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Unité 16 Progrès technique, emploi et niveau de vie à long terme

Comment les tendances de long terme et les écarts de niveau de vie et de chômage entre pays sont le fruit du progrès technologique, des institutions et des politiques publiques.

  • Le recours croissant aux machines et autres biens d’équipement dans le processus de production, ainsi que le progrès technologique rendu possible par l’accroissement des connaissances, ont constitué le socle de l’amélioration du niveau de vie à long terme.
  • La « destruction créatrice » des anciens processus de production et d’organisation de la production a engendré des destructions et des créations continues d’emplois, mais n’a pas conduit à une augmentation du taux de chômage à long terme.
  • Les institutions et politiques économiques des pays peuvent être évaluées à l’aune de leur capacité à préserver un faible niveau de chômage involontaire et à maintenir la croissance des salaires réels.
  • De nombreuses économies florissantes ont adopté des formes extensives de co-assurance contre les pertes d’emploi, qu’elles soient causées par la destruction créatrice ou par la concurrence avec d’autres économies. Ainsi, la plupart des citoyens de ces pays accueillent favorablement le changement technologique et la mondialisation de la production de biens et services.
  • La différence fondamentale entre les économies les plus performantes et les économies en développement réside dans leurs institutions et politiques publiques, qui dans les premières, incitent les principaux acteurs économiques à accroître la taille du gâteau, au lieu de se quereller sur la taille de leur propre part.

En 1412, le conseil de la ville de Cologne interdit la production d’un rouet par un artisan local par crainte du chômage parmi les producteurs de textile qui utilisaient le fuseau manuel. Au cours du 16e siècle, les nouvelles machines à tisser le ruban furent bannies de nombreuses régions d’Europe. En 1811, au début de la Révolution industrielle en Angleterre, le mouvement luddite des artisans du textile protesta avec force contre les nouvelles machines qui réduisaient les besoins en main-d’œuvre, telles que les machines à filer permettant à un seul ouvrier de produire la même quantité de fil que 200 travailleurs auparavant. Le meneur du mouvement était un jeune artisan non qualifié du nom de Ned Ludd, qui aurait, selon la légende, détruit des métiers à tisser mécaniques.1

L’économiste suisse Jean Charles Léonard de Sismondi (1773–1842) imagina un nouveau monde dans lequel « le Roi, assis seul sur son île, tournait sans fin une manivelle afin de faire accomplir, par des automates, toute la production de l’Angleterre ». L’usage croissant des technologies de l’information a conduit de nombreux économistes contemporains, dont Jeremy Rifkin, à exprimer des craintes similaires.2

Sismondi et Rifkin ont formulé des arguments plausibles. Toutefois, comme nous l’avons vu dans l’Unité 1, grâce à des innovations permettant d’économiser de la main-d’œuvre, de nombreux pays se sont déplacés vers le haut de la crosse de hockey, et le niveau de vie y a connu une croissance soutenue. Les travailleurs étaient payés davantage – souvenez-vous de la crosse de hockey des salaires réels de l’Unité 2 (Figure 2.1). Par ailleurs, la « fin du travail » ne s’est pas encore matérialisée, bien qu’en 1932, le philosophe Bertrand Russell exprimait de l’anticipation plutôt que de la crainte à l’idée de la fin du travail, et soutenait que : « [I]l y a bien trop de travail effectué dans le monde, que la croyance selon laquelle le travail est vertueux est source d’un mal immense, et que ce qui doit être prêché dans les pays industriels modernes est très différent de ce qu’on y a toujours prêché. »

Le progrès technique ne s’est pas traduit par la hausse du taux de chômage. Il a en revanche augmenté le plus petit salaire que les entreprises peuvent payer tout en recouvrant leurs coûts. Par conséquent, le progrès technique permet d’augmenter les ressources dont l’entreprise dispose pour investir et faire croître sa production et il fournit également l’incitation pour continuer à investir. En se concentrant uniquement sur la destruction d’emplois, ceux qui s’inquiètent de la « fin du travail » ont négligé le fait que le progrès technique économe en main-d’œuvre induit l’investissement qui aide à créer des emplois.

Dans la plupart des économies pour lesquelles des données sont disponibles, au moins 10 % des emplois sont détruits chaque année et environ le même nombre d’emplois est créé. En France ou au Royaume-Uni par exemple, un emploi est détruit et un autre est créé toutes les 14 secondes. Cela fait partie du processus de destruction créatrice qui se trouve au cœur des économies capitalistes que nous avons décrites dans les Unités 1 et 2.

Ceux qui perdent leur emploi subissent des coûts élevés à court terme. Ce court terme peut ne pas leur paraître si court : il peut durer des années, voire des décennies. Les bénéficiaires peuvent être les enfants de l’artisan textile remplacé par le métier à tisser mécanique ou ceux du dactylographe au chômage, car supplanté par l’ordinateur. Ils sont bénéficiaires, car ils trouveront du travail dans une profession plus productive que celle que leurs parents exerçaient, et ils pourront profiter des avantages des nouveaux biens et services que les métiers à tisser et les ordinateurs ont rendus possibles.

La partie destructrice du processus de destruction créatrice touche des emplois souvent concentrés dans certaines régions, où d’importantes pertes en salaires et emplois surviendront. Les familles et communautés lésées par ce processus mettent souvent des générations à s’en remettre. Comme pour l’expression « court terme », le terme « en moyenne » dissimule souvent les coûts subis par les travailleurs remplacés et par les communautés détruites par l’introduction de nouvelles technologies.

Aujourd’hui, par exemple, les technologies de l’information et de la communication (TIC) redéfinissent nos sociétés. Les TIC remplacent de nombreux emplois routiniers, appauvrissant souvent ceux qui étaient déjà pauvres. Des individus qui prévoyaient hier une amélioration de leur niveau de vie se trouvent désormais confrontés à des perspectives d’emploi réduites.

Néanmoins, la plupart de la population bénéficie de la chute des prix consécutive à la nouvelle technologie. Pour le meilleur ou pour le pire, la destruction créatrice causée par le progrès technologique fait partie du dynamisme du système économique capitaliste. Et bien que ce dynamisme soit responsable des vies chamboulées et de menaces croissantes sur l’environnement, l’introduction de technologies améliorées constitue également un facteur clé de l’accroissement du niveau de vie à long terme. Nous verrons ainsi que :

  • le changement technologique détruit en permanence des emplois ;
  • mais les pays qui ont évité des taux de chômages élevés sont ceux où la productivité du travail a le plus augmenté.

La Figure 16.1 montre les taux de chômage de 16 pays de l’OCDE de 1960 à 2014.

Taux de chômage d’un ensemble de pays de l’OCDE (1960–2014)
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Figure 16.1 Taux de chômage d’un ensemble de pays de l’OCDE (1960–2014).

Données de 1960 à 2004 : David R Howell, Dean Baker, Andrew Glyn, and John Schmitt. 2007. ‘Are Protective Labor Market Institutions at the Root of Unemployment? A Critical Review of the Evidence’. Capitalism and Society 2 (1) (January). Données de 2005 à 2014 : OECD. 2015. OECD Statistics.

Dans les années 1960, les taux de chômage étaient faibles et plutôt similaires entre pays, avant de diverger dans les années 1970, reflétant en partie les différentes réponses aux chocs pétroliers décrits dans l’Unité 14. Parmi ces pays, seuls le Japon (JPN), l’Autriche (AUT) et la Norvège (NOR) ont conservé un taux de chômage inférieur à 6 % pendant toute la période. En Espagne (SPA), le taux de chômage avoisinait les 20 % du milieu des années 1980 jusqu’à la fin des années 1990. Il diminua par la suite de moitié dans les années 2000 avant de remonter en flèche pour dépasser les 20 % suite à la crise financière et la crise de la zone euro en 2009. L’Allemagne (GER) constitue, à cet égard, une exception : le taux de chômage y baissa dans les années qui suivirent la crise financière mondiale.

Quoiqu’il n’y ait pas de tendance à la hausse des taux de chômage sur le long terme, deux développements importants sur le marché du travail ont accompagné l’amélioration du niveau de vie. Comme nous l’avons vu dans l’Unité 3 (Figure 3.1), le nombre annuel moyen d’heures travaillées par les gens possédant un emploi a baissé. De plus, une plus grande part des adultes travaille contre rétribution, ce qui est principalement dû à l’augmentation de la proportion des femmes qui font un travail rémunéré.

L’évolution du chômage illustrée par la Figure 16.1 n’est pas seulement le résultat de différences nationales dans le taux d’innovation ni de vagues d’innovation au cours du temps. Ces divergences reflètent des différences dans les institutions et les politiques mises en œuvre dans ces pays.

Alors que la production devenait de plus en plus intensive en capital, comment le niveau de vie a-t-il pu augmenter sur le long terme sans générer un chômage de masse ? Pour répondre à cette question, nous commençons par étudier l’accumulation du capital (le stock croissant de machines et d’équipements) et des infrastructures (comme les routes et les ports), qui ont toujours été au cœur de la dynamique du capitalisme.

Exercice 16.1 Richesse et satisfaction dans la vie

Comme nous l’avons vu dans l’Unité 3, le progrès technique augmente votre productivité horaire. Cela signifie qu’en travaillant le même nombre d’heures, vous pourriez produire et consommer davantage, ou vous pourriez produire et consommer autant de biens tout en travaillant moins et en profitant de plus de temps libre.

Selon l’économiste Olivier Blanchard, la différence de production par habitant entre les États-Unis et la France est due en partie au fait que les Français ont préféré utiliser une partie de la hausse de la productivité pour augmenter leur temps libre plutôt que leur consommation.

  1. Songez à deux pays, dont l’un a un PIB par habitant plus bas à cause d’un temps de travail plus faible, et l’autre a un PIB par habitant plus élevé du fait d’un temps de travail plus grand (comme la France et les États-Unis). En supposant que la satisfaction générale dans la vie ne dépende que du temps libre et de la consommation, dans quel pays selon vous la satisfaction générale dans la vie sera-t-elle la plus forte, et pourquoi ? Explicitez clairement les hypothèses que vous faites quant aux préférences des résidents de chaque pays.
  2. En ne tenant compte que des heures travaillées et du PIB par habitant, dans quel pays (la France ou les États-Unis) préféreriez-vous vivre, et pourquoi ? En quoi votre réponse changerait-elle si vous incluiez également d’autres facteurs ?

Question 16.1 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 16.1 est un graphique représentant le taux de chômage pour 16 pays de l’OCDE entre 1960 et 2014.

Sur la base de ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Il n’y a pas de corrélation entre les taux de chômage des différents pays.
  • On observe une nette tendance à la hausse du chômage dans tous les pays au cours des 30 dernières années.
  • Les chocs pétroliers des années 1970 ont affecté les taux de chômage des différents pays de façon très différente.
  • Le taux de chômage a augmenté dans tous les pays suite à la crise financière de 2008.
  • La majorité des pays avaient des taux de chômage plus faibles dans les années 1960 que dans les années 1980 et 1990. La plupart d’entre eux ont connu une baisse du chômage dans les années 1990, ce qui suggère une légère corrélation positive.
  • Les graphiques ne montrent pas de nette tendance à la hausse pour le chômage depuis les années 1980.
  • Bien que la plupart des pays aient connu un chômage plus élevé après les chocs pétroliers, il s’est agi de très fortes augmentations pour certains, comme l’Irlande et de l’Espagne, tandis que pour d’autres ce ne furent que de légères hausses, comme pour le Japon, l’Autriche et la Norvège.
  • Le taux de chômage a en fait baissé en Allemagne après 2008.

16.1 Progrès technique et niveau de vie

rentes d’innovation
Surplus de profits par rapport au coût d’opportunité du capital qu’un innovateur génère en introduisant une nouvelle technologie, structure organisationnelle ou stratégie de marketing. Connu également sous le terme : rentes schumpétériennes.
destruction créatrice
Nom attribué par Joseph Schumpeter au processus par lequel les anciennes technologies et les entreprises qui ne s’adaptent pas sont évincées par les nouvelles, car elles ne peuvent plus rivaliser sur le marché. Selon lui, l’échec des entreprises non rentables est créateur, car il libère le travail et les biens d’équipement pouvant être utilisés dans de nouvelles combinaisons.
biens d’équipement
Les intrants durables et coûteux non liés à la main-d’œuvre utilisés dans la production (machines, bâtiments), à l’exclusion de certains intrants essentiels, par exemple l’air, l’eau, les connaissances, qui sont utilisés dans la production à un coût nul pour l’utilisateur.

Dans l’Unité 2, nous avons vu comment les entreprises pouvaient gagner des rentes d’innovation schumpétériennes en introduisant de nouvelles technologies. Les entreprises qui ne parviennent pas à innover (ou à copier d’autres innovateurs) sont incapables de vendre leur produit à un prix au-dessus de leur coût de production et finissent par disparaître. En moyenne, ce processus de destruction créatrice conduisait à une augmentation soutenue du niveau de vie, car le progrès technologique et l’accumulation de biens d’équipement sont complémentaires : chacun fournit les conditions nécessaires à la réalisation de l’autre.

  • Les nouvelles technologies nécessitent de nouvelles machines : l’accumulation des biens d’équipement est une condition nécessaire au progrès technologique, comme nous l’avons vu dans le cas de la « spinning jenny » (machine à filer).
  • Le progrès technologique est nécessaire pour poursuivre l’accumulation de biens d’équipement : cela signifie que l’introduction de techniques de production toujours plus intensives en capital continue à être profitable.

Le second point mérite un éclaircissement. Reprenons la fonction de production utilisée dans les Unités 2 et 3. Nous avons vu que la production dépend du facteur de production travail et que la fonction décrivant cette relation se déplace vers le haut avec le progrès technologique, de sorte qu’une même quantité de travail génère à présent davantage de production. Dans l’Unité 3, la fermière avait une quantité de terres fixe : nous avions supposé que la quantité de biens d’équipement était fixe. Cependant, comme nous l’avons vu, la quantité de biens d’équipement que le travailleur contemporain utilise est bien plus importante que celle des fermiers d’antan.

intensif en capital
Se dit de l’utilisation d’une plus grande quantité de capital (par exemple, les machines et équipements) par rapport au travail et aux autres facteurs de production. Voir également : intensif en travail.
productivité du travail
Quantité totale produite divisée par le nombre d’heures ou une autre mesure du facteur travail.

Nous introduisons maintenant les biens d’équipement (machines, équipement et structures) de manière explicite dans la fonction de production. L’axe des abscisses de la Figure 16.2 représente la quantité de biens d’équipement par travailleur. C’est une mesure de ce qu’on appelle l’intensité capitalistique de la production. L’axe des ordonnées représente la production par travailleur, également appelée productivité du travail.

La fonction de production de l’économie et le progrès technique.
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Figure 16.2 La fonction de production de l’économie et le progrès technique.

Rendements décroissants du capital
: La fonction de production est caractérisée par des rendements décroissants.
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Rendements décroissants du capital

La fonction de production est caractérisée par des rendements décroissants.

Productivité marginale du capital
: La loupe au point A détaille le calcul de la productivité marginale du capital : c’est la pente de la tangente à la fonction de production en A.
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Productivité marginale du capital

La loupe au point A détaille le calcul de la productivité marginale du capital : c’est la pente de la tangente à la fonction de production en A.

Intensité capitalistique plus élevée
: La productivité marginale du capital baisse à mesure que nous nous déplaçons le long de la fonction de production vers une plus forte intensité capitalistique.
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Intensité capitalistique plus élevée

La productivité marginale du capital baisse à mesure que nous nous déplaçons le long de la fonction de production vers une plus forte intensité capitalistique.

Progrès technique
: Cela fait pivoter vers le haut la fonction de production.
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Progrès technique

Cela fait pivoter vers le haut la fonction de production.

La fonction de production initiale
: Au point B sur la fonction de production initiale, le capital par travailleur et la production par travailleur sont respectivement 20 000 $ et 15 000 $.
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La fonction de production initiale

Au point B sur la fonction de production initiale, le capital par travailleur et la production par travailleur sont respectivement 20 000 $ et 15 000 $.

Après le progrès technologique
: Considérez le point C sur la nouvelle fonction de production (après progrès technologique) : le capital par travailleur a augmenté, passant à 30 000 $, tout comme la production par travailleur, à 22 500 $.
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Après le progrès technologique

Considérez le point C sur la nouvelle fonction de production (après progrès technologique) : le capital par travailleur a augmenté, passant à 30 000 $, tout comme la production par travailleur, à 22 500 $.

La pente de la fonction de production
: Nous avons choisi le point C de sorte que la pente de la fonction de production, c’est-à-dire la productivité marginale du capital, soit la même qu’en B.
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La pente de la fonction de production

Nous avons choisi le point C de sorte que la pente de la fonction de production, c’est-à-dire la productivité marginale du capital, soit la même qu’en B.

La productivité moyenne du capital
: La droite bleue en pointillés passe par l’origine et les fonctions de production de l’ancienne et la nouvelle technologie. Sa pente est la productivité moyenne du capital.
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La productivité moyenne du capital

La droite bleue en pointillés passe par l’origine et par les fonctions de production de l’ancienne et la nouvelle technologie. Sa pente est la productivité moyenne du capital.

Comme dans l’Unité 3, la fonction de production décrit une situation de rendements marginaux décroissants : au fur et à mesure que le travailleur utilise davantage de biens d’équipement, la production augmente, mais à un rythme décroissant (Charlie Chaplin a montré dans son film de 1936 Les Temps Modernes qu’il y a une limite au nombre de machines qu’un ouvrier peut utiliser). Cela signifie qu’avec une augmentation de la quantité des biens d’équipement, ces derniers connaissent des rendements marginaux décroissants. La pente de la fonction de production pour tout niveau de capital par travailleur correspond à la productivité marginale du capital. Elle montre l’augmentation de la production en réponse à l’augmentation d’une unité de biens d’équipement par travailleur.

La loupe au point A sur la Figure 16.2 montre comment est calculée la productivité marginale du capital : notez que Y/travailleur désigne la production par travailleur, et la productivité marginale du capital (PmC) est ΔYK. La productivité marginale du capital, pour chaque niveau de capital par travailleur, est la pente de la tangente à la fonction de production en ce point.

Leibniz : Économie malthusienne
Leibniz : Travail et production

Les précédents Leibniz ont montré comment calculer la PmC pour tout point d’une fonction de production donnée. Prenez un moment pour les relire.

fonction concave
Une fonction de deux variables pour laquelle le segment joignant deux points sur la fonction (peu importe lesquels) se situe entièrement sous la courbe représentant la fonction (la fonction est convexe quand le segment se situe au-dessus de la fonction).

Nous pouvons voir sur la Figure 16.2 que la productivité marginale du capital est décroissante au fur et à mesure que l’on se déplace le long de la fonction de production. Une fonction de production qui présente des rendements du capital décroissants est concave. La concavité saisit le fait que la production par travailleur augmente en fonction du capital par travailleur, mais moins que proportionnellement.

La concavité implique qu’une économie ne sera pas en mesure de maintenir la croissance de la production par travailleur par un simple surcroît du même type de capital. À partir d’un certain niveau, la productivité marginale du capital devient si faible que cela ne vaut plus la peine d’investir. Comme nous l’avons vu dans l’Unité 14, les entrepreneurs n’investissent dans l’économie nationale que si le rendement est supérieur à celui d’obligations ou d’investissements à l’étranger et que, par ailleurs, il est suffisamment élevé pour qu’ils ne souhaitent pas simplement dépenser leurs profits en biens de consommation.

Une croissance économique pérenne nécessite du progrès technologique afin d’augmenter la productivité marginale du capital. Cela fait pivoter la fonction de production vers le haut et rend l’investissement domestique plus rentable, ce qui conduit à une intensité capitalistique plus élevée. Suivez les étapes de l’analyse de la Figure 16.2 pour voir comment la combinaison du changement technologique et de l’investissement en capital fait augmenter la production par travailleur.

Taylorisme
Innovation dans la gestion qui a pour but de réduire le coût du travail, par exemple en divisant les emplois qualifiés en plusieurs tâches demandant peu de qualification dans l’optique de diminuer les salaires.

Une innovation technologique peut également faire référence à de nouvelles méthodes d’organisation du travail. Rappelez-vous qu’une technologie est un ensemble d’instructions permettant de combiner des facteurs de production pour fabriquer un produit. La révolution managériale du début du 20e siècle, appelée le Taylorisme, en est une bonne illustration : la main-d’œuvre et les biens d’équipement furent réorganisés en un processus rationalisé avec de nouveaux systèmes de supervision pour augmenter l’effort des travailleurs. Depuis plus récemment, la révolution des technologies de l’information permet désormais à un ingénieur d’être connecté avec des milliers d’autres ingénieurs et de machines partout dans le monde. Cette révolution fait ainsi pivoter vers le haut la fonction de production, augmentant sa pente pour chaque niveau de capital par travailleur.

Sur la Figure 16.2, vous pouvez également voir une droite bleue en pointillés passant par l’origine et par les deux fonctions de production de l’ancienne et nouvelle technologie. La pente de cette droite nous donne le volume de production par unité de biens d’équipement au point où elle coupe la fonction de production : c’est la quantité produite par travailleur divisée par les biens d’équipement par travailleur. En observant le graphique, on remarque que les points B et C sur les deux fonctions de production ont le même niveau de production par unité de biens d’équipement.

Pour comprendre la façon dont le progrès technique et l’accumulation du capital ont façonné le monde, nous nous concentrons sur les pays qui ont été les chefs de file technologiques. La Grande-Bretagne l’a été à partir de la Révolution industrielle et jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale, cédant alors la première place aux États-Unis. La Figure 16.3 présente le capital par travailleur sur l’axe des abscisses et la production par travailleur sur l’axe des ordonnées.

Nous pouvons maintenant examiner le chemin parcouru au cours du temps par le Royaume-Uni et les États-Unis. Nous nous intéressons d’abord à la Grande-Bretagne : la série de données commence en 1760 (au bas du graphique) et prend fin en 1990 avec une intensité capitalistique et une productivité bien plus élevées. L’insert en bas à droite représente les mêmes points dans le graphique, désormais familier, du PIB par habitant en forme de crosse de hockey. À mesure que la Grande-Bretagne se déplaçait au cours du temps vers le haut de la crosse de hockey, l’intensité capitalistique et la productivité augmentaient toutes deux. Aux États-Unis, la productivité a dépassé celle du Royaume-Uni à partir de 1910 et est demeurée plus élevée depuis. En 1990, les États-Unis avaient une productivité et une intensité capitalistique plus élevées que celles du Royaume-Uni.

Trajectoires de croissance à long terme d’un ensemble d’économies.
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Figure 16.3 Trajectoires de croissance à long terme d’un ensemble d’économies.

Robert C. Allen. 2012. ‘Technology and the Great Divergence: Global Economic Development Since 1820’. Explorations in Economic History 49 (1) (January): pp. 1–16.

Royaume-Uni
: La série commence en 1760 au coin inférieur du graphique et s’achève en 1990 avec une intensité capitalistique et une productivité bien plus élevées.
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Royaume-Uni

La série commence en 1760 au coin inférieur du graphique et s’achève en 1990 avec une intensité capitalistique et une productivité bien plus élevées.

Robert C. Allen. 2012. ‘Technology and the Great Divergence: Global Economic Development Since 1820’. Explorations in Economic History 49 (1) (January): pp. 1–16.

PIB par travailleur
: L’insert en bas à droite présente les mêmes données dans la représentation familière du PIB par travailleur avec la courbe en crosse de hockey, en utilisant l’échelle de rapport.
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PIB par travailleur

L’insert en bas à droite présente les mêmes données dans la représentation familière du PIB par travailleur avec la courbe en crosse de hockey, en utilisant l’échelle de rapport.

Robert C. Allen. 2012. ‘Technology and the Great Divergence: Global Economic Development Since 1820’. Explorations in Economic History 49 (1) (January): pp. 1–16

États-Unis
: La productivité américaine dépassa celle du Royaume-Uni en 1910 et demeura plus élevée depuis lors.
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États-Unis

La productivité américaine dépassa celle du Royaume-Uni en 1910 et demeura plus élevée depuis lors.

Robert C. Allen. 2012. ‘Technology and the Great Divergence: Global Economic Development Since 1820’. Explorations in Economic History 49 (1) (January): pp. 1–16.

Le Japon, Taïwan et l’Inde
: Les trajectoires du Japon, de Taïwan et de l’Inde montrent que se déplacer le long de la courbe du niveau de vie en forme de crosse de hockey nécessite l’accumulation de capital et l’adoption de nouvelles technologies.
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Le Japon, Taïwan et l’Inde

Les trajectoires du Japon, de Taïwan et de l’Inde montrent que se déplacer le long de la courbe du niveau de vie en forme de crosse de hockey nécessite l’accumulation de capital et l’adoption de nouvelles technologies.

Robert C. Allen. 2012. ‘Technology and the Great Divergence: Global Economic Development Since 1820’. Explorations in Economic History 49 (1) (January): pp. 1–16.

La Figure 16.3 montre que les pays qui sont riches aujourd’hui ont vu leur productivité du travail augmenter au cours du temps à mesure qu’ils utilisaient de plus en plus de capital. Par exemple, si nous nous intéressons aux États-Unis, le capital par travailleur (mesuré en dollars américains de 1985) a augmenté de 4 325 $ en 1880 à 14 407 $ en 1953, puis à 34 705 $ en 1990. Parallèlement à cette augmentation de l’intensité capitalistique, la productivité américaine du travail a augmenté de 7 400 $ en 1880 à 21 610 $ en 1953 et 36 771 $ en 1990. L’historien de l’économie, John Habakkuk, a affirmé que les salaires étaient élevés pour les salariés des usines aux États-Unis à la fin du 19e siècle, car ils avaient la possibilité d’émigrer vers l’ouest du pays : par conséquent, les propriétaires d’usines avaient tout intérêt à développer des technologies économisant de la main-d’œuvre.3

La croissance de la productivité a réduit le facteur travail par unité de production : d’après la crainte des Luddites et les prévisions des auteurs de la « fin du travail », cela entraînerait une perte d’emplois permanente.

En observant la Figure 16.3, il apparaît clairement que les trajectoires historiques de ces économies ne sont pas incurvées comme la fonction de production unique de la Figure 16.2. Cela tient au fait qu’elles ont connu une combinaison d’accumulation du capital et de progrès technologique. Les économies performantes empruntent des trajectoires similaires au déplacement représenté par la droite bleue en pointillés entre les points B et C de la Figure 16.2.

D’après l’Unité 1, nous savons que les autres pays se sont déplacés vers le haut de la crosse de hockey à des moments très différents. Considérez le Japon, Taïwan et l’Inde, représentés sur la Figure 16.3. Remarquez que dès 1990, le capital par travailleur au Japon était non seulement plus élevé que celui des États-Unis, mais aussi presque deux fois plus élevé que celui de la Grande-Bretagne. Le Japon avait atteint ce niveau en deux fois moins de temps que la Grande-Bretagne. Taïwan en 1990 avait également une intensité capitalistique plus élevée que la Grande-Bretagne. L’avance des États-Unis en termes de production de masse et d’industries scientifiques s’est érodée à mesure que d’autres pays ont investi en éducation et adopté les techniques managériales américaines.4

L’interprétation de la Figure 16.3, en utilisant le modèle de la fonction de production de la Figure 16.2, suggère que les pays ont adopté des méthodes de production à plus forte intensité capitalistique au fur et à mesure qu’ils devenaient plus riches. Cependant, alors que le Japon et Taïwan ont tous les deux connu un progrès technologique conséquent, le fait que leur production par travailleur soit restée en dessous des niveaux américain et britannique indique qu’ils sont restés sur une fonction de production plus basse.

Pour résumer :

  • Le progrès technologique a déplacé la fonction de production vers le haut : il a été stimulé par la perspective de rentes d’innovation.
  • Cela a compensé les rendements marginaux décroissants du capital : la productivité du capital, mesurée par la pente d’une corde partant de l’origine, est restée relativement constante au cours du temps dans les pays en avance sur le plan technologique.

Le progrès technologique a joué un rôle crucial pour empêcher les rendements décroissants de mettre un terme à l’amélioration à long terme du niveau de vie, obtenue grâce à l’accumulation de biens d’équipement.

Question 16.2 Choisissez la ou les bonnes réponses

Le graphique suivant représente la fonction de production d’une économie avant et après un progrès technologique :

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En vous appuyant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • La productivité moyenne du capital en B est de 20 000 / 15 000 = 1,33.
  • La productivité marginale du capital en C est de (22 500 – 15 000) / (30 000 – 20 000) = 0,75.
  • La concavité de la fonction de production indique des rendements décroissants du capital.
  • Consécutivement à un progrès technologique, la productivité marginale du capital augmente mais la productivité moyenne du capital reste la même pour un niveau donné de capital par travailleur.
  • La productivité moyenne du capital en B est de 15 000 / 20 000 = 0,75.
  • La productivité marginale du capital en C est égale à la pente de la fonction de production en ce point.
  • Cela signifie que la pente devient moins forte à mesure que l’on se déplace vers la droite.
  • Sur le graphique, les points A et B ont la même productivité moyenne du capital. En revanche, le niveau de capital par travailleur y diffère. Pour un niveau donné de capital par travailleur, les productivités moyenne et marginale du capital augmentent toutes deux avec le progrès technologique.

16.2 Le processus de création et de destruction d’emplois

Le progrès technique permettant des économies de main-d’œuvre comme illustré par les Figures 16.2 et 16.3 permet de produire davantage avec une quantité de travail donnée. Il contribue également à l’augmentation de la production. En incitant à investir, il compense certains des emplois qu’il a détruits, et peut même créer plus d’emplois qu’il n’en existait auparavant. Si au cours d’une année donnée davantage d’emplois sont créés que détruits, l’emploi augmente. Quand plus d’emplois ont été détruits que créés, l’emploi baisse.

stock
Une quantité mesurée à un instant t. Ses unités ne dépendent pas du temps. Voir également : flux.
flux
Une quantité mesurée par unité de temps, telle que le revenu annuel ou le salaire horaire.

Nous savons qu’il existe à chaque instant un certain nombre de personnes qui subissent un chômage involontaire. Ils préféreraient travailler, mais n’ont pas d’emploi. Le nombre d’individus sans emploi est une variable de stock, mesurée sans dimension temporelle. Elle varie d’un jour à l’autre, d’une année à l’autre, à mesure que certains chômeurs sont recrutés (ou abandonnent la recherche d’emploi), que d’autres personnes perdent leur emploi et que d’autres encore décident de chercher un emploi pour la première fois (les jeunes quittant l’école ou l’université, par exemple). Ceux qui sont sans emploi constituent le « stock » de chômeurs : ceux qui trouvent un emploi ou cessent d’en chercher un sortent du stock, et ceux qui perdent leur emploi y entrent. Le nombre de personnes obtenant et perdant un emploi est une variable de flux.

La réallocation globale des emplois correspond à la somme des créations et des destructions d’emplois. En comparaison, la croissance nette de l’emploi est habituellement faible et positive.

La Figure 16.4 montre la destruction, la création et le taux de croissance nette de l’emploi pour un ensemble de pays. Notez qu’au Royaume-Uni, entre 1980 et 1998, davantage d’emplois furent supprimés que créés : la croissance nette de l’emploi était négative. Sur un ensemble de pays présentant différents stades de développement et différents degrés d’ouverture au commerce international, nous observons des taux de réallocation d’emplois relativement similaires. Dans la plupart des pays, environ un cinquième des emplois sont créés ou détruits chaque année, malgré des taux de croissance nette de l’emploi très variables.

Destruction d’emplois, création d’emplois et emploi net pour un ensemble pays
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Figure 16.4 Destruction d’emplois, création d’emplois et emploi net pour un ensemble pays.

John Haltiwanger, Stefano Scarpetta, and Helena Schweiger. 2014. ‘Cross Country Differences in Job Reallocation: The Role of Industry, Firm Size and Regulations’. Labour Economics (26): pp. 11–25.

Imaginez à présent un système économique dans lequel les nouveaux emplois seraient créés à un taux annuel de 2 % et les destructions d’emploi seraient interdites (c’est-à-dire que le taux de destruction serait nul). Cette économie présenterait aussi une croissance nette de l’emploi de 2 %. Cela pourrait correspondre à ce qu’un planificateur souhaiterait faire. La Figure 16.4 montre que ce n’est pas la manière dont fonctionne une économie capitaliste en pratique : il n’existe pas de planificateur. La concurrence et la possibilité de capturer des rentes économiques signifient toutes deux que la création d’emplois entraîne souvent la destruction d’autres emplois.

Pour comprendre la manière dont la création et la destruction d’emplois ont lieu dans un secteur, nous pouvons examiner l’impact de la révolution des technologies de l’information sur le secteur de la distribution aux États-Unis depuis les années 1990. L’adoption de systèmes reliant électroniquement les caisses enregistreuses aux lecteurs de codes-barres, aux terminaux pour cartes de crédit et aux systèmes de gestion des stocks et de la relation client a permis une augmentation considérable de la production par travailleur. Pensez au volume de transactions au détail effectuées par un caissier employé dans un nouveau point de vente.

La recherche à ce sujet montre que la totalité de la croissance de la productivité du travail dans la distribution s’expliquait par l’entrée sur le marché d’établissements plus productifs (magasins de vente au détail ou usines, par exemple) remplaçant des établissements existants bien moins productifs (y compris les établissements plus anciens de la même entreprise, ainsi que les boutiques et usines détenues par d’autres, où des emplois furent détruits).

Nous avons présenté l’expansion massive de l’emploi dans l’entreprise américaine Walmart dans la Figure 7.1 de l’Unité 7. La croissance de Walmart reposait en partie sur une stratégie d’ouverture de magasins plus efficaces et hors des centres-ville, rendue possible par les nouvelles technologies de vente en gros et au détail.

Pour le secteur industriel, des données détaillées recueillies auprès de toutes les entreprises de l’économie montrent comment la croissance de la productivité a été réalisée à travers la création et la destruction d’emplois au sein des entreprises, et par leur entrée et sortie du marché. Les données de la Finlande pour les années 1989 à 1994, par exemple, montrent que 58 % de la croissance de la productivité eut lieu au sein des entreprises (comme dans le cas de Walmart). La sortie du marché des entreprises à faible productivité a contribué à un quart de la hausse, et enfin 17 % est attribuable à la réallocation d’emplois et de production depuis des entreprises à faible productivité vers des entreprises très productives.

Le secteur du bâtiment en France fournit un autre exemple de réallocation du travail des entreprises les plus faibles vers les plus fortes. Selon l’Insee, les entreprises de très faible productivité (dans le premier quartile) ont détruit davantage d’emplois qu’elles n’en ont créés. Entre 1994 et 1997, ces entreprises ont créé 7,1 % des nouveaux emplois, et détruit 16,1 %, ce qui signifie que l’emploi dans ces entreprises s’est contracté de 9,0 %. Par comparaison, les créations d’emploi ont été supérieures aux destructions (17,1 % contre 11,8 %) dans le dernier quartile des entreprises du bâtiment.

Exercice 16.2 Schumpeter revisité

  1. Dans l’Unité 2, nous avions présenté la façon dont Joseph Schumpeter caractérisait les économies capitalistes par le processus de « destruction créatrice ». Expliquez ce concept avec vos propres mots.
  2. En vous appuyant sur cette définition, et pour le pays de votre choix, donnez des exemples de destruction et de création, puis identifiez les gagnants et les perdants de ce phénomène à court et long terme.

16.3 Flux d’emplois, flux de travailleurs et courbe de Beveridge

pouvoir de négociation
Le degré d’avantage qu’a un individu dans la capture d’une plus grande part des rentes résultant d’une interaction.
procyclique
Tendance à bouger dans la même direction que la production globale et l’emploi au cours du cycle économique. Voir également : contracyclique.
contracyclique
Tendance à bouger dans la direction opposée à la production globale et à l’emploi au cours du cycle économique.
acyclique
Pas de tendance à bouger dans la même direction ou dans la direction opposée à la production globale et à l’emploi au cours du cycle économique.
co-assurance
Une manière de regrouper l’épargne de différents ménages pour que chaque ménage puisse maintenir son niveau de consommation en cas de baisse temporaire du revenu ou d’un besoin d’une dépense très importante.
courbe de Beveridge
La relation inverse entre le taux de chômage et le taux d’emplois vacants (tous deux exprimés en proportion de la main-d’œuvre). Elle tient son nom de l’économiste britannique du même nom.

Des emplois sont créés et détruits par les propriétaires et dirigeants d’entreprise qui cherchent à capter des rentes d’innovation schumpétériennes et en réponse à la pression de la concurrence sur les marchés des biens et services. Pour la plupart des travailleurs, cela signifie que rien n’est permanent : au cours d’une vie, une personne occupe successivement plusieurs emplois (souvent pas par choix). Parfois, ces changements sont des changements d’emploi à emploi ; parfois, ce sont aussi des transitions entre chômage et emploi.

Dans l’Unité 5, nous nous étions intéressés aux décisions prises par un employeur (Bruno) et une employée (Angela) à propos des heures de travail de cette dernière et sa rente. Une fois que le système juridique et les contrats se sont substitués au revolver de Bruno, nous avons vu que le fait d’occuper un emploi résulte d’un accord volontaire des deux parties qui en tirent un bénéfice mutuel. L’équilibre du pouvoir de négociation peut être réparti de manière inéquitable, mais l’échange n’en demeure pas moins volontaire.

Lorsqu’un travailleur quitte son emploi, cela peut être volontaire, mais cela peut aussi être une mise à pied temporaire (dictée par la demande à laquelle l’entreprise est confrontée) ou un licenciement (dans le cas où l’emploi a été détruit).

Des emplois sont également créés, comme le montre le mouvement de destruction et de création d’emplois aux États-Unis sur la Figure 16.5. La création d’emplois est fortement procyclique  : cela signifie qu’elle est plus forte en période d’expansion et faiblit en période de récession. À l’inverse, le processus de destruction d’emplois est contracyclique : il prend de l’ampleur pendant les récessions (lorsque le changement d’une variable n’est pas corrélé avec le cycle économique, on dit de lui qu’il est acyclique). La section suivante montre comment les politiques macroéconomiques interagissent avec ces variations des flux d’emplois et de travailleurs.

Cet intense processus de réallocation des emplois sur le marché du travail et la capacité des pouvoirs publics à fournir un système de co-assurance ont fait de l’économiste et homme politique anglais, Lord William Beveridge (1879–1963), le père fondateur du système de sécurité sociale au Royaume-Uni. Les économistes se souviennent également de lui car ils ont accordé à Beveridge, comme à Bill Phillips, l’une de leurs plus grandes marques de reconnaissance : ils baptisèrent la courbe de Beveridge en son honneur.

Nous avons rencontré le concept de co-assurance à l’Unité 13, quand nous avons expliqué comment des ménages plutôt bien lotis à une certaine période avaient utilisé leur épargne pour aider un ménage moins chanceux. Nous l’avons également abordé dans l’Unité 14, quand nous avons expliqué comment la corrélation de risques limite l’utilité de la co-assurance, ce qui permettait de comprendre le rôle de l’État dans la fourniture d’une co-assurance à travers un système d’allocations chômage.

Création et destruction d’emplois au cours des cycles économiques aux États-Unis (2000 T1 – 2010 T2)
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Figure 16.5 Création et destruction d’emplois au cours des cycles économiques aux États-Unis (2000 T1 – 2010 T2).

Steven J. Davis, R. Jason Faberman, and John C Haltiwanger. 2012. ‘Recruiting Intensity During and After the Great Recession: National and Industry Evidence’. American Economic Review 102 (3): pp. 584–588.

La courbe de Beveridge

Beveridge avait suggéré une relation simple entre le taux d’emplois vacants (le nombre d’emplois disponibles pour les travailleurs) et le niveau du chômage (le nombre de travailleurs à la recherche d’un emploi), tous deux exprimés en proportion de la population active.

Beveridge avait remarqué que lorsque le chômage était élevé, le taux d’emplois vacants était faible ; lorsque le chômage était faible, le taux d’emplois vacants était élevé :

  • Durant les récessions, le chômage sera élevé : lorsque la demande de biens adressée à une entreprise décline ou croît lentement, les entreprises peuvent y faire face avec le personnel dont elles disposent déjà, même si un certain nombre de leurs employés démissionnent ou partent à la retraite. Par conséquent, elles proposent peu d’emplois. Dans des conditions identiques de faible demande pour la production de l’entreprise, des employés seront licenciés.
  • Durant les phases d’expansion, le chômage baissera : le nombre d’emplois à pourvoir proposés par les entreprises augmente, et davantage de travailleurs seront employés pour faire face à la demande croissante pour la production de l’entreprise.

La relation décroissante entre le taux d’emplois vacants et le taux de chômage au cours du cycle économique est illustrée dans la Figure 16.6 qui montre deux exemples de courbes de Beveridge en utilisant des données pour l’Allemagne et les États-Unis. Chaque point représente un trimestre, du premier trimestre (T1) de 2001 au deuxième trimestre (T2) de 2015.

Courbes de Beveridge pour les États-Unis et l’Allemagne (2001 T1–2015 T2)
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Figure 16.6 Courbes de Beveridge pour les États-Unis et l’Allemagne (2001 T1–2015 T2).

OECD Employment Outlook and OECD Labour Force Statistics: OECD. 2015. OECD Statistics.

Comment se peut-il que nous observions simultanément des emplois vacants non pourvus et des chômeurs à la recherche d’un emploi ? Le bon appariement est une affaire délicate dans de nombreux domaines de la vie. Par exemple, songez à nos vies amoureuses : combien de fois sommes-nous à la recherche du partenaire idéal, mais incapables de trouver quelqu’un qui nous convienne ?

appariement sur le marché du travail
La manière dont les employeurs qui recherchent des employés supplémentaires (pour remplir des postes vacants) s’apparient avec des demandeurs d’emploi.

Certains facteurs empêchent des personnes au chômage depuis peu d’être affectées à des emplois récemment proposés (nous appelons ce processus l’appariement sur le marché du travail) :

  • Une inadéquation de lieu et de compétences entre les travailleurs en quête d’emploi et les emplois disponibles : il s’agit parfois d’un décalage entre les compétences requises par les entreprises et celles des demandeurs d’emploi. Par exemple, la recherche explique que l’une des raisons de l’inefficacité sur le marché du travail américain ces dernières années tient à la concentration des emplois vacants dans un nombre restreint de secteurs. Le poseur de lignes téléphoniques dont l’emploi a été récemment supprimé ne dispose pas forcément des compétences informatiques nécessaires pour occuper les postes vacants du service de facturation de l’entreprise. Il se peut également que les travailleurs licenciés et les postes vacants soient situés dans différentes régions du pays. Déménager dans une autre région pour trouver du travail impliquerait la rupture des liens avec les voisins, les écoles et les proches.
  • Les demandeurs d’emploi ou ceux qui cherchent à embaucher peuvent ne pas disposer des informations adéquates : comme nous l’avons vu dans l’Unité 6, des acteurs économiques qui présentent des compétences et des besoins différents – les demandeurs d’emplois et les entreprises, dans cet exemple – recherchent des opportunités de gains mutuels à l’échange. Mais l’entreprise et le demandeur d’emploi peuvent ignorer l’existence l’un de l’autre (même si les études suggèrent que la technologie améliore ce processus d’appariement).5

L’appariement devrait être facilité par l’existence d’un stock plus important de demandeurs d’emploi parmi lesquels les entreprises peuvent sélectionner de futures recrues. Observer une combinaison de chômage élevé et d’emplois vacants en grand nombre est un indicateur de l’inefficacité du processus d’appariement sur le marché du travail.

Vous pouvez noter trois principaux points sur les courbes de Beveridge allemande et américaine de la Figure 16.6 :

  • Les deux courbes sont décroissantes, comme on pouvait s’y attendre : les données américaines oscillent entre des taux d’emplois vacants d’environ 3 % avec des taux de chômage entre 3 et 4 % (au point culminant du cycle économique), et des taux d’emplois vacants légèrement au-dessus de 2 % et un chômage autour de 6  % (au creux du cycle).
  • La position de la courbe de Beveridge varie selon les pays : le marché du travail allemand semble être plus efficace pour apparier les travailleurs cherchant un emploi et les entreprises cherchant à recruter. Pour le voir, observez que le taux d’emplois vacants en Allemagne est, chaque année, plus faible que celui observé aux États-Unis sur toute la période, bien que les deux pays aient connu des taux de chômage similaires. Ainsi, moins d’opportunités d’emplois ont été perdues en Allemagne.
  • Les deux courbes se sont déplacées au cours de la décennie : la courbe allemande s’est formée au cours de la période allant du T1 de 2001 au T1 de 2005, puis a tourné vers l’origine, établissant une nouvelle courbe de Beveridge sur la période 2009 T2-2015 T2. Cette deuxième courbe de Beveridge est plus proche de l’origine, avec des taux de chômage et d’emplois vacants plus faibles qu’auparavant.

Comment s’est produite cette amélioration sur le marché du travail allemand ? Il semble que de nouvelles mesures pour l’emploi, appelées les réformes Hartz, aient porté leurs fruits. Promulguées entre 2003 et 2005, ces réformes ont fourni aux chômeurs un meilleur accompagnement en vue de trouver un emploi et ont réduit plus rapidement le montant des allocations chômage perçues, de façon à donner aux chômeurs de plus fortes incitations à chercher un travail.6

La courbe américaine s’est également déplacée, mais contrairement à l’Allemagne, ce fut dans le sens d’une détérioration. Pour la période allant de 2001 T1 à 2009 T2, les États-Unis semblaient se déplacer le long d’une courbe unique. La courbe s’éloigne ensuite de l’origine et semble établir une nouvelle courbe de Beveridge au-dessus et à droite de l’ancienne. Cela suggère que le marché du travail américain est devenu moins efficace dans le processus d’appariement entre emplois et travailleurs. Entre 2001 et 2008, les fluctuations du cycle économique ont, de manière classique, conduit au licenciement de travailleurs dans tous les secteurs et sur l’ensemble du territoire, de sorte que le décalage géographique et l’inadéquation des compétences entre demandeurs d’emploi et postes vacants sont restés modestes. Aussi, pourquoi la courbe de Beveridge s’est-elle déplacée ?

  • Un grand nombre de licenciements dans un seul secteur : la crise financière mondiale entre 2008 et 2009 et la récession qui a suivi ont frappé de plein fouet et tout particulièrement le secteur de la construction de logements. Il y avait un décalage entre les compétences recherchées pour les emplois vacants et celles des demandeurs d’emploi.
  • L’effondrement des prix de l’immobilier : lorsque le prix des logements a chuté, de nombreux propriétaires se sont retrouvés piégés dans un logement qui valait beaucoup moins que son prix d’achat. Ils ne pouvaient pas vendre leur maison et déménager dans une région proposant plus de postes vacants, ce qui restreignait les emplois auxquels ils avaient accès.7

Par conséquent, l’économie s’est retrouvée dans une situation où, pour un niveau donné de postes vacants, le taux de chômage était plus élevé.

Exercice 16.3 Les courbes de Beveridge et le marché du travail allemand

Selon les courbes de Beveridge, le marché du travail allemand est plus efficace dans l’appariement des travailleurs avec des offres d’emploi, mais durant certaines périodes (par exemple, de 2001 T1 à 2005 T1), le niveau de chômage moyen en Allemagne indiqué sur la Figure 16.6 était plus élevé qu’aux États-Unis.

Pensez au rôle possible de la demande agrégée (Section 13.2 sur la loi d’Okun et Section 14.10 sur demande agrégée et chômage). De quel type de données auriez-vous besoin pour étayer votre hypothèse ?

Question 16.3 Choisissez la ou les bonnes réponses

Le graphique ci-dessous présente les courbes de Beveridge des États-Unis et de l’Allemagne pour la période entre 2001T1 et 2015T2. D’après ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

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  • Les courbes de Beveridge décrivent une relation négative entre taux d’emplois vacants et taux d’emploi.
  • Le marché du travail américain était plus performant dans l’appariement des travailleurs avec les emplois vacants au cours de la crise financière de 2008-2009.
  • La courbe de Beveridge américaine s’est déplacée après la crise financière, améliorant ainsi le taux d’appariement.
  • Le taux d’appariement en Allemagne s’est amélioré après que sa courbe de Beveridge se soit déplacée vers 2007.
  • Les courbes de Beveridge décrivent la relation entre le taux d’emplois vacants et le taux de chômage.
  • Au cours de la crise financière mondiale, le même taux d’emplois vacants était associé à un taux de chômage plus élevé, ce qui indique une plus grande inefficacité du processus d’appariement.
  • Le déplacement vers la droite de la courbe de Beveridge américaine indique que le processus d’appariement est devenu moins efficace.
  • La courbe de Beveridge allemande s’est déplacée vers la gauche au cours du temps, ce qui signifie qu’à un taux d’emplois vacants donné était associé un taux de chômage plus faible. Le processus d’appariement est donc devenu plus efficace.

16.4 Investissement, entrée des entreprises sur le marché et courbe des prix de long terme

La Figure 16.1 a révélé la grande disparité des taux de chômage observés depuis les années 1970 dans les économies avancées. Dans la période la plus récente représentée sur le graphique, les pays européens comme l’Espagne, la Grèce ou la France ont connu des taux de chômage très élevés, de 10 % en France à plus de 20 % en Espagne, tandis que dans d’autres pays, en particulier ceux d’Asie de l’Est (Corée du Sud, Japon) et d’Europe du Nord (Autriche, Norvège, Pays-Bas, Suisse et Allemagne), le chômage était entre 5 % et 6 %.

Afin d’expliquer les principales tendances au cours du temps et les différences de taux de chômage entre les pays, nous élargissons les concepts des unités précédentes pour modéliser le long terme. Dans ce modèle de long terme, certains éléments qui bougeaient lentement et que l’on supposait constants dans des modèles de court et moyen termes – comme la taille du stock de biens d’équipement ou le nombre d’entreprises dans l’économie – peuvent s’ajuster complètement suite à un changement de conjoncture économique.

Déterminants de la performance économique sur le long terme

À long terme, le taux de chômage dépendra de la façon dont les politiques publiques et les institutions d’un pays traitent les deux grands problèmes d’incitation d’une économie capitaliste :

risque d’expropriation
La probabilité qu’un bien soit retiré à son propriétaire par l’État ou un autre acteur.
  • Incitations à travailler : les salariés doivent travailler dur et bien, bien qu’il soit difficile d’écrire et de faire exécuter des contrats accomplissant cela (comme nous l’avons vu dans l’Unité 6).
  • Incitations à investir : les propriétaires d’entreprise doivent investir dans la création d’emplois alors qu’ils pourraient investir à l’étranger ou simplement utiliser leurs profits pour l’achat de biens de consommation et ne pas du tout investir. Comme nous l’avons vu dans l’Unité 14, les entreprises examinant des décisions d’investissement tiennent compte non seulement du taux de profit après impôt, mais également du risque de changements défavorables, tels qu’une législation contraignante ou encore le risque de confiscation de leur propriété, appelé risque d’expropriation. Tout comme les travailleurs ne peuvent pas être forcés à travailler dur mais doivent être encouragés à le faire, les entreprises ne peuvent pas être contraintes à créer de nouveaux emplois ou à conserver les postes existants.

Résoudre simultanément ces deux problèmes reviendrait à avoir en même temps un taux de chômage faible et une hausse rapide des salaires. Toutefois, les façons d’atteindre l’un de ces objectifs peuvent compliquer la réalisation de l’autre objectif. Par exemple, des mesures qui favorisent des salaires très élevés peuvent inciter les salariés à travailler dur, mais les propriétaires d’entreprise n’ont guère intérêt à créer de nouvelles capacités productives et des emplois.8

Dans la section suivante, nous verrons que les pays diffèrent dans leur succès à traiter simultanément ces deux problèmes d’incitations.

courbe de détermination des salaires (courbe des salaires)
La courbe de détermination des salaires indique le salaire réel nécessaire à chaque niveau d’emploi agrégé pour inciter les travailleurs à travailler dur et bien.

La courbe des salaires utilisée dans les Unités 6, 9, 14 et 15 montre que les salaires devraient être plus élevés lorsque les chômeurs peuvent espérer trouver un nouvel emploi facilement, ou quand ils reçoivent une allocation chômage généreuse ; tous deux réduisant le coût attendu de la perte d’emploi. C’est pourquoi la courbe des salaires est positivement associée au niveau d’emploi, et c’est aussi la raison pour laquelle une hausse des allocations chômage déplacera la courbe vers le haut, comme cette étude le démontre.

courbe de détermination des prix (courbe des prix)
La courbe qui donne le salaire réel payé quand les entreprises choisissent le prix maximisant leurs profits.

Les incitations nécessaires pour l’investissement des propriétaires d’entreprise sont représentées par la courbe des prix dans le modèle du marché du travail (voir Unité 9).

Nous allons étendre le modèle du marché du travail au long terme en permettant aux entreprises d’entrer et sortir du marché et aux propriétaires d’entreprise d’accroître leur stock de capital ou de le réduire. Pour simplifier, supposez que toutes les entreprises sont d’une même taille donnée et que le stock de capital augmente et baisse simplement via l’addition ou la soustraction d’entreprises au marché. Nous supposons que les rendements d’échelle sont constants de sorte qu’à long terme, l’augmentation en pourcentage de l’emploi correspond à la même augmentation en pourcentage du capital.

Nous définissons l’équilibre de long terme sur le marché du travail comme une situation dans laquelle non seulement les salaires réels et le niveau d’emploi, mais aussi le nombre d’entreprises sont constants (souvenez-vous que l’équilibre est toujours défini par ce qui ne change pas, à moins qu’il n’y ait un facteur de changement non pris en compte par le modèle).

Il y a deux conditions qui déterminent comment le nombre d’entreprises sur le marché peut varier :

  • Sortie d’entreprises en raison d’une faible marge : les propriétaires peuvent retirer leurs investissements ou même fermer des entreprises si la marge existante est trop faible. Cela signifie que le taux de profit attendu après impôt n’est pas attractif par rapport aux utilisations alternatives que les propriétaires pourraient faire de leurs actifs. Parmi les autres options, ils pourraient investir dans des filiales étrangères, externaliser une partie du processus de production, acheter des obligations d’État ou encore redistribuer les profits sous forme de dividendes aux propriétaires. Le cas échéant, le nombre d’entreprises chute.
  • Entrée d’entreprises en raison d’une marge élevée : si la marge est suffisamment élevée, le taux de profit élevé qui en résulte incitera de nouvelles entreprises à entrer sur le marché.

Quand la sortie d’entreprises en raison d’une marge trop faible est-elle probable ? Cela se produira lorsque l’économie est très concurrentielle, en raison d’un grand nombre d’entreprises sur le marché, ce qui entraîne une forte élasticité de la demande des biens produits par l’entreprise et, par conséquent, une marge faible. Lorsqu’il y a « trop » d’entreprises pour maintenir une marge suffisamment élevée, certaines entreprises quitteront le marché, ce qui aura tendance à augmenter le taux de marque.

De manière similaire, lorsqu’il y a peu d’entreprises dans l’économie, le degré de concurrence est limité. Le taux de marque sera élevé et le taux de profit résultant sera suffisant pour attirer de nouvelles entreprises sur le marché. Par conséquent, l’économie deviendra plus concurrentielle et le taux de marque baissera.

Cela signifie que le taux de marque a tendance à s’auto-ajuster. S’il est trop bas, des entreprises sortiront du marché et il remontera, et s’il est trop haut, des entreprises entreront sur le marché et il baissera.

La Figure 16.7a illustre ce processus en montrant la relation entre le nombre d’entreprises et le taux de marque maximisant les profits. Pour chaque nombre d’entreprises, la droite décroissante donne le taux de marque qui maximise les profits de l’entreprise. Elle est décroissante car :

  • Plus il y a d’entreprises, plus l’économie est concurrentielle.
  • Cela signifie que les entreprises sont confrontées à une élasticité de la demande plus élevée lorsqu’elles vendent leurs produits (courbes de demande moins « pentues »).
  • Le taux de marque maximisant les profits de l’entreprise baissera car, comme nous l’avons vu dans l’Unité 7, la marge μ est 1/(élasticité de la demande).

L’autre droite sur le graphique est horizontale et représente le taux de marque qui est juste suffisant pour maintenir constant le nombre d’entreprises sur le marché, nous l’appelons μ*. Suivez les étapes de l’analyse de la Figure 16.7a pour comprendre pourquoi le nombre d’entreprises se stabilisera à 210.

Entrée et sortie des entreprises et marge d’équilibre.
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Figure 16.7a Entrée et sortie des entreprises et marge d’équilibre.

Taux de marque maximisant le profit
: La droite décroissante donne le taux de marque maximisant le profit de l’entreprise pour un nombre donné d’entreprises. Au taux de marque d’équilibre, μ*, le nombre d’entreprises est constant et égal à 210.
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Taux de marque maximisant le profit

La droite décroissante donne le taux de marque maximisant le profit de l’entreprise pour un nombre donné d’entreprises. Au taux de marque d’équilibre, μ*, le nombre d’entreprises est constant et égal à 210.

Concurrence et nombre d’entreprises
: Plus il y a d’entreprises, plus l’économie est concurrentielle, ce qui donne lieu à une plus forte élasticité de la demande et donc à un taux de marque plus faible.
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Concurrence et nombre d’entreprises

Plus il y a d’entreprises, plus l’économie est concurrentielle, ce qui donne lieu à une plus forte élasticité de la demande et donc à un taux de marque plus faible.

Sortie d’entreprises
: Avec 250 entreprises, le taux de marque est inférieur à μ*, ce qui conduit des entreprises à sortir du marché.
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Sortie d’entreprises

Avec 250 entreprises, le taux de marque est inférieur à μ*, ce qui conduit des entreprises à sortir du marché.

Entrée d’entreprises
: Avec 190 entreprises, l’économie est au point B et le taux de marque est supérieur à μ*, donc de nouvelles entreprises vont entrer sur le marché.
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Entrée d’entreprises

Avec 190 entreprises, l’économie est au point B et le taux de marque est supérieur à μ*, donc de nouvelles entreprises vont entrer sur le marché.

En utilisant la Figure 16.7a, imaginez maintenant ce qui se passerait si, à la suite d’un changement de gouvernement, le risque d’expropriation des propriétés privées par l’État déclinait. Il y a là une amélioration du climat des affaires, qui peut être amenée par des changements législatifs réduisant le risque que l’État prenne le contrôle des entreprises ou mette en place des mesures fiscales imprévues. Dans ce contexte plus favorable, un plus faible taux de marque est nécessaire aux entreprises pour opérer dans cette économie. Suivez les étapes de la Figure 16.7b pour comprendre comment cela mènerait à une augmentation du nombre d’entreprises à l’équilibre.

Une amélioration des conditions d’activité économique : entrée et sortie des entreprises et taux de marque d’équilibre.
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Figure 16.7b Une amélioration des conditions d’activité économique : entrée et sortie des entreprises et taux de marque d’équilibre.

Amélioration du climat des affaires
: Cela conduit à une baisse de la marge d’équilibre. Le taux de marque en A est désormais « trop élevé ».
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Amélioration du climat des affaires

Cela conduit à une baisse de la marge d’équilibre. Le taux de marque en A est désormais « trop élevé ».

Entrées de nouvelles entreprises sur le marché
: L’économie croît jusqu’à ce qu’il y ait 250 entreprises.
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Entrées de nouvelles entreprises sur le marché

L’économie croît jusqu’à ce qu’il y ait 250 entreprises.

Du taux de marque d’équilibre à la courbe des prix de long terme

Comme précédemment, une fois que nous connaissons le taux de marque μ* et la productivité moyenne du travail λ, nous pouvons calculer le salaire réel w qui doit en résulter. Il correspond à la part de la production moyenne du travail (ou, de manière équivalente, de la production par travailleur) qui n’est pas captée par l’employeur à travers le taux de marque. Avec des rendements d’échelle constants et si le niveau de capital par travailleur reste constant, un niveau d’emploi plus élevé est compatible avec une production par travailleur constante : la courbe des prix de long terme est plate. Notons également que, dans ce modèle, les travailleurs employés et non-employés sont identiques, en raison de la présence de chômeurs involontaires à l’équilibre du marché du travail.

La courbe des prix de long terme est donnée par :

Comme le montre la Figure 16.8, cela nous permet de traduire le taux de marque d’équilibre en niveau de salaire réel payé, qui fixe la hauteur de la courbe des prix. Dans le graphique de gauche, l’équation de la courbe des prix de long terme est représentée par une droite décroissante, avec le taux de marque d’équilibre sur l’axe des abscisses et le salaire sur l’axe des ordonnées. Lorsque le taux de marque est nul, le salaire est égal à la production par travailleur ; et lorsque que le taux de marque est égal à 1 (ou équivaut à 100 %), le salaire est nul.

Le graphique de droite de la Figure 16.8 montre la courbe des prix de long terme à différents niveaux du taux de marque d’équilibre de long terme. L’emploi figurant sur l’axe des abscisses correspond, dans le modèle de long terme, à l’emploi avec un niveau constant de capital par travailleur. Nous pouvons résumer les facteurs qui déplaceront la courbe des prix de long terme selon leurs effets, soit sur la production par travailleur, soit sur le taux de marque.

La courbe des prix de long terme est plus haute lorsque :

  • la production par travailleur est plus élevée ;
  • le taux de marque de long terme, pour lequel il n’y a ni entrée, ni sortie du marché, est plus faible.
Des variations du taux de marque de long terme déplacent la courbe des prix.
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Figure 16.8 Des variations du taux de marque de long terme déplacent la courbe des prix.

La courbe des prix de long terme
: Sur le graphique de gauche, l’équation de la courbe des prix de long terme est représentée par une droite horizontale. Le taux de marque d’équilibre est représenté sur l’axe des abscisses et le salaire figure sur l’axe des ordonnées.
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La courbe des prix de long terme

Sur le graphique de gauche, l’équation de la courbe des prix de long terme est représentée par une droite horizontale. Le taux de marque d’équilibre est représenté sur l’axe des abscisses et le salaire figure sur l’axe des ordonnées.

Taux de marque faible
: Un faible taux de marque d’équilibre de long terme est associé à une courbe des prix de long terme plus élevée.
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Taux de marque faible

Un faible taux de marque d’équilibre de long terme est associé à une courbe des prix de long terme plus élevée.

Taux de marque élevé
: Les courbes des prix de long terme sont plus basses pour des taux de marque supérieurs.
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Taux de marque élevé

Les courbes des prix de long terme sont plus basses pour des taux de marque supérieurs.

La courbe des salaires de long terme

Lorsque l’on connaît le taux de marque d’équilibre μ* et la productivité du travail λ, on sait que le salaire réel w est donné par :

w est la production par travailleur qui n’est pas captée par l’employeur via le taux de marque.

Quels sont les facteurs qui réduisent le taux de marque pour lequel les entrées et les sorties du marché sont nulles ?

  • une concurrence accrue ;
  • un plus faible risque d’expropriation des propriétaires dans l’économie domestique ;
  • un environnement économique plus propice aux affaires : par exemple, un meilleur capital humain ou de meilleures infrastructures ;
  • l’anticipation d’un plus faible taux d’imposition de long terme ;
  • un plus faible coût d’opportunité du capital : par exemple, un taux d’intérêt plus faible sur les obligations ;
  • l’anticipation de profits plus faibles sur les investissements étrangers ;
  • l’anticipation d’un plus faible coût à long terme des matériaux importés.

Exercice 16.4 Mesurer les conditions pour investir

Consultez la base de données Doing Business de la Banque mondiale.

  1. Pour 20  pays de votre choix, collectez (téléchargez) dans la section « Topics » les données sur trois caractéristiques du climat des affaires qui affecteront le taux de marque de long terme. Justifiez vos choix.

Consultez maintenant la base de données DataBank de la Banque mondiale.

  1. Téléchargez les données du PIB par tête pour les 20 pays que vous avez choisis. Pour chaque caractéristique du climat des affaires, créez un nuage de points, avec cette caractéristique (rang) en abscisse et le PIB par tête sur l’axe des ordonnées. Résumez la relation que vous obtenez entre les deux variables (le cas échéant).
  2. Expliquez pourquoi un environnement propice aux affaires pourrait faire augmenter le PIB par tête.
  3. Pour quelles raisons un PIB par tête élevé peut-il contribuer à améliorer l’environnement économique ?
  4. À partir de vos réponses aux questions 3 et 4, expliquez les difficultés potentielles que pose l’interprétation d’une relation entre deux variables au moyen d’un nuage de points.

Question 16.4 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 16.8 présente la courbe des prix de long terme et le taux de marque pour lequel il n’y a ni entrée ni sortie d’entreprises sur le marché.

Sur la base de ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Une hausse de l’intensité de la concurrence dans l’économie abaissera la courbe des prix.
  • Un taux d’intérêt plus bas se traduit par une courbe des prix plus basse.
  • Une productivité des travailleurs plus faible conduit à une courbe des prix plus haute pour un taux de marque μ* donné.
  • Un risque d’expropriation plus élevé pour les activités économiques à l’étranger se traduit par une courbe des prix plus haute.
  • Une hausse de l’intensité de la concurrence conduit à une baisse du taux de marque et donc à une élévation de la courbe des prix.
  • Une baisse du taux d’intérêt implique une baisse du coût d’opportunité du capital. Par conséquent, le taux de profit pour lequel il n’y a ni entrée ni sortie d’entreprises sur le marché est plus faible. Cela signifie enfin que le taux de salaire correspondant (indiqué par la courbe des prix) est plus élevé.
  • Une baisse de la productivité par travailleur (λ) entraîne une rotation vers le bas de la courbe des salaires réels sur le graphique de gauche (elle pivote autour de μ* = 1 sur l’axe des abscisses). Cela conduit à un déplacement vers le bas des courbes des prix pour un niveau de μ* donné.
  • Cela entraînera une baisse de la rentabilité attendue des investissements à l’étranger, ce qui entraîne une baisse des profits d’équilibre au sein de l’économie domestique et par conséquent une baisse du taux de marque. Cela conduira à une courbe des prix plus haute.

Question 16.5 Choisissez la ou les bonnes réponses

Laquelle des affirmations suivantes est correcte concernant le modèle du marché du travail ?

  • Dans les modèles de court et de moyen terme, la quantité de capital est fixe, tandis que dans les modèles de long terme, elle peut varier.
  • Le progrès technologique économisant la main-d’œuvre conduit à une hausse du chômage aussi bien à court qu’à long terme.
  • Dans le modèle de long terme, les entreprises entrent sur le marché lorsque le taux de marque est faible.
  • Dans le modèle de long terme, le taux de marque est indépendant du nombre d’entreprises.
  • C’est ainsi que nous avons défini le long terme.
  • Pour un stock de capital donné, le progrès technologique économisant la main d’œuvre fait augmenter le chômage, mais à mesure que le stock de capital croît avec l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché, le chômage baisse, potentiellement jusqu’à un niveau plus faible qu’au départ.
  • Les entreprises entrent sur le marché quand le taux de marque est élevé, donc un taux de profit plus élevé.
  • Le taux de marque s’autocorrige à mesure que les entreprises entrent et sortent du marché : un taux de marque élevé conduit à une hausse des entrées et ainsi à une baisse du taux de marque, tandis qu’un faible taux de marque encourage les sorties d’entreprises existantes, ce qui conduit à une hausse du taux de marque.

16.5 Nouvelle technologie, salaires et chômage à long terme

Nous avons vu que, contrairement aux craintes des Luddites, l’augmentation constante de la quantité produite en une heure de travail ne s’est pas traduite par une hausse continue du chômage. Ce sont les salaires qui ont, en moyenne, augmenté, pas le chômage.

Dans de nombreux pays, la combinaison de progrès technique et d’investissement en vue d’augmenter le stock de capital a fait approximativement doubler la productivité du travail à chaque génération. Notre modèle en a montré le résultat : une hausse du salaire réel compatible avec des profits suffisamment élevés pour encourager les propriétaires d’entreprise à continuer d’investir, plutôt qu’à utiliser leur richesse autrement.

Les Luddites avaient raison de s’inquiéter des épreuves rencontrées par ceux qui se retrouvent sans emploi. Ce qu’ils ont occulté est que les profits additionnels tirés de l’introduction de nouvelles technologies fournissent une sorte de mécanisme auto-correcteur : des investissements supplémentaires qui, tôt ou tard, conduiront à la création de nouveaux emplois.

Ce déplacement de la courbe des prix vers le haut est illustré sur la Figure 16.9a, qui montre le statu quo (« ancienne technologie ») avec l’équilibre de long terme au point A, et le progrès technique qui permet de déplacer l’équilibre de long terme au point B. En B, le salaire réel est plus élevé, de même que le taux d’emploi, autrement dit, le chômage est plus faible. Le modèle démontre que le progrès technique n’accroît pas nécessairement le chômage dans l’économie dans son ensemble.

Avant d’examiner les expériences de chômage qu’ont connues différents pays, nous avons besoin de comprendre :

  • Ce qui détermine le taux de croissance de la productivité du travail. Cela explique le déplacement vers le haut de la courbe des prix.
  • Comment l’économie se déplace de A à B. Les deux points sont des équilibres de long terme sur le marché du travail.
Taux de chômage à long terme et nouvelle technologie.
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Figure 16.9a Taux de chômage à long terme et nouvelle technologie.

Équilibre de long terme avant l’introduction de la nouvelle technologie
: Il se trouve au point A.
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Équilibre de long terme avant l’introduction de la nouvelle technologie

Il se trouve au point A.

Une avancée technologique
: Cela déplace vers le haut la production par travailleur et la courbe des prix.
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Une avancée technologique

Cela déplace vers le haut la production par travailleur et la courbe des prix.

Effet d’équilibre de long terme sur l’emploi
: Au point B, le salaire réel est plus élevé et le chômage est plus bas.
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Effet d’équilibre de long terme sur l’emploi

Au point B, le salaire réel est plus élevé et le chômage est plus bas.

Connaissance nouvelle et nouvelle technologie : l’écart de diffusion de l’innovation

écart de diffusion
Le retard entre la première adoption d’une innovation et son usage généralisé. Voir également : diffusion.

Il peut se passer des années, voire des décennies, avant qu’une amélioration technologique ne se généralise dans une économie. Cet écart de diffusion entraîne des différences dans les niveaux de productivité du travail entre les entreprises les plus avancées et celles qui sont en retard technologiquement.

Au Royaume-Uni, une étude a montré que les entreprises les plus performantes sont cinq fois plus productives que les entreprises les moins performantes. On observe des écarts semblables dans les entreprises en Inde et en Chine. Des données portant sur l’industrie électronique indonésienne – qui fait partie du très concurrentiel marché mondial – à la fin des années 1990 montrent que les entreprises au 75e centile étaient huit fois plus productives que celles du 25e centile.

Les entreprises peu productives parviennent à rester sur le marché parce qu’elles versent des salaires plus faibles à leurs employés, et dans de nombreux de cas, captent un taux de profit plus faible également sur le capital du propriétaire. Réduire les écarts de diffusion peut considérablement augmenter la vitesse à laquelle les nouvelles connaissances et pratiques de gestion se répandent.

Ceci peut se produire lorsqu’un syndicat négocie des salaires identiques à travail équivalent dans l’ensemble de l’économie. L’une des conséquences en est que les entreprises les moins productives (qui sont également celles qui versent des salaires faibles) vont également être concernées par ces augmentations salariales, ce qui rendra certaines d’entre elles non rentables et les poussera à sortir du marché. Le syndicat pourrait aussi soutenir certaines politiques publiques qui accompagnent son rôle dans l’accélération de la sortie des entreprises improductives, poussant à la hausse la productivité moyenne dans l’économie et déplaçant vers le haut la courbe des prix. Dans ce cas, les syndicats de travailleurs peuvent contribuer au processus de destruction créatrice plutôt qu’y résister.

Les organisations patronales peuvent également prendre part au processus de destruction créatrice en refusant de prolonger la durée de vie d’entreprises non productives, sachant que leur faillite fait partie du processus permettant d’augmenter la taille du gâteau. Cependant, dans de nombreux cas, salariés et propriétaires des entreprises à la traîne ne se comportent pas de cette façon. Ils sont protégés grâce à des subventions, des protections douanières et des plans de sauvetage qui garantissent, pour un temps au moins, la survie de l’entreprise improductive et de ses emplois.

La vitesse à laquelle la courbe des prix se déplace vers le haut dépend de l’importance relative de ces attitudes vis-à-vis du processus de destruction créatrice. Les économies divergent grandement à cet égard.

Adaptation au changement technologique : l’écart d’ajustement de l’emploi et des salaires

Les économies diffèrent également s’agissant de la manière dont elles évoluent d’un équilibre de statu quo comme A vers un nouvel équilibre comme B sur la Figure 16.9b.

Rappelez-vous que la courbe des prix dans le modèle à long terme est le niveau de salaire réel tel que les entreprises ne vont ni entrer, ni sortir de l’économie. Ainsi, le déplacement du point A (à 6 % de chômage) au point B (à 4 % de chômage) survient parce que des entreprises sont entrées dans l’économie, un processus qui prend un certain temps. Que se passe-t-il au cours de ce processus ? Suivez les étapes de l’analyse de la Figure 16.9b pour observer une trajectoire possible.

Taux de chômage de long terme et nouvelle technologie.
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Figure 16.9b Taux de chômage de long terme et nouvelle technologie.

La réponse à une nouvelle technologie
: Une nouvelle technologie implique que la même quantité peut être produite par moins de travailleurs. Comment l’économie s’y ajuste-t-elle ?
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La réponse à une nouvelle technologie

Une nouvelle technologie implique que la même quantité peut être produite par moins de travailleurs. Comment l’économie s’y ajuste-t-elle ?

Mise en œuvre de la nouvelle technologie
: Au début, la nouvelle technologie conduit à une perte substantielle d’emplois. Au point D, le salaire est le même, mais il y a moins d’emplois.
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Mise en œuvre de la nouvelle technologie

Au début, la nouvelle technologie conduit à une perte substantielle d’emplois. Au point D, le salaire est le même, mais il y a moins d’emplois.

Les profits économiques sont élevés en D
: De nouvelles entreprises seront attirées vers l’économie et l’investissement augmentera. Le chômage finira par baisser à mesure que l’économie se déplace de D vers E.
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Les profits économiques sont élevés en D

De nouvelles entreprises seront attirées vers l’économie et l’investissement augmentera. Le chômage finira par baisser à mesure que l’économie se déplace de D vers E.

Les salaires augmentent
: Avec un niveau de chômage plus faible, les entreprises doivent proposer des salaires plus élevés de manière à s’assurer de l’effort produit par les travailleurs. Par conséquent, les salaires augmentent.
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Les salaires augmentent

Avec un niveau de chômage plus faible, les entreprises doivent proposer des salaires plus élevés de manière à s’assurer de l’effort produit par les travailleurs. Par conséquent, les salaires augmentent.

Nouvel équilibre
: L’ajustement s’achève lorsque l’économie atteint le point B, avec un salaire réel plus élevé et un chômage de long terme plus bas.
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Nouvel équilibre

L’ajustement s’achève lorsque l’économie atteint le point B, avec un salaire réel plus élevé et un chômage de long terme plus bas.

Est-ce que ce fut pour autant un périple avantageux pour tout le monde ? Seulement si vous comparez les points de départ et d’arrivée ou si vous considérez un horizon temporel suffisamment long. La période séparant l’introduction d’une nouvelle technologie et l’établissement du nouvel équilibre de long terme se mesure généralement en années voire en décennies, et non en semaines ou mois. Les travailleurs les plus jeunes pourraient avoir plus à gagner de la hausse à terme des salaires et de l’emploi, tandis que les travailleurs les plus âgés pourraient ne jamais connaître le point B.

Notez également que sur la Figure 16.9b, nous avons fait l’hypothèse que le salaire réel ne baissait pas à court terme. Mais si l’économie devait se déplacer vers le point D, les entreprises pourraient abaisser le salaire réel de manière à ce qu’il se trouve sur la courbe des salaires, au point correspondant au nouveau taux de chômage. Cela est d’autant plus probable si le nouvel investissement qui amènerait l’économie en E met longtemps à se manifester. Dans ce cas, les salaires pourraient chuter sous la pression de la hausse du chômage, avant que l’emploi ne s’ajuste à la hausse.

Nous avons déjà vu qu’en Grande-Bretagne, l’adaptation au progrès technique au cours des 18e et 19e siècles (la Révolution industrielle) ne fut pas rapide. Il y eut un long délai avant que les salaires réels ne commencent à augmenter continuellement, à partir de 1830 environ.

écart d’ajustement
Le décalage dans le temps entre une modification extérieure des conditions sur le marché du travail et le déplacement de l’économie vers son nouvel équilibre.

Comme dans le cas de l’écart de diffusion, les politiques publiques et les attitudes des syndicats et des organisations patronales peuvent modifier l’ampleur de l’écart d’ajustement de l’emploi et des salaires. Les politiques publiques peuvent contribuer à la réallocation des travailleurs vers de nouvelles entreprises et de nouveaux secteurs en mettant en place des services d’appariement entre demandeurs d’emploi et emplois vacants et de formation professionnelle ou en offrant des allocations chômage généreuses, mais limitées dans le temps. Ceci aide les travailleurs licenciés par des entreprises défaillantes à se réorienter rapidement vers des entreprises performantes.

La taille de ces écarts d’ajustement dépend également des institutions et des politiques qui peuvent faciliter ou freiner la création d’emplois dans de nouveaux secteurs. Si le salaire est en dessous de la courbe des prix, les profits sont suffisants pour créer de nouveaux investissements et de nouvelles entreprises. Cela fait partie du processus d’ajustement à la destruction créatrice. Certains pays ont des réglementations des marchés des produits et des politiques de la concurrence bien conçues, qui facilitent la création de nouvelles entreprises. Dans d’autres pays, les entreprises déjà en place ont fait en sorte de rendre difficile l’entrée de nouvelles entreprises, ce qui ralentit ou empêche le déplacement de l’économie vers le point B.

Au regard de la Figure 16.1, vous pourriez vous demander pourquoi le taux de chômage ne baisse pas continuellement dans un monde caractérisé par un progrès technique permanent. La raison est que d’autres forces à l’œuvre au sein de l’économie entraînent un déplacement de la courbe des salaires vers le haut. Les syndicats peuvent être responsables de ce déplacement (comme dans l’Unité 9), mais il y a d’autres explications :

  • Allocations chômage : le gouvernement peut décider d’adopter une assurance chômage plus généreuse pendant que l’économie s’adapte à la nouvelle technologie. Il souhaite porter assistance à ceux qui se retrouvent sans emploi. Cela améliore l’option de réserve des travailleurs et déplace vers le haut la courbe des salaires.
  • Salaires ruraux : les améliorations technologiques dans les campagnes et l’exode rural associé à l’introduction de nouvelles technologies dans le secteur industriel peuvent conduire à une augmentation des salaires agricoles et augmenter ainsi l’option de réserve des travailleurs, ce qui abaisse le coût de perdre un emploi industriel. Par conséquent, les employeurs urbains doivent offrir des salaires plus élevés pour inciter les employés à travailler. Cette situation pourrait se produire dans les pays en développement qui possèdent un secteur agricole important.

Nous explorons davantage ces forces dans l’Unité 17, lorsque nous investiguons l’âge d’or du capitalisme à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.

Leçons tirées de la destruction créatrice et du lissage de la consommation

À ce stade, vous avez pu remarquer deux thèmes récurrents dans ce cours :

  • Destruction créatrice : des améliorations dans le niveau de vie se produisent souvent par le biais d’un processus de progrès technique dans lequel des emplois, des compétences, des secteurs entiers et des communautés deviennent obsolètes et sont abandonnés. Nous étudions ce processus dans les Unités 1, 2, 16 et 21.
  • Lissage de la consommation : les ménages confrontés à des chocs de revenu cherchent à atténuer les hauts et les bas grâce à des emprunts, aux allocations chômage, à l’entraide entre amis et membres d’une famille et aux autres formes de co-assurance. Nous avons étudié ce processus dans les Unités 10, 13 et 14.

Ces deux thèmes sont liés. Ceux qui souffrent de la destruction d’emplois souffriront moins s’ils peuvent lisser leur consommation. Les économies se distinguent grandement par la façon dont leurs politiques, leur culture et leurs institutions permettent aux individus de lisser leur consommation. Dans les pays favorisant le lissage de la consommation, la résistance aux forces de création-destruction du progrès technique est généralement faible. Dans les pays qui ne le font pas, les chefs d’entreprise et les salariés tâcheront de trouver des moyens de résister (ou freiner) le processus de destruction créatrice, préférant défendre les actifs de leur entreprise ainsi que les emplois existants.

L’attitude des syndicats vis-à-vis du processus de création et destruction d’emplois est un exemple. Dans les pays offrant des opportunités de lissage de la consommation adéquates, les syndicats ne mettent pas particulièrement l’accent sur le droit des travailleurs à conserver un emploi en particulier. Ils plaident plutôt pour de nouvelles opportunités d’emploi adéquates et pour un soutien à la recherche d’emploi et à la formation professionnelle.

législation protégeant l’emploi
Ensemble des lois qui rendent le licenciement plus coûteux (ou impossible) pour les employeurs.

Dans d’autres pays, les syndicats et les politiques publiques cherchent à protéger l’appariement existant entre travailleurs et emplois, par exemple en compliquant les procédures pour mettre fin à un contrat de travail, même lorsque la performance du travailleur est en cause. Ce type de législation visant à protéger l’emploi peut être dommageable à la performance du marché du travail, car il creuse les écarts de diffusion et d’ajustement, et ralentit le taux de progrès technique, tout en déplaçant vers le haut la courbe des salaires.9

Ces réponses divergentes aux opportunités et défis posés par la destruction créatrice nous aideront à comprendre pourquoi certaines économies ont été plus performantes que d’autres dans l’histoire récente.

Question 16.6 Choisissez la ou les bonnes réponses

Regardez notre vidéo « Économiste en Action » faisant intervenir John Van Reenen sur les déterminants de la productivité des entreprises. D’apès la vidéo, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • La très forte variation de la productivité parmi les pays et les entreprises est due à des différences de pratiques de gestion.
  • L’ouverture d’un pays aux investissements directs à l’étranger (IDE) est plus importante que la destruction créatrice pour améliorer la productivité.
  • La partie « créatrice » de la destruction créatrice est à l’œuvre pour améliorer la productivité à court et long terme.
  • Le degré d’ouverture d’un pays aux importations peut influer sur sa productivité.
  • La diversité des méthodes de gestion fait partie de l’explication mais ne suffit pas à rendre compte des très grandes variations observées. La technologie et le rythme de diffusion de l’innovation sont d’autres déterminants cruciaux.
  • Si l’ouverture d’un pays aux IDE est effectivement facteur d’amélioration de la productivité, la vidéo ne suggère pas du tout que ce facteur soit plus important que la destruction créatrice.
  • Améliorer la productivité moyenne par l’entrée de nouvelles entreprises et l’innovation (la part « créatrice ») prend du temps et les effets ne sont généralement visibles qu’à long terme. La fermeture d’usines peu productives augmentera la productivité moyenne à court terme, phénomène que l’on qualifie parfois d’« effet de moyenne au bâton » (« batting average effect » en anglais).
  • L’ouverture aux importations affecte le flux d’idées nouvelles dans l’économie, ce qui est de nature à promouvoir les avancées technologiques et l’innovation.

Question 16.7 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 16.9b décrit le processus d’ajustement à long terme sur le marché du travail après progrès technologique.

Sur la base de ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • La nouvelle technologie n’engendre aucune hausse du chômage, ni à court, ni à long terme.
  • En D, les entreprises augmentent leur investissement et donc l’emploi, du fait de l’écart important entre le salaire réel versé et la courbe des salaires des travailleurs.
  • Le chômage plus faible au point E implique qu’un salaire plus élevé est requis pour inciter les travailleurs à fournir un effort élevé, d’où un salaire réel plus élevé en B.
  • L’ajustement de l’équilibre A au nouvel équilibre B est immédiat.
  • À court terme, on observe initialement l’éviction de certains employés de leur emploi, ce qui conduit à une hausse du chômage, comme indiqué par le déplacement depuis le point A vers le point D.
  • Les entreprises accroissent l’investissement en raison de l’écart important entre l’ancien salaire réel (trait continu) et la nouvelle production par travailleur (pointillés), d’où des profits plus élevés.
  • Le point E se trouve sous la courbe des salaires, de sorte que les travailleurs ont besoin d’un salaire plus élevé pour maintenir leur effort.
  • L’ajustement au nouvel équilibre passe nécessairement par l’entrée de nouvelles entreprises, ce qui peut prendre un temps substantiel.

16.6 Changement technologique et inégalités de revenus

court terme (modèle de)
Le terme ne se rapporte pas à une période de temps, mais à ce qui est exogène : les prix, les salaires, le stock de biens d’équipement, la technologie, les institutions. Voir également : salaire, biens d’équipement, technologie, institutions, moyen terme (modèle de), long terme (modèle de).
long terme (modèle de)
Le terme ne définit pas une période temporelle, mais ce qui est exogène. Une courbe de coût de long terme, par exemple, fait référence aux coûts lorsque l’entreprise peut complètement ajuster tous ses facteurs de production, y compris ses biens d’équipement ; mais la technologie et les institutions de l’économie sont exogènes. Voir également : technologie, institutions, court terme (modèle de), moyen terme (modèle de).

Que devient la répartition des revenus au sein d’une économie lorsqu’est introduite une nouvelle technologie augmentant la productivité du travail ? Pensez au cas que nous venons d’étudier dans les Figures 16.9a et 16.9b, où nous avons mis en évidence le contraste entre l’impact immédiat à court terme et le résultat à long terme qui s’installe une fois que les profits plus élevés, engendrés par l’innovation, ont encouragé des investissements supplémentaires de la part des propriétaires d’entreprise.

À court terme, l’économie se déplace des points A à D sur la Figure 16.9b. La nouvelle technologie élève la production par travailleur et réduit le nombre de personnes employées. Le salaire réel de court terme des personnes employées au point D est supposé inchangé.

Quel est l’effet sur les inégalités à court terme, au point D ? Les inégalités s’accroissent pour deux raisons : premièrement, à cause de la hausse du nombre de personnes sans emploi, dont le revenu est faible ou nul, et, deuxièmement, car à court terme, seuls les employeurs récoltent les fruits de la nouvelle technologie. La part de la production captée par les employeurs augmente. Ceci est résumé dans la première ligne de la Figure 16.10. Bien entendu, si le salaire en D avait baissé pour correspondre à celui de la courbe des salaires au nouveau taux de chômage, cela aurait exacerbé la hausse des inégalités.

Toutefois, le processus ne s’arrête pas là. Le point D de la Figure 16.9b n’est pas un équilibre de Nash, car, pour le nouveau niveau de productivité et l’ancien salaire réel, les entreprises font suffisamment de profits pour soit attirer de nouvelles entreprises ou inciter les entreprises existantes à accroître leur propre production. La Figure 16.9b montre que l’économie et le nombre d’employés croissent tous deux. Cela conduit également à une augmentation des salaires le long de la courbe des salaires. Ce processus continue jusqu’à ce que le nouveau salaire soit suffisamment élevé pour que les entreprises arrêtent de croître ou d’entrer dans l’économie, c’est-à-dire jusqu’à ce que l’économie atteigne le point B, le nouvel équilibre de Nash.

  Sur la Figure 16.9b Emploi Chômage Part des salaires Inégalités
Court terme (le nombre d’entreprises et leur stock de capital sont fixes) De A à D Baisse Hausse Baisse Hausse
Long terme (la production s’ajuste complètement au nouvel équilibre de Nash du modèle, la courbe des salaires reste inchangée) De A à B Hausse Baisse Aucun changement Légère baisse

Figure 16.10 Effets des améliorations technologiques dans le modèle du marché du travail : court et long termes.

La comparaison du nouvel équilibre de Nash au point B avec l’équilibre initial au point A fait apparaître que les travailleurs et les employeurs bénéficient de la nouvelle technologie. La part des salaires est de retour à son niveau initial et la baisse du chômage conduit à un recul des inégalités en B. Notez en outre que bien que la part des salaires soit la même aux points A et B, les salaires réels sont plus élevés au point B.

L’effet de long terme du changement technologique s’est traduit par une légère baisse des inégalités car :

  • la part de la production revenant aux employés a été restaurée, à long terme, à son niveau initial, grâce à une augmentation des salaires réels ;
  • le salaire réel plus élevé a permis aux employeurs d’entretenir les incitations des travailleurs à produire des efforts dans un contexte marqué par un chômage plus faible.

Pour voir l’effet sur les inégalités, nous allons représenter la situation initiale par une courbe de Lorenz (introduite à l’Unité 5 et également utilisée dans les Unités 9 et 10), puis nous verrons comment sa forme évolue. Sur la Figure 16.11, les chômeurs, les travailleurs et les employeurs sont représentés sur l’axe des abscisses.

La ligne continue de la Figure 16.11 est la courbe de Lorenz correspondant à la situation au point A de la Figure 16.9b. Lorsque le chômage augmente en D (sur l’axe des abscisses), la courbe de Lorenz se déplace vers la ligne en pointillés. Le coude est désormais plus bas, ce qui reflète la plus faible part des salaires au point D. À long terme, le chômage baisse au point B et la part des salaires revient à son niveau initial. La courbe de Lorenz se déplace vers l’intérieur.

Suivez les étapes de l’analyse de la Figure 16.11 pour observer les modifications de la courbe de Lorenz, alors que l’économie se déplace vers son nouvel équilibre.

Effets d’une nouvelle technologie sur les inégalités : court et long termes.
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Figure 16.11 Effets d’une nouvelle technologie sur les inégalités : court et long termes.

Chômage avant l’introduction d’une nouvelle technologie
: L’économie débute au point d’équilibre de long terme avant la nouvelle technologie, avec une part A de la population au chômage (correspondant au point A sur la Figure 16.9b).
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Chômage avant l’introduction d’une nouvelle technologie

L’économie débute au point d’équilibre de long terme avant la nouvelle technologie, avec une part A de la population au chômage (correspondant au point A sur la Figure 16.9b).

Mise en œuvre de la nouvelle technologie
: Cela détruit certains emplois, ce qui fait augmenter le chômage à D (ce qui correspond au point D de la Figure 16.9b). Nous faisons l’hypothèse que les salaires restent constants pour les travailleurs qui conservent leur emploi. Par conséquent, comme la production par travailleur a augmenté, les salaires en proportion de la production baissent.
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Mise en œuvre de la nouvelle technologie

Cela détruit certains emplois, ce qui fait augmenter le chômage à D (ce qui correspond au point D de la Figure 16.9b). Nous faisons l’hypothèse que les salaires restent constants pour les travailleurs qui conservent leur emploi. Par conséquent, comme la production par travailleur a augmenté, les salaires en proportion de la production baissent.

Les profits économiques sont élevés
: De nouvelles entreprises seront attirées par l’économie et l’investissement augmentera, de sorte que les entreprises existantes se développeront. Le chômage baissera finalement pour atteindre le niveau indiqué par le point B, le nouvel équilibre de long terme.
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Les profits économiques sont élevés

De nouvelles entreprises seront attirées par l’économie et l’investissement augmentera, de sorte que les entreprises existantes se développeront. Le chômage baissera finalement pour atteindre le niveau indiqué par le point B, le nouvel équilibre de long terme.

Exercice 16.5 Progrès technologique et inégalités

La rubrique Einstein de l’Unité 9 montrait que le coefficient de Gini g pouvait être calculé comme suit à l’aide des trois groupes de personnes qui composent le marché du travail de l’économie :

u représente la proportion de chômeurs, n la proportion de la population active employée, la quantité 1 − n − u la proportion d’employeurs dans la population active, w le salaire réel et λ la production par travailleur. La quantité w/λ correspond à la fraction de la production totale que les salaires des travailleurs peuvent acheter, appelée la part des salaires. Ceci est évident car wn est le total des salaires versés, tandis que λn correspond à la production totale.

Dans la courbe de Lorenz initiale (avant l’introduction du changement technologique), supposez qu’il y avait 6 chômeurs, 84 travailleurs employés et 10 employeurs, avec des salaires suffisants pour acheter 60 % de la production.

  1. Vérifiez que, dans ce cas, le coefficient de Gini serait de 0,336.
  2. Supposez à présent que le progrès technologique mette 4 travailleurs au chômage, tandis que la production reste constante et que les salaires versés aux travailleurs toujours employés restent constants eux aussi, d’où une augmentation des profits du montant correspondant à la baisse de la masse salariale. Quelle est la nouvelle part des salaires ? Quel est le nouveau coefficient de Gini ?
  3. Supposez qu’à long terme, il y ait 4 chômeurs, 86 employés et 10 employeurs, et que la part des salaires revienne à 60 %. Quel serait alors le coefficient de Gini ? En utilisant vos propres mots, expliquez pourquoi les inégalités augmentent à court terme et baissent à long terme.

Question 16.8 Choisissez la ou les bonnes réponses

L’introduction d’une nouvelle technologie économisant de la main-d’œuvre entraîne… ?

  • Une hausse de la part des salaires dans la production et une hausse du coefficient de Gini à court terme.
  • Une baisse de la part des salaires dans la production et une hausse du coefficient de Gini à court terme.
  • Une baisse de la part des salaires dans la production et une baisse du coefficient de Gini à court terme.
  • Une hausse du chômage, une baisse de la part des salaires dans la production et une hausse du coefficient de Gini à long terme.
  • L’introduction d’une technologie économisant de la main-d’œuvre conduit à une hausse du chômage alors que les salaires et la production totale restent constants. Cela implique que la part des profits dans la production augmente et que la part des salaires baisse. Le coefficient de Gini augmente donc.
  • La hausse du chômage réduit la somme totale des salaires versés et donc la part des salaires dans l’économie.
  • Une hausse du chômage à salaire et production constants entraîne la baisse de la part des salaires dans la production, mais fait augmenter le coefficient de Gini.
  • À long terme, des améliorations technologiques se traduisent aussi par la création d’emplois, ce qui conduit à une baisse du chômage. La part des salaires reste constante car le taux de marque est constant. Le coefficient de Gini baisse.

16.7 Combien de temps faut-il aux marchés du travail pour s’ajuster à des chocs ?

Le long terme, c’est quand ? En 1923, John Maynard Keynes écrivait :

Le long terme est une notion trompeuse lorsqu’il s’agit des affaires courantes. À long terme nous sommes tous morts. Les économistes s’assignent une tâche bien simple et peu utile si tout ce qu’ils sont en mesure de dire est qu’une fois la tempête passée, l’océan sera à nouveau calme. (A Tract on Monetary Reform)10

Ce que vous pensez de la citation de Keynes, en particulier de la partie en italique, peut dépendre de votre âge (il a 40 ans lorsqu’il écrit cette phrase et vivra encore 23 ans). Dans la métaphore de Keynes, la mer est calme à l’équilibre, mais ce qui compte le plus pour assurer la sécurité de la navigation est ce qu’il se passe lors de la transition d’un équilibre à l’autre, autrement dit comment l’on traverse la tempête. Keynes se fait le défenseur d’une vision de l’économie que nous avons précédemment qualifiée de dynamique, c’est-à-dire centrée sur les changements.

Dans la Section 16.5, nous avons étudié comment, si le marché du travail est bousculé hors de son équilibre par une innovation économisant de la main-d’œuvre, il peut y avoir un nouvel équilibre de long terme dans lequel les travailleurs licenciés sont réembauchés à des salaires plus élevés. L’argument de Keynes est que de bonnes politiques économiques doivent être fondées sur une compréhension fine de la manière dont l’économie se déplace d’un équilibre à l’autre, et du temps que cela prend.

Toutefois, de nombreux économistes ont depuis emprunté ce que Keynes appelait l’approche « simple » et se sont concentrés seulement sur un ou plusieurs équilibres. Lorsque quelque chose change (comme une nouvelle technologie), les économistes comparent l’équilibre avant et après le changement. Cette approche est qualifiée de « statique comparative » (« statique » signifie qui ne change pas, ainsi l’idée est de comparer deux choses différentes – la situation avant et après – mais qui sont elles-mêmes statiques).

Hal Varian (né en 1947), un théoricien économiste américain de renom, souligne les difficultés que pose l’étude de ce qu’il se passe en dehors de l’équilibre. Il s’adresse donc aux lecteurs de son célèbre manuel de microéconomie en ces termes : « En règle générale, nous laisserons de côté la question de la manière dont l’équilibre est atteint et nous nous concentrerons seulement sur le comportement des entreprises à l’équilibre. »

Varian a raison : il est crucial de savoir ce qu’il se produit à l’équilibre et comment le niveau d’emploi, des salaires et des profits à l’équilibre diffèrent selon les conditions et les politiques adoptées. Il n’est, par ailleurs, pas juste de dire qu’à long terme « nous » sommes tous morts. Sauf à considérer que les seules personnes comprises dans ce « nous » soient les vivants, excluant ainsi les générations futures qui vivront plus tard et ressentiront les effets de long terme des politiques publiques adoptées aujourd’hui. Or nous avons également appris dans l’Unité 4 que les gens accordent de l’importance au bien-être des autres, donc le long terme compte, même s’il est très long.

Lorsque quelque chose change, si l’économie se déplace rapidement d’un équilibre à l’autre, l’approche en termes de statique comparative défendue par Varian est légitime. Au contraire, si le processus de rééquilibrage est long, ou pire, si nous n’avons aucune certitude qu’un quelconque équilibre sera atteint (voir « Les bulles existent-elles ? » dans l’Unité 11), alors l’accent mis par Keynes sur les dynamiques d’ajustement semble plus adéquat.

Dans l’Unité 11, nous avions expliqué que lorsqu’un marché n’est pas à l’équilibre, les acteurs économiques ont des opportunités de bénéfice en modifiant les prix ou les quantités achetées ou vendues. Ces activités qualifiées de « recherche de rente » font partie du processus par lequel un nouvel équilibre est atteint. Sur un marché aux poissons par exemple, la recherche de rente signifie simplement le fait de proposer ou de demander un prix différent, et la transition vers un nouvel équilibre est relativement rapide.

Toutefois, sur le marché du travail, si la concurrence de la part d’autres entreprises réduit la demande pour le bien que vous produisez et vous met au chômage, le processus sera plus lent. En effet, la recherche de rente qui devrait amener à un nouvel équilibre peut nécessiter que vous acquériez au préalable certaines compétences ou encore peut entraîner le déracinement de votre famille pour chercher du travail ailleurs.

Le débat sur la vitesse à laquelle les marchés du travail américains s’ajusteraient au « choc » de la concurrence des importations de biens manufacturés chinois est un cas d’école. Au tournant de ce siècle, après plus d’une décennie de croissance rapide des importations en provenance de Chine, le consensus établi parmi les économistes américains était que ces importations n’avaient pas d’effet négatif conséquent sur les salaires ou l’emploi, notamment parce que les travailleurs produisant les biens concurrencés par les importations pouvaient facilement se relocaliser dans d’autres régions. Dans une autre de nos précédentes vidéos « Économiste en Action » sur la production et les délocalisations à l’échelle mondiale, Richard Freeman s’interrogeait sur la possibilité que les salaires américains soient « déterminés à Pékin » et y répondit par un « non » catégorique.

Pourtant, les preuves s’accumulaient déjà à l’époque qui indiquaient que l’ajustement de l’économie américaine à l’ouverture de la Chine n’avait pas été un cas d’école de statique comparative avec un saut d’un équilibre à un autre. La plupart des économistes n’avaient pas anticipé alors à quel point la Chine aurait tôt fait de dominer la production mondiale de biens manufacturés : ayant produit un vingtième des biens manufacturés dans le monde en 1990, un quart de siècle plus tard elle en produisait le quart.

Ce ne fut pas seulement l’ampleur inattendue du choc chinois qui eut raison de l’optimisme de nombreux économistes : les ajustements du marché du travail ne se produisaient pas aussi rapidement qu’ils l’avaient prévu.

L’impact du choc sur les marchés du travail américains fut géographiquement concentré. Certaines régions de l’État du Tennessee spécialisées dans la production de meubles et particulièrement exposées à la concurrence chinoise furent très durement touchées, tandis que l’Alabama voisin, fort de sa spécialisation dans l’industrie lourde, fut à peine affecté, étant donné la Chine n’exportait pas dans ce secteur. Cette concentration géographique des effets du choc chinois a permis aux économistes d’étudier l’ajustement des marchés du travail.11

Ils ont trouvé que sur les marchés du travail américains, le long terme est un horizon très lointain. Les régions « exposées à la Chine » ont souffert de pertes d’emploi très importantes dans le secteur industriel ; il fut impossible à nombre de chômeurs de retrouver un emploi au niveau local, aussi ils abandonnèrent leur recherche d’emploi et quittèrent la population active. Très peu partirent de leur région. La crise des villes touchées par la concurrence des importations dans les années 1990 se poursuivit jusque dans la deuxième décennie de notre siècle. Entre 1999 et 2011, le choc chinois provoqua la perte de 2,4 millions d’emplois.

La conclusion d’une étude majeure sur le choc chinois ressemble davantage à la position de Keynes qu’à celle de Varian. Si l’on avait dû projeter ses conséquences sur le marché américain du travail, armé de rien d’autre qu’un manuel d’économie de niveau licence, nous aurions prédit d’importants déplacements de travailleurs entre les industries américaines exposées au commerce (c’est-à-dire, exportant ou concurrencées par des importations), par exemple, du textile et de l’ameublement vers l’industrie pharmaceutique et l’aéronautique. Vous vous seriez également attendu(e) à une réallocation limitée des emplois depuis le secteur des biens échangeables vers celui des biens non échangeables, et à un impact net nul sur l’emploi américain au niveau agrégé. La réalité de l’ajustement au choc commercial chinois a été tout autre.

L’ajustement à l’introduction de machines économisant de la main-d’œuvre, que nous avons étudié dans cette unité, est probablement tout aussi lent. Dans l’Unité 18, nous reviendrons sur la place de la Chine dans l’économie mondiale et montrerons notamment que la réponse de l’Allemagne au choc chinois fut assez différente.

16.8 Institutions et politiques publiques : pourquoi certains pays s’en sortent-ils mieux que d’autres ?

Qu’entendons-nous par « bonne » performance ou « bon » résultat ? La réponse est d’importance, car les citoyens qui votent pour des partis proposant différents programmes économiques, tout comme les décideurs publics qui essayent d’améliorer ces programmes, auront besoin d’avoir une certaine idée de ce qui est jugé souhaitable, que ce soit pour le citoyen, le décideur public ou le pays.

Comme nous l’avons vu dans l’Unité 3, les gens accordent de la valeur à leur temps libre, ainsi qu’à leur accès aux biens. Nous devons inclure, dans notre évaluation des résultats, leur rétribution par heure de travail. Pour une année donnée, une « bonne » performance implique un chômage faible et des salaires réels horaires élevés. Dans une perspective dynamique, et en évaluant une économie sur plusieurs années, nous estimons qu’une performance est « bonne » si le pays combine un chômage faible et une croissance rapide du salaire réel par tête et par heure.

Il existe évidemment d’autres dimensions de la performance d’une économie sur le long terme que la plupart des gens jugent importantes. Nous pouvons nous soucier de la justice de la répartition des rétributions économiques, de la durabilité de la relation de l’économie à l’environnement naturel ou de l’exposition des ménages à l’insécurité économique causée par les fluctuations du cycle économique. Toutefois ici, nous nous concentrons uniquement sur la croissance des salaires horaires réels et sur le taux de chômage.

Nous utilisons notre modèle du marché du travail et la courbe de Beveridge pour voir qu’une bonne performance requiert de l’économie qu’elle soit capable de deux choses :

  • Relever la courbe des prix et contrôler la tendance à la hausse de la courbe des salaires : de sorte que la croissance du salaire horaire et le taux d’emploi à long terme soient tous les deux élevés.
  • S’ajuster rapidement et totalement : de sorte que l’économie dans son ensemble puisse tirer profit des possibilités offertes par le changement technologique.

Le changement technologique signifie que des emplois disparaissent dans des entreprises où la nouvelle technologie se substitue aux travailleurs. Les emplois disparaissent également lorsque de nouvelles entreprises entrent sur le marché et que les entreprises incapables de s’adapter aux nouvelles conditions ferment. La courbe de Beveridge illustre l’importance de l’appariement des travailleurs aux emplois vacants sur le marché du travail. Sur la Figure 16.9b, nous avions vu que le premier effet d’une nouvelle technologie est de supplanter des travailleurs : la courbe de Beveridge résume la capacité de l’économie à rapidement redéployer ces travailleurs licenciés, en raccourcissant le temps que l’économie passe dans la situation de court terme (point D, Figure 16.9b).

La Figure 16.12 montre la performance de long terme (sur une période de 40 ans) d’un groupe d’économies avancées, en utilisant les critères des taux de chômage et de croissance des salaires réels. Nous étudions une longue période, car nous ne voulons pas que notre évaluation de la performance de long terme soit affectée par une phase particulière du cycle économique dans laquelle le pays se trouve (la performance aura l’air bien meilleure au pic d’un cycle qu’au creux). Nous utilisons les salaires dans le secteur manufacturier, car ils sont mesurés d’une manière qui les rend plus comparables entre nations – bien que ce ne soit pas idéal, car la part de l’emploi manufacturier est en déclin et varie d’un pays à l’autre.

Une bonne performance place un pays dans le coin supérieur gauche de la Figure 16.12 avec une croissance élevée des salaires et un taux de chômage faible ; une mauvaise performance le place dans le coin inférieur droit. Puisque nous valorisons à la fois une croissance élevée des salaires et un chômage faible, il se peut que nous soyons prêts à tolérer une croissance des salaires plus faible si elle est associée à un niveau de chômage plus bas. Cela signifie que nous pouvons représenter la courbe d’indifférence d’un citoyen par une droite passant par l’origine. Plus une droite est pentue, mieux ça vaut, ainsi la performance d’un pays est mesurée par la pente de la droite reliant l’origine au point correspondant à ce pays. Regardez la Figure 16.12, et considérez le cas de la Belgique (BEL) : un citoyen belge préférerait sans doute être sur une droite plus pentue, comme celle de l’Allemagne (DEU) par exemple, avec à la fois un chômage plus faible et une croissance plus forte des salaires.

Chômage de long terme et croissance des salaires réels au sein de l’OCDE (1970–2011)
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Figure 16.12 Chômage de long terme et croissance des salaires réels au sein de l’OCDE (1970–2011).

OECD. 2015. OECD Statistics ; les données espagnoles sur les salaires réels ne sont disponibles qu’à partir de 1979. La croissance des salaires réels espagnols pour 1970–1979 a donc été estimée en utilisant les tableaux 16.25 et 16.5 de Barciela López, Carlos, Albert Carreras, and Xavier Tafunell. 2005. Estadísticas históricas de España: Siglos XIX-XX. Bilbao: Fundación BBVA.

Les deux droites sur la Figure 16.12 divisent les pays en trois groupes. Les pays les plus performants pour la période de 40 ans allant de 1970 à 2011 sont la Norvège et le Japon. Les pays les moins performants sont la Belgique, l’Italie, les États-Unis, le Canada et l’Espagne. La médiocre performance des États-Unis s’explique en partie par des salaires plus élevés en 1970, dus à sa position de meneur technologique mondial (comme nous l’avons vu sur la Figure 16.3). D’autres nations purent par conséquent facilement apprendre des États-Unis et accroître rapidement leur productivité. Des arguments similaires s’appliquent au Canada. C’est pourquoi nous ne considérerons pas ces deux pays comme étant représentatifs des pays moins performants, bien que les salaires réels aux États-Unis aient augmenté bien plus lentement que la productivité, de telle sorte que la plupart des citoyens américains n’ont pas vraiment bénéficié de la croissance économique sur cette période.

Notez que les pays les plus performants ont employé des combinaisons différentes de politiques publiques et d’institutions. Certains des plus performants (sur les droites les plus pentues passant par l’origine) à l’instar de la Norvège, la Finlande, la Suède et l’Allemagne ont des syndicats puissants, tandis que les pays nordiques (dont le Danemark) se distinguent par les allocations chômage parmi les plus généreuses au monde.

La Figure 16.13 reprend les données pour le chômage de la Figure 16.1, en mettant en évidence deux des meilleures et deux des moins bonnes performances de la Figure 16.12. Les différences entre le Japon et la Norvège d’une part, et entre l’Italie et l’Espagne d’autre part, émanent du chômage plutôt que de la croissance du salaire réel. Sur la Figure 16.13 vous pouvez observer comment le chômage a réagi différemment suite aux chocs pétroliers des années 1980 et après la crise financière.

Taux de chômage de deux pays présentant de bonnes performances du marché du travail et de deux autres, caractérisés par de mauvais résultats (1960–2014)
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Figure 16.13 Taux de chômage de deux pays présentant de bonnes performances du marché du travail et de deux autres, caractérisés par de mauvais résultats (1960–2014).

Données de 1960–2004 : David R. Howell, Dean Baker, Andrew Glyn, and John Schmitt. 2007. ‘Are Protective Labor Market Institutions at the Root of Unemployment? A Critical Review of the Evidence’. Capitalism and Society 2 (1) (January). Données de 2005 à 2012 : taux de chômage harmonisés de l’OCDE, OECD. 2015. OECD Statistics.

Nous verrons que le modèle de cette unité fournit un cadre utile pour comprendre les bonnes et mauvaises performances du marché du travail. Nous allons maintenant montrer comment utiliser ce modèle pour expliquer la manière dont les institutions et les politiques publiques influencent la croissance des salaires réels et le chômage à long terme.

Exercice 16.6 Vous êtes le décideur public

Référez-vous à la Figure 16.12 pour répondre aux questions suivantes :

  1. En utilisant les mêmes axes, représentez les courbes d’indifférence d’un citoyen ou d’un décideur public qui ne s’intéresserait qu’à la croissance des salaires.
  2. D’après les données représentées sur la figure, quels pays auraient la meilleure performance et, inversement, lesquels auraient la moins bonne ?
  3. En utilisant les mêmes axes, représentez vos courbes d’indifférence si vous vous préoccupiez uniquement du taux de chômage. Quels pays auraient la meilleure performance et, inversement, lesquels auraient la moins bonne ?
  4. En utilisant les mêmes axes, tracez une courbe d’indifférence représentant vos propres préférences personnelles sur la croissance des salaires et le chômage, et justifiez votre choix.
  5. Considérez maintenant vos préférences sur d’autres facteurs économiques, dans quel pays de la figure choisiriez-vous de vivre, et pourquoi ? Expliquez quels sont les facteurs qui ont présidé à votre décision.

Question 16.9 Choisissez la ou les bonnes réponses

Le graphique suivant représente la moyenne de la croissance du salaire réel de différents pays en fonction de leur taux de chômage moyen sur la période 1970-2011.

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Sur la base de ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Si vous ne vous préoccupiez que du chômage, la Finlande présenterait la meilleure performance.
  • Si vous ne vous préoccupiez que de la croissance des salaires, les pays européens seraient clairement plus performants que les pays d’Amérique du Nord.
  • Si vous vous préoccupiez à la fois du chômage et de la croissance des salaires, alors l’Espagne serait l’un des pays les plus performants.
  • Si vous vous préoccupiez à la fois du chômage et de la croissance des salaires, alors la Finlande serait sans ambiguïté plus performante que la Norvège.
  • C’est le Japon qui a réussi à maintenir son taux de chômage au plus bas sur la période.
  • Tous les pays européens représentés sur la figure présentent des taux de croissance des salaires plus élevés.
  • L’Espagne a réussi à s’assurer une forte croissance des salaires, mais avec un chômage élevé.
  • Bien que la Finlande ait réussi à obtenir une croissance des salaires plus forte, elle présente également un chômage élevé. Si les courbes d’indifférence des citoyens sont des droites passant par l’origine, alors la performance de la Norvège se trouve en réalité sur une courbe d’indifférence plus haute.

16.9 Changement technologique, marchés du travail et syndicats

Les politiques publiques et les institutions jouent un rôle de premier plan. Les modèles ont mis en évidence l’expérience de certains des pays, parmi les plus et les moins performants. Considérons les exemples de trois pays : le Japon et la Norvège du côté des pays performants, et l’Espagne du côté des moins performants.

En Norvège et en Espagne, les syndicats sont importants, mais pas au Japon. En Norvège, plus de la moitié des salariés sont syndiqués et les accords salariaux des syndicats ont un impact sur la plupart des salariés de l’économie. En Espagne, bien que les accords salariaux des syndicats soient importants pour toute l’économie, moins d’un salarié sur cinq adhère à un syndicat.

Couverture de la négociation collective sur les salaires et chômage dans les pays de l’OCDE (2000–2014)
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Figure 16.14 Couverture de la négociation collective sur les salaires et chômage dans les pays de l’OCDE (2000–2014).

OECD. 2015. OECD Statistics. Labour force statistics. Visser, Jelle. 2016. ‘ICTWSS: Database on Institutional Characteristics of Trade Unions, Wage Setting, State Intervention and Social Pacts in 51 countries between 1960 and 2014’ Amsterdam Institute for Advanced Labour Studies (AIAS).

La Figure 16.14 nous informe sur l’importance des accords syndicaux sur les salaires et le chômage. Sur l’axe des abscisses, nous indiquons le pourcentage de salariés dont les salaires sont déterminés par des conventions collectives. Comme vous pouvez le voir, dans certains pays européens, ces conventions collectives concernent presque tous les salariés. Dans l’ensemble des pays dont la couverture est supérieure à 80 %, les taux de chômage s’échelonnent entre moins de 4 % (Pays-Bas) à presque 14 % (Espagne). La Figure 16.14 suggère qu’il n’y a pas de tendance à un chômage plus élevé dans les pays dans lesquels les syndicats ont une plus grande influence dans la détermination des salaires. Un faible niveau de chômage est observé dans des pays très divers en termes de force des syndicats : comparez, par exemple, la Corée du Sud et les Pays-Bas, le Japon et l’Autriche ou encore les États-Unis et la Suède.

Tout comme l’employeur ne propose pas le salaire le plus bas possible, la plupart des syndicats ne cherchent pas à atteindre le salaire le plus élevé qu’ils pourraient obtenir dans la négociation. Les employeurs proposent des salaires supérieurs au strict minimum, car ils ne peuvent pas contrôler l’effort de leurs employés. Les syndicats n’exigent pas le salaire le plus élevé possible (la salaire tel que les propriétaires ne toucheraient pas la moindre portion du gâteau), car les syndicats ne peuvent pas contrôler les décisions des entreprises concernant l’embauche, le licenciement et l’investissement. Des salaires plus élevés pourraient, en réduisant les profits des entreprises, réduire l’emploi.

moyen terme (modèle de)
Le terme ne définit pas une période temporelle, mais ce qui est endogène. Dans ce cas, le stock de capital, la technologie et les institutions sont exogènes. La production, l’emploi, les prix et les salaires sont endogènes. Voir également : biens d’équipement, technologie, institutions, court terme (modèle de), long terme (modèle de).

Un syndicat couvrant de nombreuses entreprises et secteurs n’exploitera pas la totalité de son pouvoir de négociation. Il tient compte du fait que des gains importants en termes de salaires mèneront :

  • Dans le moyen terme : à des politiques de demande agrégée restrictives, parce que le gouvernement et la banque centrale cherchent à maintenir l’inflation proche du taux cible (comme nous l’avons vu à l’Unité 15).
  • Dans le long terme : à la sortie d’entreprises du marché et à un stock de biens d’équipement plus restreint, ralentissant ainsi le taux de croissance de la productivité.
syndicat inclusif
Un syndicat, représentant de nombreuses entreprises et secteurs, qui tient compte des conséquences des hausses de salaires sur la création d’emplois dans toute l’économie à long terme.

Les syndicats qui agissent de la sorte sont appelés des syndicats inclusifs. Les syndicats non inclusifs peuvent quant à eux négocier des salaires élevés dans leur propre secteur sans tenir compte des effets sur les autres entreprises et travailleurs, qu’ils soient en activité ou non. Les organisations patronales qui prennent en compte les intérêts de toutes les autres entreprises, y compris celles qui pourraient entrer dans un secteur et rivaliser avec les entreprises déjà en place, sont appelées organisations patronales inclusives. Quand syndicats et organisations patronales agissent de manière inclusive, un effet de voix positif est plus probable. Comme nous en avons discuté dans l’Unité 9, cela a pour effet de diminuer la désutilité du travail, ce qui contribue à pousser la courbe des salaires vers le bas.

Le cas nordique : syndicats et organisations patronales inclusifs

Ce comportement inclusif correspond exactement aux pratiques des syndicats et organisations patronales en Norvège (et dans les autres pays nordiques) sur la période étudiée : leur négociation salariale centralisée se concentrait sur un salaire commun pour chaque type de travail donné, privant ainsi les entreprises à faible productivité de l’accès à une main-d’œuvre peu chère, conduisant ainsi nombre d’entre elles à sortir du marché. Lorsque les salariés sont redéployés rapidement vers des emplois dans des entreprises plus productives, l’impact principal est d’augmenter la productivité moyenne du travail, ce qui pousse vers le haut la courbe des prix et favorise des salaires plus élevés.

Les syndicats inclusifs soutiennent également des revenus planchers généreux et l’accès à des services publics de grande qualité dans les domaines de la santé, de la formation professionnelle et de l’éducation, qui réduisent le risque auquel la plupart des individus sont exposés. Ceci a pour effet de rendre le processus de destruction créatrice du progrès technique moins destructeur pour la vie personnelle des individus, et ceux-ci peuvent alors être généralement plus ouverts au changement et à la prise de risque. Ces deux attributs sont essentiels à une société dynamique sur le plan technologique.12

Ces politiques, appelées « politiques actives du marché du travail », améliorent le processus d’appariement entre les travailleurs en quête d’un emploi et les postes vacants. Par conséquent, les travailleurs dont les emplois sont supprimés (par exemple, à la suite de la faillite d’entreprises à faible productivité sous la pression d’un salaire unique négocié de manière centralisé) trouvent plus rapidement un autre emploi. Le résultat en est une courbe de Beveridge plus proche de l’origine et supérieure aux courbes de Beveridge allemande et américaine (représentées sur la Figure 16.6). Celle-ci est beaucoup plus proche de l’origine que celle de l’Espagne, comme nous le voyons sur la Figure 16.15.

Courbes de Beveridge pour l’Espagne et la Norvège (2001 T1–2013 T4)
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Figure 16.15 Courbes de Beveridge pour l’Espagne et la Norvège (2001 T1–2013 T4).

OECD Employment Outlook: OCDE. 2015. OECD Statistics.

Un syndicat inclusif sait que l’économie doit tenir compte des deux problèmes d’incitation essentiels dans une économie capitaliste : fournir aux salariés des incitations à travailler, et aux employeurs, à investir. Dans certains cas – par exemple, en Suède avec sa fédération syndicale hautement centralisée –, les dirigeants syndicaux savaient et ont convaincu leurs adhérents, qu’à long terme, pousser la courbe des salaires vers le bas augmentera l’emploi et ne comprimera pas les salaires.

En conséquence, les syndicats inclusifs des pays nordiques (Norvège, Suède, Finlande et Danemark) déterminent leurs exigences salariales en cohérence avec la productivité du travail. Quand celle-ci augmenta, ils demandèrent un partage équitable. Ils disposaient d’un pouvoir de négociation en raison d’un chômage faible, d’un taux de syndicalisation élevé et de leur capacité à mettre en place des accords salariaux à travers l’ensemble du pays, mais n’en abusèrent pas pour pousser à la hausse la courbe des salaires, à moins que cela ne fût justifié par une croissance de la productivité. Ces syndicats soutinrent également des lois et des politiques publiques rendant le fait de travailler moins coûteux, qui déplaçaient vers le bas la courbe des salaires et accroissaient plus encore l’emploi sur le long terme.

Le cas japonais : des organisations patronales inclusives

Contrairement aux pays nordiques, les syndicats japonais sont faibles, mais les travailleurs sont bien organisés dans les grandes entreprises. Les organisations patronales sont puissantes et travaillent pour coordonner la formation des salaires dans les grandes entreprises. Ces organisations fonctionnent donc de façon similaire aux syndicats de travailleurs en Norvège : l’impact des décisions salariales sur l’économie dans son ensemble est pris en compte lors de la détermination des salaires. En particulier, les grandes entreprises n’entrent volontairement pas en concurrence dans le processus d’embauche des travailleurs, afin d’éviter une hausse des salaires.

Le cas espagnol : des syndicats non inclusifs

Les syndicats protègent les emplois en Espagne et sont soutenus par les politiques publiques. Ceux qui président à la formation des salaires en Espagne sont suffisamment puissants pour exercer leur pouvoir, mais ne sont pas inclusifs. Ces syndicats non inclusifs, associés à une législation visant à protéger les emplois peuvent expliquer en partie la performance médiocre du marché du travail espagnol.

D’après le modèle, nous prédirions un taux de chômage élevé en Espagne, faible en Norvège et au Japon. De fait, c’est bien ce que nous observons dans les données.

Allocations chômage et niveau chômage

Les effets bénéfiques sur l’emploi de la présence de syndicats inclusifs et de politiques publiques de co-assurance peuvent aider à expliquer ce qui pourrait sembler être une anomalie : les pays avec des allocations chômage généreuses n’ont pas des taux de chômage plus élevés (voir Figure 16.16).

Générosité des allocations chômage et chômage dans les pays de l’OCDE (2001–2011)
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Figure 16.16 Générosité des allocations chômage et taux de chômage dans les pays de l’OCDE (2001–2011).

OECD. 2015. OECD Statistics.

Cette situation est anormale, car dans notre modèle, une augmentation des allocations chômage devrait, ceteris paribus, réduire le coût de la perte d’emploi pour les travailleurs et déplacer la courbe des salaires vers le haut.

taux de remplacement brut des allocations chômage
La proportion du dernier salaire brut (avant imposition) qui est reçue (avant imposition) par un individu lorsqu’il est au chômage.

Le contraste entre taux de chômage et montants des allocations en Norvège et en Italie illustre ce point. Un chômeur obtient une allocation chômage équivalent quasiment à 50 % de son salaire brut antérieur en Norvège, et le chômage est très faible. À l’inverse, les allocations en Italie offrent un taux de remplacement brut de 10 % et le chômage y est bien plus élevé qu’en Norvège. On en déduit que les pays capables de mettre en œuvre des régimes d’assurance chômage généreux mais bien conçus, en coordination avec des services de placement et d’autres politiques actives du marché du travail, peuvent permettre d’atteindre de faibles taux de chômage. Fournir aux gens des possibilités de lisser leur consommation peut les rendre plus prompts à accepter de nouvelles technologies qui déplaceront la courbe des prix vers le haut.

Exercice 16.7 Taux de chômage et institutions du marché du travail

Afin d’expliquer le taux de chômage élevé dans certains pays européens par rapport aux États-Unis dans les années 1990 et 2000, certains ont pointé du doigt l’existence d’institutions rigides du marché du travail (par exemple, des syndicats puissants, des allocations chômage généreuses et une législation forte visant à protéger l’emploi).13

  1. En utilisant la Figure 16.1, vérifiez si le taux de chômage a toujours été plus élevé dans la plupart des pays européens par rapport aux États-Unis.
  2. À la lumière de ce que vous avez appris dans cette section, et en consultant les Figures 16.1, 16.14 et 16.16, discutez l’affirmation selon laquelle le taux de chômage élevé en Europe était dû à l’existence d’institutions rigides du marché du travail.

Question 16.10 Choisissez la ou les bonnes réponses

Le graphique ci-dessous représente le taux de chômage en fonction de la densité syndicale au cours de la période 2000-2012. La densité syndicale est définie comme la fraction des employés qui sont membres d’un syndicat.

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En vous appuyant sur ces informations, laquelle des affirmations suivantes est correcte ?

  • Une forte densité syndicale est une condition nécessaire à un faible taux de chômage.
  • Une faible densité syndicale entraîne un chômage élevé.
  • En ne considérant que les pays scandinaves (Norvège, Danemark, Suède et Finlande), on peut conclure qu’une forte densité syndicale conduit à un faible niveau de chômage.
  • À densité syndicale donnée, la performance relative en termes de chômage indique que le caractère inclusif des syndicats professionnels est plus élevée en Norvège qu’en Belgique.
  • La densité syndicale en Corée du Sud est très faible mais le taux de chômage y est faible.
  • La République tchèque a une densité syndicale similaire à celle de la Slovaquie, mais le taux de chômage y est plus faible.
  • En Norvège, Danemark, Suède et Finlande, la corrélation entre le taux de chômage et la densité syndicale est positive, c’est-à-dire que le taux de chômage est plus élevé malgré une plus forte densité syndicale.
  • Le chômage plus bas en Norvège, malgré une densité syndicale élevée et identique à celle de la Belgique, suggère que les syndicats y sont plus inclusifs qu’en Belgique.

16.10 Changements dans les institutions et les politiques publiques

Nous avons vu que des différences d’institutions et de politiques publiques peuvent faire une grosse différence en matière d’emploi et de croissance des salaires. À cet égard, les citoyens espagnols pourraient préférer avoir des institutions semblables à celles du Japon ou d’un pays nordique. Toutefois, changer les institutions n’est pas chose aisée car cela crée inévitablement des gagnants et des perdants.

Les pays qui ont modifié leurs politiques publiques ont modifié leur destinée. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont tous deux souffert de l’augmentation brutale des taux de chômage dans les années 1970 et au début des années 1980 sous l’effet des premier et second chocs pétroliers (qui ont déplacé la courbe des prix vers le bas) et en raison d’une augmentation du pouvoir de négociation des travailleurs (ce qui a déplacé vers le haut la courbe des salaires). Ces effets sont illustrés dans la Figure 16.17. Mais un changement des politiques publiques a par la suite changé la donne. Au Royaume-Uni, le taux de chômage a chuté de 11,6 % en 1985 à 5,1 % en 2002 ; aux Pays-Bas, il chuta de 9,2 % à 2,8 % sur la même période.

Différentes manières de baisser la courbe des salaires : les Pays-Bas et le Royaume-Uni
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Figure 16.17 Différentes manières de baisser la courbe des salaires : les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

David R. Howell, Dean Baker, Andrew Glyn, and John Schmitt. 2007. ‘Are Protective Labor Market Institutions at the Root of Unemployment? A Critical Review of the Evidence’. Capitalism and Society 2 (1) (January). Données de 2005 à 2012 : taux de chômage harmonisés de l’OCDE, OECD. 2015. OECD Statistics.

Ces pays ont tous deux renversé la vapeur dans leurs économies respectives et ont déplacé vers le bas les courbes des salaires, mais ils l’ont fait en utilisant des institutions et politiques publiques différentes :

  • Dans le cas des Pays-Bas : les institutions sont devenues plus inclusives, en se rapprochant du modèle nordique d’un commun accord.
  • Dans le cas du Royaume-Uni : la politique menée a réduit le pouvoir des syndicats, non inclusifs, et augmenté la concurrence sur les marchés du travail.

Aux Pays-Bas, un élément central fut l’accord en 1982 entre les employeurs et les syndicats, connu sous le nom d’Accord de Wassenaar. Les syndicats s’engagèrent en faveur de la modération salariale (baisse de la courbe des salaires), et, en échange, les employeurs ont accepté la réduction du temps de travail. Les syndicats acceptèrent que la réduction des heures travaillées n’augmenterait pas les coûts du travail (d’où l’absence de déplacement vers le bas de la courbe des prix).14

Dans le cas néerlandais, les syndicats et les organisations patronales furent capables de coordonner la formation des salaires de façon à obtenir un meilleur résultat macroéconomique. Ces organisations étaient suffisamment puissantes pour garantir le respect de l’accord par leurs membres. Les syndicats ont fait preuve de retenue dans l’usage de leur pouvoir de négociation en vue d’améliorer les performances du marché du travail, donc de l’économie dans son ensemble.

Au Royaume-Uni, la courbe des salaires s’est également déplacée vers le bas, mais dans ce cas, ce fut en raison d’une baisse du pouvoir syndical suite à une modification de la législation sur les relations professionnelles, qui affaiblissait la capacité des syndicats non inclusifs à organiser une grève.

Exercice 16.8 Le modèle du marché du travail

Expliquez comment utiliser le modèle du marché de travail (courbes des prix et des salaires) pour décrire les changements en termes de performance du marché du travail au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et aux États-Unis entre le début des années 1970 et le début des années 2000, comme expliqué dans cette section. L’article de Nickell et van Ours (2000) auquel il est fait référence plus haut est une bonne source pour cette question.

16.11 Ralentissement de la croissance de la productivité dans les services et transformation de la nature du travail

L’essor et la chute de l’emploi manufacturier

Comme nous l’avons vu dans l’Unité 1, avant la Révolution industrielle, la production de l’économie était pour l’essentiel réalisée dans un cadre familial. Il n’y avait pas d’employés, mais plutôt des producteurs indépendants de biens et de services, à la fois pour leur propre usage (ce qu’on appelle production domestique) ou destinés à la vente à des tiers. La Révolution industrielle et l’émergence du système économique capitaliste ont déplacé le travail hors du cadre familial et des fermes vers l’entreprise : les producteurs indépendants sont devenus des employés.

industrie
Activité économique visant la production de biens : agriculture, extraction, manufacture et construction. Le secteur manufacturier est la composante la plus importante.

En raison du progrès technologique dans le domaine de la production assistée par des machines, les biens manufacturés sont devenus moins chers. En conséquence, les textiles et les vêtements produits auparavant dans le cadre familial furent achetés et payés avec les salaires désormais gagnés grâce à l’emploi dans le secteur industriel ou autre forme d’emploi. Le résultat en fut une augmentation durable de l’emploi dans le secteur industriel de l’économie. L’industrie manufacturière est à l’origine de la plupart des emplois dans l’industrie, et les termes « manufacturier » et « industriel » sont souvent utilisés de manière interchangeable.

Les innovations permettant d’économiser de la main-d’œuvre ont également rendu l’agriculture plus productive. En outre, à mesure qu’ils s’enrichissaient, les individus dépensaient une part moindre de leur budget en alimentation. Par conséquent, la part de la population active travaillant dans le secteur agricole s’est effondrée.

Pour nombre d’entre eux, le désengagement de l’agriculture et l’augmentation de l’emploi dans le secteur manufacturier signifiaient une amélioration des opportunités économiques, notamment lorsque les syndicats professionnels et les partis politiques représentant les travailleurs forcèrent les employeurs à améliorer les conditions de travail dans l’industrie.

Cela ne dura pas indéfiniment. La Figure 16.18 montre que, pour la plupart des grandes économies dans le monde, la période d’expansion de l’emploi manufacturier se termina aux alentours du troisième quart du 20e siècle. Tout comme l’industrie avait remplacé l’agriculture comme source principale d’emploi, la production de services plutôt que de biens remplaça l’industrie. Suivez les étapes de l’analyse dans la Figure 16.18 pour observer dans les grandes économies industrielles les phases de croissance et de déclin de l’emploi dans le secteur manufacturier à différentes périodes.

Essor et déclin de la part de l’emploi industriel (1870–2013).
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Figure 16.18 Essor et déclin de la part de l’emploi industriel (1870–2013).

US Bureau of Labor Statistics. 2004. International Labor Comparisons (ILC). Mis à jour le 14 octobre 2004 ; International Labour Association. 2015. ILOSTAT Database ; The Conference Board. International Comparisons of Annual Labor Force Statistics, 2013.

L’emploi quitte le secteur industriel
: Ce processus s’est engagé au Royaume-Uni et aux États-Unis aux alentours de 1950, suivis par le Japon et l’Allemagne environ 20 ans après.
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L’emploi quitte le secteur industriel

Ce processus s’est engagé au Royaume-Uni et aux États-Unis aux alentours de 1950, suivis par le Japon et l’Allemagne environ 20 ans après.

US Bureau of Labor Statistics. 2004. International Labor Comparisons (ILC). Mis à jour le 14 octobre 2004 ; International Labour Association. 2015. ILOSTAT Database ; The Conference Board. International Comparisons of Annual Labor Force Statistics, 2013.

La Corée du Sud s’impose comme puissance industrielle
: Cette domination s’affirma seulement dans le dernier quart du 20e siècle, mais déjà la part de l’emploi industriel en Corée du Sud s’effondrait à la fin du siècle.
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La Corée du Sud s’impose comme puissance industrielle

Cette domination s’affirma seulement dans le dernier quart du 20e siècle, mais déjà la part de l’emploi industriel en Corée du Sud s’effondrait à la fin du siècle.

US Bureau of Labor Statistics. 2004. International Labor Comparisons (ILC). Mis à jour le 14 octobre 2004 ; International Labour Association. 2015. ILOSTAT Database ; The Conference Board. International Comparisons of Annual Labor Force Statistics, 2013.

L’industrie à Taïwan et en Allemagne
: La part de la population active dans le secteur manufacturier est maintenant plus élevée à Taïwan qu’en Allemagne.
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L’industrie à Taïwan et en Allemagne

La part de la population active dans le secteur manufacturier est maintenant plus élevée à Taïwan qu’en Allemagne.

US Bureau of Labor Statistics. 2004. International Labor Comparisons (ILC). Mis à jour le 14 octobre 2004 ; International Labour Association. 2015. ILOSTAT Database ; The Conference Board. International Comparisons of Annual Labor Force Statistics, 2013.

Le secteur manufacturier en Chine
: Contrairement aux autres pays sur le graphique, en Chine, le travail continue à être absorbé par le secteur industriel dans la première décennie du 21e siècle.
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Le secteur manufacturier en Chine

Contrairement aux autres pays sur le graphique, en Chine, le travail continue à être absorbé par le secteur industriel dans la première décennie du 21e siècle.

US Bureau of Labor Statistics. 2004. International Labor Comparisons (ILC). Mis à jour le 14 octobre 2004 ; International Labour Association. 2015. ILOSTAT Database ; The Conference Board. International Comparisons of Annual Labor Force Statistics, 2013.

Comment les économistes analysent le ralentissement de la croissance de la productivité dans les services

La quantité de travail allouée à l’agriculture a décliné dans tous les pays représentés sur la Figure 16.18. Moins d’un travailleur sur 20 dans les pays riches travaille dans l’agriculture. Le récent grand déplacement de l’emploi s’est opéré de la production de biens (manufacturés et agricoles) vers la production de services. Nous savons que la production par heure de travail (productivité) s’accroît plus faiblement dans la production de services que dans la production manufacturière. Cela a deux effets :

  • Un déplacement de l’emploi : produire le même panier de biens et services requiert maintenant relativement moins de main-d’œuvre dédiée aux biens, et plus aux services.
  • Un déplacement de la consommation : les coûts de production des biens ont fortement baissé par rapport aux coûts de production des services, donc les prix des biens ont chuté par rapport aux prix des services. Cela pousse les individus à acheter plus de biens et moins de services qu’ils ne l’auraient fait sinon.

Le premier de ces effets a été plus fort que le second.

Pour comprendre le fonctionnement de ce processus, simplifions et utilisons un modèle dans lequel seul le premier effet a lieu. Nous faisons l’hypothèse que les individus consomment un certain ratio de biens (par exemple, des t-shirts) et services (coupes de cheveux). Ces exemples illustrent bien la raison de la plus lente croissance de la productivité dans les services : faire une coupe de cheveux nécessite à peu près autant de temps aujourd’hui qu’il y a 100 ou 200 ans, mais produire un t-shirt prend beaucoup moins de temps qu’il y a 200 ans (probablement moins d’un cinquième).

La Figure 16.19 montre ce modèle. La quantité totale de travail employé dans l’économie est, par hypothèse, 1 (ce pourrait être un million d’heures par exemple). Si tout ce travail est alloué à la production de biens, une unité de biens est produite. La même chose est vraie pour les services : si tout le travail est alloué à la production de services, alors une unité de services est produite.

La droite rouge continue représente la frontière des possibles, montrant les quantités de biens et de services qu’il est possible de produire étant donné les technologies existantes et la quantité de travail employée. Nous faisons l’hypothèse que le même nombre d’unités de biens et de services sont consommées, de sorte que sur la figure les quantités de services et de biens consommées sont toutes deux égales à une demi-unité à la première période. À la seconde période, la productivité augmente dans l’industrie et reste constante dans les services, ce qui implique que le coût et donc le prix des biens décline par rapport à ceux des services. Suivez les étapes de l’analyse pour voir l’effet sur l’emploi.

Une augmentation de productivité dans la production de biens augmente la part des travailleurs dans les services.
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Figure 16.19 Une augmentation de productivité dans la production de biens augmente la part des travailleurs dans les services.

La frontière des possibles
: La droite rouge en trait continu représente la frontière des possibles et montre les quantités de biens et de services pouvant être produites étant donné les technologies existantes et la main-d’œuvre disponible.
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La frontière des possibles

La droite rouge en trait continu représente la frontière des possibles et montre les quantités de biens et de services pouvant être produites étant donné les technologies existantes et la main-d’œuvre disponible.

Répartition égale entre biens et services
: Nous faisons l’hypothèse que des quantités égales de biens et de services sont consommées : en A, la quantité consommée de chacun vaut 1/2.
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Répartition égale entre biens et services

Nous faisons l’hypothèse que des quantités égales de biens et de services sont consommées : en A, la quantité consommée de chacun vaut 1/2.

Augmentation de la productivité manufacturière
: La productivité du travail dans la production de biens double, tandis qu’elle reste inchangée dans les services. La nouvelle frontière des possibles est représentée par la droite en pointillés.
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Augmentation de la productivité manufacturière

La productivité du travail dans la production de biens double, tandis qu’elle reste inchangée dans les services. La nouvelle frontière des possibles est représentée par la droite en pointillés.

Plus de biens, plus de services
: Si les gens continuent à maintenir un niveau égal de consommation de biens et de services, alors l’économie sera en B, avec une production et une consommation valant 2/3 dans l’industrie comme dans les services.
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Plus de biens, plus de services

Si les gens continuent à maintenir un niveau égal de consommation de biens et de services, alors l’économie sera en B, avec une production et une consommation valant 2/3 dans l’industrie comme dans les services.

Déplacement de l’emploi
: En B, le facteur travail s’est réorienté de la production de biens vers la production de services : 1/3 de la main-d’œuvre produit des biens, tandis que les 2/3 restants produisent des services.
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Déplacement de l’emploi

En B, le facteur travail s’est réorienté de la production de biens vers la production de services : 1/3 de la main-d’œuvre produit des biens, tandis que les 2/3 restants produisent des services.

Le travail s’est déplacé de la production de biens à la production de services. Ce modèle est conçu pour illustrer la raison de ce déplacement. Deux éléments ignorés par le modèle ont en fait réduit le déplacement, et un troisième l’a amplifié :

  • L’augmentation de la productivité dans certains services limite le déplacement : nous avons fait l’hypothèse qu’il n’y avait pas d’augmentation de la productivité dans les services. Mais songez aux types de services dont nous avons parlé dans cette unité, tels le partage de musique ou d’autres formes d’information numérique, où les progrès de productivité ont été importants. Si la productivité dans les services augmentait, alors, dans notre modèle, cela compenserait au moins partiellement le déplacement du travail. Nous verrons juste en dessous, cependant, qu’un large pan du secteur des services dans l’économie consiste en des services comme le soin à la personne, qui ressemblent plus aux coupes de cheveux qu’à la reproduction de musique.
  • La substitution de services par des biens limite le déplacement : nous augmentons la proportion de biens que nous consommons si leur prix relatif diminue. En supposant que le ratio de biens (t-shirts) par rapport aux services (coupes de cheveux) n’a pas changé, nous avons omis ce processus. Il aurait partiellement compensé la baisse de l’emploi dans le secteur des biens.
  • L’augmentation de la demande relative pour les services amplifie le déplacement : nous avons également ignoré la possibilité qu’à mesure que les revenus augmentent, les individus choisissent de dépenser une part plus importante de leur budget dans les services. Souvenez-vous que les services comprennent le tourisme et d’autres formes de loisirs, ainsi que la santé, l’éducation et les soins à la personne, qui peuvent ne pas être payés directement par le revenu disponible des ménages. Cela renforcerait le déplacement du facteur travail vers les services. Nous avons étudié ce phénomène auparavant : il est équivalent au déplacement antérieur de la main-d’œuvre hors du secteur agricole qui s’est produit quand la part des dépenses d’alimentation dans le budget des ménages a fortement diminué.

Cependant, dans les pays où l’on observe un déclin de l’emploi manufacturier par rapport aux services, l’effet net des éléments que nous avons exclus du modèle ne suffit pas à compenser totalement la désindustrialisation de la main-d’œuvre.

Un facteur supplémentaire de complexification provient du fait que certains pays sont importateurs nets, tandis que d’autres sont exportateurs nets, ce qui signifie que de nombreux biens sont achetés dans un pays différent de celui où ils sont produits. Cela permet en partie d’expliquer pourquoi les courbes en bosse de la Figure 16.18 ont des formes différentes pour différents pays. Le commerce international et les possibilités de spécialisation qui en découlent ont accéléré le déclin de la part des emplois manufacturiers dans l’emploi total de certains pays (comme les États-Unis et la Grande Bretagne), mais l’ont retardé dans d’autres (Allemagne, Corée du Sud).

La part croissante de l’emploi dans le secteur des biens en Chine reflète à la fois les forces observées dans d’autres pays devenus riches et la spécialisation de l’économie chinoise dans le secteur manufacturier d’exportation. La rubrique Einstein à la fin de cette section illustre la logique derrière la Figure 16.19 et analyse le résultat d’une augmentation de la productivité dans la production de biens.

Einstein Comment une croissance plus rapide de la productivité dans la production de biens peut déplacer l’emploi des biens vers les services

Cette section Einstein explique la logique qui sous-tend la Figure 16.19 et explique pourquoi une augmentation de la productivité dans la production de biens conduit à un transfert de l’emploi vers les entreprises qui produisent des services. Nous notons λs la productivité du travail dans les services. Ainsi λsQs/Ls, la quantité de services divisée par la quantité de travail utilisée pour les produire. Dans notre modèle, l’équation suivante est vérifiée :

  • λsLsQs : la productivité du travail dans les services multipliée par la quantité de travail dans les services est égale à la quantité de services produite.
  • QsQg : la quantité de biens produite doit être la même que la quantité de services produite. Ce n’est pas toujours vrai, mais c’est ainsi que nous raisonnons dans notre modèle.
  • Qg = λgLg : la quantité de biens produite est égale à la productivité du travail dans la production de biens, multipliée par la quantité de travail employée à la production de biens.

Nous pouvons maintenant égaliser le premier et le dernier terme de l’équation ci-dessus afin d’obtenir une expression de la quantité de travail qui doit être employée dans les deux secteurs, étant donné les productivités dans chacun, s’ils produisent une quantité égale :

Nous réécrivons alors cette équation en utilisant le fait que la quantité totale de travail dans les deux secteurs se somme à 1 :

Nous réarrangeons ensuite l’équation en utilisant les premier et dernier termes pour obtenir une expression de la quantité de travail utilisée dans la production de services :

Sur la figure, la productivité de chaque secteur était de 1, donc la quantité de travail employée dans le secteur produisant des biens était 1/2. Quand la productivité du travail dans la production de biens double :

Il s’agit de la part du travail allouée à la production de services après une augmentation de la productivité du travail employé à la production de biens.

Question 16.11 Choisissez la ou les bonnes réponses

La Figure 16.18 est un graphique représentant la part de l’emploi dans l’industrie manufacturière pour différents pays.

En vous servant de ces informations, lesquelles des affirmations suivantes sont correctes ?

  • La part de l’emploi industriel a baissé dans tous les pays représentés.
  • Le déplacement de l’emploi hors du secteur industriel a commencé au Royaume-Uni et aux États-Unis autour des années 1950.
  • La part de l’emploi total dans le secteur industriel a toujours été plus élevée au Royaume-Uni qu’aux États-Unis.
  • La proportion d’emplois dans le secteur industriel est désormais plus élevée dans les pays d’Extrême Orient qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis.
  • Ce n’est pas vrai de Taïwan, ni de la Chine.
  • Ce sont effectivement ces pays qui ont connu en premier le déclin de la part de l’emploi industriel.
  • La courbe du Royaume-Uni se trouve effectivement toujours au-dessus de celle des États-Unis.
  • L’Allemagne présente toujours une part d’emploi industriel supérieure à celle du Japon ou de la Corée du Sud.

16.12 Salaires et chômage à long terme

Nous avons appris que les économies nationales diffèrent non seulement par leur vitesse d’ajustement aux opportunités offertes par le changement technologique et d’autres changements de contexte, mais également par les niveaux de salaires et d’emploi qu’elles peuvent maintenir à long terme.

Ces derniers dépendent de nombreuses caractéristiques des économies que nous avons analysées dans les unités précédentes. La Figure 16.20 résume les déterminants du taux de chômage et du taux de croissance du salaire réel et indique les unités dans lesquelles ces concepts sont abordés.

La Figure 16.21 reprend la Figure 16.20 en indiquant les institutions et les politiques publiques qui peuvent avoir une incidence sur la croissance des salaires réels et le taux de chômage.

Déterminants du taux de chômage et du taux de croissance des salaires réels à long terme
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Figure 16.20 Déterminants du taux de chômage et du taux de croissance des salaires réels à long terme.

Les institutions, les politiques publiques et les chocs qui peuvent influer sur le chômage et les salaires réels
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Figure 16.21 Les institutions, les politiques publiques et les chocs qui peuvent influer sur le chômage et les salaires réels.

16.13 Conclusion

Le chômage est une défaillance de marché : cela signifie qu’il existe des gens souhaitant travailler au salaire en vigueur sur le marché, mais qui ne parviennent pas à trouver d’employeur. La destruction d’emploi est une constante des économies capitalistes dans lesquelles des changements technologiques tendent à faire croître la productivité et faire perdre leur emploi à certains travailleurs. Mais une économie performante présentera également un haut niveau d’investissement de manière à garantir que des emplois se créent au moins aussi vite qu’ils sont détruits.

S’assurer que l’investissement des entreprises se porte à la fois sur le progrès technique et sur la création d’emplois est l’un des problèmes d’incitation essentiels d’une économie capitaliste. L’autre enjeu est de faire en sorte que les travailleurs soient incités à produire suffisamment d’effort pour accomplir leurs tâches. Nous avons analysé ces incitations en utilisant la courbe des prix et la courbe des salaires, qui montrent respectivement le salaire maximum qu’une entreprise peut payer tout en restant sur le marché et le salaire minimum compatible avec un effort suffisant de la part des travailleurs.

La principale différence entre les économies les plus performantes et les retardataires réside dans le fait que dans les économies très performantes, les institutions et les politiques publiques fonctionnent de façon à ce que les principaux acteurs soient incités à augmenter la taille du gâteau, plutôt qu’à gaspiller des ressources en se disputant au sujet de la taille de chaque part.

Concepts introduits dans l’Unité 16

Avant de continuer, revoyez ces définitions :

16.14 Références bibliographiques

  1. Eric Hobsbawm and George Rudé. 1969. Captain Swing. London: Lawrence and Wishart. 

  2. Jeremy Rifkin. 1996. The End of Work: The Decline of the Global Labor Force and the Dawn of the Post-Market Era. New York, NY: G. P. Putnam’s Sons. 

  3. John Habakkuk. 1967. American and British Technology in the Nineteenth Century: The Search for Labour Saving Inventions. United Kingdom: Cambridge University Press. 

  4. Richard R Nelson and Gavin Wright. 1992. ‘The Rise and Fall of American Technological Leadership: The Postwar Era in Historical Perspective’. Journal of Economic Literature 30 (4) (December): pp. 1931–1964. 

  5. Natasha Singer. 2014. ‘In the Sharing Economy, Workers Find Both Freedom and Uncertainty’. The New York Times. Mis à jour le 16 août 2014. 

  6. Michael Burda and Jennifer Hunt. 2011. ‘The German Labour-Market Miracle’. VoxEU.org. Mis à jour le 2 novembre 2011. 

  7. Vincent Sterk. 2015. ‘Home Equity, Mobility, and Macroeconomic Fluctuations’. Journal of Monetary Economics (74): pp. 16–32. 

  8. David G Blanchflower and Andrew J Oswald. 1995. ‘An Introduction to the Wage Curve’. Journal of Economic Perspectives 9 (3): pp. 153–167. 

  9. Samuel Bentolila, Tito Boeri, and Pierre Cahuc. 2010. ‘Ending the Scourge of Dual Markets in Europe’. VoxEU.org. Mis à jour le 12 juillet 2010. 

  10. John Maynard Keynes. 1923. A Tract on Monetary Reform. London, Macmillan and Co. 

  11. EconTalk. 2016. ‘David Autor on Trade, China, and U.S. Labor Markets’. Library of Economics and Liberty. Mis à jour le 26 décembre 2016.

    Autor, David, and Gordon Hanson. NBER Reporter 2014 Number 2: Research Summary. Labor Market Adjustment to International Trade

  12. Adrian Wooldridge. 2013. ‘Northern Lights’. The Economist. Mis à jour le 2 février 2013.

    Torben M Andersen, Bengt Holmström, Seppo Honkapohja, Sixten Korkman, Hans Tson Söderström, and Juhana Vartiainen. 2007. The Nordic Model: Embracing Globalization and Sharing Risks. Helsinki: Taloustierto Oy. 

  13. Vous pouvez en apprendre davantage quant au rôle des institutions sur le chômage en Europe dans ces articles.
    Olivier Blanchard and Justin Wolfers. 2000. ‘The Role of Shocks and Institutions in the Rise of European Unemployment: The Aggregate Evidence’. The Economic Journal 110 (462) (March): pp. 1–33.
    David R Howell, Dean Baker, Andrew Glyn, and John Schmitt. 2007. ‘Are Protective Labor Market Institutions at the Root of Unemployment? A Critical Review of the Evidence’. Capitalism and Society 2 (1) (January). 

  14. Stephen Nickell and Jan van Ours. 2000. ‘The Netherlands and the United Kingdom: A European Unemployment Miracle?’ Economic Policy 15 (30): pp. 136–180.