats similaires. Ils ont également montré que l’effet d’augmentations autonomes de la dépense dans un pays donné a des retombées positives sur les pays avec lesquels il commerce. Ces effets étaient à peu près de la même ampleur que les effets indirects des augmentations successives de la dépense dans le pays d’origine.

Comment les économistes apprennent des données La Mafia et le multiplicateur

expérience naturelle
Une étude empirique qui exploite des groupes de comparaison advenus naturellement et où les chercheurs n’ont pas la capacité d’assigner des participants à des groupes de traitement et de contrôle, comme c’est le cas dans les expérimentations conventionnelles. Parfois, des différences de législations, de politiques publiques, de climats et d’autres évènements peuvent offrir l’opportunité d’analyser les populations comme si elles avaient fait partie d’une expérience. La validité de telles études repose sur le postulat que l’allocation des sujets aux groupes de contrôle et de traitement produits naturellement peut être considérée comme aléatoire.
causalité inverse
Une relation de causalité à deux sens, dans laquelle A affecte B et B affecte aussi A.

Vous pourriez être surpris(e) d’apprendre que les économistes ont utilisé la lutte de l’État italien contre la Mafia pour estimer la taille du multiplicateur, mais c’est ce qu’ont réussi à faire Antonio Acconcia, Giancarlo Corsetti et Saverio Simonelli.6 Pour échapper au problème de causalité inverse, ils ont utilisé la méthode de l’expérience naturelle et ont exploité des données portant sur le renvoi de politiciens locaux liés à la Mafia afin d’isoler la variation de la dépense publique qui n’est pas provoquée par des variations de la production.

Suite à un changement de la loi en 1991, l’État central destitua les conseils provinciaux en Italie dont il avait été révélé qu’ils entretenaient des liens étroits avec la Mafia, et nomma de nouveaux agents à la place. Ces technocrates firent baisser les dépenses locales de 20 % en moyenne. La variation des dépenses publiques survenait en raison des liens avec la Mafia, à travers leurs effets sur le remplacement des représentants de l’État. Étant donné qu’il n’y a pas de lien de causalité direct entre la proximité avec la Mafia et la variation du niveau de production, la proximité avec la Mafia peut être utilisée pour identifier l’effet causal d’un changement du niveau des dépenses publiques sur la production. La situation est illustrée ci-dessous :

Utiliser la proximité avec la Mafia pour estimer le multiplicateur.
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Figure 14.13 Utiliser la proximité avec la Mafia pour estimer le multiplicateur.

Avec cette méthode, les chercheurs ont pu estimer un multiplicateur de 1,5 au niveau local.

Les économistes ont utilisé toute leur ingéniosité pour mettre au point des méthodes d’estimation de la taille du multiplicateur et de ses répercussions sur l’emploi. En s’appuyant sur le programme de relance américain, mis en place à la suite de la crise financière (l’American Recovery and Reinvestment Act de 2009, une relance de 787 milliards de dollars), on s’attendrait à ce que les États américains les plus touchés par la crise soient ceux qui aient été les plus durement touchés par le chômage et qui aient attiré le plus de relance par la dépense de la part du gouvernement. Par ce raisonnement, le chômage conduirait à davantage de dépenses dans ces États. Cela compromet l’estimation des effets d’une augmentation de la dépense sur la production et le chômage, qui est ce que nous cherchons à faire si nous souhaitons connaître la taille du multiplicateur.

Une approche pour contourner ce problème de causalité inversée consiste à utiliser le fait qu’une partie des dépenses du programme de relance américain a été distribuée aux États américains selon une formule ne tenant pas compte de la sévérité de la récession dans chaque État. Par exemple, certaines dépenses de réparation des routes financées par le programme de relance dépendaient de la longueur du réseau autoroutier dans chaque État.7

Étant donnée la formule d’allocation des fonds destinés à la construction des routes, et en utilisant le fait que la longueur du réseau autoroutier n’a aucun effet direct sur la variation du chômage, on peut répondre à la question suivante : y a-t-il eu davantage d’emplois créés dans les États ayant le plus bénéficié des dépenses de relance ?8

Utiliser les dépenses du plan de relance liées aux autoroutes pour estimer le multiplicateur.
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Figure 14.14 Utiliser les dépenses du plan de relance liées aux autoroutes pour estimer le multiplicateur.

Les résultats des études utilisant cette approche estiment un multiplicateur de 2, et suggèrent que le plan de relance américain a créé entre 1 et 3 millions de nouveaux emplois.

Malgré le scepticisme de certains économistes avant la crise de 2008 sur le fait que le multiplicateur était supérieur à un, les décideurs publics du monde entier ont mis en place des programmes de relance budgétaire en 2008–2009. On a attribué à la relance budgétaire le mérite d’avoir évité une nouvelle Grande Dépression, comme nous le verrons dans l’Unité 17.

Quand les économistes ne sont pas d’accord Dans quelle mesure l’économie est-elle sensible aux dépenses publiques ?

Peu de questions de politique économique sont débattues avec autant de ferveur que la valeur du multiplicateur depuis la crise financière de 2008 : quel est l’effet sur le PIB d’une augmentation des dépenses publiques de 1 % ?

Le point d’achoppement tient principalement aux différences politiques entre les économistes impliqués. Ceux favorables à une augmentation des dépenses publiques tendent à penser que le multiplicateur est grand, tandis que ceux qui souhaiteraient que la taille du secteur public diminue pensent qu’il est faible. (Nous ne savons pas si cette corrélation tient au fait que leurs croyances concernant l’État influencent leurs estimations de la taille du multiplicateur, ou si c’est l’inverse.)

Ce débat n’a jamais cessé depuis la première formalisation théorique du multiplicateur par John Maynard Keynes dans les années 1930. La crise économique récente l’a ravivé pour deux raisons :

  1. La politique monétaire ne pouvait pas être utilisée : suite à la crise financière, plusieurs grandes économies sont restées en récession malgré l’intervention des banques centrales qui abaissèrent le niveau des taux d’intérêt à quasiment zéro. Comme nous le verrons dans la prochaine unité, les taux d’intérêt ne peuvent pas être abaissés à un niveau négatif, donc les États voulaient savoir si la relance budgétaire par la hausse de la dépense publique aiderait à stabiliser l’économie.
  2. Les arguments quant à l’efficacité de l’austérité : après la crise de la zone euro en 2010, de nombreux pays européens alors en récession adoptèrent des politiques d’austérité en diminuant les dépenses publiques avec pour objectif de restaurer l’équilibre budgétaire de leurs finances publiques.

Dans le cas de la relance comme dans le cas de l’austérité, le succès de la politique économique dépend de la taille du multiplicateur. Si le multiplicateur est négatif – ce qui pourrait se produire si une aggravation du déficit budgétaire provoque une importante réduction de la confiance –, un plan de relance conduira à une réduction du PIB, et une politique d’austérité provoquera une augmentation du PIB. Si le multiplicateur est positif, mais inférieur à 1, une relance budgétaire augmentera le PIB, mais dans une moindre mesure que la hausse des dépenses publiques. Si, comme dans notre modèle du multiplicateur, le multiplicateur est supérieur à 1, une relance budgétaire conduira à une augmentation du PIB plus importante que l’augmentation des dépenses publiques, tandis qu’une politique d’austérité renforcera la récession.

Selon les méthodologies et les hypothèses adoptées, les économistes ont proposé différentes estimations du multiplicateur, allant de valeurs négatives à des valeurs supérieures à 2. Par exemple, les membres du Council of Economic Advisers du président Obama estimèrent que le multiplicateur était de 1,6 lorsqu’ils préparèrent l’American Recovery and Reinvestment Act de 2009. Le Fonds monétaire international présenta en 2012 des estimations selon lesquelles les multiplicateurs des économies avancées étaient compris, après la crise, entre 0,9 et 1,7.9

Pour être efficaces, les dépenses publiques doivent rendre productives des ressources qui, autrement, seraient inutilisées. Ces ressources peuvent être des travailleurs au chômage (ou sous-employés), ainsi que des bureaux, des magasins ou des usines ne fonctionnant pas à plein régime. Quand une économie fonctionne déjà à plein régime (sans ressources inutilisées), toute dépense publique supplémentaire remplace ou évince la dépense privée.

Les économistes Robert Barro et Paul Krugman exprimèrent leur désaccord quant à la valeur du multiplicateur dans les semaines qui suivirent la promulgation de l’American Recovery and Reinvestment Act, au début de l’année 2009. En utilisant des données sur les dépenses de défense nationale au cours de la Seconde Guerre mondiale, Barro est parvenu à la conclusion que le multiplicateur ne valait pas plus de 0,8. C’est-à-dire que dépenser 1 $ en équipement militaire n’augmenta la production que de 80 cents. Mais Paul Krugman répondit qu’en période de guerre, il n’y a pas de ressources productives inexploitées qu’il soit possible d’utiliser. Les personnes en âge de travailler participaient toutes à l’effort de guerre dans les usines, et le gouvernement avait recours au rationnement pour faire baisser la consommation privée.10

Durant les récessions consécutives à la crise de la zone euro en 2010, alors que de nouvelles recherches en économie montraient que la valeur du multiplicateur en période de récession était nettement supérieure à un, de nombreux gouvernements européens mirent en place des politiques d’austérité budgétaire pour équilibrer leurs budgets. Ces pays obtinrent des performances de croissance médiocres – un autre signe qu’en période de forte récession, le multiplicateur est bien supérieur à 1. Mais certains pays de la zone euro n’ont pas eu d’autre choix que d’adopter des politiques d’austérité. Comme nous le verrons dans la section suivante, ils avaient perdu leur capacité à emprunter.

Exercice 14.5 Méthodes d’estimation du multiplicateur

Considérez les trois méthodes évoquées dans cette unité qui ont été utilisées pour estimer la taille du multiplicateur : les évictions de responsables politiques liés à la Mafia en Italie, les dépenses de relance par la construction d’autoroutes aux États-Unis et les dépenses de défense en période de guerre aux États-Unis.

Pourquoi les estimations de la valeur du multiplicateur varient-elles selon vous ? Utilisez les concepts développés dans cette unité pour étayer votre explication.

Exercice 14.6 Contributions à la variation du produit intérieur brut réel au cours du cycle économique

Dans le tableau de la Figure 13.8, nous avions consigné les contributions des composantes principales de la dépense (C, I, G et XM) sur la croissance du PIB américain pendant la récession de 2009. Nous pouvons utiliser FRED pour voir si ces contributions ont évolué au cours de la phase de reprise.

Allez sur le site Internet de FRED. Vous pouvez consulter ce court tutoriel pour comprendre comment fonctionner FRED. Recherchez « Contribution to GDP » en utilisant la barre de recherche et sélectionnez ces quatre séries annuelles :

  • « Contributions to percent change in real gross domestic product: Personal consumption expenditures »

Veillez à ce que la fréquence soit annuelle. Pour modifier la fréquence de votre série, cliquez sur le bouton « Edit graph » en haut à droite du graphique.

Ce bouton vous permet également d’ajouter d’autres séries à votre graphique. Cliquez sur « Add line » et recherchez les séries suivantes :

  • « Contributions to percent change in real gross domestic product: Gross private domestic investment »
  • « Contributions to percent change in real gross domestic product: Government consumption expenditures and gross investment »
  • « Contributions to percent change in real gross domestic product: Net exports of goods and services »

Enfin, ajoutez une série pour la croissance du PIB réel (« Real Gross Domestic Product »). Veillez à sélectionner une fréquence annuelle pour toutes les séries de votre graphique.

  1. Les contributions au PIB cumulées correspondent-elles approximativement à la croissance du PIB ?

Utilisez maintenant les données que vous avez téléchargées pour répondre aux questions suivantes pour la période 2007–2014 :

  1. Décrivez les contributions à la croissance du PIB américain pendant la récession (T1 2008 à T2 2009) et pendant la phase de reprise (à partir de T3 2009) du cycle économique. Si vous analysez les données en utilisant le graphique de FRED, les périodes de récession sont grisées. Réalisez un tableau comme celui de la Figure 13.8.
  2. Qu’est-ce qui pourrait expliquer les différences dans le rôle de la consommation et de l’investissement pendant la récession et pendant les phases de reprise du cycle économique ?
  3. À partir des contributions à la croissance du PIB des dépenses de consommation et d’investissement du secteur public, que pouvez-vous déduire de la politique budgétaire du gouvernement américain pendant la crise ?

Note : pour vous assurer que vous comprenez comment les graphiques de FRED sont créés, vous pouvez exporter les données dans un tableur et reproduire les séries.

Exercice 14.7 La chute de la France

Dans un éditorial d’août 2014 intitulé ‘The Fall of France’, Paul Krugman critique la politique d’austérité mise en place en France.

En utilisant ce que vous avez appris à propos du multiplicateur budgétaire, expliquez pourquoi, selon Krugman, l’austérité budgétaire en France (et plus généralement en Europe) échouera (expliquez précisément ce que Krugman entend par « échouera »).

Exercice 14.8 Relance sans endettement supplémentaire

Lisez ‘Stimulus, Without More Debt’ de Robert Shiller.

Supposons que l’économie soit en récession. La dette publique est élevée et le gouvernement veut atteindre l’équilibre budgétaire, soit GT. Comment le gouvernement peut-il générer une relance budgétaire avec un effet sur le PIB tout en maintenant le budget à l’équilibre ?

Pour répondre à cette question, suivez les étapes ci-dessous :

  • Montrez comment cela est possible à l’aide d’un diagramme du multiplicateur, en annotant correctement les ordonnées à l’origine et les pentes pertinentes. Dessinez un diagramme suffisamment précis pour que la taille précise du multiplicateur soit observable.
  • Expliquez avec vos propres mots comment le gouvernement peut mettre en œuvre une relance budgétaire tout en maintenant le budget équilibré.
  • Calculez algébriquement le multiplicateur de budget équilibré. (Indice : vous devrez écrire les expressions de la variation du PIB associée à un changement à la fois de G et de T, et les faire s’égaliser.)
  • Commentez brièvement les inconvénients que vous entrevoyez à recourir à cette relance budgétaire avec un budget à l’équilibre.

Pour répondre à la question, vous pouvez faire les hypothèses suivantes :

  • Supposez que l’impôt soit forfaitaire. Cela signifie que l’impôt ne dépend pas du niveau de revenu, TT, contrairement à notre hypothèse habituelle selon laquelle TtY.
  • Supposez également que le pays n’ait ni importations ni exportations.

Question 14.8 Choisissez la ou les bonnes réponses

Lesquelles des affirmations suivantes sur le multiplicateur sont correctes ?

  • Les économistes ont tendance à s’accorder sur leurs estimations du multiplicateur.
  • La causalité inverse peut poser problème quand on estime le multiplicateur de façon empirique.
  • Si les ménages anticipent le fait que des dépenses publiques accrues seront financées par une augmentation future des impôts, alors le multiplicateur sera plus grand.
  • Si les entreprises anticipent le fait que la politique budgétaire du gouvernement sera efficace, alors le multiplicateur sera plus grand.
  • Les estimations du multiplicateur varient largement.
  • Si une relance budgétaire plus vigoureuse est menée dans les économies où le taux de chômage est élevé, alors la causalité inverse peut être un problème pour les estimations du multiplicateur.
  • Dans ce cas, les ménages pourraient augmenter leur épargne aujourd’hui afin de payer l’augmentation anticipée des impôts. Ils réduiraient ainsi leur propension marginale à dépenser, d’où une réduction du multiplicateur.
  • Les entreprises augmenteront l’investissement si elles sont persuadées que l’économie se rétablira rapidement, augmentant ainsi la demande.

14.8 Les finances publiques

dette publique
La somme de toutes les obligations vendues par l’État au cours du temps pour financer le déficit, moins celles arrivées à échéance.

Grâce au paradoxe de l’épargne, nous avons appris qu’il est contre-productif pour le gouvernement de compenser la stabilisation automatique de l’économie en période de récession. Nous avons aussi appris que le recours à une relance budgétaire pour stimuler la demande agrégée en cas de forte récession peut être justifié, dans des conditions où le multiplicateur est supérieur à un. Aussi, pourquoi les politiques de relance sont-elles souvent suivies de politiques d’austérité ? La réponse est : la dette publique. Pour comprendre pourquoi, détaillons les recettes et les dépenses des administrations publiques.

Recettes

Les États prélèvent des impôts principalement sous la forme d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la consommation, souvent appelé taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou taxe sur les ventes. Ils se financent également à partir de sources diverses, dont des taxes sur des produits comme l’alcool, le tabac et l’essence, mais aussi des impôts sur la fortune, dont les droits de succession.

Dépenses

Les dépenses publiques incluent la santé, l’éducation, la défense, ainsi que l’investissement public tel que les routes et les écoles.

Les recettes publiques sont aussi utilisées pour financer différents transferts, qui comprennent les indemnités chômage, les retraites et les pensions d’invalidité. L’État doit également payer les intérêts de sa dette. Les transferts et les versements d’intérêts sont financés par les recettes publiques, mais ils ne comptent pas dans G parce que l’État ne dépense pas d’argent dans des biens et services.

Déficit primaire

déficit primaire
Le déficit public (recettes moins dépenses) auquel on a soustrait les paiements des intérêts de la dette. Voir également : dette publique.

Le déficit public, hors paiement des intérêts de la dette, est appelé déficit budgétaire primaire et est mesuré par G − T, où T représente les recettes fiscales moins les transferts (que l’on a définis comme valant tY dans le modèle du multiplicateur avec un taux d’impôt proportionnel, t). Si la situation initiale est une situation de déficit primaire nul, elle se détériore automatiquement en période de récession. Quand la tendance s’inverse, le déficit public primaire diminue et, en phase d’expansion, l’État aura des recettes supérieures à ses dépenses.

Lorsqu’il existe un déficit budgétaire, cela signifie que l’État doit emprunter pour combler l’écart existant entre ses recettes et ses dépenses. L’État emprunte en vendant des obligations. Les entreprises et les ménages achètent les obligations. Les ménages les détiennent souvent indirectement, car elles sont achetées par des fonds de pension auprès desquels les ménages achètent leur pension de retraite. La vente d’obligations accroît la dette publique.

Du fait de la mondialisation des marchés financiers, les étrangers aussi peuvent acheter des obligations nationales. Les obligations d’État sont attrayantes pour les investisseurs, car elles paient un taux d’intérêt fixe et sont généralement considérées comme un investissement sûr : le risque de défaut des obligations d’État est généralement faible. Les investisseurs tendent à vouloir détenir une combinaison d’actifs sûrs et risqués, et les obligations d’État font normalement partie des actifs les plus sûrs qu’ils puissent détenir.

crise de la dette souveraine
Une situation dans laquelle les obligations d’État finissent par être considérées comme trop risquées de sorte que l’État puisse se retrouver dans l’incapacité d’emprunter. Le cas échéant, l’État ne peut pas dépenser plus que ses recettes fiscales.

Une crise de la dette souveraine est une situation dans laquelle les obligations d’État commencent à être perçues comme risquées. De telles crises ne sont pas rares dans les économies en développement et émergentes, mais le sont dans les économies avancées. Pourtant, en 2010, les taux d’intérêt des obligations émises par l’Irlande, la Grèce, l’Espagne et le Portugal augmentèrent, indiquant une augmentation considérable du risque de défaut – la probabilité que l’État ne puisse verser les paiements requis. C’est ainsi que la crise de l’euro a commencé. Les gouvernements des pays en situation de crise de la dette souveraine peuvent ne pas avoir d’autre choix que de mettre en place des politiques d’austérité s’ils ne peuvent plus emprunter, car dans une telle situation, il leur est impossible de dépenser plus que leurs recettes fiscales.

Un stock élevé de dettes par rapport au PIB peut constituer un problème car, comme un ménage, l’État doit payer les intérêts sur sa dette et doit percevoir des recettes pour payer ces intérêts, ce qui peut nécessiter d’augmenter les impôts. Cependant, les États ne sont pas comparables aux ménages dans la mesure où il n’y a pas d’échéance à laquelle ils doivent avoir remboursé tout leur stock de dettes – quand un ensemble d’obligations arrivent à maturité, les États émettent généralement d’autres obligations et conservent ainsi un stock de dettes (c’est ce qu’on appelle un refinancement de la dette, que les entreprises pratiquent également pour financer leurs activités). En effet, étant donné que les obligations d’État sont généralement considérées comme un actif peu risqué en dehors des périodes de crise, les investisseurs privés demandent souvent de la dette publique. Comme l’indiquent les données de long terme du Royaume-Uni sur la Figure 14.15, il n’y a pas de règle générale sur la quantité de dettes que les États peuvent avoir sans prendre de risques.

La dette publique du Royaume-Uni en pourcentage du PIB (1700–2014)
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Figure 14.15 La dette publique du Royaume-Uni en pourcentage du PIB (1700–2014).

Ryland Thomas and Nicholas Dimsdale. (2017). ‘A Millennium of UK Data’. Bank of England OBRA dataset.

La Figure 14.15 montre la trajectoire de la dette publique du Royaume-Uni entre 1700 et 2014. Le niveau d’endettement d’un État est mesuré par rapport à la taille de son économie, c’est-à-dire en pourcentage du PIB. Les deux augmentations brutales du ratio dette/PIB britannique au cours du 20e siècle ont été provoquées par la nécessité pour le gouvernement d’emprunter pour financer l’effort de guerre.

Les crises financières font elles aussi augmenter la dette publique. Les États empruntent à la fois pour renflouer les banques en faillite et pour soutenir l’économie lors des longues récessions consécutives aux crises financières. Le ratio dette/PIB du Royaume-Uni a rapidement doublé pour atteindre plus de 80 % après la crise financière mondiale de 2008.

Remarquons également que, même si le Royaume-Uni est sorti de la Seconde Guerre mondiale avec un niveau d’endettement très élevé, celui-ci a rapidement diminué au cours des décennies qui ont suivi : de 260 % du PIB à 50 % dans les années 1980. Pourquoi ? À l’exception d’une année, l’État britannique a été en situation d’excédent budgétaire primaire durant toute la période allant de 1948 à 1973, ce qui a contribué à réduire le ratio dette/PIB. Mais le ratio peut également diminuer même en situation de déficit budgétaire primaire, tant que le taux de croissance de l’économie reste supérieur au taux d’intérêt. Au cours de la période de réduction rapide du taux d’endettement britannique, en plus des excédents primaires, la croissance était modérée, les taux d’intérêt fixés par le gouvernement bas et l’inflation modérée.

Pourquoi l’inflation aide-t-elle un pays à réduire son taux d’endettement ? Parce que la valeur faciale des obligations (le niveau d’endettement) est exprimée en termes nominaux. Par exemple, l’émission d’une obligation à dix ans émise en 1950 promet un remboursement d’un million de livres sterling en 1960. Donc si l’inflation fut modérément élevée au cours des années 1950, le PIB nominal a augmenté rapidement tandis que le million de livres sterling dû en 1960 est resté constant, ce qui signifie que la dette s’est contractée par rapport au PIB. Comme nous l’expliquerons davantage dans l’Unité 15, l’inflation réduit la valeur réelle de la dette.

De nombreuses économies avancées ont connu de longues périodes caractérisées par un taux de croissance supérieur au taux d’intérêt. L’économiste Brad DeLong a observé que ce fut le cas aux États-Unis pour la quasi-totalité des 125 dernières années.11

amélioration au sens de Pareto
Un changement qui bénéficie à au moins une personne sans dégrader la situation d’une autre personne. Voir également : Pareto-dominant.
équité
Une façon d’évaluer une allocation basée sur sa propre conception de la justice.

Exercice 14.9 Efficacité et équité

Comment utiliseriez-vous les critères d’amélioration au sens de Pareto et d’équité pour évaluer le recours aux politiques de relance et de sauvetage des banques après la crise financière mondiale de 2007–2008 ?

Indice : vous pouvez relire les Sections 5.2 et 5.3 de l’Unité 5 dans lesquelles les concepts sont expliqués.

Dans les pays dont la population est vieillissante, les évolutions démographiques poussent à la hausse le ratio d’endettement, car la proportion de dépenses publiques allouées au versement des retraites, à la prise en charge des frais de santé et d’aide aux personnes âgées va s’accroître. Beaucoup de gouvernements et d’électeurs font face à un choix difficile : faut-il limiter les prestations ou augmenter les impôts ?12

Les leçons que nous pouvons tirer de notre discussion de la politique budgétaire et de la dette publique sont les suivantes :

  • Les stabilisateurs automatiques jouent un rôle utile : tout au long du cycle économique, ils contribuent au bien-être économique.
  • Si une relance budgétaire est utilisée en complément, il conviendra d’inverser le processus plus tard : cela peut intervenir quand l’économie se trouvera à nouveau dans une phase d’expansion. Dans le cas contraire, le ratio endettement-sur-PIB augmentera.
  • Les crises financières et les guerres augmentent la dette publique.
  • L’inflation réduit le poids de la dette publique : de même, la déflation l’augmente.
  • Une augmentation constante du ratio d’endettement n’est pas soutenable : mais il n’existe aucune règle stipulant exactement à quel point la dette est problématique.
  • Si le taux de croissance est inférieur au taux d’intérêt, il est nécessaire d’avoir des excédents budgétaires primaires pour stabiliser et réduire le ratio d’endettement : mais tenter de réduire le ratio d’endettement rapidement est contreproductif en période de récession, car cela nuit à la croissance.

Pour bien comprendre les effets des politiques publiques, The Economist propose un outil de modélisation permettant d’expérimenter en vous mettant à la place d’un décideur public. Essayez différentes combinaisons d’équilibre budgétaire primaire, de taux de croissance, de taux d’intérêt nominal et de taux d’inflation afin que le ratio d’endettement n’augmente pas de façon continue dans le pays de votre choix.

14.9 Politique budgétaire et le reste du monde

Dans l’Unité 13, nous avons vu que les économies agricoles ont souffert des chocs causés par les guerres, les maladies et les intempéries. Dans l’Unité 11, nous avons vu que la guerre civile américaine avait eu des répercussions sur des économies comme le Brésil, l’Inde et le Royaume-Uni. Dans les économies modernes, ce qu’il se passe dans le reste du monde est une source de chocs, et perturbe également le fonctionnement de la politique économique intérieure. Pour éviter de faire des erreurs, les décideurs publics doivent comprendre ces interactions.

Les marchés étrangers comptent

Les fluctuations de la croissance sur d’importants marchés à l’étranger peuvent expliquer l’entrée en expansion ou en récession de l’économie domestique : cela vient d’un changement dans la composante des exportations nettes dans la demande agrégée, c’est-à-dire (X − M). La Chine, par exemple, est un marché très important pour les exportations australiennes (32 % des exportations australiennes étaient destinées à la Chine en 2013, soit 6,5 % de la demande agrégée australienne). Lorsque l’économie chinoise ralentit, passant d’un taux de croissance de 10,6 % en 2010 à 7,8 % en 2013, la transmission à l’économie australienne fut immédiate, et sa croissance ralentit à cause d’une chute de ses exportations nettes.

De façon similaire, le ralentissement de l’Eurozone à cause de la crise de 2010, qui fit suite à la crise financière mondiale de 2008, a joué un rôle important dans la lenteur de la sortie de récession de l’économie britannique. Cela tient au fait qu’une part importante des exportations du Royaume-Uni sont destinées à l’Union européenne. Par exemple, 44 % des exportations britanniques étaient destinées à l’UE en 2013, ce qui représentait 13 % de la demande agrégée du pays.

Les importations amortissent les fluctuations de l’économie domestique

Comme nous l’avons vu, la valeur du multiplicateur est réduite par la propension marginale à importer. Quand la demande autonome augmente, cela stimule les dépenses, et une partie des produits achetés sont produits à l’étranger. Cela affaiblit l’expansion de l’économie domestique.

Le commerce international contraint le recours à la relance

Le commerce avec d’autres pays limite la capacité des décideurs à recourir aux politiques de relance budgétaire en période de récession. Un exemple frappant est la France des années 1980. Au début de la décennie 80, l’économie française ne s’était pas complètement remise des chocs pétroliers des années 1970 qui avaient bouleversé l’économie mondiale. En 1981, le candidat socialiste François Mitterrand remporta l’élection présidentielle. Son premier ministre, Pierre Mauroy, mit en place un programme visant à stimuler la demande agrégée par l’intermédiaire d’une augmentation des dépenses publiques et d’une baisse des impôts (dans le modèle du multiplicateur, cela correspond à une augmentation de G et une baisse de t, le taux d’imposition).

La Figure 14.16 illustre ce qu’il s’est passé en France et en Allemagne, son plus important partenaire commercial. Les barres rosées indiquent les résultats de la France et les barres orangées, ceux de l’Allemagne. Les taux de croissance des exportations et des importations sont exprimés par rapport à 1979. Le graphique présente les résultats obtenus sur trois années. Au cours de la première année, il n’y avait pas de programme de relance, au cours de la seconde, la relance budgétaire fut mise en place en France et la troisième année correspond à l’année suivant le plan de relance.

Succès et échecs de la relance budgétaire française (1980–1983)
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Figure 14.16 Succès et échecs de la relance budgétaire française (1980–1983).

OECD. 2015. OECD Statistics. Remarque : les taux de croissance des exportations et des importations sont exprimés par rapport à 1979.

Si vous regardez la Figure 14.16, vous constaterez que le solde budgétaire français (mesuré par (T − G)/Y) devient négatif. Nous pouvons interpréter cela en disant qu’à partir d’un budget équilibré en 1980, le déficit budgétaire se creusa pour atteindre près de 3 % du PIB en 1982, et crût encore en 1983.

Pendant ce temps, en Allemagne, le solde budgétaire restait quasiment équilibré au cours de ces trois années. Les déficits budgétaires étaient respectivement de 0 %, 0 % et 0,2 %.

La politique d’expansion de la demande en France fut une exception en Europe. Il y eut bien une stimulation initiale de la croissance française en 1982 (de 1,6 % à 2,4 %), mais elle faiblit rapidement, revenant à un niveau de 1,2 % en 1983. Comment expliquer cela ?

Le redressement de l’économie française incita les ménages français à augmenter leurs dépenses, mais la majeure partie de cette augmentation porta sur les biens étrangers. La relance française se propagea à des pays produisant des biens plus compétitifs, comme le Japon (produits électroniques) et l’Allemagne (voitures). Il y eut donc une augmentation des importations en France : comparées à leur niveau de 1979, les importations françaises avaient augmenté de 17,9 %, comme indiqué sur la Figure 14.16. Les exportations allemandes avaient quant à elles augmenté de 17,1 % en 1982 et de près de 14 % en 1983. En conséquence, la croissance du PIB allemand fut supérieure à celle du PIB français en 1983. La politique de relance française a principalement bénéficié à ses partenaires commerciaux produisant des biens plus compétitifs. La France est alors passée derrière les autres pays européens, avec une croissance plus faible et un déficit budgétaire public élevé (supérieur à 3 % en 1983).

L’échec de la politique de Mitterrand s’est traduit, d’un point de vue économique, par une pression sur le franc français (l’unité monétaire de l’époque) : entre 1981 et 1983, l’État français dut procéder à trois dévaluations pour rendre les biens français plus compétitifs que ceux produits à l’étranger. Mauroy se retira en 1984 et le nouveau Premier ministre mit en œuvre une politique d’austérité.

L’expérience de Mitterrand souligne les limites de l’utilisation d’une relance budgétaire pour réussir la stabilisation d’une économie frappée par une profonde récession. Dans le cas de la France, la politique avait été mal conçue et retarda l’ajustement de l’économie française aux chocs qui l’avaient frappée dans les années 1970. Notez que le problème en France à cette époque n’était pas seulement un chômage élevé. L’augmentation de la demande agrégée stimula la dépense, mais pas la dépense sur des produits français.

Une relance budgétaire pourrait ne pas être la seule (ou la meilleure) option politique en temps de crise : Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du FMI, explique comment l’assainissement des finances publiques a fonctionné dans le cas de la Lettonie en 2008, bien qu’il s’y soit initialement opposé.13

Le multiplicateur était très faible et les retombées sur les autres économies indiquaient que la majeure partie de la relance avait fui hors de France. Si les grandes économies européennes avaient adopté des politiques budgétaires expansionnistes au même moment, les résultats auraient été bien différents, car les retombées provenant par exemple d’Allemagne auraient stimulé l’économie française. C’est un exemple d’une mauvaise politique économique, causée par l’absence de compréhension des liens de l’économie domestique avec le reste du monde. Cette politique aurait sa place sur la dernière ligne de la troisième colonne de la Figure 14.12.

jeu de coordination
Un jeu qui présente deux équilibres de Nash dont l’un peut être Pareto-supérieur à l’autre. Connu également sous le terme : jeu de l’assurance.

Exercice 14.10 Coordination d’une relance

Supposons que le monde ne soit constitué que de deux pays, ou blocs, appelés Nord et Sud. Le monde traverse une crise économique. La situation peut être décrite à l’aide du jeu de coordination utilisé pour l’investissement dans l’Unité 13. Ici, les deux stratégies possibles sont Relance et Pas de relance.

Expliquez avec vos propres mots comment le jeu de coordination reflète les problèmes rencontrés par les décideurs publics des deux pays en raison de leur interdépendance.

Question 14.9 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 14.16 illustre les effets de l’augmentation des dépenses publiques et des réductions d’impôts de la France en 1982 sur les économies française et allemande.

En vous appuyant sur ces informations, lesquelles des affirmations suivantes sont correctes ?

  • L’équilibre budgétaire français s’est détérioré de plus de 3 % à cause de l’expansion budgétaire.
  • L’expansion budgétaire a réussi à opérer un déplacement sur le long terme du taux de croissance du PIB français au-dessus de 2 %.
  • L’économie allemande a bénéficié de retombées dues à la hausse des importations françaises de produits allemands.
  • Les pays européens ne devraient jamais adopter une politique budgétaire expansionniste, car ils commercent beaucoup entre eux.
  • En 1983, G − T était en dessous de -3 %, contre 0 en 1980.
  • Le taux de croissance du PIB a augmenté au-delà de 2 % pendant l’année de l’expansion budgétaire (1982). Toutefois, il a rapidement rechuté à presque 1 % en 1983.
  • Les exportations allemandes étaient beaucoup plus importantes en 1982-1983 qu’en 1979-1980.
  • La politique budgétaire expansionniste peut être efficace si tous les pays adoptent des politiques expansionnistes simultanément.

14.10 Demande agrégée et chômage

Nous avons désormais deux modèles qui nous permettent de lier la production totale, l’emploi et le taux de chômage dans l’économie :

côté « offre » (économie agrégée)
Comment la main d’œuvre et le capital sont utilisés pour produire des biens et services. Il utilise le modèle du marché du travail (également appelé le modèle des courbes de salaires et de prix, ou WS-PS). Voir également : côté « demande » (économie agrégée).
côté « demande » (économie agrégée)
Comment les décisions en matière de dépenses créent de la demande pour les biens et services et, en conséquence, créent de l’emploi et de la production. On utilise le modèle du multiplicateur. Voir également : côté « offre » (économie agrégée).
modèle du multiplicateur
Un modèle de la demande agrégée qui inclut le mécanisme du multiplicateur. Voir également : multiplicateur budgétaire, mécanisme du multiplicateur.
  • Le modèle côté « offre » (marché du travail) : un premier modèle, décrit dans l’Unité 9, concerne l’offre dans une économie et s’intéresse à la façon dont la force de travail est utilisée pour produire des biens et des services. On l’appelle modèle du marché du travail (ou modèle des courbes des salaires et des prix).
  • Le modèle côté « demande » (multiplicateur) : ce second modèle s’intéresse à la demande dans une économie et explique comment les décisions de dépenses génèrent la demande pour les biens et services et, en conséquence, l’emploi et la production. C’est le modèle du multiplicateur.

En combinant les deux modèles, nous pourrons expliquer comment l’économie fluctue autour de l’équilibre du marché du travail de long terme au cours du cycle économique.

Le modèle du marché du travail de l’Unité 9 est représenté dans la Figure 14.17 et l’équilibre sur le marché du travail est indiqué par le point d’intersection des courbes des salaire et des prix. Nous verrons que l’économie a tendance à fluctuer au cours du cycle économique autour du taux de chômage représenté au point A. Dans l’exemple de la Figure 14.17, le taux de chômage à l’équilibre est de 5 %.

L’économie agrégée vue du côté de l’offre : le marché du travail
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Figure 14.17 L’économie agrégée vue du côté de l’offre : le marché du travail.

fonction de production
Une expression graphique ou mathématique décrivant la quantité qui peut être produite pour tout montant donné ou toute combinaison donnée de facteurs de production. La fonction décrit les différentes technologies capables de produire la même chose.
chômage cyclique
L’augmentation du chômage au-dessus du chômage d’équilibre causée par une baisse de la demande agrégée associée au cycle économique. Connu également sous le terme : chômage dû à un déficit de demande. Voir également : chômage d’équilibre.
court terme (modèle de)
Le terme ne se rapporte pas à une période de temps, mais à ce qui est exogène : les prix, les salaires, le stock de biens d’équipement, la technologie, les institutions. Voir également : salaire, biens d’équipement, technologie, institutions, moyen terme (modèle de), long terme (modèle de).

La Figure 14.18 représente le diagramme du multiplicateur sous le diagramme du marché du travail. Notez que dans le cas du diagramme du marché du travail, le nombre de travailleurs se trouve sur l’axe des abscisses et nous pouvons mesurer le chômage et l’emploi sur cet axe. Sur le diagramme du multiplicateur, la production est représentée sur l’axe des abscisses. La fonction de production relie l’emploi à la production et, dans ce modèle, elle est très simple.

Nous faisons l’hypothèse que la productivité du travail est constante et égale à λ (« lambda »). La fonction de production s’écrit donc :

Pour que nous puissions écrire le modèle de la demande en dessous du modèle de l’offre, nous supposons que λ = 1, d’où YN.

L’offre et la demande dans l’économie agrégée
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Figure 14.18 L’offre et la demande dans l’économie agrégée.

Les fluctuations de l’emploi à court terme sont provoquées par des changements de la demande agrégée. Comme nous l’avons vu dans l’Unité 9, lorsque l’emploi est inférieur à l’équilibre sur le marché du travail à cause d’une demande agrégée insuffisante, le chômage supplémentaire est appelé chômage cyclique. Si la demande est excédentaire, au-dessus de l’équilibre du marché du travail, alors le chômage est en deçà de son niveau d’équilibre.

Sur la Figure 14.19, l’économie est initialement à l’équilibre sur le marché du travail au point A, avec un taux de chômage de 5 %. Le niveau de production est appelé ici le niveau normal de production. Cela signifie que le niveau de demande agrégée doit se trouver sur la courbe de demande agrégée qualifiée de « normale ». Tout autre niveau de demande agrégée produirait un niveau d’emploi différent.

Fluctuations du cycle économique autour du chômage d’équilibre.
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Figure 14.19 Fluctuations du cycle économique autour du chômage d’équilibre.

Équilibre sur le marché du travail
: L’économie est initialement en situation d’équilibre sur le marché du travail au point A, avec un taux de chômage de 5 %. Le niveau de demande agrégée est déterminé par la courbe de demande agrégée dénommée « normale ».
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Équilibre sur le marché du travail

L’économie est initialement en situation d’équilibre sur le marché du travail au point A, avec un taux de chômage de 5 %. Le niveau de demande agrégée est déterminé par la courbe de demande agrégée dénommée « normale ».

Une expansion
: Imaginez qu’une augmentation de l’investissement fasse se déplacer vers le haut la courbe de demande agrégée à DG (élevée), de sorte que la production et l’emploi augmentent. L’économie est en B : avec l’expansion, le chômage baisse en dessous de 5 %. L’emploi additionnel est appelé emploi cyclique.
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Une expansion

Imaginez qu’une augmentation de l’investissement fasse se déplacer vers le haut la courbe de demande agrégée à DG (élevée), de sorte que la production et l’emploi augmentent. L’économie est en B : avec l’expansion, le chômage baisse en dessous de 5 %. L’emploi additionnel est appelé emploi cyclique.

Un effondrement
: Si la courbe de demande agrégée est translatée vers le bas, alors sous l’effet du multiplicateur, la production et l’emploi baissent au point C. Le chômage augmente au-delà de 5 %. Le chômage additionnel est appelé chômage cyclique.
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Un effondrement

Si la courbe de demande agrégée est translatée vers le bas, alors sous l’effet du multiplicateur, la production et l’emploi baissent au point C. Le chômage augmente au-delà de 5 %. Le chômage additionnel est appelé chômage cyclique.

Dans notre étude des fluctuations du cycle économique, en utilisant le modèle du multiplicateur, nous avons émis un certain nombre d’hypothèses ceteris paribus. Nous avons supposé que les prix, les salaires, le stock de capital, la technologie et les institutions étaient constants. Nous utilisons l’expression court terme pour nous référer à ces hypothèses. L’objectif du modèle est de prédire ce qu’il advient de la production, de la demande agrégée et de l’emploi lors d’un choc de demande (un choc d’investissement, de consommation ou des exportations) ou quand les décideurs publics utilisent la politique budgétaire ou monétaire pour déplacer la courbe de demande agrégée.

moyen terme (modèle de)
Le terme ne définit pas une période temporelle, mais ce qui est endogène. Dans ce cas, le stock de capital, la technologie et les institutions sont exogènes. La production, l’emploi, les prix et les salaires sont endogènes. Voir également : biens d’équipement, technologie, institutions, court terme (modèle de), long terme (modèle de).

Remarquez que dans la Figure 14.19, le marché du travail n’est pas à l’équilibre lorsque la production est supérieure ou inférieure à la normale. Le modèle du marché du travail est un modèle de moyen terme dans lequel les salaires et les prix peuvent changer, contrairement au modèle du multiplicateur qui est un modèle de court terme. Ainsi, un équilibre à court terme dans le modèle du multiplicateur peut ne pas être un équilibre à moyen terme dans le modèle du marché du travail.

long terme (modèle de)
Le terme ne définit pas une période temporelle, mais ce qui est exogène. Une courbe de coût de long terme, par exemple, fait référence aux coûts lorsque l’entreprise peut complètement ajuster tous ses facteurs de production, y compris ses biens d’équipement ; mais la technologie et les institutions de l’économie sont exogènes. Voir également : technologie, institutions, court terme (modèle de), moyen terme (modèle de).
  • Dans l’Unité 15, le cycle économique : nous étofferons le modèle de la Figure 14.19 en nous interrogeant sur l’évolution des salaires et des prix au cours d’une expansion et d’une récession.
  • Dans l’Unité 16, le long terme : nous utiliserons les courbes des salaires et des prix pour étudier le long terme, où la production, l’emploi, les prix et les salaires peuvent changer, ainsi que les institutions et la technologie. Nous nous demanderons comment des changements d’institutions et de politiques, comme l’affaiblissement des syndicats, la concurrence accrue sur les marchés des biens et des services ou encore l’introduction de nouvelles technologies requérant moins de main-d’œuvre auront des répercussions sur l’économie dans son ensemble.

Le tableau de la Figure 14.20 résume les différents modèles que nous allons utiliser pour étudier l’économie agrégée.

Unité Échéance Ce qui est exogène Ce qui est endogène Problème à résoudre Politiques adéquates Modèle à utiliser
13, 14 Court terme Prix, salaires, stock de capital, technologie, institutions Emploi, demande, production Les variations de la demande ont une incidence sur le chômage Côté demande Multiplicateur
14, 15 Moyen terme Stock de capital, technologie, institutions Emploi, demande, production, prix, salaires Les variations de la demande et de l’offre ont une incidence sur le chômage, l’inflation et le chômage d’équilibre Côté demande, côté offre Marché du travail, courbe de Phillips
16 Long terme Technologie, institutions Emploi, demande, production, prix, salaires et stock de capital Les changements des conditions de profit et des institutions ont une incidence sur le chômage d’équilibre et les salaires réels Côté offre Modèle du marché du travail avec entrée et sortie des entreprises

Figure 14.20 Modèles pour étudier l’économie agrégée.

Question 14.10 Choisissez la ou les bonnes réponses

Les graphiques suivants sont ceux du marché du travail et du multiplicateur, et représentent respectivement l’offre à moyen terme et la demande à court terme dans l’économie agrégée :

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En supposant que la fonction de production de l’économie soit donnée par Y = N, où Y est la production et N l’emploi. À l’aide de ces information, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Une augmentation de l’investissement déplace la courbe DA vers le haut, avec pour résultat une production au niveau agrégé plus importante. Ceci entraîne un déplacement de la courbe des prix vers le haut à court terme, menant ainsi à un taux d’emploi plus important.
  • Une chute de la consommation autonome déplace la courbe DA vers le bas, ce qui résulte en une production agrégée plus faible. Ceci entraine un déplacement de la courbe de salaire vers la gauche à court terme, menant ainsi à un chômage plus important.
  • La productivité du travail se déplace avec les modifications de la demande agrégée à court terme.
  • Les déplacements de la demande agrégée entraînent à court terme des fluctuations cycliques du chômage autour du niveau de moyen terme représenté dans le graphique du marché du travail.
  • À court terme, il n’y a aucun déplacement des courbes des prix ou des salaires. En revanche, il existe des fluctuations cycliques du chômage, qui s’éloigne du niveau de moyen terme.
  • À court terme, il n’y a aucun déplacement des courbes des prix ou des salaires. En revanche, il existe des fluctuations cycliques du chômage, qui s’éloigne du niveau de moyen terme.
  • La productivité du travail est supposée constante à court terme.
  • Le modèle du marché du travail détermine l’équilibre à moyen terme, alors que le modèle de la demande agrégée détermine l’équilibre à court terme.

14.11 Conclusion

Les économies sont souvent confrontées à des chocs de demande agrégée, par exemple, un déclin dans l’investissement économique ou une augmentation du niveau d’épargne désiré par les ménages. Ces chocs ont tendance à être amplifiés par le processus décrit par le multiplicateur : en plus de leur première vague d’effets directs, une seconde vague d’effets ou d’autres effets indirects sont causés par la poursuite du recul des dépenses.

Pendant la seconde moitié du 20e siècle, les économies développées ont bénéficié d’une baisse importante de l’instabilité économique, due en partie à un poids plus important de l’État dans l’économie et à l’existence de stabilisateurs automatiques qui ont modéré les variations de la demande agrégée.

Bien que les politiques budgétaires actives y aient joué un rôle certain, leur bilan est contrasté. Comme la France l’a découvert au début des années 1980, une expansion budgétaire mal planifiée peut mener à un déficit budgétaire profitant peu à l’économie nationale.

L’année 2008 a rappelé au monde que même les pays les plus riches peuvent être touchés par des crises économiques. L’importance des politiques budgétaires lors de fortes récessions a été réaffirmée. Malheureusement pour la zone euro, les pays les plus touchés par la crise n’ont pas été capables de mettre en œuvre les relances budgétaires nécessaires, en raison des craintes de crises de la dette souveraine.

Concepts introduits dans l’Unité 14

Avant de continuer, revoyez ces définitions :

14.12 Références bibliographiques

  1. Christina D. Romer. 1993. ‘The Nation in Depression’. Journal of Economic Perspectives 7 (2) (May): pp. 19–39. 

  2. John Maynard Keynes. 2005. The Economic Consequences of the Peace. New York, NY: Cosimo Classics

  3. John Maynard Keynes. 1936. The General Theory of Employment, Interest and Money. London: Palgrave Macmillan. 

  4. John Maynard Keynes. 2004. The End of Laissez-Faire. Amherst, NY: Prometheus Books. 

  5. Il s’agit d’un résumé de l’article publié en 2012 : Alan Auerbach and Yuriy Gorodnichenko. 2015. ‘How Powerful Are Fiscal Multipliers in Recessions?’ NBER Reporter 2015 Research Summary

  6. Antonio Acconcia, Giancarlo Corsetti, and Saverio Simonelli. 2014. ‘Mafia and Public Spending: Evidence on the Fiscal Multiplier from a Quasi-Experiment’. American Economic Review 104 (7) (July): pp. 2185–2209. 

  7. Sylvain Leduc and Daniel Wilson. 2015. ‘Are State Governments Roadblocks to Federal Stimulus? Evidence on the Flypaper Effect of Highway Grants in the 2009 Recovery Act’. Federal Reserve Bank of San Francisco Working Paper 2013–16 (September). 

  8. Le débat continue. Voici des ressources facilement accessibles :

    Miguel Almunia, Agustín Bénétrix, Barry Eichengreen, Kevin H. O’Rourke, and Gisela Rua. 2010. ‘From Great Depression to Great Credit Crisis: Similarities, Differences and Lessons.’ Economic Policy 25 (62) (April): pp. 219–65.
    Tim Harford. 2010. ‘Stimulus Spending Might Not Be as Stimulating as We Think’. Financial Times.
    Paul Krugman. 2012. ‘A Tragic Vindication’. Paul Krugman – New York Times Blog. Mis à jour le 9 octobre 2012.
    Jonathan Portes. 2012. ‘What Explains Poor Growth in the UK? The IMF Thinks It’s Fiscal Policy’. National Institute of Economic and Social Research Blog. Mis à jour le 9 octobre 2012.
    Noah Smith. 2013. ‘Why the Multiplier Doesn’t Matter’. Noahpinion. Mis à jour le 7 janvier 2013.
    Simon Wren-Lewis. 2012. ‘Multiplier Theory: One Is the Magic Number’. Mainly Macro. Mis à jour le 24 août 2012. 

  9. International Monetary Fund. 2012. World Economic Outlook October: Coping with High Debt and Sluggish Growth

  10. Robert J. Barro. 2009. ‘Government Spending Is No Free Lunch.’ The Wall Street Journal.

    Krugman, Paul. 2009. ‘War and Non-Remembrance.’ Paul Krugman – New York Times Blog. 

  11. Bradford DeLong. 2015. ‘Draft for Rethinking Macroeconomics Conference Fiscal Policy Panel’. Washington Center for Equitable Growth. Mis à jour le 5 avril 2015. 

  12. ‘A Load to Bear’. The Economist. Mis à jour le 26 novembre 2009. 

  13. Olivier Blanchard. 2012. ‘Lessons from Latvia’. IMFdirect – The IMF Blog. Mis à jour le 11 juin 2012.